UA-71569690-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Les vols de l'humiliation

    Melgar56.jpg
    Melgar57.jpgTrois ans après La Forteresse, Léopard d’or en 2008, le Lausannois Fernand Melgar revient à Locarno avec Vol spécial. Un documentaire très attendu sur les sans-papiers « jetés » de notre pays. Entretien.

    Ils sont environ 150.000 en Suisse - environ 5000 à Lausanne -, à vivre sans papiers. Depuis 1995, une loi autorise leur expulsion, même s’ils n’ont rien à se reprocher et sont bien intégrés. Sur simple décision administrative, certains d’entre eux sont « raflés » sans préavis et conduits, menottés, jusqu’à un vol spécial dans lequel ils seront entravés, sous la surveillance de trois gardiens par individu, parfois jusqu’à 40 heures d’affilée, contraints de faire leurs besoins sur leur siège. Or ces pratiques ne sont pas le fait de tortionnaires aux ordres d’un Etat Policier: elles correspondent aux normes suisses. La Suisse est le seul pays au monde à pratiquer un entravement si musclé. L’agence européenne Frontex qui gère les renvois pour l’espace Schengen n’utilise qu’un menottage léger. Un état de fait qui ne pouvait laisser indifférent l’ancien sans-papier qu’est Fernand Melgar, fils d’immigrés espagnols devenu l’un des ténors du nouveau cinéma suisse…
    - Quel parcours avez-vous suivi de La Forteresse à Vol spécial ?
    - Après La Forteresse, l’expulsion de l’un de nos « acteurs », l’Irakien Fahad, m’a fait découvrir le centre de détention administrative de Frambois, près de Genève, tel qu’il en existe une trentaine en Suisse. J’y ai rencontré des sans-papiers qui n’avaient pas commis le moindre délit mais dont certains allaient passer là jusqu’à deux ans de leur vie. J’ai voulu en savoir plus...
    - L’autorisation de filmer a-t-elle fait problème ?
    - Le capital de confiance acquis avec La Forteresse, loué par la conseillère fédérale Widmer-Schlumpf et régulièrement montré à ses collaborateurs, m’a facilité les choses. La prison de Frambois, qui découle de la mauvaise conscience des cantons latins accusés de ne pas appliquer les mesures de renvoi, reste un lieu relativement ouvert. Les détenus ne sont pas coupés du monde 23 heures sur 24 comme à Zurich ou à Berne et la préparation des vols spéciaux se fait avec des égards. Tant le directeur que les conseillers d’Etat des cantons concernés de Genève, Vaud et Neuchâtel, m’ont soutenu dans ma démarche, sachant que je resterais objectif.
    - Le film dégage, pourtant, une très forte charge émotionnelle…
    - Evidemment, toute sa dramaturgie, liée à l’attente angoissée du vol spécial, suit le développement de situations humaines souvent poignantes, voire bouleversantes.
    - Comment avez-vous choisi les six « cas » suivis de plus près ?
    - En fonction, précisément, du caractère particulier, à chaque fois différent, mais aussi intense ou complexe, du drame vécu. Par exemple Pitchou le Congolais, en Suisse depuis dix ans, coiffeur à Aigle et qui vient d’être père, auquel un policier vaudois annonce qu’il va être renvoyé… et qui sera finalement libéré, le seul ! sans qu’on sache pourquoi…
    - Allez-vous « suivre » les destinées de vos personnages après leur vol spécial ?
    - Certainement, et ce sera particulièrement important pour ce que vit l’un d’eux, réfugié politique pour ainsi dire livré à ses bourreaux, torturé à son retour dans son pays sous prétexte qu’il avait osé demander asile en Suisse, et qui se trouve actuellement sous notre « protection ». En outre, le film sera prolongé par un webdocumentaire coproduit par la RTS et ARTE où l’on pourra suivre le développement de chaque situation particulière.
    - Quel « message » entendez-vous faire passer avec Vol spécial ?
    - Le film pose une question simple : comment mettre un terme à des pratiques humiliantes, indignes d’un pays qui se réclame des droits de l’homme ? Ce qu’il montre clairement, faits à l’appui, c’est que l’arbitraire règne dans les décisions prises. Dans le seul canton de Vaud, c’est le pouvoir discrétionnaire d’une poignée de fonctionnaires qui ont ainsi la haute main sur le sort des sans-papiers. Au niveau fédéral, à l’Office des migrations (ODM) qui n’a pas vu notre projet d’un bon oeil, nous savons que quatre collaborateurs sur cinq jugent que les décisions prises par l'ODM "ne sont pas prises sur la base de faits établis et d'arguments objectifs".
    « La Suisse a un problème », estime Pitchou. Comment lui donner tort ?
     

    Vol spécial sera projeté en première mondiale au Festival de Locarno, le 6 août prochain, à la FEVI, à 14h. Le film sortira en salle le 21 septembre. Il sera également projeté sur la TSR et la chaîne Arte.
    http://www.facebook.com/volspecial; : http://www.volspecial.ch.

  • Ceux qui font le point

    Panopticon776.jpg

     

    Celui qui fait le point dans sa poche / Celle qui se trouve point moche / Ceux qui se foutent de perdre le point / Celui qui suit sa ligne sans savoir où elle va / Celle qui aime les tâches domestiques et l’a d’ailleurs dit à l’émission Femmes chez elles il y a de ça bien cinquante balais / Ceux que l’esprit du temps ne trouble pas autrement / Celui qui campe sur les hauteurs du village apache / Celle qui aime s’attarder sous la pluie fine des îles Lofoten / Ceux qui font de plus en plus de détours / Celui qui peint des icônes sans s’en douter / Celle qui évite les beaux parleurs / Ceux qui plastronnent et pérorent / Celui qui brandit son micro sous le nez de la diva nègre / Celle qui a toujours son sourire Binaca de l’année 53 / Ceux qui traitent les autres de fachos pour montrer qu’ils n’en sont pas eux / Celui qui te reprochera toujours de n’être d’aucun bord à aucun égard politique ou sexuel / Celle qui estime que les enfants sont globalement indifférents à la politique et au sexe / Ceux qui se replient ou se déplient alternativement ou en même temps ce qui est tout un art mon cher Bonnard / Celui que la lecture de Céline revigore que voulez-vous c komsa / Ceux qui passent volontiers leurs dimanches dans les grands magasins du centre de Tokyo / Celui qui est conscient de cela qu’il eût pu naître à Luanda et qu’alors sa vie en eût été modifiée à divers égards / Celle qui croit aux coïncidences pour autant qu’elles adviennent / Ceux qui disent à la radio qu’ils ne croient pas au hasard comme on le dit volontiers à la radio et parfois même à la télé / Celui qui se satisfait de si peu qu’on en dit qu’il est trop / Celle qui en a toujours trop fait dans la modestie n’est-ce pas / Ceux qui prêchent le faux pour masquer le vrai / Celui qui porte le chapeau en souriant saintement de son air chrétien / Celle qui cherche un sens positif à ces listes qu’elle soupçonne de nihilisme à la fin / Ceux qui ont mal tourné avant de se tourner enfin vers les capucins / Celui qui parle de Dieu à la radio mais ça ne sera compris que des Estoniens / Celle qui s’identifie à Marie sans être vierge mais ça Dieu seul le sait à part un certain voyou qui passait par là / Ceux qui considèrent le Credo catholique comme la base possible d’une nouvelle de science fiction ou même d’un roman / Celui qui dit s’intéresser au Phénomène Croyance mais au fond en gros ça l’énerve / Celle qui renonce au foulard pour prendre le voile / Ceux qui évoquent l’époque de la femme-canon avec une nostalgie un peu forcée je trouve / Celui que son enfance a plutôt fait chier sauf vers la fin / Celle qui aurait préféré que ses origines berbères ne fussent point révélées par les médias même si c’est un plus quelque part va savoir / Ceux qui se disent des bêtes de scène alors que sans sono ils n’existeraient pas / Celui qui s’est senti plus libre d’être traité de facho par des idiots / Celle qui ne lira plus rien de ce Shakespeare décidément trop hétéro / Ceux qui ont remplacé l’Index catholique par le pouce baissé de la Political correctness que Diderot appelait le politiquement correct dans la langue de Voltaire / Celui qui reprend la route en sifflotant l’air narquois de La biroute à papa fait plaisir à maman / Celle qui se fait lutiner ce matin par le flûtiste à l’air mutin / Ceux qui ont toute la vie devant eux et tout autant derrière à en juger par ce qu’ils voient dans le rétroviseur de leur Studebaker sans âge, etc.

    Image : Philip Seelen       

  • Ceux qui viennent ensuite

    Panopticon111.jpg

    Celui qui se retrouve enfin seul / Celle qui s’écoute se taire / Ceux qui sont restés entre eux / Celui qui pense à celle qui s’en va tout doucement là-bas dans la chambre muette / Celle qui reprend ses distances / Ceux qui n’ont jamais vraiment composé avec le nombre / Celui qui reprend le fil de son encre verte / Celle qui danse sur un volcan éteint / Ceux qui se sentent encore à venir / Celui qui se sent un chef de meute en puissance mais n’en a rien à battre de la puissance /  Celle qui se mouche dans les dentelles de sa patronne hautaine / Ceux qui s’effacent pour être plus libres / Celui qui se pousse sur la photo mais n’apparaîtra jamais vu que le photographe s’est fait délester de son Leica onéreux / Celle qui se fait une vertu de n’apparaître point au TJ alors que personne ne le lui demande / Ceux qui restent sur la touche et s’en trouvent hyperbien / Celui qui crève l’écran dans son second rôle de Nobody perfect /  Celle qui reprise les chaussettes du Top Dog / Ceux qui ont du bien mais n’en font pas état vu qu’il y a tant de jaloux vous savez / Celui qui se fait traiter de fasciste au motif qu’il est démocrate et ça c’est mal vu camarade / Celle qui traite tous ses ex de fascistes on se doute pourquoi / Ceux qu’on traite alternativement de gauchistes et de fascistes et c’est alternativement par des fascistes et des gauchistes / Celui qui crache dans la soupe et s’étonne de ce que les autres la trouvent amère / Celle qui vomit la Suisse pays de nantis qui n’a même pas de Glennfiddich dans les mini-bars de ses cinq étoiles / Ceux qui ont fait carrière dans la contestation de salon / Celui qui va de palace en palace au titre de juré de festival resté à fond du côté des déshérités des favellas / Celle qui dégueule les festivals sans en manquer aucun / Ceux  qui se retrouvent dans les ruelles secondaires de la ville que la rumeur festivalière n’atteint pas alors que le risotto au Merlot y est moins chéro / Celui que les effondrements boursiers réjouissent quelque part / Celle que l’injuste répartition des richesses révolte toujours tout en sachant que son Parti des Consommateurs Chrétiens n’y changera rien de son vivant et peut-être même pas du vivant de sa fille Monique-Andrée / Ceux qui doutent même (un peu) de la crédibilité du Parti des Sans-Partis / Celui qui drague en eaux basses sans assumer pour autant son mètre soixante / Celle qui s’est gardée pour plus tard et constate ce matin que c’est trop tard / Ceux qui osent dire tout haut qu’ils n’aiment pas les étrangers mais comme il n’y a plus d’étrangers dans le pays à cause du prix du franc ça ne se remarque pas et bientôt vous serez tout seuls à consommer et ça c’est que du bonheur les Ducon / Celui que la bonne humeur de ces listes réjouit / Celle dont on dit qu’elle vit ses derniers jours en souriant comme toujours / Ceux qui aiment les films X et celles qui préfèrent les calissons d’Aix, etc,              

    Image : Philppe Seelen