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Maurice Nadeau le grand passeur

Nadeau02.jpgL'éditeur et patron de La Quinzaine littéraire, mort à 102 ans, incarnait la mémoire frondeuse d'un siècle de littérature. Découvreur non aligné, il  "lança" Henry Miller et Michel Houellebecq...

 

L'édition française vient de perdre deux vénérable figures de sa grande époque. Après la mort de Robert Gallimard, le 8 juin dernier à l'âge de 87 ans, celle de Maurice Nadeau, décédé ce dimanche, marque la disparition d'un fondateur-découvreur d'exception.

Si Robert Gallimard, neveu du mythique Gaston, joua un rôle assez discret dans les destinées de la prestigieuse maison - non sans avoir été l'interlocuteur privilégié de Sartre, Camus ou Romain Gary, notamment -, Maurice Nadeau a toujours fait figure à la fois de découvreur de premier rang et de franc-tireur de l'édition.  

 

Fils d’une servante illettrée qui lui montra un jour son derrière pour lui faire sentir combien elle se moquait des convenances, orphelin de père à cinq ans, pupille de la nation poussé aux hautes études par sa mère, Maurice Nadeau fut d'abord un prof de lettres très engagé. Stalinien, puis exclu du Parti pour ses questions incongrues sur la politique de Staline et l’Allemagne nazie,  il était résistant quand il a rencontra un Jean-Paul Sartre qu'il décrit come "politiquement naïf" dans ses mémoires.  Au lendemain de la guerre, il devint «le» critique du journal Combat d’Albert Camus et Pascal Pia. Puis il s’improvisa éditeur pour diffuser le premier témoignage d’un rescapé des camps nazis, Les jours de notre mort de David Rousset. Avec celui-ci, Nadeau fut l’un des rares communistes à reconnaître l’existence des camps du goulag. Critique étranger aux modes médiatiques ou universitaires, il fonda La Quinzaine littéraire en 1966, restée mythique par son indépendance et son ouverture.

 

Passeur de littérature, Maurice Nadeau a toujours dit qu'il "aimait admirer". Or ses admirations n'avaient rien de convenu ! Ami du « pornographe » Henry Miller dont il publia la trilogie de Sexus, celui que sa mère appelait "Momo" passa des heures à se taire avec Samuel Beckett, se fit servir de l’eau chaude par Henri Michaux, aida Georges Perec à décrocher le Prix Renaudot avec Les Choses, découvrit et défendit de grands auteurs « étrangers » tels Malcolm Lowry - l’auteur du génial Au-dessous du volcan -, le Polonais Witold Gombrowicz, le Sicilien Leonardo Sciascia et le Russe Varlam Chalamov, enfin le Sud-Africain J.M. Coetzee, futur Nobel de littérature.

La dernière grande découverte   de Maurice Nadeau fut celle de Michel Houellebecq, en 1984, qui se présenta à lui comme "le nouveau Perec !" Après quelques tergiversations, l'éditeur publia Extension du domaine de la lutte.  Mais comme tant d’autres, Houellebecq le quitta bientôt pour un éditeur plus coté. Chanson connue des découvreurs !

De son Histoire du surréalisme, datant de 1945, à ses Mémoires littéraires portant le titre significatif de Grâces leur soient rendues, en passant par Serviteur !, Maurice Nadeau aura  fait oeuvre, enfin, de chroniqueur d'une riche époque littéraire, comme en témoignait encore Le Chemin de la vie, belle série d'entretiens (Verdier, 2011) recueillis par Laure Adler. Laquelle disait en chaleureuse complice: "Maurice est un blagueur. Un ironique. Un doux rêveur. Il n'en fait qu'à sa tête et n'en démord pas. C'est son désir qui le guide, éclairé par ses intuitions. Au fond, c'est un solitaire, mais qui peut avoir des tendresses"...

 

 

 

Commentaires

  • Maurice Nadeau a toujours été un nom qui compte. Bien que je n'aie rien lu de lui. Outre le fait que j'ai un immense plaisir à lire et relire "Verbier" ou "Coup de langue" de Michel Volkovitch, que ces titres soient publiés chez Maurice Nadeau, ça comptait.
    Étonnant comme on est traversé(e) par l'histoire, comme les êtres nous habitent à cause de cela sans qu'on ait un ancrage personnel précis.

  • Un blog s'interroge :

    http://laprecaritedusage.blog.lemonde.fr/2013/06/17/mort-de-maurice-nadeau-et-de-la-quinzaine-litteraire/

  • Merci à Jean-Baptiste de citer le gâte-sauce de l'occasion, qui n'a pas tout tort. Les salamalecs à La Quinzaine littéraire se multiplient, mais qui la lit ? Il est injuste d'en faire une feuille morte, mais son rôle s'est estompé depuis des années comme celui de toutes les revues littéraires, au profit du zapping médiatique. En 1992, en Suisse romande, nous avons fondé Le Passe-Muraille qui a publié des textes inédits de nombreux grands auteurs contemporains. De plus de 1000 abonnés, le journal a perdu ses lecteurs en même temps que disparaissait toute une société lectrice et cultivée. Est-ce dire qu'il n'y ait plus de place pour une revue sur papier ?La question se pose....

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