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  • Pour tout dire (97)

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    À propos d'Ella Maillart et de nos transits temporels. De l'essai toujours différé de capter le TOUT DIRE du profond aujourd'hui. Du genre approprié à l'expression de l'impression, etc.
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    Quand on lui demandait l'heure qu'il était, Ella Maillart répondait: il est maintenant. Or maintenant que Pâques se lève sous un ciel de tout le temps, je retrouve mes notes prises à La Nouvelle-Orléans le lendemain du Nouvel-An de mes 33 ans, une année pile avant de retrouver un flirt de nos dix-huit huit ans, ma bonne amie, alias Lady L., que je ne quitterais plus jusqu'en ce jour où nous bouclons nos valises pour rejoindre, en Californie, la première de nos deux infantes qui avait trois mois à la mort de mon père il y a de ça 33 ans et des poussières - mais comment dire tout ça dans le transit temporel chahuté de nos vies ?
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    À La Nouvelle-Orléans, en janvier 1981, j'avais débarqué du Texas ou j'étais allé prononcer, le temps imparti de 33 minutes-pas-une-de plus, un éloge de l'œuvre immortelle, quoique méconnue en ce désert urbain de Houston, du sublime Charles-Albert Cingria, et j'ai noté l'odeur un peu sucrée, avec une touche de cinnamon et de fraîcheur chlorophyllée me rappelant le chewing-gum de notre adolescence, qui flottait sur le macadam spongieux du downtown élançant ses prodigieux buildings au milieu de la steppe texane à buissons barbelés et coyotes fuyants; mais une autre odeur s'imposait dans les rues de New Orléans ce premier jour de l'an mal débarbouille des beuveries de la veille à l'alcool blanc, puis il me fallut 13 ans pour l'évoquer dans l’espèce de prose fuguée d’un livre intitulé Par Les temps qui courent, lyriquement sous-intitulée Nus et solitaires nous sommes en exil - et comment dirai-je demain le profond aujourd'hui ?
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    L'exercice de la notation , autant que le journal intime où les carnets volants, est le plus souvent tenu pour un art mineur, mais comment ne pas voir que tout part de ces traces de mains aux parois de Lascaux ou d'Altamira, me disais-je hier en (re)lisant les pages des Jeunes filles en fleur ou le peintre Elstir raconte, dans son atelier plein de ses marines, ce que dit vraiment le porche roman de l'humble église de Balbec si mal observée par son jeune interlocuteur, et les pages consacrées à ce début de temps retrouvé constituent l'exemple même de l'exercice d'attention auquel j'entends me plier en déployant mon effort d'échapper aux clichés qui ne disent rien.
     
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    Nous débarquerons demain à San Diego, dont le nom rappelle la colonisation catholique de la Côte ouest , et nous passerons notre première nuit en vue du port militaire plus que jamais en exercice, non sans penser aux nouveaux dangers que laisse craindre, plus qu'au temps de l'intronisation du cow-boy californien, le nouvel Ubu de la ploutocratie impériale; cependant nous nous réjouissons de vivre l'aujourd'hui de demain en notre fugace temps humain...
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    J'avais 33 ans cette année-là et je prenais au stylo des notes que je recopiais sur mon Hermès Little Boy a capot cabossé, sans imaginer qu'un jour nous skyperions et grappillerions nos impressions sur nos smartphones avant de les balancer sur le Nuage.
    Mais voici qu'il est maintenant et que nous continuons de laisser venir l'immensité des choses, etc.
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  • Pour tout dire (96)

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    À propos du voyage et de mon manque initial de savoir-voyager. Que partir est un cauchemar et que rester m'ennuie. De l'état chantant en tout lieu et en tout temps. De la peste touristique, etc.


    Je me suis dit cette nuit en subite lucidité d'insomnie, entre trois et quatre heures du matin, que jamais je n'aurai vraiment aimé le voyage. Voyager est assommant. La vogue actuelle des récits de voyage m'insupporte presque autant que l'irruption d'un paquebot américain dans la lagune vénitienne, et je me suis rappelé cette nuit que jamais je n'aurai vraiment su voyager faute d'oser aborder les gens et de me décarcasser sans argent.

    Il y a plus de cinquante ans que je me joue la comédie d'aimer ça mais à présent ça suffit: je vais donc essayer vraiment de noter ce que je ressens sans exagérer ni dans le sens de l'exaltation ni moins encore dans celui de la déploration morose, juste dire ce qui est et comment c'est, juste se rappeler ce qui a été et comment cela n'en finira qu'à la fin du tour du jardin.

     

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    Une certaine année, notre père a constaté qu'il ne pourrait plus désormais faire le tour de son jardin, et ce fut ensuite comme s'il s'éloignait de nous et de lui-même, sans un mot pour l'exprimer, mais je revois son regard et son silence me parle toujours.
    Je me rappelle aussi leurs voyages de retraités en divers pays lointains, malgré sa maladie à lui, ses multiples opérations et ses angoisses à elle, curieux d'Italie ou de lointains mexicains, remuant leurs vieilles nageoires dans les lagons ensoleillés des Antilles ou les baignoires de boue israéliennes, ne dédaignant ni les groupes ni les troupes et revenant fatigués mais heureux, selon leur expression, comme des milliers et des millions de voyageurs organisés que pour ma part j'ai toujours fuis.

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    Ce qu'il y a de pire dans le voyage c'est de voyager seul, mais voyager à deux n’est souvent qu’un enfer augmenté. Voyager seul, quand on ne sait pas bien s'y prendre, relève au départ du cauchemar angoissant, car il faut partir et l'on fait mine à soi-même de s'en réjouir, après quoi ce ne sont que tracas jusqu'au moment où l'on a posé ses affaires et qu'enfin l'on se retrouve là, peu importe où, que ce soit en Andalousie ou au Japon, dans ce pub de Sheffield où sur les crêtes de haute Toscane, et là c'est comme partout : je suis chez moi comme partout et je ne suis plus que reconnaissance devant cela simplement qui m'attendait en silence. Et dans cet état chantant voyager seul, à deux ou plus si affinités, redevient une grâce...

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    Je décrie le tourisme en cela qu'il est le contraire du voyage quand il se fait à la masse. Le Grand Tour de jadis était une découverte de chaque jour, et lente, et fervente, tandis que l'évasion de la meute est invasion distraite et pillage d'images et simulation festive ou festivalière - à vomir de plaisir.
    Bref, le TOUT DIRE du voyage sera poétique ou n'a jamais été. Voyager autour de sa chambre, autour du jardin, ou faire la tournée des planètes revient ainsi du pareil au même, etc.

     

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