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  • Mémoire vive (11)

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    Je pense à l’ami inconnu en écrivant à l’ami connu.

     

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    À Paris, Place Clichy, en mai 2000. – Brasserie Wepler. Je lis les Règles pour le parc humain de Peter Sloterdijk. Très intéressé par cette méditation sur les tenants et l’avenir d’un nouvel humanisme, par delà les vieux formats. Me touche illico la réflexion sur le livre considéré comme une lettre aux humains. Devant moi (de l’autre côté de la verrière de la brasserie) se dresse l’étal des Douceurs d’Odette : pralines et bonbons fins, nougat et chocolat. Un panneau indicateur désigne la direction du Cimetière de Montmartre où repose Marcel Aymé. Il pleuvine ou, plus exactement : il pleuvote.

     

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    On constate que le penseur de charme de la télé descend désormais dans un hôtel de charme où l’attend la bonne vieille table de charme sur laquelle il aime à rassembler ses pensées charmeuses inspirées par les humiliés et les offensés hélas privés des charmes et des retombées de sa cogitation de charme.

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    Salamalec à San-Antonio. – Au-delà de sa fameuse gaudriole langagière, Frédéric Dard avait une écriture personnelle à deux vitesses découlant d’un regard  et d’un sentiment du monde plus profond qu’il n’y paraissait.

    Il n’y a qu’en France rabelaisienne, dans le vieux beau goût partagé pour leur langue par les lettrés et le populo, au pays de Céline et de l’Almanach Vermot, que pouvait naître et prospérer San-Antonio.

    Le nom de celui-ci ne recueille souvent que le dédain des purs littéraires, qui ne voient dans les romans du commissaire qu’une sous-littérature, et cependant, avant même que ne fleurissent thèses et colloques, de très bons esprits avaient osé arborer, comme chaude pelisse en été, le goût le plus éhonté pour les choses peu académiques qu’il faisait subir à notre langue.

    Les collégiens que nous étions à douze ans, qui revendions à la kiosquière du coin les San-A que nous lui avions piqués la veille, se régalaient de cela d’abord : du mot tordu, qui faisait rire et envie d’en faire à son tour, au contrepet (« farce de prof pour force de frappe ») ou aux trouvailles verbales à n’en plus finir (les « arcanes souricières » de Béru), entre autres calembours à foison. Et les titres même de ses livres annonçaient déjà l’heureuse « mélimélodie » des sons et des sens gorillant locutions et sentences, tels Certains l’aiment chauve ou La Matrone des sleepings.

     

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    On ne s’y attendait pas, on avait oublié, ou bien on ne se doutait même pas de ce que c’est qu’un enfant qui éclate de rire pour la première fois - plus banal tu meurs -, cependant nous en aurons pleuré sur le moment : à vrai dire l’enfant qui rit pour la première fois recrée le monde à lui seul ; c’est, avant le clown au cirque de la vie, l’initial étonnement et la pochette-surprise.

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    Ne plus rien attendre de quiconque, pour en être mieux surpris. Ne pas demander ni s’impatienter de recevoir quoi que ce soit, mais donner.

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    Auguste Renoir : Les coups de pied au derrière ne font jamais de mal. Le plus drôle c’est qu’ils ne vous sont jamais appliqués pour le bon motif. Mais ils vous réveillent. Et c’est cela l’essentiel ».

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    Je vois de plus en plus, dans ce qu’on appelle la culture, un encombrement d’objets de consommation et la répétition à satiété de tout ce qui a déjà été fait et dit.

     

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    Je ne sais plus qui disait (il me semble que c’est Enesco) que jean-Sébastien Bach était l’âme de son âme.

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    La poésie saute une idée sur deux.

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    L’ami m’ayant demandé ce qu’il représentait pour moi, je lui ai répondu qu’il était quelqu’un dont j’attends beaucoup, mais j’aurais pu lui dire bien plus. Par exemple qu’il incarne, avec tous ceux que j’aime, mon amour de la vie.

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    Ceux qui croyaient hier à l’Avenir radieux et qui te diront demain qu’avant c’était mieux.

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    À la radio, en octobre 2000. – En direct, un reporter à Gaza vient deparler à un gosse de 12 ans, lanceur de pierres, qui lui a affirmé qu’il préférait mourir pour la Palestine et se retrouver heureux au ciel qu’être malheureux sur terre. Sur quoi, trois minutes après, sous les yeux de même reporter, le gosse est abattu par les Israéliens d’une balle explosive dont on entend le fracas. Et  l’animatrice d’enchaîner d’un ton résolument positif : et maintenant nous prenons des nouvelles dela Route…

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    Et toujours je reviens à l’œil secret de cet étang d’étain sous la lumière silencieuse de ce lever du jour qui pourrait en être le déclin, on ne sait trop, Rembrandt lui-même ne savait trop ce qu’il révélait en mâchant ses cigares  - et surtout pas d’effets de théâtre, de clair-obscur ou de faux mystère : laissez venir la beauté des choses qui n’a jamais été séparée de son ombre et qui diffuse cette aura sans le chercher…

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    Au Café Sibérie d’Amsterdam je me dis, in petto,  que je me trouve bien partout.

     

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    Je pense sans cesse à de nouveaux personnages, et aux liaisons possibles entre eux - des personnages comme autant de problèmes humains, et de réponses incarnées.

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    Me méfie instinctivement des habiles, autant que de l’habileté en moi.

     

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    Nietzsche parle de la santé en précurseur de l’hygiénisme et de l’esprit olympique. C’est d’autant plus drôle qu’il incarnait, en somme, l’intellectuel toujours mal fichu.

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     Ma vraie base: l’honnêteté et l’amour. Tout le reste: du flan. Ma vraie base: la sincérité et la conséquence, et tout le reste du pipeau.

     

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     À La radio, ce 25novembre 2000, 13h.30. - Bulletin de France Info: On attend toujours la désignation du 43e Président des Etats-Unis +++ Mort de deux légendes: Zatopeck, «la locomotive tchèque» et Théodore Monod, «le marcheur du désert»,+++ Décrue dans le Pas-de-Calais +++ Double meurtre sur un parking de l’aéroport de Marseille +++ Une bombe a explosé cette nuit à Pristina +++ En Espagne, nouvel attentat à Barcelone, attribué à l’ETA +++ Quatre Palestiniens tués dans la bande de Gaza +++ Nouveaux massacres en Algérie +++ Valeurs françaises en forte baisse à la Bourse de Paris +++ À part ça, RAS +++

     

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    La notion de bon génie de la Cité, pour l’écrivain ou l’artiste, me plaît assez,surtout depuis que des gens comme Berdiaev ou Chesterton m’ont aidé à me délivrer du ressentiment que nourrit la révolte des fils. Entre incendiaires et sauveteurs, je me préfère sauveteur.

     

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    À l’immédiate hystérie des médias relancée avant le lever du jour tu résistes en ouvrant grande ta fenêtre à l’air et à la neige de ce matin qui fondra mais tout tranquillement, en lâchant ses eaux comme pour une naissance sans convulsions, et le printemps reviendra, et les gens ce matin continuent de faire leur métier de vivre dont personne ne s’inquiète – alors toi, maintenant, referme la fenêtre au froid…

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    Nos enfants nous protègent en dormant. Notre veille est contre nature. La mère inquiète pour rien, le poète angoissé pour rien, tous ces veilleurs aux lumières qui tremblotent – tous nous sommes confiés au sommeil à tendre haleine de pain chaud de l’enfant qui dort. Même si nos enfants sont maintenant de grandes personnes, nos enfants sont là pour nous justifier. Même si nous n’avons pas d’enfants, le sommeil des enfants continue de nous protéger, sauf des enfants privés de sommeil.

     

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    Depuis tout enfant tu as ce don, crocodile, de te purifier comme ça, tu ne pleures pas sur toi mais sur le monde qui ne va pas comme tu l’aimerais, l’œuf de colombe que le caillou écrase ou qui se casse en tombant sur le caillou, toi aussi seras toujours trop tendre, jamais tu n’auras souffert l’injustice du Dieu méchant - et ça s’aggrave, nom de Dieu, tous les jours que les méchants font…

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    Tout avait l’air extraordinairement ordinaire ce matin, et c’est alors que tu es sorti du temps, enfin tu l’as osé, enfin tu as fait ce pas de côté, enfin tu as pris ton temps et tu as vraiment regardé le monde qui, ce matin, t’est enfin apparu tel qu’il est…

     

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    Un romancier doit oser être bête autant que minutieux et précis. Certaine idiotie (mais rusée, s’entend) est pour ainsi dire la clef de son rapport avec le monde. Il ne doit pas être plus intelligent que le commun. Sans faire la bête, il doit se laisser aller à la naïveté ou aux élans irraisonnés, à tout ce qui fait l’imprévu de la vie et des êtres.

     

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    Il n’y  a pas une place pour la beauté : toute la place est pour la beauté, du premier regard de l’enfance aux paupières retombées à jamais,  et la beauté survit, de l’aube et de l’arbre et des autres et des étoiles de mémoire, et c’est un don sans fin qui te fait survivre et te survit.

    Il n’y a pas une place pour la bonté : toute la place est pour la bonté qui te délivre de ton méchant moi, et ce n’est pas pour te flatter, car tu n’es pas bon : tu n’es un peu bon parfois que par imitation et délimitation, ayant enfin constaté qu’il fait bon être bon.

    Il n’y a pas une place pour la vérité : toute la place est pour la vérité qui t’apparaît ce matin chiffrée comme un rébus – mon premier étant qu’elle me manque sans que je ne sache rien d’elle, mon second qu’elle est le lieu de cette inconnaissance où tout m’est donné pour m’approcher d’elle, et mon tout qu’elle est cette éternelle question à quoi se résume notre vie mystérieuse est belle.

     

     

    Peinture: Thierry Vernet, La route de Vufflens-la-Ville. PP. LK/JLK.

  • Mémoire vive (10)

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    On voit partout ces jours des effigies de condamnés à mort rassemblés par la firme Benetton. Cette campagne publicitaire est à mes yeux d’une basse démagogie : sous prétexte de rappeler l’horreur du monde, on y ajoute avec ce qui me semble, plus que jamais, un cynisme intolérable.

     

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    À Louxor, en février 2000. – À l’éveil de ces jours on ne trouve pas de mots assez légers, assez transparents mais qui évoqueraient aussi le poids des montagnes millénaires et la densité de l’air qui les relie aux galaxies, tout ce lien de temps imaginaire et d’atomes de brume un peu chinoise ce matin – des mots qui dévoilent en voilant et qui parlent sans prétendre rien dire que ce qui est…

     

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    Bien le bonjour, nous dis-je en pesant chaque mot dont j’aimerais qu’il allège notre journée, c’est cela : bonne et belle journée, nous dis-je en constatant tôt l’aube qu’elle est toute belle et en nous souhaitant de nous la faire toute bonne…

     

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    Tout le jour à chanter le jour tu en es venu à oublier l’envers du jour, la peine du jour et la pauvreté du jour, la faiblesse du jour et le sentiment d’abandon que ressent la nuit du jour, le terrible silence du jour au milieu des bruyants, la terrible solitude des oubliés du jour et des humiliés, des offensés au milieu des ténèbres du jour…

     

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    Peut-être cela vous manque-t-il seulement, dans le déni de ce que vous faites ou la simple inattention, de ne pas pouvoir partager, non pas l’estime de votre petite personne, mais l’amour de la personne innombrable dont ce que vous faites, artiste,  n’est qu’un des innombrables reflets, mais unique…

     

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    Celui qui te demande où tu prends le temps de lire alors qu’il perd toute sa journée à ne pas le faire / Celle qui passe son temps à faire des patiences ou à s’impatienter pour rien / Ceux qui courent après l’ombre de leur ombre stressée, etc.

     

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    Je ne te demanderai jamais d’être l’Autre, je me défie de toute emphase  à majuscule, je t’attends au coin du bois – qui est peut-être un désert ou ton ciel de là-bas, sans savoir ce que tu me réserves et n’attendant que d’être surpris comme au premier jour, quand ta voix bondit pour la première fois de ta nuit à la mienne.

     

    °°°

     

    Si nous sommes si joyeux c’est que notre vie a un sens, en tout cas c’est notre choix, ou c’est votre foi, comme vous voudrez, c’est ce que nous vivons ce matin dans l’atelier : nous serions là pour réparer des jouets et rien que ça nous met en joie : passe-moi ce sonnet que je le rafistole, recolle-moi ce motet, voyons ce qu’on peut sauver de ce ballet dépiauté ou de ce Manet bitumé – et dans la foulée tâchons d’inventer des bricoles.

     

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    Heureux ceux qui se rappellent les mains de leur mère au travail, et pour les autres : heureux s’ils se rappellent les mains de leur mère au repos, sur le front de l’enfant malade ou jointes à ne rien faire.

     

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    Vous pouvez me reprocher de voir ce matin le monde trop en bleu : en réalité il l’est tellement plus que je me reproche juste ma nullité à le dire ; mais essayez donc, juste pour voir, je veux dire : pour mieux voir, de dire ce matin le bleu de votre âme, et vous m’en direz des nouvelles, du bleu pur de ce matin irradiant le gris des jours et le noir du monde.

     

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    BookJLK15.JPGÀ La Désirade, en avril 2000, après la trahison de Maître Jacques. – Monté à La Désirade pour y respirer, je rappelle Bernard Campiche qui me lit au téléphone la chronique de Jacques Chessex me concernant, à paraître demain dans L’Hebdo et qu’on lui a communiquée. Je craignais le pire, et c’est en effet un morceau de pure délation que cette saleté, assorti d’un appel à mon interdiction professionnelle, mais le pauvre fol s’y prend vraiment mal, traitant Le viol de l’ange de mauvais livre après l’avoir encensé. Plus pathétique encore : il me reproche de critiquer le dernier ouvrage d’Etienne Barilier, dont il a toujours dit pis que pendre alors que j’ai défendu cet écrivain pendant plus de trente ans. Bref, cela ne m’inquiète pas au fond, même si ça me blesse d’être traité avec tant de bassesse et de méchanceté crasse. Ce type, en période politique délicate, eût fait des morts. Non seulement c’est un traître, mais c’est un exécuteur potentiel.

    Cela étant je l’ai cherché : parce que je l’ai déculotté comme personne, dans L’Ambassade du papillon, en racontant à la fois notre amitié et la façon dont il l'a trahie, donc voilà la monnaie de ma pièce.

     

    À La Désirade, suite du feuilleton. -  Comme nous le craignions un peu, L’Ambassade du papillon est réduit, par d’aucuns, à un règlement de comptes avec Jacques Chessex, alors que nos querelles n’en occupent que quelques pages. La grise vestale du littérairement correct, Isabelle Rüf dans Le Temps, y voit un livre de haine, alors que tout le monde me parle de l’amitié et de l’amour qui le traversent ; et L’Hebdo remet ça ce matin en consacrant cinq pages tapageuse à m’enfoncer plus ou moins. Dans la foulée, j’apprends que la conclusion de la chronique de Maître Jacques atteignait un tel degré de diffamation que la rédaction a dû la couper. Mais le pompon, c’est la rumeur selon laquelle j’aurais écrit moi-même le magnifique papier d’Eric Bruno paru dans 24 Heures, en usant d’un pseudo. Un cher confrère a même enquêté auprès de notre chef de rubrique à ce propos. Or c’est tout à fait de ces gens-là d’imaginer, chez les autres, la complète malhonnêteté intellectuelle qui est la leur.

    Tout à l’heure, cependant, j’ai eu la bonne surprise d’être appelé au téléphone par Jean Ziegler, inquiet à mon propos, et que j’ai rassuré aussitôt. Il a lu mon livre et l’a beaucoup aimé, estimant tout à fait imbécile la réaction de Chessex. Une fois de plus je suis touché par sa réaction d’homme de cœur.

     

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    On fera son possible en sorte de résister, les enfants, on se sent chaque matin plus proche de céder, ça faut bien l’avouer, les vioques, à chaque éveil c’est plus lourd et plus lancinant, cependant quelque chose nous retient au bord du bord, ou quelqu’un – vous peut-être les enfants ? Quelqu’un qui nous retiendrait à nous et à vous…

     

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    Celui qui cherche la vraie couleur des mots / Celle qui remonte le cours des années sans cesser de sourire / Ceux qui écrivent à leur mère défunte qui reste aussi silencieuse qu’avant, etc.

     

    Peinture: La route de Daillens, huile sur panneau.

  • Mémoire vive (9)

     

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    La touche de Svjatoslav Richter, si nette et si délicate, si physique et si métaphysique, si pleine et si retenue, dans le mouvement lent de cette sonate posthume de Schubert que j’écouterais des centaines de fois sans m’en lasser jamais.

     

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    En lisant le Journal littéraire de Paul Léautaud, je suis impressionné, une fois de plus, par la richesse des observations qui y ont été consignées pendant  plus de cinquante ans, et par le parfait équilibre tenu entre la substance ressaisie et son expression.

    J’ai lu ce matin les pages dans lesquelles le bonhomme évoque Proust à propos d’une revue consacrée à celui-ci, et sans qu’il en connaisse rien, de son propre aveu, que quelques extraits donnés à cette occasion, auxquels il ne comprend d’ailleurs à peu près rien non plus.

    Léautaud prétend qu’un écrivain ne devrait pas lire ses confrères afin de rester plus lui-même, mais c’est là tout ce qui nous sépare. Je crois au contraire qu’un écrivain doit tout lire et tout filtrer en s’efforçant de trouver sa propre voix.

     

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    L’aspiration à tout maîtriser donne le style, mais cela part d’une nuit, cela part d’un corps et d’un chaos. Tout n’est pas ordonné par la grammaire mais le corps traverse le cristal de la grammaire comme un rideau de pluie et de l’autre côtés ont les chemins.

     

    °°°

    L’une est la fraîcheur même, avec quelque chose de folâtre dans la gaieté qui me rappelle la toute petite fille radieuse qu’elle a été. La voir faire la folle avec le chien dans la neige, derrière la fenêtre, souriant à son jeu comme si elle avait sept ans, me touche aux larmes.

    L’autre est plus lente et plus lancinante, plus sentimentale, plus ardente et plus démunie. Elle a déjà pleuré, elle pleure et elle pleurera.

     

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    À La Désirade, ce 28 mars 1999. – Ce jour des Rameaux, je ressens une profonde tristesse à l’idée que les uns et les autres se réclament de Dieu pour se massacrer les uns les autres. Cette idée que Dieu participe au combat, que Dieu prend parti, que Dieu bénit les guerriers, m’est complètement étrangère, ou disons que je vois en elle une figure de l’idolâtrie qui ne mérite pas plus de considération ni de respect que l’idolâtrie du Dollar ou de la Force.

     

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    La leçon de Simenon qui m’intéresse ces jours porte essentiellement sur l’usage de la langue : renoncer à tout adjectif inutile. Plus encore : à tout clin d’œil référentiel. Le plus de choses dites avec le moins de mots. Passer du Je aux autres personnes du singulier et du pluriel. Retrouver la ville en quelque sorte.

     

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    Il ya en moi une joie que rien ne peut altérer : telle est ma vérité première et dernière, ma lumière dans les ténèbres. C’est dans cette pensée, qui est plutôt un sentiment, une sensation diffuse et précise à la fois, que je me réveille tous les matins.

     

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    Ma conviction profonde qu’il n’y a qu’un seul Dieu et qu’une seule Vérité, mais que cela n’exclut pas tous les dieux et toutes les vérités : que cela les inclut.

     

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    Je me réveille  à hauteur de source, j’ai refait le plein d’énergie, sous la cloche d’azur je tinterai tout à l’heure comme l’oiseau, puis je descendrai par les villages aux villes polluées etlà-bas j’ajouterai ma pureté à l’impureté : je vous donnerai ce qui m’aété donné les yeux fermés.

     

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    Au Café des Abattoirs, en janvier 2000. – À la fenêtre ce camion portant l’inscription : Animaux vivants. Et cette enseigne de la charcuterie d’en face : L’Art de la viande. À la table d’à côté,cette femme seule et péremptoire, qui dit comme ça qu’elle préfère les voitures aux hommes, tous des salauds. Elle, en tout cas, elle a son Opel Corsa, qu’elle ne doit à personne.

     

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    Tout faire, désormais, pour échapper à la confusuion des sentiments.

     

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    Celui qui revit tôt l’aube / Celle qui émerge de la nuit comme d’une eau dormante / Ceux qui font fête au jour malgré les journaux / celui qui ouvre ce livre où c’est écrit : « tout ce que j’ai aimé a disparu » / Celle qui fait le ménage en se rappelant la sentence d’Alexandre Vialatte : « L’homme est poussière, d’où l’importance du plumeau », etc.

     

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    Ne te plains pas du bruit que font les bruyants : il y a partout une chambre qui attend ton silence comme une musique pure lui offrant toute ta présence entre ses quatre murs de ciel.

     

    À suivre…

     

  • Le Prix Rod à Antoine Jaquier

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    À propos d'Ils sont tous morts d'Antoine Jaquier. Prix Edouard Rod 2014. Remise du prix ce 20 septembre à Ropraz.
     
    On pourrait croire, au premier regard de surface, à en survoler les vingt premières pages, que ce livre se borne à une espèce de chronique, brute de décoffrage, relative au milieu "djeune" plombé par le désoeuvrement et la dope, genre témoignage - un de plus.   Et puis, à y regarder de plus près, à tendre l'oreille aussi à la musicalité et au rythme de la phrase d'Antoine Jaquier, plus encore à capter l'émotion qui filtre entre les lignes et les séquences du "film" romanesque qui se met bel et bien en place, modulé dans le temps à la fois court et plein de péripéties, parfois dramatiques,  de deux ou trois ans (1987 à 1989) revisités des années plus tard par le narrateur parlant du ciel, c'est bel et bien dans un vrai roman que nous nous retrouvons, avec son décor (entre les villages urbanisés de l'arrière-pays lausannois et la capitale) et ses personnages, dans une atmosphère plus proche du nouveau cinéma romand (je pense à Garçon stupide de Lionel Baier ou au tout récent Left Foot Right Foot de Germinal Roaux) que de la littérature de nos régions, à quelques exceptions près.   Ainsi parut en 1975, à Lausanne, aux éditions L'Âge d'Homme, un récit-journal sans nom d'auteur (le scribe de la chose, Claude Muret, estimant devoir garder l'anonymat), intitulé Mao-cosmique et constituant la chronique d'une communauté, de fameuse mémoire, qui éclata à la suite du suicide d'un de ses membres. Plus marqué du point de vue de l'idéologie politique, ce livre a valeur de témoignage irremplaçable sur le climat intellectuel, moral et affectif du début des années 70 où Antoine Jaquier faisait ses premiers pas dans notre drôle de monde. L'époque était aussi aux premières overdoses, mais le sida était encore loin.Pour Jack, le narrateur d'Ils sont tous morts, les drogues dites douces, puis les plus dures, sont immédiatement présentes dans son récit, qu'on pourrait dire d'abord relevant de l'obsession mentale, puis de l'urgence physique. Dès les premiers chapitres, cependant, le lecteur perçoit l'ambivalence du garçon, déjà très lancé dans sa trajectoire de paumé borderline, en dépit de ses dix-sept ans, entre un frère carrément junkie (et sidéen) et une mère qui "fait avec", mais non moins tourmenté par sa mésestime de soi, se récriant quand un présentateur de télé y va de son discours lénifiant sur les drogues douces, et découvrant la réalité de l'héroïne sans euphorie - sale salope qu'il s'impatiente pourtant d'"essayer"...Si le titre du roman d'Antoine Jaquier, Ils sont tous morts, constitue l'horizon du récit de Jack, celui-ci ne débouche sur aucune conclusion "morale" explicite, ni non plus sur aucune forme de cynisme. Lorsque Tchékhov décrivait les faits et gestes de voleurs de chevaux, il ne se sentait pas le devoir de conclure qu'il est mal de voler des chevaux. Les bons socialistes le lui reprochaient, qui reprocheraient peut-être aujourd'hui à Antoine Jaquier de ne pas dire explicitement qu'il n'est pas bien de se camer ou de braquer une banque de nos campagnes (ce que fait Jack pour se payer un grand voyage avec sa bande de Pieds nickelés entraînés par un malfrat) ou de fréquenter un type du genre de Bob, son pote raciste, nazillon et homophobe, détestant même "certains animaux"... Seulement voilà, se justifie Jack: "Qui a dit qu'on choisissait ses amis ? Un foutu menteur en tout cas. Les miens sont dérangés dans leur tête, mais je peux les compter sur les doigts de ma main. De toute manière, il n'y a pas de service après-vente, alors je fais avec".Les amitiés, à la fois lucides (voire méfiantes) et loyales, plus que les amours de Jack, constituent d'ailleurs  le fragile fil rouge affectif qui traverse ce récit dont l'échappée finale, en Thaïlande, marquera aussi le déclin et la déroute, morts à l'appui.Avec le recul des années, Antoine Jaquier est parvenu à reconstituer, sans les caricaturer, les traits et les faits et gestes  de Jack et ses amis - Stéphane et Manu, Tony l'ancien braqueur et  Chloé la belle qu'on se partage et qui rêve plutôt d'une nouvelle vie à l'autre bout du monde, Bob qui rêvait d'échapper à la pesanteur, et plus dure sera sa chute - , dans un roman lesté de gravité qui se paie le luxe, ici et là, de deux ou trois alexandrins bien balancés. La "littérature", au sens conventionnel, est cependant moins le souci de l'auteur d'Ils sont tous mort que la perception nuancée, dure et hypersensible à la fois, d'une réalité ressaisie en vérité. Autant dire qu'on aurait tort de chipoter sur des détails de forme, ici et là. L'essentiel est en effet ailleurs.Ainsi, à sa toute fin, qu'il imagine celle d'un samouraï prenant son ultime décision "en l'espace de sept respirations", Jack contemple-t-il dans le miroir son corps nu, malingre et tatoué: "Les dessins m'apparaissent plus beaux que jamais. Je sais enfin pourquoi je les ai faits: quitte à n'être que poussière, autant la décorer"...
    Antoine Jaquier. Ils sont tous morts. L'Âge d'Homme, 276p

    Le Prix Edouard-Rod sera remis au lauréat 
    samedi 20 septembre à 11h à la Fondation de L'Estrée, à Ropraz.
    Un vin d'honneur sera servi à l'issue de la cérémonie.
    Vous êtes cordialement invités à cette remise du Prix Edouard Rod 2014.

  • Mémoire vive (8)

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    Gens qui nous ennuient : les battants et les corsetés, les égomanes et les obséquieux, les affligés pour rien mais aussi ceux qui positivent. Longue liste à suivre…

     

    °°°

     

    Le type qui fait monter le volume de la sono, dans une soirée, à chaque fois que la conversation devient intéressante.

     

    °°°

    Ces auteurs (un Georges Haldas ou un Paul Nizon) qui se plaisent à décrier le roman, simplement parce que le genre ne leur convient pas. À l’inverse, ces romanciers qui font la moue devant tout ce qui n’est pas roman, comme si celui-ci monopolisait tout l’art d’écrire. Tout cela très relatif en somme, pour ne pas dire vain.

     

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    L’enfer est ce lieu où l’on ne sourit pas ni ne rit pour rien.

     

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    C’est le rôle des médiums que sont les romanciers de descendre dans les enfers et de parcourir, de bas en haut, tous les étages investis par l’humaine engeance.

     

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    Je me régale à la lecture des Miettes de mémoire de mon cher Henri Ronse, dont chaque pointe sensibilise autant de souvenirs personnels que je note aussitôt :

     

    La femme-enfant que j’ai rencontrée dans le train, qui m’a suivi et avec laquelle j’ai dormi tout habillé, en automne 1970.

     

    Les poissons Flaubert et Balzac que je tenais par la queue dans un rêve récent.

     

    Mes soirées avec le Marquis, autre enfant perdu, depuis vingt-cinq ans.

     

    La fraîcheur du premier corps étreint, et la fraîcheur des draps.

     

    Mon premier amour impossible, à dix ans.

     

    La table cosmopolite de la Pensione Pianigiani, à Sienne, juste à côté de l’Académie de Musique, à la fin des années soixante.

     

    La folle de Cordoue, me poursuivant à Séville.

     

    Le vieux philosophe espagnol Alonso Diez, aux Escaliers du Marché, ramenant chaque midi, de l’épicerie, sa boîte de raviolis ou de lentilles dans sa soupente.

     

    La pièce policière du lundi soir écoutée en famille, mais chacun sur son poste (le poste à galène de mon frère aîné), il y a bien quarante ans de ça.

     

    Un crépuscule à Derborence, Colorado.

     

    Les tables aux têtes de porcs alignées sous la falaise éclairée par une vierge de néon rose, cette année-là à Sorrente.

     

    La silhouette de mon père quittant la maison dans la nuit jaune des matins de neige, à l’époque des anciens réverbères aux poteaux de bois.

     

    L’odeur de sperme des escargots dans les haies de l’asile des aveugles de Rovéréaz, juste après la pluie.

     

    Le ruisseau Danube dansles prairies de Souabe, adolescent comme nous, en été 1961 - l’été du suicide d’Hemingway et de la mort de Céline.

     

    °°°

     

    BookJLK8.JPGÀ La Désirade, le 13 avril 1998. -  Ce message de Jacques Chessex sur mon répondeur : « C’est Jacques, à Ropraz. Je voulais te dire que je relis complètement ton roman, Je suis persuadé d’avoir affaire à une grande chose. C’est un livre fondateur, c’est un livre non seulement de départ, parce que le départ tu l’as pris il y a de nombreuses années, mais de départ à l’intérieur d’une œuvre. C’est une sorte de plaque tournante. Tout est repensé, et l’avenir proche et lointain le prouvera. C’est un livre d’une fécondité, d’une richesse exceptionnelles et je pense vraiment très rare, et tellement rare que c’en est insupportable. J’ai eu de nombreuses émotions romanesques ces dernières années, mais c’est extrêmement rare qu’elles soient aussi fortes qu’à la lecture du Viol de l’ange . »

     

    °°°

     

    Très saisi par la (re)lecture de Mallarmé, dans ses Divagations. Quelque chose là-dedans de puissamment érotique dont je n’avais pas le souvenir. Et surtout m’épate l’énergie de la cristallisation. Là vraiment le summum de la transmutation poétique telle que je la comprends : fulgurance et cristal.

     

    °°°

     

    Ces gens qui vous aiment pour la vie parce qu’un jour vous avez dit un peu de bien d’eux.

     

    °°°

    Rien envie de lire ces jours. Commence le dernier livre d’Antonin. M’embête. Commence une nouvelle de Walter Vogt. M’embête. Reprends le Pasticcio de Gadda. M’y perds. Et pas tellement envie d’écrire non plus. À peine quelques bonnes lettres. Sinon, je songe à la peine des gens. Ma mère seule à l’hôpital : cela la vraie réalité.

     

    °°°

    Cette espèce de silence gêné qui accueille une vérité malséante.

     

    °°°

     

    Francis Bacon :« Plus vous travaillez, plus s’approfondit le mystère de ce qu’est l’apparence. »

     

    °°°

     

    Hannah Arendt se plaint de « ces gens qui ont oublié ce que c’est que rire ; que les choses puissent être drôles ne leur traverse jamais l’esprit : des animauxsérieux ».

    Et ceci encore de décisif : « Le vice principal de toute société égalisatrice est l’Envie. Et la grande vertu de toutes les aristocraties, me semble-t-il, on la trouve dans le fait que les gens savent toujours qui ils sont et donc ne se comparent pas aux autres. Cette permanente comparaison est vraiment la quintessence de la vulgarité. Qui ne possède pas cette hideuse habitude se voit immédiatement accusé d’arrogance, comme si, en ne se comparant pas, on se plaçait d’autorité au sommet. »

     

    °°°

     

    Penser à ce que sont les gens en réalité. Penser à ce qu’ils ont reçu et ce qu’ils auraient voulu recevoir. Penser à ce qu’ils ont appris et ont cessé d’apprendre. Penser à cequ’ils ont risqué ou pas. Penser à ce qu’ils ont osé ou pas. Penser à ce qu’ils pensent…

     

    °°°

     

    Le 2 octobre 1998. – Rencontre de Michel Butor À l’écart, sa belle maison de pierre des hauts d’Annemasse, face aux Aravis. Très aimable accueil en pantoufles, et très gentils propos sur Le viol de l’ange qu’il a lu entièrement et dit un très bon livre, intéressant et bien construit, qui lui paraît en outre « très chaste »…

     

    °°°

     

    Nous vieillissons, ma bonne amie et moi, comme des Rembrandt. Nous épaississons et nous dorons, dehors et dedans, surtout dedans. Nous serons, je le crois, de bons vieillards cuits à point, à la croûte agréable et à la douce mie.

     

    °°°

     

    Le bonheur de l’écriture nous est donné quand on écrit malgré soi.

     

    °°°

     

    Calella, en octobre. - En reprenant ma lecture des Miettes demémoire de notre ami Henri Ronse, je note encore ces souvenirs personnels :

     

    Les raisins que nous allions grappiller dans les vignes surplombant le lac Majeur, la nuit au clair de lune, avec les hautes maisons de pierre de Scajano qui se détachaient sur le ciel, cet été de notre enfance.

     

    Le premier corps réellement étreint (toute une nuit).

     

    Le bleu vitreux des glaciers de Grindelwald, et la face nord de l’Eiger que nous scrutions à la jumelle, où se déroulait un drame, tel autre été de notre enfance.

     

    Le besoin de se perdre : dans la foule, dans la forêt, dans les caresses, dans l’alcool.

     

    Ceux qui restent froids : révélation pour moi, et début de la prudence.

     

    Ma mère marchant d’un bon pas dans la rue et moi séchant un cours sur une terrasse : la fourmi, la cigale.

     

    Un interminable camion rouge, sur l’autoroute de Francfort, me dépassant avec cette inscription sur son flanc droit : chips, chips, chips, hourrah !

     

    °°° 

     

    L’heureuse discipline que de penser qu’on n’est rien, et d’agir comme si de rien n’était.


    À suivre…

     

  • Mémoire vive (7)

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    Ce 23 novembre 1996. – Il y a quatorze ans de ça, jour pour jour, et par une aube froide et belle comme celle de ce matin, je traversais la campagne en compagnie de mon beauf afin d’aller accueillir Number One en ce bas monde, la même Number One qui est en train de regarder Gone with the Wind à la télé, pour la énième fois. Le souriceau violet s’est transformé en jeune fille en fleurs, son père écoute Eighteen till I die de Bryan Adams, coqueluche des ados, et voilà la vie…

     

    °°°

     

    Good conversation yesterday night with my old friend G.J. who told me about his first sexual experience, at the age of 12, when another guy, having more money than he had, let him meet a young prostitute round the station of Montparnasse. He told me that he remebered quite well the face of the girl, coming from Britain. Other remembrance : some holidays in London, a bit later, when he met another young girl whose kisses à la fraise he never forgot.

     

    °°°

     

    Très intéressé par ce que dit Gilles Deleuze de la langue qui se forge au sein de la langue et se constitue en style. À propos de Céline, notamment : du Voyage au bout de le nuit àGuignol’s Band, Céline se débarrasse peu à peu de la syntaxe ordinaire pour aller vers la musique – le pur jazz verbal à rythme tagadam.

     

    °°°

     

    En relisant un texte que mon père avait écrit à mon intention, en 1981, sur son enfance et sa jeunesse, je suis frappé par la douleur non exprimée qu’il y a entre les lignes, et j’essaie d’imaginer, pour tant de gens coincés par leur éducation, ce qu’à été la vie. Mais a-t-on fait tant de progrès aujourd’hui ? Les décoincés sont-ils réellement plus heureux que leurs aïeux. Je me le demande.

     

    °°°

     

    Le provincialisme se nourrit de ragots et se complaît dans l’immobilisme. Le provincialisme a le mouvement et les confrontations en horreur. Le provincialisme préfère le ricanement à l’humour et se passionne pour l’insignifiance. À tout cela qu’il faut résister.

     

    °°°

     

    On apprend ce matin, par les médias, qu’une adolescente d’Evolène, violée par ses deux oncles, est publiquement accusée, par l’avocat de ceux-ci, de les avoir allumés et de n’être qu’une traînée. Mais vraiment, quelle créature hideuse que l’homme sur ses ergots, et combien la réalité dépasse toutes mes imaginations. Ah mais, autant la débauche ordinaire m’inspire d’indulgence, autant le viol me répugne !

     

    °°°

     

    Suis-je assez conséquent dans ma ressaisie de la réalité ? Ne suis-je pas trop léger dans ma façon detraiter une matière aussi sensible et tragique que celle du Viol de l’ange ? Je me fie beaucoup au pouvoir des mots et à ma capacité d’évocation, mais une langue trop riche ne risque-t-elle pas de noyer les faits ?

     

    °°°

     

    La Guadeloupe, enfévrier 1997.– C’est un pays assez étrange, à la fois attirant et revêche, qui tient en même temps du jardin originel et du chantier laissé à vau-l’eau, où la nature paraît à la fois nourricière et instable, généreuse et violente, et dont les gens sont beaucoup moins ouverts et joyeux que je ne me le figurais. J’en garderai ainsi l’image de ces cabanes à la Faulkner perdues dans les collines, devant lesquelles une femme ou un homme seuls semblent perdus dans je ne sais quelle âpre rêverie.

     

    °°°

     

    Je n’arrive pas à peindre en ces lieux, mais je me remplis de couleurs. Le nuancier des bleus est le plus riche et le plus mouvant sous ces latitudes, toujours lié à des rapports imprévus, au gré de véhéments contrastes. Ainsi du turquoise et du noir soudain cisaillés par des flèches de rose ou de blanc laiteux précipité en coulées huileuses ; ou de ces visions africaines de champs jaunes sous le ciel rouge, avec les taches rousses des vaches seules ou la pointe vermillon d’une crête de coq sur une clôture,  jusqu’à la mer étale entre les haies : une ligne bleu pervenche mais où l’on sait qu’il y a des requins.

     

     

    °°°

     

    À Montréal, en avril1997.– En me baladant par les rues mal famées, que je préfère aux cénacles littéraire mais où traînent beaucoup de pauvres hères et de jeunes à la dérive, je ne cesse de penser à ma situation de privilégié, moi qui suis aimé, qui aime et qui fais ce que j’aime.

     

    °°°

     

    Bacon regarde attentivement le pape de Velasquez, dont il tire un pontife à sa façon, qu’il réduit à un cri. Celui-ci était déjà en puissance dans le pape de Velasquez, mais sous un masque, ou plus exactement dans les traits du masque devenus coulures sur la face du pape de Bacon.

     

    °°°

     

    On peut se perdre à tout moment. Cela se passe comme ça : on ne sait comment. Parfois même, certains jours, on meurt physiquement ou psychiquement, disons : à l’essai.

    Aujourd’hui je me suis senti perdu, à un moment donné, mais la vision d’une vieille femme, à un arrêt de bus, m’a sauvé.

     

    °°°

     

    Ravissante image que celle de Number One, assise en robe longue devant le chalet de Nermont et corrigeant, l’air pénétré, l’écrit secret sur lequel elle travaille depuis quelque temps.

     

    °°°

     

    Ce 1erseptembre 1997. – Niaiserie complète des médias, ce matin, à propos de la mort de Lady Di. Le pompon à 24heures : « Nous sommes tous responsables ».

    Et quoi encore, Ducon ?

     

    °°°

     

    Ce 30 septembre, surlendemain de la mort de mon frère aîné. - On ne s’yattendait pas, mais c’est comme une amputation. On n’avait pas vécu bien proches,on vivait à vrai dire sur des planètes séparées, et pourtant, soudain tout se passe comme si le silence de celui qui s’en est allé faisait affluer des torrents de paroles et d’image.

    Je me rappelle à l’instant les mots de Thomas Wolfe à propos de la méconnaissance qui sépare le père du fils et les frères entre eux, mais comment ne pas vivre aussi, à ce moment-là, cette autre évidence profonde des liens du sang ?

     

    « Nus et solitaires, nous sommes en exil. Dans l’obscurité de ses entrailles, nous n’avons pas connu le visage de notre mère; de la prison de sa chair, nous sommes passés dans l’indicible, l’incommunicable prison de cette Terre.

    Qui donc a connu son frère? Qui d’entre nous a pénétré dans le cœur de son père ? Qui donc n’est à jamais prisonnier de sa prison? Lequel n’est à jamais un étranger, et seul? »

    (Thomas Wolfe, Look homeward, Angel)

  • Mémoire vive (6)

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    À Vienne, en mars 1995. – Ce matin je vais tranquillement prendre mon Frühstück, et voici qu’il y a là, à une table, un horrible vieux  aux deux mains coupées, flanqué d’une horrible vieille aux yeux enfoncés  à coups de marteau sous son front buté. Or je pense aussitôt : bourreau, et non pas victime. À cause du visage. Et de la voix. Et des affreux moignons brandis. Visage horrible de criminel de guerre ou de bureaucrate sadique. Et voix cruelle, tout de suite hystérique (tout desuite voix d’Hitler) à l’instant où le personnage se met à houspiller un hôte qui n’a pas fermé la porte ainsi qu’il convient. « Das zieht ! » a sifflé le monstre, et sa conjointe de renchérir aussitôt :« Das zieht ! Das zieht ! ».

    Ou bien ai-je tout faux ? Après tout, ce pourrait être un ancien ouvrier mutilé par une machine, et qui souffre de rhumatismes ?

     

    °°°

     

    Dino Buzzati : « Vite, vas-y dans la nuit et le gouffre ! Mais au nomde Dieu, ne réfléchis pas, ne te laisse pas prendre par le sommeil ! Demain nous arriverons peut-être ! »

     

    °°°

     

    Très frappé par ce que dit Henry Miller à propos de la peinture, qui lui a rendu la joie de vivre. Or la perspective de peindre en toute liberté, ces jours prochains, ne laisse de me ravir. L’écriture ne m’a jamais été un bonheur simple. Il en va tout autrement de la peinture, par laquelle s’établit un rapport sensible, voire sensuel, à la fois psychique et physique, très intense, avec le monde.

     

    °°°

     

    À Nermont, en juillet1995.– J’aimerais entreprendre ces jours un roman portant sur la réalité contemporaine, et par conséquent aussi sur la pseudo-réalité médiatique et le simulacre sous tous ses aspects. Or tout serait possible dans ce roman virtuel.Tout ce qui peut être dit pourrait l’être. Mais tout, aussi, pourrait rester non-dit de ce qui devrait l’être. Tout serait exprimé qui pourrait l’être, par conséquent tout pourrait y être exprimé dans les limites des moyens d’expression classiques ou postmodernes, page blanche non comprise. Tout serait donc possible dans ce roman, à titre virtuel. Il y aurait là comme une recherche phénoménologique des éléments significatifs de la nouvelle réalité. Le principe moteur du roman serait la liberté de tout dire, et sa tonalité dominante une sorte d’humour panique.

     

    °°°

     

    Ily a, chez Antonio Lobo Antunes, tout ce qu’on peut attendre d’un grand écrivain. À savoir qu’il a le souffle lyrique d’un poète et la précision à tous égards d’un romancier, à la fois la vision large de l’Histoire en marche et de la société en transformation, et celle plus intime du peintre de mœurs et du médecin des âmes. En d’autre stermes, Antunes remplit tous les espaces qui séparent, selon l’expression de Dürrenmatt, le cendrier et l’étoile ; et je ne vois guère, aujourd’hui, d’auteur qui me donne, autant que lui, l’impression de capter et de restituer le monde qui nous entoure avec autant de pénétration sensible et de puissance.

     

    °°°

     

    À Nermont, ce 30 décembre 1995. – Après l’amour l’après-midi, j’ai pensé que sans L. ma vie n’aurait jamais connu la vraie poésie. C’est avec elle seulement que j’aurai touché à la plénitude physique, ou plus exactement : métaphysique, non du tout au sens de la seule satisfaction sexuelle, mais pour cette espèce de chute d’anges au fond de l’espace-temps, au sens de l’unité suprême devinée sinon atteinte, au sens de l’effusion et de la fusion – au sens d’une intimité tendre et vertigineuse à la fois.

     

    °°°

     

    Au téléphone, le vieux Théodore Monod me dit qu’il voit l’ère diabolique commencer le 6 août 1945, caractérisé par le fait que, désormais, les armes humaines sont en mesure de contaminer les générations à venir, signe selon lui de leur caractère démoniaque.

     

    °°°

     

    À Cologne, en mars1996.– Le ciel s’est couvert et le soir vient. Je me trouve, juste avant de reprendre le train pour Düsseldrorf, assis sur un banc donnant sur l’arrière du dôme, lequel forme comme une puissante carène de navire hérissés de clochetons aux dentelles se découpant sur le gris du ciel. Mais ce qui me frappe le plus, à l’instant, c’est la résonance qui s’établit entre le grand arbre noir aux magnifiques entrelacs de ramures qu’il y a là, et l’édifice devant lequel il se dresse, lui opposant sa propre évidence. Tout à l’heure m’a transi le grand froid de l’intérieur du dôme, et voici que la mince lumière des cierges éclairant un morceau de vitrail dans la muraille grise me touche comme un certain vers tout humble de Verlaine évoquant l’or d’un brin de paille…

     

    °°°

     

    Corot à la veille de sa mort : « J’aperçois des choses que je n’ai jamais vues. Il me semble que je n’ai jamais su faire un ciel. »

     

    °°°

    L’ambiance de l’époque est à une sorte de torpeur agitée et de parlote hagarde. Castoriadis parle, fort justement, de la montée de l’insignifiance. Les métaphores de la prison sans grilles et de l’hospice occidental, forgées respectivement par Dürrenmatt et Limonov, sont elles aussi pertinentes. Reste du moins, pour le romancier, à filtrer ces observations par le truchement de personnages et de situations adéquats.

     

    °°°

     

    L’intimité est un cercle magique qui doit être préservé contre toute intrusion. Il n’y ade réelle continuité entre ceux qui s’aiment que s’il y a don et abandon, confiance claire et protection mutuelle d’un secret qu’il n’est jamais besoinde formuler – d’ailleurs est-il même formulable ?

     

    °°°

     

    Le travail est un effort d’élucidation, tandis que la paresse consent aux ténèbres et à la confusion Le travail est tension, quand la paresse est flasque ; le vrai travail est source de joie créatrice, tandis que la paresse est délectation morose. Plus encore : la paresse est corrosive, il y a en elle un pouvoir délétère et même destructeur. La paresse ne se contente pas de ne pas faire, elle défait.

     

    °°°

     

    Les idées viennent en écrivant. Très peu de bonnes choses découlent de la seule cogitation. Le roman est une masse virtuelle de langage à travailler comme une sculpture.

     

    °°°

     

    À Nermont, en août 1995. – Très bel orage ce soir avec, d’un côté, le décor gris sabre et noir bleuté des montagnes et du lac strié de lignes métallisées, et, de l’autre, le front jaunâtre tombant d’un dais noir profond, traversé de formidables éclairs étrangement silencieux, tandis qu’un tiède vent d’Afrique agitait les feuilles d’étain des bouleaux sous nos fenêtres. Sur quoi, comme après l’amour dans le désordre des draps, il commença de pleuvoir des trombes tandis que la grêle hachait rudement la salade.

     

    °°°

     

    Toujours et encore impressionné, à la lecture de Simenon, par la saisissante profusion des observations qu’il a emmagasinées, et dans les milieux les plus divers. Aussi, la qualité morale de ses romans m’en impose. Il n’y a jamais là-dedans rien de vil, contrairement à tant de romans de gare ou d'aérogare qui visent bas et flattent les pires instincts, à commencer par ceux de l’immonde Gérard de Villiers,Tout au contraire il y a, chez Simenon, un fonds de fraternité et de noblesse qui dépasse, et de loin, le phénomène qu’on a dit, de l’éponge ou de la machine à fabriquer du roman. Gide avait raison : en matière romanesque, c’estl’un des plus forts. Et le fait de la simplicité de son écriture ne me dérange pas, bien au contraire. Avec si peu de mots, dire autant du tréfonds humain est incomparable. Simenon n’est peut-être pas un grand écrivain du point de vue de l’invention d’un style, encore que ça se discute, mais quel prodigieux capteur de sensations et d’émotions que ce médium sans pareil.

     

    °°°

     

    Au fil d’une conversation avec Christian Bourgois, j'apprends qu’il est désormais impossible de vendre, aux Etats-Unis, un livre d’un auteur blanc traitant de personnages noirs. Cela ne se fait pas : ce n’est pas conforme à la political correctness…

     

    °°°

     

    Il n’y a que la prière qui rassemble, et c’est cela mon Dieu, même ne priant pas.

     

     

    À suivre…

  • Mémoire vive (5)

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    La vie habitudinaire et assez mortelle que vivent tant de Suisses nantis et rassis est pour chacun de nous une menace de tous les jours et de tous les instants. La non-rencontre est le signe de cette vie aisée et insipide. Penser que nous sommes riches et libres et que nous en faisons ça : cette télévision, ces journaux, cette prostitution policée d’un peu tout.

     

    °°°

    Il y a, dans nos pays de nantis, un homme nouveau qu’on pourrait dire l’Homme duTGV, qui fonctionne à l’aide de deux prothèses : calculette et portable.

     

    °°°

     

    Fuir la laideur, la seule imagination des convoitises basses et toute forme de décréation.

     

    °°°

     

    Deux retraités au café le matin. Elle la plus âgée mais rajeunie par ses atours vaguement écolo nuance chic, lui probablement ex-prof. Tous deux plongés dans les journaux avec une sorte de fièvre soucieuse, sans doute liée à leur sentiment d’être sur la touche, pour ne pas dire au rebut.

    Me rappellent cette réflexion de l’un d’eux citée dans une enquête de Ménie Grégoire : « Ce qu’il y a de terrible, avec la retraite, c’est qu’on n’a plus de vacances… »

     

    °°°

     

    Je reconnais mes vrais amis au degré d’intensité du sentiment de manque que j’éprouve en leur absence.

     

    °°°

     

    L’esprit petit-bourgeois tend à tout acclimater et tout aplatir. La Suisse en représente l’accomplissement propre-en-ordre, à cela près qu’un vieux fonds terrien populaire y résiste.

     

    °°°

     

    S itu veux savoir ce qu’untel pense de toi, écoute Madame.

     

    °°°

     

    À Salonique, en juillet 1933.– Au congrès de l’orthodoxie mondiale, les Serbes parlent en martyrs. Se disent victimes de trois génocides, le premier en 14-18, le deuxième en 39-45 et le troisième aujourd’hui. Mais les Croates parlent aussi de génocide, de même que les Kosovars. Logomachie balkanique. Et les popes d’y ajouter...

     

    °°°

     

    Ce mot de Hofmannstahl que volontiers je fais mien : « La joie exige toujours plus d’abandon, plus de courage, que la douleur . » 

     

    °°°

     

    Lautréamont, moins fou que d’habitude : « On dit des choses solides lorsqu’on ne cherche pas à en dire d’extraordinaires. »

     

    °°°

     

    Des êtres qui sont plus purs dans l’apparente abjection que d’autres dans l’apparente vertu.

     

    °°°

     

    Se purger de toute exaltation niaise, sans perdre sa capacité d’enthousiasme.

     

    °°°

     

    Haldas appelle la sagesse « une foutaise philosophique ». Trop vite dit àmon goût, mais comment, en effet, se dire sage au pied de la Croix ?

     

    °°°

     

    Je ne supporte pas la comédie dans les relations amicales, au sens d’un arrangement opportun. Autant l’hypocrisie courtoise, en société, me paraît aller de soi, autant le double langage, en amitié, m’est intolérable.

     

    °°°

    Au cinéma, en décembre1993.– The Snapper de Stephen Frears. Avec truculence, voici le bordel du monde actuel sublimé par l’amour-tendresse. À mes yeux la meilleure réponse, et combien évangélique, à ceux-là qui prétendent que plus rien ne sort de notre vieille Europe.

     

    °°°

     

    Dépasser l’ironie, la moquerie, la charge, la dégomme, piques et pointes : tout épinglage en somme facile, fauteur de remarques du genre : « Ah mais, tu l’as descendu ! », bref lavulgarité convenue, sans céder un pouce au consentement.

     

    °°°

     

    Dans les médias de ce matin, cette anecdote si caractéristique de l’esprit politiquement correct, qui raconte l’interdiction faite à ses élèves, par telle directrice d’un collège anglais, d’assister à telle représentation de Roméo et Juliette, au motif que cette story serait trop exclusivement hétéro…

     

    °°°

     

    Ily a,  je crois, une analogie profonde entre le narcissisme sexuel, un certain alcoolisme et la drogue, et c’est la jouissance pure, pleine de son seul vide.

     

    °°°

     

    D’où vient en nous la reconnaissance de la beauté ou de l’harmonie, opposées à la laideur ou au chaos ? Je ne crois pas qu’il s’agisse seulement d’éducation ou de culture. Je crois qu’il y a, au fond de nous, le sens d’un ordre secret et sacré que dérange et même que défait ce qu’on appelle le mal.

     

    °°°

    À Nermont, en novembre1994.– La montagne est d’une vieille beauté triste d’avant la tombe qui me rappelle ce sublime poème de Lamartine dont je ne me souviens pas d’un mot à l’instant. Les épilobes ont l’air de plumes d’autruche mangées aux mites au fond d’un grenier fleurant la souris morte, la cabane aux oiseaux penche plus que l’été dernier, les feuillus défoliés mettent du gris taïga dans les vestiges d’or et de pourpre qui rehaussent à peine le fond vert fané de la forêt, le petit funiculaire rouge ne grince plus de l’autre côté du val, la plupart des chalets sont fermés. Le silence se fait entendre, un chat haret s’enfuit là-bas dans les taillis,  je me demande vers quelle ingrate tanière. 

     

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    À Paris, en décembre1994.– Ce que me disait Ismaïl Kadaré hier soir, à propos du ressentiment mortel qui pourrait être attisé ces prochaines années par les intégristes musulmans montant en épingle le martyre de la Bosnie, me semble bien plus fondé que la satisfaction de certains chrétiens persuadés que les Serbes ont fait barrage à une avancée de l’islam; et je partage, aussi, le sentiment de Kadaré que quelque chose d’important nous échappe encore de l’affrontement réel à venir, qui nous apparaîtra peut-être trop tard. En tout cas je retiens cette observation du grand écrivain albanais : que la haine d’un milliard de musulmans est une chose trop grande pour le monde.

     

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    Il faut que je me persuade chaque matin que je ne suis pas nul. Que je me persuade chaque matin que mon travail est légitime. Que je me persuade chaque matin que ce que je fais n’est pas à jeter. Après quoi je n’ai plus qu’à m’y mettre.

     

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    Sur une affiche placardée à la Bibliothèque universitaire : « Pour un quart d’heure de méditation – Espace Dieu, salle X . »

     

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    Le travail est le seul acte, avec l’enfantement, qui ajoute un contenu à l’extase.

     

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    Bernanos :« L’homme de ce temps a le coeur dur et la tripe sensible. Comme après le déluge, la terre appartiendra peut-être demain aux monstres mous ».

     

    Photo JLK: les hauts de La Désirade