UA-71569690-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Ceux qui évitent l'affrontement

    PanopticonB104.jpg

    Celui qui s’impatiente de ne pas voir sa fille briller comme lui au même âge / Celle qui a toujours eu peur des ricanants / Ceux qui ont opinion sur rue et pas question de les contredire / Celui qui demande juste aux jumeaux de citer Heidegger correctement à table quand on reçoit Philippe et Julia / Celle qui n’a pas supporté que sa mère rie d’elle devant ses amies du Groupe de Conscience Nelson Mandela / Ceux qui se gaussent de celles qui n’ont pas d’agrégation de philo ou autre brevet d’excellence AAA / Celui qui a été banni de Facelook pour une phrase inappropriée à propos des vandales de banlieues / Celle qui a toujours redouté le ton péremptoire de son beau-père psy quand il enjoignait sa mère de mieux la gérer au niveau du verbal / Ceux qui parlent de précarité avec leurs amis Dulaurier de Segonzac / Celui qui ne cédera pas à l’unanimité à bon compte de ceux qui le jugent par ouï-dire / Celle qui serait censée s’intéresser aux autres conformément à l’éthique altruiste de son père philosophe de plateau sur BTFM alors qu’elle ne s’occupe que de son conjoint ingénieur de gauche et de leurs enfants / Ceux qui sont restés très modestes et le font sentir à leur bonne somalienne qui se le tient pour dit / Celui qui a mis en garde ses voisins de la Résidence Mireval contre l’immigration massive perceptible à l’apparition de vigiles de couleurs dans ce quartier jusque-là préservé / Celle qui ne se prononce pas sur le niveau d’éducation de ses neveux dont le père à quinze ans déjà frayait avec des techniciens de surface / Ceux qui sont priés de se la coincer pendant que l’ami de leurs parents formule son jugement sur le Coran qu’il a étudié « dans le texte » / Celui qui a laissé sa fille s’enfoncer dans son trou d’abandon au motif qu’elle ne voulait pas travailler le senti réciproque de leur vécu relationnel / Celle qui a toujours perçu l’extrême violence d’un certain discours intellectuel modulé de la même voix très douce que celle des prêtres et des psys / Ceux qui ont essayé d’imposer la lecture de La Domination de Pierre Bourdieu à leur fille insoumise / Celui qui convoque ses enfants à une heure précise pour leur dire que ça ne peut plus se faire d’arriver en retard à leurs discussions ouvertes sur le ressenti convivial en famille / Celle qui craint d’être atteinte par les certitudes de sa voisine juge pour enfants et fidèle en ménage / Ceux qui mettent le sujet sur la table et le regardent en parlant de l’objet du litige / Celui qui reproche surtout à ses enfants de ne rien lui reprocher / Celle qui essaie de s’y retrouver entre ses deux pères attendant sa majorité pour faire leur coming out /Ceux qui hésitent à casser le morceau dont les débris risquent de leur rester en travers de la gorge et autres dommage collatéraux / Celui qui s’inquiète de constater l’indifférence de sa bru à la question du réchauffement climatique la concernant plus que lui vu leur âge respectif / Celle qui compare les sous-entendus idéologiques de son beau-père à des émanations de méthane en zone arctique / Ceux qui ne s’affrontent jamais que dans le déni / Celui que sa timidité a toujours tenu à l’écart où il est resté ensuite par nonchalance / Celle qui n’évite aucun affrontement dans le couvent où tout finit par se savoir / Ceux qui ont fait carrière dans l’art de s’affronter par évitement jusque dans la Chambre où ils restent très écoutés /Celui qui compte les coups d’épée dans l’eau de C dans l’air / Celle qui ne comprend pas que les violents aiment ça point barre / Ceux qui par expérience récente évitent les nids de frelons, etc.

    (Cette liste résulte (en partie) de la lecture d’Autopsie d’un père, nouveau roman de Pascale Kramer paru ces jours chez Flammarion)