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  • Chemin faisant (50)

    Ciel01.png Ciels de mer.-

    Les ciels de mer sont à peindre en ces jours changeants. Les grands nuages blancs comme amoncelés, présages d'été, du côté de l'arrière-pays des Corbières, semblent attendre on ne sait quoi, pas menaçants mais non moins présents, immobiles, faits pour être peints à la gouache plus qu'à l'aquarelle; ou alors celle-ci bien plastique, bien à-plat dans les blancs arrondis du cumulus affirmé, ensuite avec des nuances de gris qui feraient pressentir le possible mouvement prochain. On connaît les ciels bretons de Boudin, mais je ne sais aucun peintre de ciels languedociens chargés de grands nuages barrant ainsi le ciel de terre vers les Pyrénées, tout autrement évidemment qu'en Beauce, à Combrai ou dans l'arrière-pays vaudois - et moins encore de metteur en scène pictural de ce qui se prépare à l'instant de l'autre côté, tandis que la tramontane se lève sur les dunes dans le ciel, là-bas, vers le mont Saint-Clair, au-dessus de Sète. Ciel02.jpgEnsuite on a donc découvert, comme un fait accompli, ce ciel noir du soir à traînées oranges virant au rouge sombre par imperceptibles pression de doigts invisibles. Le photographe allait pour sauter sur son appareil, non sans pressentir que rien ne serait retenu à temps de cette apparition de lourdes panses d'ânesses groupées et vues de dessous, et leurs veines de sang - tout ce magma d'un instant presque dramatique au-dessus d'un deuxième arrière-ciel encore très bleu presque doucereux, pour ainsi dire pervenche, que le peintre éventuel tâchera de se rappeler alors que le tableau se fait bientôt noir... Blues02.jpg

     

    Blues hors d'âge. - Au coeur de la nuit marine il y eut, plus tard, sur un écran de laptop parmi d'autres, cette remontée dans le temps à trois accords et douze mesures du blues noir redécouvert dans les sixties par les youngsters britiches qui feraient revivre les fameuses bandes plus ou moins occultées, aux States d'après-guerre, des BB. King et autres Muddy Waters. Or j'ai repensé, toutes proportions gardées s'entend, à notre belle aventure récente des parrains et poulains littéraires en découvrant, dans ses grandes largeurs et langueurs cinglantes, ce film de Mike Figgis rassemblant, quarante ans après, les jeunes bluesmen anglais de naguère à la John Mayall, Eric Clapton, Tom Jones ou Van Morrison, et ces mythes survivants qu'ils avaient contribué à ramener à la lumière, tels Otis Redding ou Nina Simone. Ce que je me dis alors c'est qu'un écrivain de 20 ou de 120 ans ne m'intéresse vraiment qu'à proportion de la goutte de miel noir qu'il y a dans ce qu'il écrit, que je reconnais comme celle précisément, de ce qu'on appelle le blues. Toutes et tous, à la fin de Red White & Blues, ils s'ingénient, d'ailleurs, à dire ce qu'est pour eux le blues au fond du fond: disons la vérité dite vraiment de la vraie vie, ou le feeling le plus pur, la rage et la mélancolie mêlées, le malheur exorcisé, le quotidien qu'on transfigure - enfin quoi l'émotion filtrée par trois accords et sur douze mesures que cherchait à sa façon le bluesman destroy par excellence qu'était ce sale type de Céline.. Blues07.jpg

     

    De la grâce. - Enfin ce même soir m'est arrivée, par courriel côtier des hauts de Toulon, cette bonne missive d'un des rares scribes bluesy de mes âges, auteur d'ailleurs du roman Blues et de cantilènes aux mémoires de Miles ou de Billie Holiday, tout récemment de la formidable Saison sabbatique et qui, en notre jeune temps, fut l'un des seuls storytellers de moins de trente ans à m'enchanter durablement avec Le Buffet de la Gare et La couleur orange, plus tard avec ses incomparables récits des Jours de vin et de roses - ce sacré bougre de compère au nom d'Alain Gerber qui me dit ce soir que, peut-être, le blues serait une espèce de grâce donnée en partage à qui veut bien la recevoir et la faire rayonner...

  • Chemin faisant (49)

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    Partance
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    À la fin le bleu commençait à nous manquer: nous devenions maussades autant que des Hyperboréens, et ça ne s'arrangeait pas ces derniers jours: donc nous sommes partis ce matin à dix heures de nos monts transis où les premiers narcisses perçaient timidement dans le brouillard glacé, et nous sommes arrivés au Cap d'Agde à six heures du soir, par grand beau.
    Un épisode à la Tati m'a vu trépigner devant la porte de notre studio 59 du Bloc D de l'Héliopole où nous revenons chaque année depuis 25 ans, m'acharnant avec les deux clefs sur la serrure alors que la porte était restée ouverte, juste rétive à l'accueil. Mais voilà, nous y étions: un double éclat de rire a donc marqué notre arrivée et notre belle humeur retrouvée...


    Kramer.jpgLa vie des gens.
    - Quant à la descente, elle s'est faite en glissade par les autoroutes, le soleil nous rejoignant à la hauteur d'Orange, comme son nom l'indique; et du coup nous avons été requinqués alors que je lisais à haute voix, à ma bonne amie conduisant la Jazz selon la tradition, le dernier roman de Pascale Kramer (Gloria) qui nous a tout de suite scotchés.

    J'ai manqué Pascale dimanche au Salon du Livre tellement j'étais mal fichu, j'ai passé à côté de ses deux romans précédents, dont L'implacable brutalité du réveil est paraît-il un très beau livre; elle croit peut-être que je lui fais la gueule alors qu'il n'en est rien, enfin bref: la vie est comme ça et c'est d'ailleurs pourquoi j'aime les livres de Pascale qui disent cela à leur façon unique: les gens dans la vie sont comme ça...

    heliopolis.jpgHeliopolis. - Si nous revenons depuis tant d'années en ces lieux plus ou moins futuristes (en tout cas architecturalement, style Metropolis méditerranéenne middle class française des années 60) et décatis sur les bords, c'est essentiellement pour la mer immédiate et les vingt bornes de dunes qu'on peut suivre à pied jusqu'à la plage sétoise chère à Brassens, les alvéoles locatives bon marché dans l'immense amphithéâtre ouvert sur la Grande Bleue, l'interdiction faite à toute circulation automobile sous nos terrasses et les commerces à trois pas.
    Guère intégristes en matière de naturisme, nous n'avons pas pour autant détesté la liberté de vivre à poil aux âge où nos chairs s'épanouissaient encore, nos petites filles n'ont pas été effarouchées de voir "toutes ces saucisses", selon l'expression de Number Two, puis les années ont passé, la pudeur des jeunotes s'est développée, les "libertins" ont débarqué avec leur fric et leur ostentation sexuelle fauteuse parfois de conflits ouverts sur les plages, le climat des lieux s'est un peu gâté quelque temps mais le bon naturel des gens, la mer, les dunes et la Librairie sétoise, les moules du Grau d'Agde et la France profonde du Cantal et du Midi libre ont concouru à entretenir notre fidélité et notre plaisir débonnaire à la revenance. Bref, nous allons passer vingt jours de plus à l'héliopole, ma bonne amie a pris ses livres et j'ai pris les miens à lire plus celui que j'ai en route, notre matos de dessinage et d'aquarelle, nos vieilles osses et nos coeurs indéfectiblement accordés...