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  • Jean Prod'hom l'orpailleur

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    Jean Prod’hom, l’auteur de Marges, sera l’hôte ce jeudi soir du Café littéraire de Vevey, dès 19h.

    Jean Prod’hom est un promeneur solitaire attaché à notre terre et à ses gens, un rêveur éveillé, un grappilleur d’émotions, un poète aux musiques douces et parfois graves, un roseau pensant(sur l’époque) et un chêne pensif (sur nos fins dernières).  

    Un an après la parution (chez Autrepart) de Tessons, recueil d’éclats sauvés d’un paradis pas tout à fait perdu, ses Marges confirmentl’évidence que « l’inouï est à notre porte ».


    Unknown-2.jpgJean Prod’hom n’a rien du lettreux né coiffé promis à briller sur la scène littéraire,selon l’expression débile des temps qui courent. Il est plutôt, à la base, du type pas vraiment sûr de lui qui n’arrivait pas, enfant ou adolescent, à satisfaire le besoin d’originalité (sic) de ses enseignants. C’est par lui-même, aussi bien, qu’il a renoncé à la prétendue originalité (resic) pour se trouver lui-même, peut-être « à l’occasion d’une rêverie », et trouver sa voie et sa voix, telle qu’unique, mais toujours hésitante et parfois contrainte, elle s’exprime au fil de ces Marges. 

    Et le moyen d’y parvenir plus précisément : « Il convient peut-être de rester modeste en la circonstance et de se contenter, plume à la main, de ce qui est là jour après jour, là, sous nos yeux, le ciel d’opale, le chant du coq ou ce rayon de bibliothèque sur lequel des livres aux habits d’Arlequin, blottis les uns contre les autres, se tiennent compagnie jour et nuit pour dessiner l’arc-en-ciel dela mémoire des hommes, avec la conviction que l’inouï est à notre porte ».  

    Les textes consignés dans ces Marges, choisis par l’éditeur Claude Pahud qui revendique une sélection subjective – et fort bien équilibrée me semble-t-il dans l’alternance des tons et des couleurs, entre poids du monde et chant du monde -, sont le plus souvent brefs, n’excédant jamais trois pages, mais se donnant comme une suite d’évocations ou d’esquisses narratives - comme autant de variations sur les thèmes de la nature (comme Roud et Jaccottet, Chessex ou Chappaz, Jean Prod’hom participe bel et bien ce que qu’on peut direl’âme romande, sans forcer sur le spiritualisme éthéré, dans le sillage de la 5Promenade du Rousseau rêveur) prolongée sous les arbres ou le long desruisseaux, mais aussi sur l’éducation, les occurrences sociales, l’apprentissage du métier de vivre, l’amitié, son entourage, la vie enfin comme elle va ou ne va pas.

    Avant lui, Charles-Albert Cingria s’émerveillait devant« cela simplement qui est », et ce peut être un événement apparemment infime comme celui de ramasser un éclat de porcelaine : « Sandra trouve un tesson, les rochers des Mémises montrent leurs dent d’or, la Savoie est comme une île ». Ou ce peut-être le ballet étrange, lui aussi banal au possible mais vu comme jamais, d’une petite fille s’attachant à nouer ses lacets.

    Ou encore, sur le bord de mer volcanique de Pouzzoles,dans cette Italie nirradiée et pourrie qu’a décrite Guido Ceronetti et qui continue de nous être si chère :« On descend jusqu’au port de Pozzuoli avec devant nous un bout du cap Misène, impossible d’aller jusqu’à Procida et d’en revenir avant le soir, on se rabat sur le front de mer qui ressemble à celui de Mani sulla città, mosaïquede sacs-poubelles, baignades interdites, horizon glauque, odeurs douteuses, plages jonchées de restes de la cuisine du monde, maisons abandonnées, immense catastrophe à laquelle les habitants de Campanie semblent se faire »…      

    IMG_0614.jpgSouvenirs d’une enfance lausannoise de sauvageon du côté des hauts du Valentin, flâneries dans l’arrière-pays vaudois dont les noms s’égrènent comme une litanie parfois exotique (ainsi que le relève le Tourangeau François Bon), vacillements (« je tremble de rien, je tremble de tout ») et riches heures (Boules à neige, À l’ombre du tilleul) constituent un kaléidoscope enrichi par le contrepoint d’images photographiques aux cadrages et aux teintes, ou aux tons, filtrant elles aussi certaine rêverie douce.


    Unknown-1.jpgMiracle d'actuelle époque: ce trésor de sensibilité a été tiré d’un blog (lesmarges.net) par l’éditeur Claude Pahud, enfin éclairé par une fraternelle postface de François Bon, d’une seule coulée de quatre pages de notations difficiles à isoler, mais on cite: « il y a de la tragédie et il y a des soleils, il y a partout l’attention aux autres et l’écart où l’on est toujours avec les autres, on ne serait pas soi-même (ou soi-même en permanente construction ) sinon / il y a surtout ce renversement des jours dans la langue : comment la langue pourrait se construire, sinon ou autrement – c’est la vieille tâche de la littérature, ce qui la rend indivisible, ce n’est pas la question du poème ou du roman, de l’essai ou du joirnal, c’est simplement ce lancer des mots dans le monde qui permet de les éprouver à eux-mêmes / et tout cela encore exacerbé de nous venir de ce si beau pays où montagnes, lacs et bois sont toujours un paysage avant l’horizon, où certaine stabilité donne poids et aux hommes et aux mots », etc.

    Jean Prod’hom, Marges. Antipodes, 164p.Introduction de Claude Pahud. Postface de François Bon.

    Jean Prod’hom au Café littéraire. Vevey, Quai Perdonnet, ce 19 novembre,dès 19h.

  • Ceux qui serecueillent

    littérature

    Celui qui ne faisait que passer par là / Celle qui allait sortir du Bataclan tellement Kiss the Devil la faisait gerber / Ceux qui  n'ont pas eu  le temps de se filmer / Celui qui dans le Daily Mail assimile tous les migrants à des rats / Celle qui trouve de l'humour  à cette caricature abjecte vu qu'on peut rire de tout ah, ah / Ceux que les dessins de Charlie-Hebdo font à présent vomir mais ce n'est pas d'hier / Celui qui à 25 ans s'est fait exploser drogué à mort pour des ordures qui se disent solidaires de la France éternelle / Celle qui rappelle que ce qu'on ne peut dire on le tait / Ceux qui traitent de sous-hommes ceux qu'ils n'ont cessé d'humilier en se prétendant supérieurs /Celui qui a tout perdu sous les bombes humanitaires / Celle qui campe sous les ruines de la maison de son beau-fils actuellement en Belgique / Ceux qui reçoivent des couvertures et du lait condensé de la part de braves gens non identifiés / Celui qui donne son gilet pare-balles à une jeune femme enceinte / Celle qui n’a plus même de haine en elle / Ceux qui espèrent que le carnage du Bataclan  va relancer le tourisme loin des banlieues / Celui qui embrasse soudain la cause du Hezbollah / Celle qui a pleuré en lisant  l’oraison funèbre de l’écrivain David Grossman à son fils Uri tué  sur le front du Liban mais n'en pense pas moins aujourd'hui des fachos orthodoxes israéliens / Ceux qui pensent que les ennemis des deux camps ont fait un pas de trop  / Celui qui peint la nuit des chevals bleus / Celle qui te fait remarquer qu’on ne dit pas chevals mais chevaux / Ceux qui sont à chevaux sur les principes grammaticals / Celui qui rêve d’apprendre l’hébreu pour lire Seule la mer d’Amos Oz dans le texte / Celle qui estime que son élevage de kinkajous la rend tout aussi intéressante que l'incantation de Madonna au soir du vendredi 13 / Ceux qui aiment se promener nus sous la pluie / Celui qui revient à Rabelais et Montaigne ou reprend avec L. ses balades dans les grands bois pensifs / Celle qui ne se fera jamais (dit-elle) aux émanations d’ammoniac / Ceux qui s’aiment sans s’être jamais vus / Celui qui trouve plus de grâce à un sapajou qu’aux fauteurs de haine hurlant d'Allah est Akhbar  / Celle qui s’estime trop romantique pour faire l’acquisition de la bicyclette électrique que lui recommande son beau-frère Jean-Paul / Ceux qui ne sont pas loin de penser que le représentant en bicyclettes électriques Jean-Paul Dumortier n’est qu’un blaireau / Celle qui photographie les ébats nocturnes des putois / Ceux qui lisent Joël Dicker traduit en islandais / Celui qui s’enduit de graisse d’otarie / Celle qui rêve de s’établir en Appenzell Rhodes-extérieures pour l’amour d’un luthier slovène / Ceux qui aiment jouer de la clarinette dans les hauts bois, etc.