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  • Ceux qui prennent le temps

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    Celui qui va par les collines de bruyère / Celle que ne trouble point le concept voilé / Ceux qui déclinent leur identité de descendants directs du roi Mbuta / Celui qui sait les 50 nuances du noir Zurbaran / Celles dont les aïeux enfants ont posé pour Murillo mais ça fait bien du temps / Ceux qui voient l'avenir de la mariée en noir / celui qui a rédigé son journal de deuil dans le jardin en bord de nuit de Nether Edge / Celle dont les yeux brillent autant que ses bijoux / Ceux dont le prénom du fils est un voeu / Celui qui ne vole plus de livres /Celle qui a la grâce de la gazelle et les yeux assortis / Ceux qui s'écrivent sur Facebook d'une chambre à l'autre / Celui qui attache sa ceinture pour ne pas se noyer seul si l'avion plonge / Celle qui annonce sur Facebook qu'elle a emprunté ses lunettes à Tahar Ben Jelloun qui les lui a laissées le temps de lire un article sur Jean d'Ormesson qu'elle admire aussi beaucoup mais qui n'a pas de lunettes lui / Ceux qui alertent Twitter chaque fois qu'ils voient entrer un écrivain connu chez Lipp qu'ils suivent incognito pour capter quelque bribe d'info à caser sur le blog d'Assouline / Celui que tout blesse et qui s'en trouve revigoré / Celle qui cèle la clef de son poème abscons dans le cellier du saleur / Ceux qui attendent le départ de l'avion pour s'envoyer en l'air / Celui qui reste zen dans le zingue cloué au sol depuis une plombe / Celle qui lit un thriller gore à côté de la Japonaise ovipare scutant sa Seizo à quartz / Ceux qui en seront bientôt à deux heures coincés dans le vol Manchester-Geneva scotché au sol pour check technique / Celui qui relit La vérité sur l'affaire Harry Dicker trois mois après avoir dévoré ses épreuves et avec le surcroît de plaisir de savoir l'auteur en train de vivre l'histoire de son jeune romancier à succès /Celle qui s'est reconnue dans le personnage de mère juive du roman et n'a pas manqué d'appeler son fils pour lui recommander de devenir célèbre lui aussi après le lycée / Ceux qui par jalousie réduisent ce Joël Dicker dont on parle trop à un épigone de Philip Roth et de John Irving qu'ils n'ont pas lus non plus mais ils ne sont pas dupes pour autant / Celui qui apprécie le succès de ceux qui le méritent en leur souhaitant juste de prendre le temps de se promener en forêt / Celle qui ne se doute pas que tu lui ramènes trois toiles magnifiques roulées dans le ventre de l'avion qui n'en sait rien non plus le con/ Celle qui te révèle tes dons cachés de danseur de salsa / Ceux qui s'entendent même dans le trépidant boucan de la boîte cubaine / Celui qui porte un nom signifiant à la fois malice et ruse et même intelligence - ce qu'il te révèle sans trop insister sur la troisième qualité en espérant que tu protestes / Celle qui pétille d'humour et respire la douceur mais sortira les dents si la couguar là-bas genre Canadienne délurée s'approche un peu trop de son gars-là / Ceux qui font pèlerinage au stade de Sheffield en souvenir de leurs cousins de Liverpool piétinés dans les gradins /Celui qui prend le temps où il le trouve pour en faire ce qui il lui chante / Celle qui est tout feu tout foot / Ceux qui n'ont pas perdu leur temps à devenir des amis et en prendront encore pour le rester etc.

    (Cette liste a été notée en marge de la (re)lecture de La vérité sur l'Affaire Harry Quebert, dans l'avion de Manchester à Geneva scotché sur le tarmac de départ pendant deux heures...)

  • Ceux qui se font écho

     

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    Celui qui finit les phrases de son compère / Celle qui rit comme on l'attend d'une femme de bien aux chevilles joliment tournées / Ceux qui disent non au coquillage après avoir bien médité et même un peu lévité / Celui qui découvre les collines du Yorkshire / Celle qui emmène son yorshire Pussy au restau Nonnas du coin de la rue où elle lève des gigolos possiblement amateurs de chair boucanée / Ceux qui remontent le fleuve de leurs souvenirs / Celui qui pour Five Pounds acquiert une veste d'intérieur de laine de cabri pour écrire des poèmes à la Beardsley / Celle qui préfère les hygiénistes dentaires de l'arrière-pays marocain / Ceux qui se racontent leurs mères / Celui qui t'explique le procédé de sérigraphie appliqué par Andy Warhol pour ses autoportraits flashy / Celle qui prépare un plat de Haddock dont celui qu'on appelle Captain Sensible se régale / Ceux qui au fil de ce qu'ils se racontent par les rues de Sheffield se retrouvent à la Maremme toscane puis au Bas-Congo puis à la Collection Philips de Washington puis sur un banc de Bardonecchia puis un autre de Scajano puis au Bue Note puis à Bayreuth puis dans le Marais puis sur la piazza Navona où ils se paient un tiramisu et un thé vert /Celui qui a passé par Turner avant de recevoir son premier pinceau chinois d'une jeune fille bien sous tous rapports /Ceux qui se rappellent le jeune bibliothécaire d'Orléans qui avait fait passer le nombre des lecteurs de 500 à 5000 non sans ramener les loubards du coin à de meilleurs sentiments envers les Humanités Classiques / Celui qui déclare avec emphase que ne pas voir l'automne à Sheffield revient à n'avoir jamais vu l'automne ni jamais vu Sheffield / Celle qui a visité l'Angleterre par les romans d'Elizabeth George / Ceux qui se promettent d'aller voir les aquarelles de Turner à la Tate Gallery mais une autre fois pour qu'il y ait au moins une autre fois / Celui qui cite volontiers Lucrèce dans le texte ou Jean-François Lyotard pour en imposer aux pédantes condescendantes que la couleur de sa peau effarouche quelque peu / Celle qui pouffait à la veillée africaine en assistant aux facéties de son lascar voyou boute-en-train au coeur tendre et à la tête dure / Ceux qui savent qu'il y a quelque part un village saint et qu en tirent une énergie de titans paisibles, etc.  

    Sheffield13.jpgBona Mangangu. Sheffield, nov. 2012

    Le Jardin botanique de Sheffield.

  • Discovering Neil Rands

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    "My work is based in life, our planet and generations to come. I am a scavenger and believe my life to be lived in liminal times. I need to capture and report this liminality. In painting I can convey more than in the words i know."

    (Neil Rands)

    No words more, but have a look on Neil's paintings...

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    Neil5.jpgNeil10.jpgNeil21.jpgStonehenge.jpg

  • Les lycéens à la rescousse !

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    Le formidable roman de Joël Dicker, La vérité sur l'affaire Harry Quebert, déjà consacré par le Grand Prix du roman de l'Académie française, a obtenu aujourd'hui le Prix Goncourt des lycéens 2012. Bel hommage des teenagers à un très jeune écrivain francophone qui honore la littérature française avec un ouvrage qui dépasse, et de loin, les standards du polar ou du thriller dans les limites desquels certains aimeraient le confiner. Qu'on lise avant de juger. Et ce n'est que du plaisir, sans compter l'humour constant de l'auteur et l'intérêt d'une approche critique de la société contemporaine et de ses fantasmes, de sa violence et de sa complexité.

     

    La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert, deuxième ouvrage du jeune auteur genevois Joël Dicker, est le roman en langue française le plus surprenant, le plus captivant et le plus original que j’aie lu depuis bien longtemps. Comme je suis ces jours en train de relire Voyage au bout de la nuit, en alternance avec le Tiers Livre de Rabelais, je dispose de points de comparaison immédiats qui m’éviteront les superlatifs indus. Mais la lecture récente de très bons livres à paraître cet automne, tels Le Bonheur des Belges du truculent Patrick Roegiers, Notre-Dame-de-la-Merci du tout jeune Quentin Mouron tenant largement ses promesses, Après l’orgie du caustique Jean-Michel Olivier ou Prince d’orchestre de Metin Arditi qui donne son meilleur livre à ce jour, m’autorise aussi à situer le roman de Joël Dicker dans ce qui se fait de plus intéressant, à mes yeux en tout cas, par les temps qui courent.

    La publication prochaine de La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert marquera-t-elle l’apparition d’un chef-d’œuvre littéraire comparable à celle du Voyage de Céline en1934 ? Je ne le crois pas du tout, et je doute que Bernard de Fallois, grand proustien et témoin survivant d’une haute époque, qui édite ce livre et en dit merveille, ne le pense plus que moi. De fait ce livre n’est pas d’un styliste novateur ni d’un homme rompu aux tribulations de la guerre et autres expériences extrêmes vécues par Céline; c’est cependant un roman d’une ambition considérable, et parfaitement accompli dans sa forme par un storyteller d’exception, qui joue de tous les registres du genre littéraire le plus populaire et le plus saturé de l’époque – le polar américain – pour en tirer un thriller aussi haletant que paradoxal en cela qu’il déjoue tous les poncifs recyclés avec une liberté et un humour absolument inattendus. Cela revient-il à situer le livre de Joël Dicker dans la filiation d’Avenue des géants, le récent best-seller, tout à fait remarquable au demeurant, de Marc Dugain ? Non : c’est ailleurs il me semble que brasse l’auteur genevois, même s’il interroge lui aussi les racines du mal au cœur de l’homme.

    Limpidité et fluidité

    Ce qu’il faut relever aussitôt, qui nous vaut un plaisir de lecture immédiat, c’est la parfaite clarté et le dynamisme tonique du récit, qui nous captive dès les premières pages et ne nous lâche plus. L’effet de surprise agissant à chaque page, je me garderai de révéler le détail de l’intrigue à rebondissements constants. Disons tout de même que le lecteur est embarqué dans le récit en première personne de Marcus Goldman, jeune auteur juif du New Jersey affligé d’une mère de roman juif (comme Philip Roth, ça commence bien…) et dont le premier roman lui a valu célébrité et fortune, mais qui bute sur la suite au dam de son éditeur rapace qui le menace de poursuites s’il ne crache pas la suite du morceau. C’est alors qu’il va chercher répit et conseil chez son ami Harry Quebert, grand écrivain établi qui fut son prof de lettres avant de devenir son mentor. Mais voilà qu’un scandale affreux éclate, quand les restes d’une adolescente disparue depuis trente ans sont retrouvés dans le jardin de l’écrivain, qui aurait eu une liaison avec la jeune fille. D’un jour à l’autre, l’opprobre frappe l’écrivain dont le chef-d’œuvre, Les origines du mal, est retiré des librairies et des écoles. Là encore on pense à Philip Roth. Quant à Marcus, convaincu de l’innocence de son ami, il va enquêter en oubliant son livre… qui le rattrapera comme on s’en doute et dépassera tout ce que le lecteur peut imaginer.

    Un souffle régénérateur

    Je me suis rappelé le puissant appel d’air de Pastorale américaine en commençant de lire La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert, où Philip Roth (encore lui !) retrouve pour ainsi dire le souffle épique du rêve américain selon Thomas Wolfe (notamment dans Look homeward, Angel) alors que le roman traitait de l’immédiat après-guerre et d’un héros aussi juif que blond… Or Joël Dicker aborde une époque plus désenchantée encore, entre le mitan des années 70 et l’intervention américain en Irak, en passant par la gâterie de Clinton... qui inspire à l’auteur un charmant épisode. On pense donc en passant à La Tache de Roth, mais c’est bien ailleurs que nous emmène le roman dont la construction même relève d’un nouveau souffle.

    La grande originalité de l’ouvrage tient alors, en effet, à la façon dont le roman, dans le temps revisité, se construit au fil de l’enquête menée par Marcus, dont tous les éléments nourriront son roman à venir alors que les origines du roman de Quebert se dévoilent de plus en plus vertigineusement. Roman de l’apprentissage de l'écriture romanesque, celui-là s’abreuve pour ainsi dire au sources de la « vraie vie», laquelle nous réserve autant de surprises propres à défriser, une fois de plus, le politiquement correct.

    De grandes questions

    Qu’est-ce qu’un grand écrivain dans le monde actuel ? C’était le rêve de Marcus de le devenir, et son premier succès l’a propulsé au pinacle de la notoriété ; et de même considère-t-on Harry Quebert pour tel parce qu’il a vendu des millions de livres et fait pleurer les foules. Mais après ? Que sait-on du contenu réel des Origines du mal, et qu'en est-il des tenants et des aboutissants de ce présumé chef-d’œuvre ? Qui est réellement Harry ? Qu’a-t-il réellement vécu avec la jeune Nola ? Que révélera l’enquête menée par Marcus ? Qui sont ces femmes et ces hommes mêlées à l’Affaire, dont chacun recèle une part de culpabilité, y compris la victime ?

    Je n’ai fait qu’esquisser, jusque-là, quelques traits de ce roman très riche de substance et dont les résonances nous accompagnent bien après la lecture. Il faudra donc y revenir, Mais quel bonheur, en attendant, et contre l’avis mortifère de ceux-là qui prétendent que plus rien ne se fait en littérature de langue française, de découvrir un nouvel écrivain de la qualité de Joël Dicker, alliant porosité et profondeur, vivacité d'écriture et indépendance d'esprit, empathie humaine et lucidité, qualités de coeur et d'esprit.

     

    Ce qu'en dit Bernard de Fallois, éditeur:

    "Dans une expérience assez longue d'éditeur,on croit avoir tout lu: des bons romans, des moins bons, des originaux, plusieurs excellents... Et voici que vous ouvrezun roman qui ne ressemble à rien, et qui est si ambitieux, si riche, si haletant, faisant preuve d'une tellemaîtrise de tous les dons du romancier que l'on a peine à croire que l'auteur ait 27 ans. Et pourtant c'est le cas. Joël Dicker, citoyen suisse et même genevois, pour

    son deuxième livre, ve certainement étonnenr tout le monde".

     

    Dicker9.jpgJoël Dicker. La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert. Editions Bernard de Fallois / L’Age d’homme, 653p.

  • Ceux qui filent à l'anglaise

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    Celui qui va tisser sa nouvelle liste chez Albion en évitant toute filature / Celle qui croit se reconnaître dans ce qui précède au motif qu'Albion est sa colombe blanche / Ceux qui échangent depuis des années sur la Toile sans s'être jamais serré la pince en 3D / Celui qui ne connaît de l'Angleterre que le Speaker's Corner de Hyde Park et les silences du Colonel Bramble quand il boit son Bourbon dans son bain / Ceux qui se rappellent les lueurs de Londres vues du haut de la butte sur laquelle monte Jude l'obscur quand il s'ennuie dans son bled / Celle qui croit que Maugham est une bourgade du Somerset / Ceux qui estiment que l'Angleterre vaut le déplacement même s'il faut y aller / Celui qui préfère Ian McEwan à Martin Amis sauf au tennis / Ceux qui ont lu Mort à crédit pour assurer genre punk attitude / Celui qui n'ose pas dire son âge à ses étudiantes en prospective éthique mais n'en était pas moins à l'île de Wight quand ça se mélangeait grave / Celle qui prépare son ndolé à Woodstock Road / Ceux qui dans le grand débat entre Rockers et Mods sont toujours restés réservés / Celui qui n'a pas lu les poèmes de Mary Sheffield au motif que son frère avait vraiment les cheveux trop longs et couchait paraît-il avec Lord Bacon / Celle qui a rencontré Fabrice à la grande expo du Caravage (donc à Rome, années 80) et l'a quitté après celle de Canaletto (donc à Venise, années 90) / Ceux qui se demandent si Le Caravage avait un problème de vue ou si son atelier manquait juste de lumière / Celui qui demande à Joël Dicker s'il est déjà millionnaire et dans ce cas s'il peut l'aider à financer l'extenson de l'avant-toit de son garage sinon il attendra / Celle qui recommande à sa fille de rencontrer ce Dicker par hasard qui présente bien et mène ses affaires en adulte responsable / Celles qui sont pour que Joël Dicker se rase et celles qui sont contre - ma foi chacun ses valeurs / Celui qui offre le dernier Goncourt à sa cousine snob en espérant l'énerver vu qu'elle préfère les loosers / Celle qui pense que Dicker avec un nom pareil est sûrement juif et d'ailleurs son protagniste se nomme Goldman comme le chanteur prénommé Jean-Jacques (sûrement juif) et le penseur marxiste prénommé Lucien (aussi juif que Marx sûrement) et ce prénom de Joël est sûrement celui d'un prophète de la Thora tu crois pas demande-t-elle à son ami Ramadan / Ceux qui ont noté la marque de l'ordi du jeune écrivain à succès pour se booster dans l'Aventure d'un roman à succès en visant clairement les traductions et le film / Celui qui jamais ne chantera Jealousy Rock et c'est pourquoi l'on lui trouve de la King Attitude / Celle qui entreprend la lecture de La Vérité sur l'affaire Harry Quebert dans l'avion de Manchester entre deux voyageuses en train de lire le même livre / Ceux qui se voient pour la première fois en 3D après avoir échangé pendant sept ans sur la Toile et qui s'en trouvent plus jeunes / Celui qui a le rire des bonnes gens / Celle qui t'accueille avec un sourire de lumière / Ceux qui se sont donné une semaine pour devenir inséparables avant de se quitter, etc.

    Ceux qui remettent ça

    Sur la proposition récente de François Bon, qui a publié il y a quelques années, à l'enseigne de Publie.net, une première tranche de ces listes, intitulée Ceux qui songent avant l'aube, je vais rassembler, ces prochains temps, une nouvelle série de 333 pages, tirées des 1400 existantes, que je distibuerai en sept parties correspondant à autant de tonalités, sans réduction systématique pour autant. Les intitulés de ces sept sections pourraient être 1) Matinales 2) Attentives 3) Intempestives 5) Ludiques 6) Délirantes 7) Mélancoliques.

    Image JLK: First Morning in Sheffield, Woodstock Road.

     

  • Ceux qui font tache

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    Celui qui se trouve exclu du club de foot à cause de la couleur de sa langue /Celle qui lit Tacite dans le jardin public plein d’enfant chinois / Ceux qui murmurent des mélopées chamaniques au milieu des baigneuses / Celui qui s’exprime très très lentement à la radio du matin au point de décontenancer l’animatrice Super Girl / Ceux qui sont tolérés en dépit de leur propension à la rêverie non recyclable / Celui qui affiche par trop sa joie de vivre aux yeux de la surveillante de l’orphelinat / Celle qui sent qu’elle ne sert plus à rien dans le journal féminin qui ne jure plus que par le fun / Ceux qui sont expulsés des bars de jeunes cadres dynamiques non fumeurs / Celui à qui l’euphorie générale fout le cafard / Celle qui découvre l’histoire de son pays dans les livres qu’on ne lit plus à l’école / Ceux qui se mettent à dissimuler leur culture dite élitaire / Celui qui n’est plus reçu à la piscine des nageurs politiquement coordonnés / Celle qui se signale toujours par quelque extravagance stylistique du genre « j’infère ceci des arguments suaves du redoux préalpin aux moiteurs sensuelles des biotopes » / Ceux qui dérogent à la convivialité positive / Celui qui met les pieds au mur du son dans le quartier des abuseurs bruyants / Celle qui refuse d’ingérer le yaourt officiel du Parti des écologue de droite socio-démocrate / Ceux qui cherchent à plaire aux oiseaux des hautes branches / Celui qui installe un Totem devant sa piscine à sacrifices que dissimule un mur de parpaing chaulé / Celle qui porte un chapeau vert à l’imitation des dames d’un roman oublié / Ceux qui ont passé du maximalisme hard au minimalisme ultrasoft genre Delerm édulcoré tout bio / Celui qui te dénonce au motif que tes cheveux blonds et tes yeux verts lui inspirent des pensées illicites / Celle qui découvre avec horreur la collection Signe de Piste dont son grand-oncle Ange-Marie, cette probable tante refoulée, faisait son miel avant d’entrer à la Légion puis de s’égarer chez les Franciscains / Ceux qui dansent sur le volcan virtuel / Celui qui est allé tellement loin dans le simulacre qu’il a fini par devenir le clone de lui-même à l’époque où il faisait figure de garçon rangé plein d’avenir / Celle qui fait collection d’hommes lesbiens dont elle dispose les scalps sur le manteau de sa cheminée design / Ceux qui ont un couteau spécial pour s’échapper de la nasse du conformisme ambiant / Celui qui hante les clairières philosophiques avec un calepin sur lequel il note ses pensées à la musicalité volatile / Celle qui se sent petite naine futile dans le stade où les Giants nietzschéens affrontent les Rangers néo-kantiens, etc.

    Image: Philip Seelen