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L'éternelle matinée

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...Tous les jours, cependant, tous les jours me revient l’une ou l’autre odeur du quartier des Oiseaux, et ce matin c’est cette odeur de cheval sur la route d’en haut, quand les chevaux remontaient du marché, traînant leurs chars, qui me revient et avec elles tout l’arrière-pays et la vision de ce paysan toujours furieux, fumant son vilain cigare et fouettant, fouettant son vieux serviteur accablé.
Il me suffit de fermer les yeux, comme au jeu de l’Aveugle, pour les revoir bien moulées sur la route d’en haut du quartier des Oiseaux : on dirait des boules de chocolat fumant sur l’asphalte, et du même coup c’est l’odeur, l’odeur onctueuse et chaude, l’odeur mielleuse et noire qui me revient et me remplit d’un chaos de sensations et de saveurs premières à jamais liées à cette espèce de matinée éternelle à laquelle je reviens et reviens sans savoir trop pourquoi.
Ou plutôt si, je le sais, maintenant : que dans le premier élan des années je n’ai aimé que les débuts, avant que ne m’apparaissent les beautés de ce qui s’achève, la mort de notre père et les crépuscules, les adieux et les regrets dont on se délecte étrangement, l’élégie et les feuillets éparpillés, jaunis, des cahiers du dernier hiver...

Image: Enfant au parc, de Fabien Clairefond. Aquarelle 9,5 x 10cm

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