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Pensées de l'aube (15)

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De l’allégresse. – Cela me reprend tous les matins, après le coup de noir de plus en plus noir, c’est plus fort que moi, c’est l’ivresse de retrouver tout ça qui va et qui ne va pas, non mais c’est pas vrai: j’y crois pas, ça pulse et ça ruisselle et ça chante - c’est pour ainsi dire l’opéra du monde au point qu’on se sent tout con d’être si joyeux…

De l’obstination. – C’est dans la lenteur de la peinture qu’on entre vraiment dans le temps de la langue, je veux dire : dans la maison de la langue et les chambres reliées par autant de ruelles et de rues et de ponts et de voix s’appelant et se répondant par-dessus les murs et par-dessus les langues, - mais entrez donc sans frapper, nous avons tout le temps, juste que je trouve de quoi écrire…

D'une fausse évidence. – Je ne suis bien qu’avec toi, mais la plupart du temps je n’y pense même pas, je me crois seul, je crains ton indifférence, je n’ose te déranger, tu as beau dire que tu t’impatientais de me retrouver : je me suis fait à tant d’absence de tous et à tant de distance de tous entre eux, loin des places et des conversations – et dans l’oubli de tant d’heures partagées j’allais me faire, sans toi, à cette prétendue fatalité de la foule esseulée…

Image: En Engadine, aquarelle JLK.

Commentaires

  • Obstination (Ostinato) distribution lente des couleurs dans la chambre du dit. Par dessus les langues? La musique.
    Ciao caro amico mio!

  • Ciao Bona della Domenica, cosi come lo dici c'è la musica sopratutto e tra i colori dell'anima, quel del cuore - l'eterno Mobil del giovanotto Alighieri, la poesia come lingua delle lingue.
    All the best to you and your gang in Sheffield. Kiss you bye. Alles gueti vom Oberland. Vsio kharacho !
    Jls

  • Cher JLK

    Je suis ému de cet égrainement d’aphorismes qui n’appartiennent qu’à vous, qui sont des pointillés de douleur que vous savez sincèrement combiner avec les couleurs de l’aube. L’aube, c’est l’heure où tout devrait être à la joie, car le regard a été épuré par le sommeil; par le vôtre, le mien, mais aussi celui des enfants qui ont dormi à côté. Celui-ci «protège même ceux qui n’en ont pas», dites-vous. C’est si vrai!
    Moi qui n’en ai jamais eu, d’enfants. Qui n’en aurai jamais, et qui suis - malgré ma fatigue de vivre en solitaire, et de petites vieillesse de cœur – de vôtre âge à peu près, je veux croire à ces réveils mallarméens qui sont autant d’ablutions de jouvence. J’y entends aussi la voix de Nietzsche (que je n’aime pas, ou qui ne m’aime pas) quand il s’insurge contre ceux qui grillent leurs premiers neurones matutinaux à autre chose qu’à des activités créatrices.
    A l’heure du premier café noir, nous avons tous cette sensation bénie de s’être nettoyé l’esprit de doutes, de culpabilités inutiles que nous a infligées la religion qu’on professe, et nous essayons de comprendre avec plus de lucidité ce qui, dans nos vies individuelles, nous a enchaînés à elle. C’est peut-être là l’instant béni où, le cœur affranchi, car revenu à l’enfance, nous avons la grâce fugitive de croire que « toute chose sacrée et qui veut demeurer sacrée doit s'entourer de mystères.»

    Amicalement.

    J.-B. Contine

  • Cher Jean-Baptiste,
    Je suis extrêmement touché par votre message, sachant d'où il vient, autant dire du ciel ou de l'entretemps, je ne sais trop comment dire, mais je vous en remercie de tout coeur. Ces mots de l'aube me restent (aussi) d'interminables conversations nocturnes, dans les rues de Cracovie ou de Sienne, de Paris ou de partout, comme vous-même les avez tant pratiquées, où les blasphème alternaient avec les psaumes - et il y avait toujours un Aliocha ou un Volodia dans les parages pour surenchérir. Mais ces mots sont aussi de la seule aube, et vous avez raison d'invoquer Mallarmé et Nietzsche, il y en aurait encore d'autres mais de la même électricité énigmatique qu'il y a dans la langue de ces deux-là - je me fous assez de la pensée du plus agité, qui me touche en revanche plus que l'autre par sa folie, et bien plus aussi que le trop lucide Valéry de quatre heures du matin qui disait, non sans morgue, qu'un quidam qui se lève à ces heures ne peut penser comme tout le monde. Or je rêve, précisément, de penser à cette heure comme tout le monde avec mes mots à moi.
    Bref, je vous laisse le café noir et reprends un peu du reste de ma grande tasse de renversé, comme on dit par ici. Passez une belle journée au purgatoire où vous devez avoir tout le temps de jouer au croquet...

    Jls

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