Un siècle et de poussières après l’attribution du premier prix Goncourt à John-Antoine Nau, pour son roman Force ennemie, qui reçut la somme de 5000 francs des premiers académiciens avant d’être vite oublié, Alexis Jenni, lauréat du Goncourt 2011 pour L’Art français de la guerre, paru chez Gallimard, devra se contenter de 10 euros. Telle est la règle.
Mais les 56.000 exemplaires déjà vendus de ce roman franco-français solidement charpenté, qui sonde la mémoire de la France guerrière et colonialiste, pourraient bien se trouver décuplés ces prochains mois par ce prix géant qui éberlue positivement « l’écrivain du dimanche » lyonnais, comme il se présente lui-même, si la faveur du public et des libraires français suit le mouvement d’intérêt qu’a immédiatement suscité L’Art français de la guerre.
Le prix Goncourt a souvent été critiqué pour les « magouilles » qui présidaient à son attribution, limitant les éditeurs papables aux trois enseignes de Gallimard, Grasset et Le Seuil (Galligrasseuil), et le fait est que l’on doute que les 600 pages serrées de Jenni, parues chez un éditeur de seconde zone, eussent jamais passé la barre.
Or, ce qui est appréciable, en revanche, c’est que ce livre intelligent et de bonne foi, bien construit, intéressant pour tout ce qu’il dit de l’histoire occultée des guerres françaises, passe précisément la barre !
Ce qu’on n’occultera pas, au demeurant, c’est la guerre économique qui se joue avec les prix littéraires. L’éditeur pavoise, mais des auteurs y ont laissé des plumes, comme Jean Carrère l’a raconté. Jacques Chessex, a contrario, l’a bien vécu, avec un bon sens tout vaudois. On souhaite la pareille à l’écrivain du dimanche lyonnais !
Commentaires
J'ai aimé le premier chapitre du roman (du roman, pas des commentaires), celui qui raconte l'enfance du héros sous la Collaboration. parce qu'il est romancé, tout simplement, et fort bien. Ensuite, le "narrateur" pèse de tout son poids sur ce qu'il écrit, avec ses commentaires certes bien élaborés, un jeu de construction abstrait et intelligent. Est-ce suffisant pour faire un roman ? Autant lire le journal, non ? C'est moins lourd et ça en dit autant
"Livre intelligent et de bonne foi" : une radicale vacherie, dites-moi !
Radicale vacherie cher Nauher ? Un pauvre Suisse ne se le permettrait pas. Surtout que le malheureux était en train de (re)lire Voyage ces derniers temps, et que tout ce qui s'écrit en français lui semble aujourd'hui juste intelligent et de plus ou moins bonne foi, avec deux ou trois exceptions ténues - ça c'est une vacherie pour Quignard. Ne doutez pas de ma mauvaise foi, ceci dit, et dites-vous qu'un Suisse aussi peut se soigner...
Croyez bien que je trouvais votre formule très savoureuse... parce qu'invoquer la bonne foi en guise d'argument littéraire aujourd'hui, c'est descendre en flèche celui à qui on l'accorde (et je précise bien aujourd'hui car le grand Montaigne avait commencé ainsi son œuvre : "c'est icy un livre de bonne foy, lecteur").
Ne vous soignez surtout pas : c'est dangereux.