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  • Ceux qui nous pompent l'air

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    Celui qui te raconte une fois encore son opération / Celle qui ne fait que passer et s’incruste un siècle et demi / Ceux qui ont toujours une cata à raconter au Courrer du cœur / Celui qui te téléphone chaque fois qu’il se rappelle ton utilité / Celle qui est prête à t’expliquer son recueil de poèmes ésotériques /  Ceux qui ne lâchent jamais prise / Celui qui fait surveiller l’avocat de son ex / Celle qui surveille la consommation de Martini de son beau-père Alfred / Ceux qui sont au courant des rabais pour seniors / Celui qui tient la jambe de l’acrobate hédoniste / Celle qui te demande de veiller sur son cobra pendant la Toussaint / Ceux qui demandent à leurs ex de rester discrètes / Celui qui envoie ses témoins à Jéhovah / Celle qui remonte les bretelles du diacre naturiste / Ceux qui se rendent insupportables à force de prévenance absolument désintéressée / Celui qui remercierait son supérieur de le tancer si tant est que son supérieur le tançât / Celle qui te reproche l’inconduite de ta nièce alors que sa sœur à elle suit les traces de votre cousin olé olé / Ceux qui prétendent que les Islandais manquent de tonus sexuel alors que des chercheurs américains ont établi les conséquences du voisinage des volcans sur le système hormonal moyen / Celui qui a rencontré ce Monsieur Météo dont on parle en Allemagne et qui dansait  sur une piste balinaise avec un parapluie jaune / Celle qui a pris des leçons chez Lassie chien fidèle puis est partie avec un éleveur de visons / Ceux qui avaient 30 millions d’amis à la télé et seulement trois cents sur Facebook / Celui qui se fait fort de publier des livres littéraires et gourmands à la fois plus une certaine touche spirituelle enfin tu vois quoi / Celle qui t’envoie des compliments en espérant visiblement que tu fasses pareil mais te fatigues donc pas Mireille / Ceux qui sont toujours en train de monter un coup fumant sur le trottoir / Celui qui fixe la Top de 67 ans qui dorlote son gigolo en lui évoquant ses années Dior / Celle qui préfère les mensonges de ses gigolos les plus cupides aux vérités de son miroir méchant miroir / Celui qui te rappelle pour t’enjoindre de ne plus le rappeler / Celle qui ne trouve pas la sortie de la morgue et y passe donc la nuit sans pyjama / Ceux qui rentrent chez eux par la petite porte / Celui qui remonte la pente à reculons / Celle qui écrit à Monsieur Météo qu’il est son rayon de soleil même quand il pleut / Ceux qui restent optimistes en dépit de la nouvelle bactérie du concombre, etc.

    Image : Philip Seelen 

     

     

  • Chemin faisant (11)



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    Dans le bleu. – On sait que c’est au Baron d’Erlanger, peintre délicat, que Sidi Bou Saïd doit le dominion établi de son bleu, sans pareil au monde si l’on excepte quelque ruelle ou quelque place de Séville ou des Cyclades, mais un tel ensemble, ici, du blanc chaulé et de cet extrême azur que surexaltent le violet ou le rouge et le blanc des bougainvillées et du jasmin, me paraît unique absolument, qui dépasse le pittoresque et le pictural pour devenir peinture sculptée ou architecture rêvée par un géomètre poète de la vraie races des bâtisseurs anonymes pour lesquels la beauté relève d’une seconde nature. On en reste sans voix.
    Or, à ce bonheur avéré s’ajoute ces jours celui de voir les terrasses, au soir venant et à la nuit se faisant lentement sur la baie, occupées par des Tunisiens de tous âges et semblant goûter la jouissance du lieu plus tranquillement, au lieu de la meute ordinaire des roumis en pantelants troupeaux - et la nuit vient, on savoure son thé de menthe les yeux perdus jusqu’au Mont de Plomb, de l’autre côté des eaux scintillantes; et les amis s’attarderont longtemps encore à poursuivre sans discontinuer leur débat sur la vie qui va dans ce pays tout occupé de soi…

    59f8da5f-38a1-43af-b395-2ee507434262.Medina_Tunis_Tunisia.jpgBigarrures de la Médina. – Avant cela nous nous étions perdus à travers la médina, dans la houle canalisée de la foule entre les hauts murs à loggias et moucharabiehs, étourdis par la touffeur des odeurs sucrées et des beignets, des parfums, des narguilés, et dans cette boutique où je m’étais arrêté pour faire l’achat d’une sacoche de cuir utile à l’attirail du plumassier, le prénommé Brahim, tout avenant avec sa dent manquante lui donnant quelque chose de médiéval, avait sorti son briquet pour me prouver que ce cuir-là n’était pas du vulgaire skaï et valait donc son pesant de dinars, et j’avais réduit sa mise de moitié, sur quoi Brahim m'ayant demandé quel avenir je voyais à son pays, je lui répondis comme au jeune douanier me le demandant pareillement à notre débarquement : mais mon gars c’est ton affaire et je te la souhaite toute bonne !

    zoo-du-belvedere.jpgLa sieste du tigre. - De la progression des salafistes et du ramadan prochain dont le parti religieux pourrait tirer profit politique, du sort de la Banque islamique ou de la déconvenue liée au nouveau Pacte républicain, le tigre du zoo du Belvédère ne semble point se préoccuper le moins du monde, mais qui oserait lui parler de liberté à celui-là !
    Nous avons subi cet après-midi la morgue de la lionne et le dédain du cerf de l’Atlas, le regard plus doux et plus triste à la fois du Mouflon à manchettes et, sur leur rocher, les crânes mimiques de défi des babouins, nous avons vu le rhinocéros se tourner très lentement à notre arrivée pour ne plus nous montrer que son formidable derrière blindé – nous avons perçu l’humeur plombée par la chaleur des encagés, et je me suis rappelé alors ce paragraphe de Rien que la terre de Paul Morand où tout est dit de cette confrontation: « Je rêve d’un pacte de sécurité entre l’homme et les animaux, où chacun cessant d’obéir à la loi de la jungle, s’engagerait à se respecter en s’aimant ; où les tigres, comme des frères, viendraient à Singapore se faire soigner les dents par le dentiste japonais ou épiler les moustaches par le coiffeur chinois, iraient au besoin se faire admirer dans ces jardins zoologiques qui seraient comme d’accueillants hôtels, puis rentreraient librement chez eux dans la forêt équatoriale. Mais comment leur cacher que les hommes mangent de la viande ? »