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Imposture à répétition

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Adulé comme un gourou, Louis Althusser était juste un malade mental…
Le «premier criminel de l’histoire de la philosophie », avant d’étrangler sa femme Hélène, lui avait écrit des centaines de lettres. Tristement significatives…

Dans la nuit du 16 novembre 1980 fut commis, par un philosophe de renom mondial, un crime qu’on pourrait dire d’amour fou, qui rappelle à certains égards le meurtre commis par le chanteur Bertrand Cantat, en juillet 2003, sur la personne de Marie Trintignant.
Différence essentielle cependant: que le rocker violent fut aussitôt arrêté et jeté en prison, tandis que le « maître à penser », protégé par ses amis, se trouvait déclaré irresponsable et confié aux psychiatres plutôt qu’aux juges. Deux poids et deux mesures pour une « justice » qui devait faire peu de cas du sort de la pauvre Hélène Rytman, conjointe souvent vilipendée par l’entourage du philosophe ? L’affaire est plus compliquée voire tordue, reflétant les pratiques d’une autre époque et d’un autre milieu que celui des «pipoles» d’aujourd’hui…

Une figure de l’intelligentsia
Pour mémoire, rappelons que Louis Althusser (1918-1990) compta, de son vivant, parmi les figures « incontournables » de l’intelligentsia parisienne des années 1960, plus précisément dans la secte mouvante des « structuralistes », avec Roland Barthes, Jacques Lacan et Michel Foucault, notamment.
D’un ton péremptoire, Bernard-Henri Lévy, qui fut son élève et préface aujourd’hui les Lettres à Hélène courant de 1947 à 1980, déclare qu'Althusser fut « l’un des plus grands philosophes du XXe siècle ».
Or, une telle affirmation est aujourd’hui sujette à caution. D’abord parce que la « très grande œuvre » célébrée par Lévy se réduit à quelques écrits marxistes abscons et largement dépassés par la réalité historique et la pensée qui y achoppe. D’autre part, à cause de la démence manifeste qui imprègne, tragiquement, la vie même du penseur, autant que ses positions théoriques, où la fameuse « lecture symptomale », visant à faire dire à un texte ce qu’il ne dit pas, devient terriblement… symptomatique.


Justifications délirantes
« Si j’ai étranglé Hélène c’est pour ne pas tuer mon analyste », aurait avoué Louis Althusser au psychanalyste André Green. Et ses disciples de parler d’ «homicide altruiste » visant à sauver Hélène d’une mystérieuse faute condamnée des années plus tôt par la Parti communiste. Et d’autres de prétendre que l’étrangleur aurait, en « massant le cou d’Hélène », selon ses propres termes, tué sa sœur, sa mère, ou bien une part de lui-même.
Enfin Althusser lui-même, interné dans un asile psychiatrique puis libéré après trois ans, de s’en expliquer dans une autobiographie parue après sa mort sous le titre L’Avenir dure longtemps (Stock, 1993) plaidoyer pro domo souvent confus voire délirant mais succès de librairie retentissant que la publication, aujourd’hui, de ces Lettres à Hèlène cherche évidemment à relancer. Mais que représentent au juste ces lettres ?

« Canular réussi » ?
Bernard-Henri Lévy parle d’un « roman prodigieux » et d’une « bouleversante histoire d’amour » doublée d’une « mine d’informations » sur « l’envers d’une histoire ».
Or la réalité est à la fois plus triviale et plus triste : les 700 pages de ces lettres, d’abord marquées par une exaltation juvénile assez conventionnelle, au fil d’une écriture de piètre tenue littéraire, sont progressivement plombées par la confusion mentale voire le balbutiement pathétique, sur fond de narcissisme tourmenté.
Fait sidérant : que presque rien n’y transparaît des événements marquants de l’époque (du stalinisme aux événements de Hongrie ou de Tchécoslovaquie, sans parler de Mai 68 que le philosophe réduit à « une sorte d’effervescence » et de « bordel politico-social »), comme s’il vivait dans un cocon avec la terreur « de ne pas exister » alors qu’il partage, avec Hélène, note-t-il dans son autobiographie, « l’enfer à deux dans le huis-clos d’une solitude délibérément organisée ».
Non moins ahurissante enfin : la vénération intacte que ce « prince des penseurs », selon l’expression bouffonne de Bernard-Henri Lévy - qui avoue par ailleurs ne pas se souvenir d’un seul de ses cours -, continue d’exercer chez certains. Comme si ceux –ci craignaient d’avoir à faire le deuil de leur propre jobardise alors que le philosophe lui-même, à propos de son œuvre, parlait de « canular réussi »…

 Deux  poids, deux mesures…

Le rapprochement des deux meurtres « accidentels » qui ont coûté la vie à Hélène Ryttman, épouse de Louis Althusser, et à Marie Trintignant, amante de Bertrand Cantat, peut sembler discutable, et pourtant la comparaison est intéressante du point de vue du traitement respectif des deux victimes et des deux coupables.
En 1985, Claude Sarraute écrivait dans une de ses chroniques du Monde : «Nous, dans les médias, dès qu'on voit un nom prestigieux mêlé à un procès juteux, Althusser (…) on en fait tout un plat. La victime ? Elle ne mérite pas trois lignes. La vedette, c'est le coupable ». 
La chose s’est vérifiée pour la femme d’Althusser, non seulement dans les médias mais dans le microcosme intellectuel français où il était de bon ton de la faire passer pour une mégère acariâtre qui «pompait l’air» de son grand homme. Son portrait, dans Femmes de Sollers, est particulièrement accablant. Et c’est ainsi que le mandarin de l’Ecole Normale supérieure, malade mental hautement protégé, continue d’être vénéré par une certaine Nomenklatura intellectuelle. 
À vingt ans de distance, la compassion vouée à Marie Trintignant fut tout autre, fort heureusement.  En revanche, le moins qu’on puisse dire est que le statut de « vedette » n’a pas profité à Bertrand Cantat, au contraire. Deux poids, deux mesures pour deux victimes, deux coupables et deux «actes manqués»… 

Louis Althusser. Lettres à Hélène. Préface de Bernard-Henri Lévy. Grasset, 708p

Cet article a paru dans l'édition de 24 Heures du 28 mai 2011.

 

Commentaires

  • Superbement décalé, et plein d'humour, votre billet sur BHL et les violences faites aux femmes, par les temps qui courent...

  • "Les 700 pages de ces lettres (sont) d’abord marquées par une exaltation juvénile assez conventionnelle, au fil d’une écriture de piètre tenue littéraire" :

    Écrire demande une ouïe fine et la capacité à tenir à distance les lois de la pesanteur...

  • Clin d'oeil à Solko, produit typique de la Réaction lyonnaise et environs... En même temps que ces pauvres lettres de Louis Althusser à sa malheureuse Hèlène, je lisais les 1200 pages lumineuses des papiers retrouvés de Maurice Chappaz. Le mort et la vie !

  • On ne sache pas que Michèle soit menacée par la pesanteur, elle qui sait écouter comme peu de bergères des Pyrénées...

  • De toute façon, BHL nous a habitués à ne dire que des bêtises, au point qu’il serait salutaire de prendre d’office le contre-pied de ses propos. Il a assis son autorité dans « Le testament de Dieu », expliquant que le peuple juif était l’élu de Dieu. Dès lors, lui-même, comme représentant éminent de ce peuple et intellectuel de renom, possédait du coup une parole pour ainsi dire d’essence divine, une parole dont on ne pouvait mettre en doute la véracité. A partir de là, il a encensé toutes les personnalités à la mode, puis, très moderne, s’est servi des médias pour imposer ses idées, qui dépassent de loin le domaine de la philosophie. C’est ainsi qu’on l’a vu défendre l’invasion de l’Irak à cause des armes de destruction massive, qu’on l’a vu cautionner la guerre en Serbie au nom de l’ingérence humanitaire, qu’on l’a vu se transformer en reporter de guerre et se promener dans Gaza monté sur la tourelle d’un char israélien, qu’on a lu ses billets dans « Le Monde » sur la Géorgie et tout dernièrement il a, comme c’est logique, pousser à la guerre en Lybie, moins pour soutenir le désir de liberté du peuple lybien que pour couler Kadhafi, cet héritier du panarabisme nassérien. Par décence, nous tairons son parti-pris dans l’affaire DSK, qu’il considère d’office comme innocent puisque c’est son ami. Quant à l’affaire Althusser, il me semble faire bien peu de cas de la mort de la belle Hélène, laquelle a eu moins de défenseurs que son homonyme antique. BHL, si prompt habituellement à prêcher la guerre, ne se lance pas ici dans une deuxième guerre de Troie. Bien au contraire il cautionne l’assassin.

  • Bertrand Cantat..Pas Bernard..Ou alors Bertrand-Henri Lévy...
    Althusser, fierté intellectuelle des communistes aux yeux de fouine, les complices par conspiration du silence de Katyn et des procès de Moscou, communistes qui, le nez dans le vent,le répudie aujourd'hui après l'avoir brandi comme un drapeau (un oripeau) Althusser et sa rigolote"coupure épistémologique"...
    Plus qu'un canular réussi - je le trouve indulgent envers lui-même- il faudrait plutôt parler - comme le dit si bien le titre de ton billet - d'imposture tardivement découverte. Mais le mal était fait : le structuralisme a détruit pas mal de choses autour de lui.
    On lui doit notamment toute une médiocrité littéraire et philosophique de la fin des années 70 et début 80. On lui doit aussi une approche systémique du monde, à des années-lumière de "l'intrinsèque humain."

    Ceci dit, son cas n'est pas unique. Guy Debor a confié peu avant son suicide, n'avoir pas écrit une ligne sans être sous l'emprise d'alcool après avoir démonté et dénoncé : l'alcccol tue d'autant plus sûrement qu'il illusionne.De même, une réflexion rapportée par un de chez Gallimard (si mes souvenirs ne me trahissent pas) : on les a bien eus !
    Je plagierai le gars Debord : les théoriciens tuent plus sûrement qu'on les écoute.

  • Merci, Bernard, pour la correction. Je pensais Bertrand et j'ai écrit Bernard, comme tu pensais Debord et as écrit Debor avant de corriger...

  • Je contresigne évidemment les propos de Feuilly. On distinguait naguère, à propos du rapport des intellectuels avec le pouvoir, les agents d'influence et les idiots utiles. BHL n'est-il pas les deux à la fois ? Cela se discute...

  • BHL sauve Althusser, célèbre Sartre et balance les pires âneries dans "L'idéologie française". Une sorte de triptyque qui suffit pour qu'on aille voir ailleurs...

  • Au risque de contredire Nauher, je trouve que c'est aussi ici et maintenant que ça se passe, en matière de charlatanisme récurrent, amplement relayé par la Nomenklatura médiatique, et que ça vaut le coup de le souligner de temps à autre sans y passer trop de temps...

  • Je crois qu'il y a un petit malentendu sur mon commentaire. Je ne trouvais pas inutile que vous fassiez cette mise au point sur Althusser et sur BHL, bien au contraire. Le charlatanisme contemporain ne doit pas être ignoré, sans qu'on y passe en effet trop de temps.
    Si je disais qu'il fallait voir ailleurs, c'était plutôt pour signaler que devant les "conneries" à répétitions de BHL, on ne peut que parler de complaisance de la sphère politico-médiatique à son égard. Dernière niaiserie du moment : sa défense de DSK... BHL, DSK : des baudruches à initiales...

  • Pardon, Nauher, de vous avoir mal compris. Sans nous attarder sur les épiphénomènes médiatiques, certains détails méritent l'attention. Ainsi de la glorification par BHL de la "lecture symptomale" selon Althusser, cette parfaite illustration de ce que Revel, après Aron, appelait les assises sélectives du désirable, ou quelque chose comme ça. Comment faire dire aux textes ce qu'ils auraient pu dire si l'Auteur avait pensé comme nous, etc. À d'autres égards encore, la préface de BHL à ces pauvres lettres est un monument de narcissisme et de désinformation "philosophique". Léautaud disait qu'il valait la peine, de temps à autre, de lire un livre de carton. J'en ai fait une expérience de plus ce matin en lisant les trente premières pages du nouveau roman de Philippe Djian, selon lequel, dès la première page, la nouvelle génération est dite "calcinée", irrémédiablement perdue - mais le hic c'est que pas un instant on ne croit à ce qu'il raconte, probablement parce qu'il n'y croit pas lui-même, mais dupe de sa posture et de sa croissante niaiserie de quinqua paniqué...

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