Celui qui nomme les choses / Celle que la laideur fait souffrir / Ceux qui ne se résignent jamais / Celui qui rayonne en dormant assis très droit dans le train de Saint-Gall / Celle qui sourit aux aveugles / Ceux qui n’écrivent plus de lettres / Celui qui propose à la fleuriste de lui montrer la mer / Celle qui ne supporte pas leur regard vainqueur / Ceux qui sanglotent sans savoir pourquoi / Celui qui se sent vieillir en toute sérénité / Celle qui accompagne ceux qui ont choisi d’en finir / Ceux qui font face / Celui qui rêve de présider l’Association du Trèfle à trois Feuilles / Celle qui intrigue à la buvette parlementaire du Palais Fédéral / Ceux qui militent pour l’instauration d’un Avocat de l’animal / Celui qui prétend lire dans les pensées de son compagnon de vie Rodolphe Clapier / Celle qui prétend que Dominique de Villepin est le nouveau Saint-John Perse / Ceux qui pensent que l’internet est une machination de Satan que prouve l’inscription www / Celui qui élit les Nobles Esprits digne de l’escorter sur la Voie / Celle qui prend un billet pour l’île d’Ischia dès après avoir lu Villa Amalia de Pascal Quignard / Ceux qui se réunissent chez Gontran de Sépibus pour causer chasse à la palombe / Celui qui disjoncte à la réu des Ressources humaines de la firme Fullfill / Ceux que leur incontinence rend plus indulgents / Celui qui déballe ses exploits sexuels au bar Le Bubble du Bowling de Bormes-les-Bains / Celle qui se remonte le moral en se bourrant de marshmallow qu’elle dit elle-même une immonde saloperie / Ceux qui disent au revoir à leur piano à chaque départ en villégiature, etc.
-
-
Ceux qui se demandent à quoi bon ?
Celui qui se réveille accablé / Celle que la visite d’Angkor Vat émeut à proportion du désespoir de son grand-oncle Groslier lorsque les Khmères rouges ont brûlé dix ans d’archives de l’Ecole française d’Extrême-Orient / Ceux qui ont fini de reconstruire leur cabanon détruit le mois dernier par la tempête et dont personne n’a parlé / Celui qui fait son lit au carré dans le monastère de n’importe quelle confession / Celle qui coiffe son enfant dont elle sait maintenant qu’il ne survivra pas / Ceux qui lancent la nouvelle livraison du petit journal que presque personne ne lit / Celui qui dit la messe dans la chapelle effondrée pour deux trois paumés / Celle qui a choisi de ne plus se souiller la vue à la lecture des tabloïds / Ceux qui mettent un point d’honneur à vivre selon la devise du père Charles de Foucauld qu’ils ont mémorisé en leur âge de scouts candides : « Toujours en route, jamais arrivé, loin du doute et de la peur » / Celui qui se lève à cinq heures du mat pour en remontrer à sa belle-mère défaitiste / Celle qui a toujours pensé que c’était le poète qui console l’Humanité et qui sourit en constatant que le jeune Ducasse est du même avis / Ceux qui ouvrent une petite boutique où ils vendent quelques pensées pratiques et autres maximes de survie / Celui qui pense parfois que le lecteur est un malade que l’Auteur soigne et parfois le contraire avec la même sincère (et plausible) conviction / Ceux qui ont besoin de plans-programmes d’application pour leurs journées et ceux qui se fient à l’ordre naturel à la manière des oiseaux à nids super compliqués / Celui qui pense qu’il n’y a qu’un homme au monde (un homme qui est à la fois une femme, mais oui) et qu’un Dieu et qu’une Vérité et que tout ça se transforme merveilleusement selon les latitudes et les cultures sans changer beaucoup du point de vue du poids spécifique des larmes / Celle qui admet la validité probable de toutes les religions tout en ne vivant que celle de sa mère / Ceux qui subissent les heures saoules du découragement taciturne / Celui qui se piège lui-même dans les trappes de l’orgueil et de l’amour-propre / Celle qui se traite de fashion victime en ourdissant et fourbissant sa prochaine vengeance / Ceux qui ont admis depuis longtemps que le goût était le nec plus ultra de l’intelligence sans en faire pour autant le thème d’une pose mondaine quelconque / Celui qui fait pouffer sa classe de philo en multipliant ses doux sarcasmes de pédéraste non déclaré / Celle qui relit les compositions de ses cancres les plus inspirés pour se donner du courage face au têtes de cons premiers de classe / Ceux qui prétendent donner le ton de la Nouvelle Poésie avec leurs stances aphones où foisonne le végétal froissé et le minéral griffé ainsi que l’onde moirée enfin tu vois ça / Celui qui vocifère que seule l’épopée valaque est défendable dans le cadre de l’Union européenne / Celle qui s’arrache à telle secte des femmes de lettres diaphanes comme l’alouette à la glu / Ceux qui laissent le désespoir au vestiaire de ce dimanche 27 mars comme un vieux pébroque détoilé, etc.
Image: Philip Seelen -
Ceux qui se lèvent tôt (ou tard)
Celui qui se lave le visage à l’eau de source / Celle qui salue l’astre du jour d’une incantation imitée du chaman Wagadu / Ceux qui restent fans de la première heure même touchant à leurs derniers instants / Celui qui affiche son optimisme matinal sur une pub format Univers lui ayant rapporté l’équivalent du centuple du salaire annuel d’une caissière de la COOP / Celle qui spécule dès l’aube sur son laptop dernier cri /Ceux qui attendent que le petit matin devienne grand pour se lever en forme géante / Celui qui sent que ce jour sera marqué gagnant sans se douter comment / Celle qui repart du 36e dessous et rencontre au 33e son voisin de palier rescapé de sa dernière tentative / Ceux qui ont connu Léautaud au cachot et Léotard au mitard / Celui qui se fait appeler Jean Nouveau alors qu’il est fils de Jacques Deuil / Celle qu’on dit perdue pour la société et qui s’en trouve bien dans le carré aux topinambours du couvent des Clarisses / Ceux qui se disent de mélancoliques mammifères point barre / Celui qui reste ce qu’il est au milieu des mutants / Celle qui se prépare à la méditation collective dans l’Ashram géant où ça commence de transpirer grave / Ceux qui n’aiment plus que via Facebook et même Twitter à la rigueur / Celui qui s’est tellement éloigné de lui-même qu’il ne ne sait plus où se retrouver / Celle qui se contente de son état de modeste modiste abonnée au Bibliobus / Ceux qui n’en reviennent pas de ne point être revenus de tout / Celui qui modélise la formule informatique de la petite madeleine de Proust pour en faire un objet d’exploitation fiable du point de vue de l’alimentation durable / Celle qui se présente en tant que nouvelle Cézanne des cantons de l’Est sans trop jouer sur son état de transsexuelle au niveau marketing médiatique / Ceux qui n’ont pas encore arrêté le sujet de leur prochain best seller entre Kafka et Houellebecq / Celui qui se lance dans un roman américain à la Tom Wolfe ou à la Bret Easton Ellis ou à la Thomas Pynchon mais d’une totale originalité enfin tu vois le genre / Celle qui soupçonne sa mère de regretter sa période trotzkyste et autres postures vintages / Ceux qui se reposent sur leurs enfants et petits-enfants tous plus ou moins formatés Bologne et non fumeurs / Celui qui n’a plus d’amis que pour affaires / Celle qui a fait le vide autour d’elle en se gardant une ou deux poires pour sa soif d’euros / Ceux qui désespèrent de leur bilan globalement positif, etc.
Image : Philip Seelen -
Top Folk
…Notre recherche de concepts authentiques est à la base de l’opération Montée à l’Alpage, dont raffolent nos visiteurs indiens et nippons, l’offre de notre agence prévoit jusqu’à sept séquences par jour en décor naturel, l’enfant et les vaches sont d’origine, de même que les costumes des figurants kosovars…
Image : Philip Seelen -
La petite chauve
…Vous ne pouvez vous imaginer combien ma vie était morose et désespérée, cet hiver-là si terrible et noir, avant que je ne reçoive sa première lettre où il m’appelait son ange puceron sans m’avoir jamais rencontrée, on avait dû lui parler de moi comme de sa vague cousine malade de Paris au teint de lys flétri et au cœur esseulé, on l'a poussé à m'écrire pour le sortir de son propre cafard, mais que le petit Chose ait pu me deviner telle que je suis dès son premier message de passion, comme il appelait ça, là ça m’a pour ainsi dire donné ma première envie de guérir…
Image : Philip Seelen -
Human Touch
…Enfin le message que j’aimerais faire passer à la fin de ce week-end de coaching, amies et amis collaborateurs, c’est que toute cette réflexion sur le vécu de notre senti, y compris l’échange collectif sur le cri primal que certains d’entre nous, n’est-ce pas Mademoiselle Lepoil, ont vécu comme une révélation, ne trouvera son plein sens que par un réinvestissement de chacune et chacun dans le Corps revitalisé de l’Entreprise, et cela dès la reprise en mains de lundi…
Image : Philip Seelen