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Couleurs du noir

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Notes sur un coin de table au Festival de Locarno

 

Ce n’est pas un propos bien original, ni paradoxal non plus, que d’évoquer les couleurs du noir : le peintre Soulages les a fait chanter à l'inifni et, au cinéma, elles se distribuent également selon le regard de chacun, avec toutes les nuances du blanc, du « gris suprême » de Renoir aux ciels plombés verts lessivés de la vidéo…

Un âpre et beau film québecois de la composition internationale, Elle veut le chaos, signé Denis Côté, joue admirablement sur la puissance expressive du noir et blanc, rappelant à la fois les épures photographiques d’un Walker Evans, dans les campagnes américaines de la Grande Dépression, et les films noirs de la même époque. Tant par ses cadrages « silencieux » que par la dramatisation saisissante de certains plans, le réalisateur canadien nous plonge dans un climat d’inquiétante étrangeté que d'autres couleurs que celles du noir dilueraient.

Sur la Piazza Grande, l’an dernier, c’est en hommage à ses premiers émois de cinéphile que Samuel Benchetrit usait du noir et blanc, en multipliant les citations de Carné, de Truffaut ou de Clouzot, et Jarmush était à la cafétéria. Dans la foulée, mais avec sa propre palette, Lionel Baier fait à son tour, sans l’acidité des gravures d’un Félix Vallotton, mais avec la même grâce érotique des courbes, jouer le noir et blanc dans Un autre homme.

Questions subsidiaires : que devient le noir dans les films en couleurs ? Et le blanc ? Et de quelles couleurs sont nos souvenirs ? Couleurs des Enfants du paradis ? Noir et blanc de Pierrot le fou ?

Images: Elle veut le chaos, de Denis Côté, et Un autre homme de Lionel Baier

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Commentaires

  • Après tout ce que j'ai pu lire ici, vous avez raison : je ne me serais certainement pas ennuyé à Locarno...
    Je laisse vagabonder en moi vos questions subsidiaires avec tout de même cette évidence qui m'assaille : le noir et le blanc chez Lynch, en particulier dans Mulholland Drive, j'y suis très sensible.

  • La remontée de Mulholland Drive, je l'imagine avec vous, D & D, à travers toutes les caméras de surveillance, et je vois des silhouettes furtives de femmes aux fenêtres, des pieds coupés, des faces d'enfants, des cris dans la nuit, puis on se réfugierait avec David chez Harry, vous savez, l'inspecteur du Jardin des Délices de Jérôme Bosch...

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