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Locarno, Prix du grand écart ?

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Le jury de la compétition internationale du 63e Festival du film de Locarno, présidé par le réalisateur singapourien Eric Khoo et composé de l'actrice iranienne Golshifteh Farahani, du réalisateur suisse Lionel Baier, de l'acteur français Melvil Poupaud, et du réalisateur américain Joshua Safdie, a rendu samedi son verdict. Qui suscite des questions...

- Le Léopard d'or, Grand Prix du Festival, de la Ville et de la Région de Locarno (90.000 francs suisses à partager entre le réalisateur et le producteur) a été attribué au film Han Jia de LI Hongqi (Chine). Ce film exigeant, voire austère dans sa forme, réduite à de longs plans fixes, sans dialogues, raconte le quotidien de quatre adolescents désoeuvrés et de leur famille dans un petit village perdu du Nord de la Chine.

- Le Prix spécial du jury revient à Morgen, de Marian Crisan (France/ Roumanie/Hongrie), le film le plus primé par les divers jurys du festival, qui évoque les tribulations de l'immigration dans les pays de l'Est.

- Autre film chinois qui a enthousiasmé plusieurs membres du jury et obtenu quatre autres mentions : Karamay, documenaire-fleuve de Xu Xin qui constitue un tableau de la société chinoise contemporaine à travers la remémoration d'une tragédie.

- Le Prix de la meilleure mise en scène est attribué à Denis Côté pour le film Curling (Canada). Pour ce même film, l'acteur Emmanuel Bilodeau est récompensé pour la meilleure interprétation masculine.

- L'actrice Jasna Durici reçoit le Léopard de la meilleure interprétation féminine pour le film Beli beli Svet d'Oleg Novkovic (Serbie/Allemagne/Suède).

- À l'exception de distinctions nationales, le cinéma suisse n'a reçu aucun prix dans la compétition internationale.

zapping22.jpg-Le prix du public UBS récompense Le Directeur des ressources humaines, d' Eran Riklis (Israël/Allemagne/France).



Autres compétitions


- Dans la seconde compétition de la section Cinéastes du présent, le Léopard d'Or revient à Paraboles, cinquième partie d'une série documentaire de la Française Emmanuelle Demoris.

- Un Léopard de la première œuvre a été décerné à Foreign Parts, de Verena Paravel et JP Sniadecki (Etats-Unis/France), avec une mention spéciale à Aardvark de Kitao Sakurai (États-Unis /Argentine).

- Dans la compétition des Léopards de demain, réservée aux courts métrages, le Léopard d'or a été attirbué à History of mutual respect de Gabriel Abrantes et Daniel Schmidt (Portugal), alors que le léopard d'or pour le meilleur court métrage suisse revient à Kwa Heri Mandima (Good Bye Mandima) de Robert-Jan Lacombe. En outre le Prix Action Light pour le meilleur espoir suisse revient à Angela de David Maye. Deux étudiants de l'Ecal lausannoise sont ainsi récompensés.

-A relever également que le Prix du jury Cinema et Gioventù a récompensé Yuri Lennon's Landing on Alpha 46 d' Anthony Vouardoux, tandis que la premier Prix du Jury des jeunes couronne Karamay de XU XIN.

- Le Variety Piazza Grande Award, distingué pour ses qualités d'originalité et son potentiel d'exploitation en salle, attribué par un jury de critiques, revient à Rares exports: a Christmas Tale, de Jalmari Helander (Finlande/Norvège/France/Suède).

- Le prix de la Fédération Internationale de la presse cinématographique confirme le choix du jury international en distinguant Han Jia de LI Hongqi, avec une mention spéciale à Karamay de XU Xin, Chine.

- Enfin, le Prix du Jury œcuménique est décerné à Morgen, avec des mentions spéciales à Han Jia et Karamay, alors que le Prix de la Fédération internationale des ciné-clubs récompense également Morgen, avec des mentions spéciales à Han Jian et Karamay.

Comme un hiatus...
Le prix du grand écart ne devrait-il pas être attribué au Festival du film de Locarno ? C'est la question qu'on pourrait se poser après l'avoir vécu et partagé, avec un public attentif et fervent, de belles et parfois grandes émotions, puis en découvrant le palmarès de la compétition réservé, une fois de plus, à des œuvres austèrement élitistes qui ne seront jamais vues en salles par le grand public. Ainsi de deux derniers léopards d'or, consacrant des films chinois comme cette année, et qui sont restés, comme ce sera probablement le destin de Han Jia, des films de festivals récoltant des lauriers d'un festival l'autre. Selon toute probabilité, un premier film comme La Petite chambre, qui n'est certes pas un grand ouvrage de cinéma mais n'en module pas moins une très forte émotion, devrait faire une carrière publique plus heureuse, préfigurée par l'accueil enthousiaste des salles de Locarno. Autre exemple: on relève une fois de plus que le Prix du public UBS consacre, avec Le Directeur des ressources humaines d'Eran Riklis, un film qui, loin de donner dans la facilité, a toute les chances de faire une carrière publique.

Festival schizophrène, alors, que Locarno, de plus en plus populaire en apparence, et cherchant visiblement cette popularité, tout en laissant le dernier mot de ses compétitions à des spécialistes crispés sur leurs codes d'excellence ? La question frise déjà la polémique, mais ne remarque-t-on pas, entre la critique cinématographique de pointe et le public, un hiatus nettement plus accusé qu'entre la critique littéraire et les lecteurs ? Et les jurés de festivals de cinéma ne constituent-ils pas une « élite » particulière peu en phase avec un public même averti ?
D'un autre point de vue, cependant, on pourrait dire que le Festival du film de Locarno réalise, plutôt qu'un grand écart, un équilibre louable entre la défense du cinéma d'auteurs et l'illustration de toutes les tendances actuelles, jusqu'aux réalisations « de genre » les plus prisées de ce qu'on appelle le grand public.
Une chose frappe au Festival de Locarno, qui se déroule en période de vacances, le plus souvent par grand soleil: c'est la ferveur et la qualité d'écoute du public remplissant les salles obscures au lieu de se prélasser au Lido ou dans les vasques fraîches de la Maggia. Or, le prix du public UBS, réservé aux seuls films projetés sur la Piazza Grande, est-il représentatif du talent de ce public ? Sûrement pas !
D'où la question que nous pourrions poser à Olivier Père et Marco Solari : pourquoi ne pas instituer un véritable Prix du public du Festival de Locarno, approprié aux diverses sections, et qui pourrait mieux refléter certaines passions partagées et moduler les jugements des divers jurys ?

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