Victor Hugo sur le voyage, dans Les Misérables: "Voir mille objets pour la première et pour la dernière fois, quoi de plus mélancolique et de plus profond ! Voyager, c'est naître et mourir à chaque instant".
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Il y a dans les romans de Victor Hugo, comme dans le Voyage de Céline, des formules à valeur de sentences, à n'en plus finir. Par exemple ceci: "Les réalités de l'âme, pour n'être point visibles, n'en sont pas moins des réalités". Ou cela: "On n'empêche pas plus la pensée de revenir à une idée que la mer de revenir à un rivage. Pour le matelot, cela s'appelle la marée; pour le coupable, cela s'appelle le remords. Dieu soulève l'âme comme l'océan". Ou cela encore à propos du galérien Jean Valjean devenu M. Madeleine le maire respecté de tous: "Il y a un spectacle plus grand que la mer, c'est le ciel; il y a un spectacle plus grand que le ciel, c'est l'intérieur de l'âme. Faire le poème de la conscience humaine, ne fût-ce qu'à propos d'un seul honme, ne fût-ce qu'à propos du plus infime des hommes, ce serait fondre toutes les épopées dans une épopée supérieure et définitive".
À Toulouse, ce dimanche 4 janvier. - En nous baladant hier dans les rues et par les places de la Ville rose, j'ai ressenti le confort supérieur de ce qu'on peut dire simplement la civilisation. C'était samedi et la place du Capitole était pleine de bonnes gens, les librairies étaient pleines aussi alors qu'il est de bon ton de dire que plus personne ne lit, les terrasses étaient pleines également et le bord de la Garonne accueillait autant de gens aimables qui semblaient prendre le temps de songer tandis que les pigeons faisaient leur job. Je me suis alors rappelé la première fois que j'ai passé, trop vite, à Toulouse, invité à un salon du livre par Marc Trillard, où j'avais fait la connaissance de quelques écrivains de premier ordre, dont Lambert Schlechter le poète-(im)moraliste luxembourgeois à la Ceronetti, Patrick Roegiers le râleur de grand style et François Emmanuel le médium des sentiments délicats - illustrant tous deux le génie belge, et je me rappelle Daniel de Roulet tôt levé en costume de coureur à pied, filant sur ses longues pattes de gazelle gauchiste pour ses vingt bornes matutinales...
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Sur la route du pays basque où nous crécherons ce soir, je nous ai lu les cinq ou six pleines pages de Libé consacrée au prochain roman de Michel Houellebecq, à paraître après-demain. Excellente introduction de Philippe Lançon, édito un peu convenu de Claire Devarrieux, éclairage politique de Laurent Joffrin et bémol d'un philosophe arabe qui sous-entend que le romancier connaît mal l'islam, mais tout cela reste assez en surface, me semble-t-il, et se tortille un peu entre le oui-oui et le mais-quand-même. Bref, on s'impatiente d'en juger sur pièce...
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Victor Hugo en son portrait de la soeur Simplice: "Personne n'eût pu dire l'âge de la soeur Simplice; elle n'avait jamais été jeune et semblait ne jamais devoir jamais être vieille. C'était une personne - nous n'osons dire une femme - douce, austère, de bonne compagnie, froide, et qui n'avait jamais menti. Elle était si douce qu'elle paraissait fragile; plus solide d'ailleurs que le granit. Elle touchait aux malheureux avec decharmants doigts fins et purs. Il y avait pour ainsi dire du silence dans sa parole; elle parlait juste le nécessaire, et elle avait un son dedevoix qui eût à la fois édifié un confessionnal et enchanté un salon".
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Michel Houellebecq a bien vu, dans La Carte et le territoire, la France provinciale plus ou moins dénaturée que nous avons traversée l'an dernier de part en part, notamment mortifiés par la disparition des cafés et autres zincs de bourgs et de villages, mais nous aimons retrouver, de loin en loin, les vestiges de la France de Rabelais, ou ce qu'il reste de culture point trop culturelle, au sens des administrations et des pions de la République, de Montpellier à Toulouse et dans les propos de Michel Foucault au micro de Jacques Chancel que nous écoutons dans notre Jazz japonise hybrid...
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Jean Clair à propos du voyage en France: "Les Français sont devenus assez indifférents à la beauté de leurs payages et assez grossiers de leur palais pour qu'on les soupçonne de n'avoir inventé le TGV que pour ne plus rien voir des premiers et pour mortifier le second. Voyager est devenu une purge, qu'il faut opérer au plus vite".
Quant à nous, ayant rallié Saint-Jean-de-Luz, nous nous régalons de la meilleure cuisine basque au restau La Boïna, seuls étrangers de la vespérale compagnie...
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Pacifiante parole de Charles Du Bos au soir venu: "Nous sommes en perplexité, mais pas désespérés".