Une série télévisée et trois livres interrogent la naissance et l’essence du christianisme
Cela commence par un conte à l’orientale enrichi de détails à travers les siècles (l’étoile, les mages, les bergers, le sapin), une histoire à dormir debout, mais qui a changé le monde. Deux mille ans après la naissance, dans une grotte ou une étable, quelque part en Galilée (le lieu exact est discuté), d’un poupon né d’une vierge (une hypothèse du Livre de Jean évangéliste le fait même sortir d’une oreille de Marie…) à l’improbable date du 25 décembre (solstice d’hiver marquant antérieurement la naissance du dieu romain Mithra voué lui aussi au salut de l’humanité), probablement quatre ans avant sa naissance homologuée par l’Histoire (le fameux roi Hérode étant mort en l’an zéro), le juif Yehoshua ben Yosef, alias Jésus, dit aussi Messie ou Christ, continue de vivre, et sous de multiples visages, parfois antagonistes : figure sacrificielle du Sauveur au message de paix, ou chef d’une guerre sainte auquel l’apôtre Luc attribue ces paroles : « quant à mes ennemis, ceux qui n’ont pas voulu que je règne sur eux, amenez-les ici et égorgez-les en ma présence (Luc, 19, 77).
Si le Da Vinci Code a fasciné des dizaines de millions de lecteurs, l’histoire de Jésus, qui a nourri vingt siècles de littérature et de civilisation, pour le meilleur et parfois pour la justification du pire, est bien plus intéressante. Pour l’illustrer: la série de L’Apocalypse, sur Arte, réalisée par Jérôme Prieur et Gérard Mordillat, et la publication de trois ouvrages captivants : Jésus sans Jésus, des mêmes Prieur et Mordillat scrutant la christianisation de l’Empire romain, Enquête sur Jésus, dialogue de Corrado Augias et de l’historien « bibliste» Mauro Pesce, sur le parcours terrestre de Jésus, qui a passionné le public italien, et enfin L’Homme religieux de l’écrivain romand Claude Frochaux revisitant, de manière très libre et décapante, voire sarcastique, les mythes et légendes mais aussi le génie propre du christianisme resitué dans la longue histoire du prodigieux imaginaire religieux de notre espèce.
Que savons-nous, croyants ou non, des fondements de la religion chrétienne ? Jésus était-il lui-même chrétien ? Quelle sorte de « royaume » annonçait Yehoshua et ne s’adressait-il pas qu’aux juifs, comme le suggèrent Prieur et Mordillat? Est-ce lui, et non Paul de Tarse, qui a fondé le christianisme ? Et que celui-ci apportait-il de nouveau ? Le Christ est-il réellement ressuscité ? Et si nous n’y croyons pas au sens strict, la valeur du christianisme se réduit-elle à zéro ?
Dans un page d’ Être chrétien, le théologien suisse dissident Hans Küng, cité par Corrado Augias, s’interroge devant des siècles de peinture : « Quelle est la véritable image du Christ ? Est-ce le jeune homme imberbe, le bon pasteur de l’art paléochrétien des catacombes, ou le barbu triomphant, empereur cosmocratique de la tardive iconographie du culte impérial aulique, rigide, inaccessible, majestueux et menaçant sur fond doré d’éternité ? »
A ces images, on pourrait en ajouter mille autres, liées aux mille interprétations de ses paroles, comme il y a un Christ romain, un Christ catholique, des Christs du Nord et du Sud, un Christ des pays riches et des pays pauvres, le Christ des dictateurs et celui des croyants de bonne foi. Claude Frochaux, agnostique déterministe, mais passionné par le phénomène du sacré, met en exergue l’initiateur d’un amour personnel absolu, visant l’humanité entière: « Aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimés », c’est l’innovation la plus importante introduite dans l’histoire des religions ». (…) « Jésus a inventé l’air-mail, dans le premier sens du terme. L’e-mail connecté au ciel. On ne peut plus rien faire sans Lui »…
La religion n’est pas
que ce que l’on croit…
Tiraillé entre sa conviction que la Science peut tout expliquer, et son besoin fondamental de mettre un nom sur une blessure béante, l’homme, qui se sent plus qu’un animal, conscient de sa propre mort et cherchant un palliatif à son angoisse cosmique, a trouvé dans la religion un autre ciel que le ciel « physique », un autre lien avec le présumé créateur et ses semblables. Or la foi religieuse exclut-elle la connaissance ?
« Je suis persuadé que la recherche historique ne compromet pas la foi, mais n’oblige pas non plus à croire », affirme Mauro Pesce, dont l’ Enquête sur Jésus enrichit l’approche d’un Henri Guillemin (L’Affaire Jésus) ou d’un Gérald Messadié (L’homme qui devint Dieu »).
Or, que dirait aujourd’hui le juif Yéhoshua ben Yosef, alias Jésus, de ce que l’Eglise a fait de lui ? Prieur et Mordillat répondent en se fiant, justement, à la recherche, et c’est édifiant…
« L’histoire des religions est l’objet d’étude la plus fascinant qui soit », écrit Claude Frochaux, «c’est par et dans la religion que l’homme a révélé sa spécificité absolue». Cependant, au fil des siècles, un fossé de plus en plus profond s’est creusé entre connaissance et foi, science et religion. Tout serait simple s’il suffisait de constater les seuls faits ou de croire les seuls articles d’une foi universelle. Hélas l’affirmation d’une vérité exclusive, scientifique ou religieuse, n’est plus recevable. Mais comment ne pas voir, enfin, que l’homme coupé du religieux risque aussi de se couper de tout élan créateur, de tout modèle de beauté ou de bonté ?
L’invention du
christianisme
« Jésus annonçait le Royaume, et c’est l’Eglise qui est venue », écrivait Alfred Loisy, et c’est sur ce qui distingue la promesse « juive », du premier et l’expansion de la seconde, que se penchent les auteurs. On connaît déjà ceux-ci pour leurs deux séries télévisées Corpus Christi et L'Origine du christainisme, mettant à controbution de nombreux spécialistes du monde entier. On sait leur attention à la transition entre tradition juive et monothéisme chrétien, dont ils étudient ici l'émergence marginale dans l'Empire romain puis, avec Constantin, sa victoire politique au titre de religion d'Etat. L'ouvrage s'arrête longuement à l'Evangile selon saint Jean et à l'Apocalypse. Aux pages 228-2312, on y trouvera seize modulations de l'abasourdissement (supposé) de Jésus devant l'évolution du monde et l'interprétation de ses paroles - à lire et à méditer...
Gérard Mordillat et Jérôme Prieur. Jésus sans Jésus. Seuil/Arte, 274p.
Jésus tel
qu’il fut
Ce qu’on sait de Jésus tient en peu de lignes, alors que les témoignages et les interprétations prolifèrent. Un célèbre chroniqueur italien, très au fait de la tradition chrétienne et catholique, Corrado Augias, interroge Mauro Pesce, professeur d'histoire du christianisme à l'université de Bologne, au fil d'un dialogue clair, dense et très documenté, tout à fait accessible au plus large public. Le livre a cela de particulier qu'il ne montre aucun esprit de revanche dans ses aperçus les plus "démystificateurs", mais respire, pourrait-on dire, la bonne foi. Les introductions générales d'Augias sur chaque thème (Jésus juif, Jésus politique, Jésus thaumaturge, la virginité de Marie, la résurrection, la naissance d'une religion, le legs de Jésus, etc.) sont d'une remarquable clarté, et les éclarairages de Mauro Pesce d'un apport considérable et d'une constante équanimité.
Corrado Augias et Mauro Pesce. Enquête sur Jésus. Rocher, 307p.
Au-delà de
La religion
Y a –t-il une vie spirituelle après l’extinction de la foi ? L’auteur en est convaincu, qui propose de redécouvrir le sens du sacré pour l’homme et les moyens de réenchanter le monde. Ecrivain et penseur autodidacte d''une grande originalité, Claude Frochaux pourrait être dit un iconoclaste des Lumières à la façon du fameux curé Meslier, dont il a parfois la virulence en plus agréablement pince-sans-rire, mais son approche du phénomène religieux dépasse de beaucoup la polémique anticléricale. Déterministe et souvent réducteur dans ses développements, Frochaux reprend une thèse majeure de L'Homme seul, qui substitue le primat de la géographie à celui de l'Histoire en post-marxiste passionné d'anthropologie culturelle. Sa façon de relire l'histoire de Jeanne d'Arc, et la construction du mythe, parallèlement à celle du Christ, et ses derniers chapitres sur le lien entre nature et religion, mais surtout entre religion et création artistique, est stimulante et devrait intéressant le croyant autant que le mécréant. Surtout, le ton de l'écrivain, mêlé d'humour et d'insolence, est unique...
Claude Frochaux. L’Homme religieux. L’Age d’Homme, 226p.
Ces articles ont paru, en version émincée, dans l'édition de 24Heures du 20 décembre 2008.
Commentaires
Quand il fut proche, à la vue de la ville, il pleura sur elle,
en disant : « Ah ! si en ce jour tu avais compris, toi aussi, le message de paix ! Mais non, il est demeuré caché à tes yeux.
Oui, des jours viendront sur toi, où tes ennemis t'environneront de retranchements, t'investiront, te presseront de toute part.
Ils t'écraseront sur le sol, toi et tes enfants au milieu de toi, et ils ne laisseront pas en toi pierre sur pierre, parce que tu n'as pas reconnu le temps où tu fus visitée ! » .
Puis, entré dans le Temple, il se mit à chasser les vendeurs,
en leur disant : « Il est écrit : Ma maison sera une maison de prière. Mais vous, vous en avez fait un repaire de brigands ! »
Luc, 41-46
ce Dali est le comble de l'audace artistique...bluffant comme un poème de Dickinson...
un moment de magie pure ici: http://www.dailymotion.com/playlist/xbknl_Tushratta_ecrivains-philosophes/video/x2vgeh_dali-et-henry-laborit_creation
chacun ses fictions, alina, privilège du libre-arbitre; ne confondez pas les thématiques, voici une petite chose écrite hier sur le thème que vous abordez:
MARCHE DES CAPTIVES
Toile souveraine
Des aventures des condottieri
La mémoire est un lambeau mécanique
A l'effacement progammé
Chapiteau de cirque
Ou plafond de chapelle
Ce processus minuscule
Ne retient dans son tamis à large trous
Que des résidus non raffinés
Constellations de fictions
Bâties sur l'oubli
Dont la sélection n'est affaire
Que de hasards malencontreux
Maladroitement thésaurisées
Par d'augustes propriétaires
Dont les boutiques de souvenirs
Encombrent le parvis des temples
Rendons à Luc ce qui est à Luc, et au Christ ce qui est au Christ, cela suffit parfaitement.
Ceci dit, je file dans mes neiges. Joyeux Noël à tous !
« la foi et la raison sont comme les deux ailes qui permettent à l’esprit humain de s’élever vers la contemplation de la vérité »
Jean-Paul II
Elles ne s’excluent pas l’une et l’autre, mais se complètent… Et la foi n'est pas l'apanage du religieux et ne dépend pas des clergés, ni des cultes...
Samedi 21, les deux derniers épisodes (11 & 12) de la série documentaire de Prieur et Mordillat, "L'Apocalypse", sur Arte à 21h. J'avais bien apprécié leur travail sur "l'origine du christianisme", où ils confrontaient la recherche aux 27 livres du Nouveau Testament. C'était une série de points de vue, des chercheurs qui réfléchissaient à voix haute; un bel art du portrait et il y avait grande matière à réflexion.
Je pense à ce travail formidable qui s'est fait en 2001 où 20 écrivains contemporains et 27 exégètes ont écrit une nouvelle traduction française de la Bible, publiée par les éditions Bayard et Médiaspaul (Canada).
François Bon a traduit "Et voici les noms / Exode" (avec Walter Vogels), "Paroles de Jérémie / Jérémie" (avec Léo Laberge), "Comment / Lamentations" (avec Jean-Pierre Prévost), "Livre de Néhémie / Néhémie" (avec Arnaud Sérandour).
Et d'autres (écrivains que j'aime) : Echenoz, Roubaud, Marie Ndiaye, Novarina, Florence Delay, etc.
* L'Eglise a toujours tout fait pour soigner son image de marque tapageuse parce qu'elle sait que seuls le ridicule, le tape-à-l'oeil, le clinquant et le mauvais goût séduisent les foules.
* Un jour, on aura besoin d'un visa pour passer du 31 décembre au 1er janvier.
[Jacques Sternberg]
et celle-ci aussi, toute mimi, spécialement pour madame la papesse de mon cul-cul :
* Si on te pelote le sein droit, tends le gauche !
Niki, j'découvre L'ode à coco et moi qui m'étais juré d'y aller mollo avec le net ces congés, d'autres grandes choses à lire, ma foi nom de gueux j'm'en vais venir rôder par chez vous.
c'est l'histoire d'un jeune garçon qui inlassablement rêve de posséder un masque de soudeur mais dont les parents estiment le cadeau inadapté pour un enfant de son âge. ainsi, à chaque anniversaire, chaque fête de noël ou autre, c'est la crise... jusqu'au jour de ses 10 ans où, résignés mais plein d'amour, les parents craquent et se décident à lui offrir l'objet de ses rêves. en effet, tôt le matin avant de partir à l'école, le jeune garçon déballe frénétiquement le paquet et comme un fou s'écrie : UN MASQUE DE SOUDEUR !! UN MASQUE DE SOUDEUR !! oh merci papa merci maman, je vous aime... est-ce que je peux le prendre pour le montrer à mes copains... allez, sioux plait ? le père est pas forcément d'accord d'être d'accord mais accepte... ok, lui dit-il, mais à une condition : tu le fourres dans ton sac de gym jusqu'à l'école, je veux pas te savoir en rue avec ça sur la tête, c'est compris ? le gamin accepte mais, c'est pour ainsi dire plus fort que lui, à peine a-t-il tourné au premier coin de rue qu'"il désobéit et le voilà qui marche fièrement vers l'école, cartable sur le dos et masque de soudeur sur le visage, jusqu'au moment où une grosse cylindrée se range à ses côtés. direct après, pour les besoins de l'histoire (qui se passe dans les années '70) et quelques friandises donc, le jeune garçon il tombe dans le panneau et il monte dans le véhicule. ouille. deux rues plus loin, le pédophile lui demande : dis petit, tu sais c'est quoi la fellation ? le jeune garçon (le masque toujours sur le visage) fait semblant de pas avoir entendu la question. silence. au carrefour : et la sodomie, tu vois un peu c'est quoi, mon gars ? à ce moment là le jeune garçon ôte le masque et commence à pleurnicher : oh mais m'sieu faut que je vous dise, chuis pas un vrai soudeur moi vous savez...
Ecrit par : coco | 25.04.2007
Je crois mon garçon que vous allez finir excommunié ; reste à savoir de quelle communion.
Ernest Renan a écrit une "Vie de Jésus" qui m'a toujours semblé excellente. Il a d'ailleurs ses places et ses rues dans de nombreuses villes en France, (pour des ouvrages de "psychologie des peuples" à la mode durant cette période) mais je crois que son travail, à l'époque de pionnier, sur le christianisme est malheureusement totalement oublié. On redécouvre des évidences à chaque siècle !
Bon juste vous dire merci Jean-Louis parce que grâce à ce billet, j'ai regardé Arte et que c'était un régal de voir le travail filmique de Mordillat et Prieur dans leur documentaire sur "L'Apocalypse" de Jean et sur l'avènement du christianisme.
Chaque scientifique qui s'exprimait était filmé seul, mis en scène et éclairé chacun d'une manière particulière. On sentait que les réalisateurs avaient été attentifs à leur façon de bouger ou de ne pas bouger, attentifs à ce qui se disait mais aussi à la façon de le dire. A la langue. Il y avait ceux qui parlaient d'un trait, ceux qui cherchaient leurs mots. Bref chaque scientifique était un personnage. Et l'effet produit était saisissant, créant une écoute et une attention de la part du spectateur qui entrait dans la pensée en train de s'élaborer.
J'ai été fascinée par une femme (deux ou trois femmes seulement dans ces deux épisodes) au regard pétillant, portant bien une belle cinquantaine, un ensemble bleu (entre marine et roi), un chemisier blanc, un collier et des boucles d'oreilles rouges et une grande bague bleue. Je n'ai pas vu tout de suite ces détails, c'était d'abord le visage rayonnant, la sincérité, et comment elle allait chercher loin sa pensée. A moment donné, elle n'arrivait pas à dire ce qu'elle voulait. Elle renonçait, mais la caméra était toujours là, bienveillante, pas pressée et nous spectateurs on tendait le cou, on se concentrait pour ne pas perdre une miette de ce qui allait sortir. Elle répétait que c'était difficile, que ce qui était difficile, c'était que les chrétiens attendaient des juifs qu'ils confirment que jésus était bien le messie d' Israël, ce que les juifs ne faisaient pas. Enfin bref je ne vais pas m'embarquer là-dedans, il y faudrait du travail. Mais l'intérêt profond est éveillé...
Pour finir, je rapporterai ces paroles de Jean Rouaud, le 13 mai 2000, où nous le recevions à la FOL des Hautes-Pyrénées, dans le sud-ouest de la France :
"(...) Depuis toujours, mon prénom est lié à l'Evangéliste c'est-à-dire est lié à un écrivain. Il se trouve que majoritairement les Jean se fêtent le 24 juin et je ne sais pas pourquoi j'étais fier moi de faire partie des happy few du 27 décembre et j'ai passé mon enfance à répéter que ce n'était pas le 24 juin mais le 27 décembre, en précisant "l'Evangéliste", c'est-à-dire "celui qui annonce la bonne nouvelle". Moi c'est une mauvaise nouvelle que j'ai annoncée...
Donc Jean, auteur de l'évangile et auteur aussi de l'Apocalypse. L'évangile comme roman réaliste : ça raconte la vie d'un homme depuis son apparition dans la vie publique jusqu'à son enseignement, ses prédications et quand ça commence à tourner mal, son procès et sa mort, mais sur la résurrection il reste très évasif. On sent un flottement dans le court passage sur la résurrection. D'un strict point de vue de romancier, s'il avait eu davantage de choses à nous faire partager pour dire la vérité de la résurrection, il en aurait fait davantage. Or la fin est très étrange. Donc un récit réaliste s'articulant autour de la vie et de la mort d'un individu qui va ressusciter du moins dans l'esprit de ceux qui l'ont connu.
Et puis à côté de ça, il y a "L'Apocalypse" qui me paraît un texte abscons. Et j'ai peine à croire que ce soit le même qui ait écrit les deux. Dans l'un L'Apocalypse, on a des images flamboyantes, un lyrisme exacerbé et le désordre pe plus complet dans cette flamboyance et dans l'autre, on a un texte réaliste qui au contraire va créer de l'ordre pour rendre cette vie parfaitement crédible jusqu'à faire avaliser cet épisode de la résurrection."
Cher Rodrigue, chère Michèle,
Rodrigue d'abord, je comprends votre engouement pour la Vie de Jésus de Renan, je l'ai partagé quelque temps mais à distance elle me paraît bien trop sagement française, savante et finalement trop étroitement positiviste et fade. Pour ma part je me sens bien plus proche du Christ des foldingues sciés par l'amour, de Dostoïevski à Bernanos ou Flannery O'Connor. Dans le foulée, je vous signale la parution de Renan, le Bible et les Juifs, sous la plume de Maurice-Ruben Hayoun, chez Arléa.
Et Michèle ensuite, à propos de Jean Rouaud: faire de Jean un romancier me semble bien court. D'abord parce qu'on ne sait pas qui est Jean, autour duquel on a fait du mauvaise roman, précisément, ensuite parce que son Evangile est précisément le plus dégagé des quatre de la romance - le plus poète et le plus mystique et le plus mystérieux aussi. Les deux livres du tandem Prieur/Mordillat, Jésus sans Jésus, et de l'autre paire Augias/Pesce, en disent pas mal à ce propos, et notamment (les deuxièmes) sur ce fait qu'il faut se mettre en tête: que les évangélistes sont moins des auteurs que des traditions, des cristallisations spirituelles d'écoles, individualisées avec les années et les siècles par des noms sympathiques et faciles à mémoriser - jusque dans les ritournelles enfantines genre: Jésus dit à Matthieu: descends du tram et gonfle les pneus...
Ce qui est sûr et certain, c'est Paul de Tarse est un écrivain à notre sens, et génial, autant qu'Augustin et l'Aquinate et Calvin et Luther. Pour les évangélistes, malgré ce qui nous semble les individualiser, ça m'a l'air plus compliqué... Feuilleton à suivre.
J'en ai des textes à lire et relire ! Merci de ces rectifications Jean-Louis Kuffer. Pour Jean Rouaud, qui ne faisait certes pas une communication sur les évangiles, mais s'entretenait simplement de la suite romanesque qu'il venait d'achever, son propos était sans doute une boutade que j'ai pris, ça m'arrive quand je perds tout jugement, pour parole d'évangile.
Bonne journée, devant la petite fleur de l'Alpe sans doute fort enneigée.
sans nier la puissance intellectuelle d'augustin, il convient de remettre le contexte autour de son oeuvre: après 15 ans (à une époque où la durée moyenne de vie était plutôt située aux alentours de 40 ans) passés chez les manichéistes, sans arriver à dépasser le statut d'auditeur, il se convertit au christianisme pour devenir le principal persécuteur de ses ex-coreligionnaires.
saul de tarse est nettement plus enthousiasmant.
la citation que vous attribuez à dantec dans votre post suivant est une phrase de luther , "si jésus revenait maintenant parmi nous, il subirait le même sort".....la divine comédie strikes again, le décor change, mais rien ne change.
Nicolas, 8 ans, en larme dans son lit : Maman j’ai peur de mourir ! Est-ce que l’on se réincarnera après ?...
Maman, embarrassée et désolée se doit de répondre… : Eh bien, je ne sais pas ce qui se passera après … je ne sais pas te dire ce qu’est Dieu et s’il existe… mais essaye d’imaginer être une feuille d’arbre : au printemps tu nais, tu t’épanouis et à l’automne tu te fripes, tu meurs et tu tombes, cela n’a pas beaucoup de sens et c’est injuste non ?
Nicolas : Oui, je me sens comme cette feuille…
Maman : Maintenant, mets toi dans la peau de l’arbre, qui a des milliers de feuilles… elles tombent à l’automne, se décomposent et au printemps suivant, il puise ces molécules dans la terre pour faire de la sève et de nouvelles feuilles qui capteront le soleil pour le faire grandir… Il ne pleure pas ses feuilles à l’automne, c’est la loi de la nature…
Nicolas : Mais l’arbre aussi va mourir un jour…
Maman : Mets toi dans la peau de la forêt… Mais toi, Nicolas, tu as 8 ans, tu es toujours le même ?
Nicolas : Oui !...
Maman : Pourtant toutes les cellules et toutes les molécules de ton corps ont déjà été changées ! Tes globules rouges ne vivent que 21 jours, les vielles cellules de ta peau sont parties… et se sont décomposées : que sont devenues ces molécules ?
Nicolas : Elles sont allées dans la terre se mélanger…
Maman : et après ?
Nicolas : … dans des herbes ?...
Maman : et après ?
Nicolas : … la vache les a mangées…
Maman : Et pour faire de nouvelles cellules tu fais comment ?
Nicolas : Je mange des légumes et de la viande…
Maman : Alors tu es déjà la réincarnation de beaucoup de légumes, d’herbes et d’animaux, et peut être d’hommes et de femmes, alors que tu n’as que huit ans ! Mais tu as toujours conscience d’être le même Nicolas dans ton esprit… mais pour l’esprit je ne sais pas te dire d’où il vient ni où il ira, c’est peut être la même chose : une molécule d’esprit pour une vie et qui repart dans le lot des morceaux d’esprits du monde…
Tu vois, quand tu es triste et que tu as peur de la mort, mets toi dans la peau de l’arbre, de la forêt… ou est ce que tu préfères te mettre dans la peau du globule rouge ou de la cellule de la peau ? La mort, c’est comme toutes les peurs : c’est l’idée que tu t’en fais… Et toi et moi, nous sommes peut être les petites cellules d’un grand corps, ou les petites feuilles d’un grand arbre…
Nicolas se calme : Mais alors, les méchants, qui ne suivent pas la règle, c’est comme les cellules qui veulent devenir immortelles… c’est des cancers ?
Maman, les larmes aux yeux : …. Oui… Bonne nuit Nicolas.
On trouve des réflexions comparables dans la philosophie chinoise et dans la philosophie occidentale. On citera l'allégorie de la caverne de Platon. De même, les gnostiques de l'Antiquité concevaient un Univers illusoire et négatif, créé par un démiurge démoniaque, duquel il fallait s'extraire. Puis Descartes (cf. Méditations Métaphysiques) trouve une solution à l'aporie à laquelle le menait le doute concernant la réalité de ce que ses sens lui montrent du monde par le célèbre cogito. Enfin, Arthur Schopenhauer, alors que les textes indiens commençaient à être connus en Occident, reprend le terme de "voile de Mâyâ" pour décrire sa conception du monde comme volonté et représentation.