Premier papier dans L'Hebdo.
Des Chemins de traverse intimistes, érudits et ivres de liberté.
par Isabelle Falconnier
Depuis l’an 2000, Jean-Louis Kuffer nous invite a partager son intimite d’homme qui lit et, partant, d’homme qui écrit. L’ambassade du papillon reprenait chez Campiche ses carnets de 1993 a 1999, Les Passions partagées, en 2005, remontait de 1973 a 1992, Riches heures, paru à L'Age d'Homme, utilisait son Blog-notes 2005-2008 et ce nouvel ensemble de ses carnets, Chemins de traverse,rassemble ses Lectures du monde de 2000 a 2005.
Si Giacometti a cree un Homme qui marche archetypal, Kuffer construit décennie apres décennie un personnage d’homme qui lit dont la richesse fait oublier tous les autres. L’écrivain et journaliste né a Lausanne en 1947 vit en littérature: il lit les livres qui sortent, rencontre leurs auteurs, relit les livres auxquels ces écrivains lui font penser, ne se leve pas un matin sans ecrire quelques phrases qui seront publiees un jour, edite une revue litteraire – un homme de lettres dans tout son splendide mystère, sérieux, erudit, monomaniaque.
Depuis son adolescence, il prend des notes comme on accomplit une « espece de rite sacre », remplissant une centaine de carnets constituant un journal devenu la « base continue de [sa] presence au monde et de [son] activite d’ecrivain ».
Ce volume le suit de Lausanne à sa maison La Desirade, a Villard-sur-Chamby (VD), de Paris a l’Espagne ou la Belgique ou il est envoye en reportage. On suit des personnages récurrents qui composent son corps de garde rapproché: ses deux grandes filles, sa mere, qui decede en cours de journal et qui nous vaut les lignes les plus emouvantes du livre, sa femme, cette « bonne amie », son ami l’ecrivain Marius Daniel Popescu, compagnon exclusif de soirees d’exces dont Kuffer tente de se preserver. On croise des dizaines d’écrivains morts ou vifs qui forment une belle cosmogonie litteraire – Philip Roth, Ahmadou Kourouma, Timothy Findley, Jean d’Ormesson, Pascale Kramer, Amos Oz, Nancy Huston – d’anciens amis: Haldas, Dimitrijevic, Chessex – avec lesquels l’auteur a prefere se brouiller plutôt que de perdre sa liberte. "Je tiens plus a la liberte qu’a l’amitie. (…) Je tiens plus a la paix interieure qu’a l’amitie."
On assiste a la naissance de son blog, simple jeu devenu veritable stimulation. Se faconne page apres page un honnête homme, lucide (« Aux yeux de certains je fais figure d’extravagant, pour d’autres je suis celui qui a céée au pouvoir médiatique, mais ma verite est tout ailleurs (...). »), narcissique (« Se regarder n’est pas du narcissisme si c’est l’humanite qu’on scrute dans son miroir. »), attachant.
Jean-Louis Kuffer. Chemins de traverse. Lectures du monde 2000-2005. Postface de Jean Ziegler. Olivier Morattel éditeur, 400 p. Vernissage du livre au Salon du livre de Genève sur la scène de L’Apostrophe le 27 avril à 17 h. Présence de l’auteur sur le stand de son éditeur les 27, 28 et 29 avril.
Photo: Daniel Vuataz
Commentaires
comme quoi on peut être taxé de narcissique même quand on énonce des évidences^^
Bah vous le savez autant que moi: narcissique, pervers polymorphe, monomaniaque, multirécidiviste de l'exhibition numérique, tout ça et tellement pire n'est-ce pas quand on se regarde avec les lunettes de Sainte Gudule... Vous je vous dirai carrément: poète, et là c'est la gerbe !
c'est de la logique gravitationnellle: plus vous vous approchez du neutre, plus le monde du bien et du mal vous trouve abrasif, un vrai roman de la perspective en quelque sorte^^
d'un autre cöté, gerbe, c'est un mot vraiment intéressant en termes polysémiques
c'est de la logique gravitationnellle: plus vous vous approchez du neutre, plus le monde du bien et du mal vous trouve abrasif, un vrai roman de la perspective en quelque sorte^^
d'un autre cöté, gerbe, c'est un mot vraiment intéressant en termes polysémiques