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  • Scènes de la vie des gens

    1. IMG_0784-1.jpgÀ propos de La Tête des gens, de Jean-François Schwab

     

    « Observer c’est aimer », écrivait Charles-Albert Cingria, qui s’y employait au regard des choses autant que des gens, mais c’est surtout de ceux-ci, comme son titre l’annonce, qu’il est question dans La Têtes des gens de Jean-François Schwab, premier recueil de cet auteur romand rassemblant onze nouvelles encadrées par un prologue et un épilogue de type choral.

    Une épigraphe à valeur d’envoi, signée Christian Bobin, faite suite à ces histoires de la vie des gens, ici et maintenant, qui en résume la tonalité, sinon générale, du moins récurrente : « La solitude est une maladie dont on ne guérit qu’à condition de la laisser prendre ses aises et de ne surtout pas en chercher le remède nulle part ».

    La   solitude n’est pas pour autant une fatalité ni forcément un désagrément, pour peu qu’on ne la subisse pas. Mais la solitude pèse souvent sur les personnages de La Tête des gens, dans la mesure où elle exacerbe un manque de présence ou un manque d’amour caractéristiques d’une société se fuyant elle-même dans la recherche du bien-être le plus superficiel, au dam de vraies relations entre les individus.

    La Tête des gens fait d’abord apparaître ceux-ci comme les habitants d’un archipel nocturne, des couloirs d’un hôpital aux étages divers de tel immeuble, puis de tel autre, d’un trottoir au secret d’une chambre, en plan-séquence panoramique à multiples personnages juste aperçus, avant d’autres développements.

    Si le type d’observation du nouvelliste rappelle un Régis Jauffret, notamment dans ses Microfictions, Jean-François Schwab se signale d’emblée par une empathie pure de toute « projection », qui laisse leur liberté à ses personnages clairement et nettement individualisés, comme le Romain de Tapage nocturne, taraudé par un cauchemar d’enfance, ou comme la Claire de Dark Clarisse , diffusant une présence intense, farouche à proportion de sa fragilité, sur fond de fête vide de trentenaires. Du couple « mort » d’À quoi tu penses ?, plombé par l’égoïsme et la routine, aux conjoints  «libérés» d’  Un corps urbain, qui se sont bricolé une relation à distance conforme à l’esprit libéral du temps, l’auteur peint, à fines touches, d’une écriture limpide et sobre (à laquelle manque juste ici et là un dernier polissage), un tableau d’époque varié et nuancé, remarquable par sa justesse de ton, avec les premières amorces d’une narration transposée, prélude à de plus libres développements.

    Jean-François Schwab. La Tête des gens. Editions Paulette, 138p.       

  • Imposture à répétition

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    Adulé comme un gourou, Louis Althusser était juste un malade mental…
    Le «premier criminel de l’histoire de la philosophie », avant d’étrangler sa femme Hélène, lui avait écrit des centaines de lettres. Tristement significatives…

    Dans la nuit du 16 novembre 1980 fut commis, par un philosophe de renom mondial, un crime qu’on pourrait dire d’amour fou, qui rappelle à certains égards le meurtre commis par le chanteur Bertrand Cantat, en juillet 2003, sur la personne de Marie Trintignant.
    Différence essentielle cependant: que le rocker violent fut aussitôt arrêté et jeté en prison, tandis que le « maître à penser », protégé par ses amis, se trouvait déclaré irresponsable et confié aux psychiatres plutôt qu’aux juges. Deux poids et deux mesures pour une « justice » qui devait faire peu de cas du sort de la pauvre Hélène Rytman, conjointe souvent vilipendée par l’entourage du philosophe ? L’affaire est plus compliquée voire tordue, reflétant les pratiques d’une autre époque et d’un autre milieu que celui des «pipoles» d’aujourd’hui…

    Une figure de l’intelligentsia
    Pour mémoire, rappelons que Louis Althusser (1918-1990) compta, de son vivant, parmi les figures « incontournables » de l’intelligentsia parisienne des années 1960, plus précisément dans la secte mouvante des « structuralistes », avec Roland Barthes, Jacques Lacan et Michel Foucault, notamment.
    D’un ton péremptoire, Bernard-Henri Lévy, qui fut son élève et préface aujourd’hui les Lettres à Hélène courant de 1947 à 1980, déclare qu'Althusser fut « l’un des plus grands philosophes du XXe siècle ».
    Or, une telle affirmation est aujourd’hui sujette à caution. D’abord parce que la « très grande œuvre » célébrée par Lévy se réduit à quelques écrits marxistes abscons et largement dépassés par la réalité historique et la pensée qui y achoppe. D’autre part, à cause de la démence manifeste qui imprègne, tragiquement, la vie même du penseur, autant que ses positions théoriques, où la fameuse « lecture symptomale », visant à faire dire à un texte ce qu’il ne dit pas, devient terriblement… symptomatique.


    Justifications délirantes
    « Si j’ai étranglé Hélène c’est pour ne pas tuer mon analyste », aurait avoué Louis Althusser au psychanalyste André Green. Et ses disciples de parler d’ «homicide altruiste » visant à sauver Hélène d’une mystérieuse faute condamnée des années plus tôt par la Parti communiste. Et d’autres de prétendre que l’étrangleur aurait, en « massant le cou d’Hélène », selon ses propres termes, tué sa sœur, sa mère, ou bien une part de lui-même.
    Enfin Althusser lui-même, interné dans un asile psychiatrique puis libéré après trois ans, de s’en expliquer dans une autobiographie parue après sa mort sous le titre L’Avenir dure longtemps (Stock, 1993) plaidoyer pro domo souvent confus voire délirant mais succès de librairie retentissant que la publication, aujourd’hui, de ces Lettres à Hèlène cherche évidemment à relancer. Mais que représentent au juste ces lettres ?

    « Canular réussi » ?
    Bernard-Henri Lévy parle d’un « roman prodigieux » et d’une « bouleversante histoire d’amour » doublée d’une « mine d’informations » sur « l’envers d’une histoire ».
    Or la réalité est à la fois plus triviale et plus triste : les 700 pages de ces lettres, d’abord marquées par une exaltation juvénile assez conventionnelle, au fil d’une écriture de piètre tenue littéraire, sont progressivement plombées par la confusion mentale voire le balbutiement pathétique, sur fond de narcissisme tourmenté.
    Fait sidérant : que presque rien n’y transparaît des événements marquants de l’époque (du stalinisme aux événements de Hongrie ou de Tchécoslovaquie, sans parler de Mai 68 que le philosophe réduit à « une sorte d’effervescence » et de « bordel politico-social »), comme s’il vivait dans un cocon avec la terreur « de ne pas exister » alors qu’il partage, avec Hélène, note-t-il dans son autobiographie, « l’enfer à deux dans le huis-clos d’une solitude délibérément organisée ».
    Non moins ahurissante enfin : la vénération intacte que ce « prince des penseurs », selon l’expression bouffonne de Bernard-Henri Lévy - qui avoue par ailleurs ne pas se souvenir d’un seul de ses cours -, continue d’exercer chez certains. Comme si ceux –ci craignaient d’avoir à faire le deuil de leur propre jobardise alors que le philosophe lui-même, à propos de son œuvre, parlait de « canular réussi »…

     Deux  poids, deux mesures…

    Le rapprochement des deux meurtres « accidentels » qui ont coûté la vie à Hélène Ryttman, épouse de Louis Althusser, et à Marie Trintignant, amante de Bertrand Cantat, peut sembler discutable, et pourtant la comparaison est intéressante du point de vue du traitement respectif des deux victimes et des deux coupables.
    En 1985, Claude Sarraute écrivait dans une de ses chroniques du Monde : «Nous, dans les médias, dès qu'on voit un nom prestigieux mêlé à un procès juteux, Althusser (…) on en fait tout un plat. La victime ? Elle ne mérite pas trois lignes. La vedette, c'est le coupable ». 
    La chose s’est vérifiée pour la femme d’Althusser, non seulement dans les médias mais dans le microcosme intellectuel français où il était de bon ton de la faire passer pour une mégère acariâtre qui «pompait l’air» de son grand homme. Son portrait, dans Femmes de Sollers, est particulièrement accablant. Et c’est ainsi que le mandarin de l’Ecole Normale supérieure, malade mental hautement protégé, continue d’être vénéré par une certaine Nomenklatura intellectuelle. 
    À vingt ans de distance, la compassion vouée à Marie Trintignant fut tout autre, fort heureusement.  En revanche, le moins qu’on puisse dire est que le statut de « vedette » n’a pas profité à Bertrand Cantat, au contraire. Deux poids, deux mesures pour deux victimes, deux coupables et deux «actes manqués»… 

    Louis Althusser. Lettres à Hélène. Préface de Bernard-Henri Lévy. Grasset, 708p

    Cet article a paru dans l'édition de 24 Heures du 28 mai 2011.

     

  • Alternative

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    …Si tu pousses je tire, c’est clair ? Tu crois que je t’ai pas reconnu sous ta cagoule de louf ? Tu crois qu’on l’a fait si fastoche au vigile Gégé Frontal ? Tu crois que tu vas braquer l'Agence Au Dépôt sûr  sans y laisser ta peau de crouille, non mais t’as vu Gégé ? Donc je résume avant de tirer si tu pousses : tu te tires ou c’est moi que tu pousses à tirer…
    Image : Philip Seelen

  • Ceux qui vont enquêter

     

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    Celui qui s’est spécialisé dans la fouille du passé des prétendus innocents / Celle qui dénonce les agissement de son trisaïeul sous la Commune pour se faire bien voir de sa cousine historienne de centre-gauche / Ceux qui incriminent les années de parties fines du penseur néolibéral / Celui qui découvre avec effroi que ses jeux de préado de neuf ans tombent sous le coup de la loi de
    certains Etats américain mais ouf il habite à Liège Outremeuse et sa femme lit le Coran / Celle qui s’inquiète de savoir si le jeune marié a réellement renoncé à ses tendances que lui a signalées sa belle-sœur Aude-Marie Bonne-Avoine psychologue-conseil chez Manpower / Ceux qui ont gardé des papiers compromettants qu’ils sortiront si l’oncle  populiste devient trop arrogant / Celui qui fait des recherches sur les zones d’ombre de la première partie de la vie de sainte Lucette / Celle qui rappelle l’épisode du « disciple préféré » pour étayer sa théorie d’un Jésus bi / Ceux qui se demandent pourquoi les fouille-merde ne cherchent du côté des années de jeunesse du Prophète et même avant / Celui qui exige la Transparence pour mieux gérer son propre micmac / Celle qui donne des leçons aux donneurs de leçons qui se taxent mutuellement de donneurs de leçons / Ceux qui répètent àl’envi qu’ils ne donnent pas de leçons, eux / Celui qui te dit qu’il sait des choses sur toi et que tu confonds en affirmant que tu en sais bien plus encore / Celle qui pense que Jean-François Kahn a des choses à se reprocher question personnel de maison / Ceux qui proposent une investigation côté personnel de maison des divas de l’info / Celui qui s’est toujours vanté de tringler ses filles au pair / Celle qui pense que l’ADN du sperme de DSK a été refilé par Sarkozy à la femme de chambre par l’intermédiaire des SR / Ceux qui savent désormais où se trouve la Casamance / Celui qui pense que le village de la petite va tout faire pour qu’elle ramasse un max de dollars quitte à retirer sa plainte / Celle qui parie que la petite ne se laissera pas acheter / Ceux qui trouvent que l’affaire DSK a une configuration de fable qui l’apparente à la Visite de la vieille dame et que ça fera un film super / Celui qui a assisté à une représentation de la Vieille dame en brousse et à chopé le sida la même année mais il n’y a aucun rapport car il était revenu d’Afrique et se camait en Suède / Celle qui estime que c’est cette Saint-Clair qui a tout manigancé pour ramener Dominique à la maison / Ceux qui prononcent le nom de Dominique avec toute la ferveur sucrée de l’Amicale des socialistes en dentelles, etc. 

    Image : Philip Seelen

  • Ceux qui vont en justice

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    Celui qui réapparaît menottes aux poings / Celle qui a porté plainte contre le Prince Charmant / Ceux qui voient la vie de leur enfant exposée aux regards du Tribunal / Celui qui se demande ce qu’il serait devenu avec un père ivrogne dans un pays en guerre et plus ou moins douze frères et sœurs si l’accusé n’a pas menti sur cela aussi / Celle qui regarde la mère de la victime de son point de vue de juge déjà grand-mère / Ceux qui violent et violentent tous les jours que Dieu fait en toute impunité / Celui qu’émeut l’humanité de la Cour / Celle qui sent la glace de la réalité la transir / Ceux qui découvrent que leur enfant est une femme / Celui qui tourne en rond dans la cage du non-langage / Celle qui se fait arracher en public les derniers aveux de son aveugle passion de jouvencelle / Ceux qui se rappellent leurs vingt ans / Celui qui plaide en tennis / Celle qui constate que ses dépositions n’ont rien retenu de l’essentiel de ce qu’elle a enduré / Ceux que choque le trop jeune avocat stagiaire qui taxe son client de salaud et de lâche pour le disculper de l’accusation d’être un violeur / Celui qui a ouvert sa maison au barbare en connaissance de cause / Celle qui a ouvert son cœur de mère au barbare avant de ramasser ses slips sales / Ceux qui trouvent toutes les excuses au barbare / Celui qui estime que sa cause est jugée d’avance vu qu’il est né du mauvais côté / Celle que le barbare a fascinée avant de sentir la pointe de son couteau sur sa gorge de roucoulante colombe / Ceux qui se barricadent dans le déni / Celui qui estime avec ses compères du Bar Le Bronco que toutes les femmes sont des putes et des salopes à dresser, sauf leurs mères / Celle qui souffre de se rappeler tout ce qu’elle a aimé de ce nul / Ceux qui envient cette passion de jeunesse tout à fait stupide selon les critères de la Raison / Celui qui se réjouit de remonter sur son voilier de 18m. après avoir jugé ce pauvre type mal barré à vie selon son expérience / Celle que la tristesse terrasse à l’instant où justice lui est rendue / Ceux qui se réjouissent de tourner la page / Celui qui s’est reconstruit en taule / Celle qui estime que cette cause qu’elle a défendue en tant que substitut du procureur devait l’être bec et griffes pour le bien des petites écervelées qu’abusent encore des prétendus princes charmants à couilles rabattues / Ceux qui ramènent tout à un excès de testostérone comme au Tour de France - enfin tu vois quoi / Celui qui espère sans se faire trop d’illusions que trois ans de travaux agricoles ou horticoles adouciront cette petite brute / Celle qui redoute de revoir un jour l’Homme de Sa vie au coin d’une rue / Ceux qui se sont faits à l’idée que les frasques les plus cuisantes du père seront répétées par le fils, et que la fille ne sera pas une oie moins blanche que la mère, etc.

    Image: Daumier

  • Ceux qui scrutent les eaux du fleuve

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    Celui qui dit toujours qu’il n’est pas antisémite, mais quand même / Celle qui n’ose pas dire à Reginald que son parfum l’indispose / Ceux qui vous trahissent pour votre bien / Celui qui attend les honneurs dus à son rang / Celle qui gère tant bien que mal un cousin friqué qu’elle estime réactionnaire / Ceux qui s’investissent dans le créatif / Celui qui affirme que Gonzague Saint-Bris gagne à être mieux connu / Celle qui redoute les influences d’Uranus sur sa vie / Ceux qui vous sourient à l’arrêt du bus / Celui qui a farci de lames de rasoir les morceaux de pain qu’il a jetés aux caniches nains de Madame Lempen / Celle qui insinue que Roudoudou le SDF est un pédophile potentiel / Ceux qui refusent de monter en téléski avec un étranger / Celui qui écoute du Mozart pour se remonter le moral / Celle qui pense qu’un conseiller communal catholique doit montrer l’exemple / Ceux qui ont donné leur vie aux chemins de fer / Celui qui vendra le Leica de son père dès qu’il aura canné / Celle qui estime que le bilan écologique de l’avion est très négatif / Ceux qui se rappellent que la Chandeleur, jour des crêpes, est aussi celui de la présentation de Jésus au temple de Jérusalem / Celle qu’épate le fait qu’un jet de sperme d’éléphant permette à une termitière de survivre pendant treize mois/ Ceux que la mise à mort des taureaux fait bander / Celui qui sait qu’il n’en a plus que pour trois mois au max / Celle qui sait quelle place est stratégique dans le tea-room Les Bosquets / Ceux qui recourent aux flashes précis de la médium Maude / Celui qui se signe à l’entrée des tunnels / Celle qui avait à la base le potentiel vocal de la Nicoletta des meilleures années / Ceux qui feraient des bornes pour un bon Cantal / Celui qui estime que tout de même José Bové reste José Bové / Celle qui reproduit la Joconde au point de croix / Ceux qui ne peuvent pas kiffer l’opérette, etc.

    Image: Philip Seelen