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  • Vers la Soft Attitude

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    Séminaire d'Harmonie au Peace Bunker

    Les Sages le répètent depuis la nuit des temps : c’est en chacun de nous que réside le noyau fractal de la Paix Universelle. Y contribue la méditation enseignée par la Tradition, mais également tout un ensemble de techniques de détachement et de mise à distance de nos affects qui nécessitent l’apport d’intervenants compétents et d’outils efficients.
    C’est pour vous les offrir, à vous qui êtes stressés, mais en recherche, que nous avons mis sur pied notre premier Séminaire d’Harmonie, en un lieu de rêve.
    Symbole s’il en est de la mutation des concepts et des espaces, l’ancien bunker de Berg am See sera le lieu idéal de ce rassemblement convivial. Notre affiche, conçue par un collectif de plasticiens, présente non moins symboliquement le recyclage visuel du canon de ce site en œuvre de Land Art.
    Durant le Séminaire d’Harmonie, l’initiation au Management de Soi sera dispensée par un panel de spécialistes venus du monde entier. Communicateurs, gérants d’émotions, masseurs virtuels, techniciennes de surface spirituelle, coaches ès négociation efficace nous aiderons à acquérir la Soft Attitude. Dans l’Espace Détente du Peace Bunker, des massages assis minute® sur sièges ergonomiques seront offerts à chacune et chacun. Le coussin à fantasmes et le philtre orgasmique sont également offerts à notre Boutique. Toutes cartes de crédits et dons gracieux acceptés.
    Renseignements préférentiels (le nombre de place dans le P-Bunker étant limité) sur ce blog et par courriel.

  • Polyphonie chorale

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    Lecture de Regarde la vague, de François Emmanuel (1)


    - Exergue d’Henry Bauchau : « Je sais que je ne suis qu’un lierre, je sais que je ne suis qu’un lien, j’étreins mon arbre et je ne le connais pas ».
    - Généalogie des Fougeray : Père et mère décédés.(Georges et Gabriela) Six enfants (Marina, Olivier, Pierrot (décédé), Grâce , Alexia et Jivan (adopté)

    - LA VEILLE

    - JIVAN. Arrive à Chavy en voiture.

    - Avec la sensation retrouvée de communier avec la beauté.

    - Ressent encore la « main noire » de Noah sur son cœur. Noah qu’il vient de quitter. Se rappelle le père. Sa mère silencieuse.

    - Pense qu’ils seront tous là. Y compris Alexia toujours en mission.

    - Olivier a investi la grange pour son mariage.

    - Les chevaux d’Olivier apparaissent.

    - Tout de suite un flux mental impérieux. Musique intime.

    - Il est question d’un tableau, signé Micha. Crépuscule sur la mer. Emporté par Grâce.

    - Va déposer son bagage avant de chercher Alexia à l’aéroport de Cherbourg.

    - Aperçoit ses neveux. Hyacinthe la farouche. Qui lit Moi qui n’ai pas connu les hommes.

    - Elle a un « sourire perdu ».

    - ALEXIA. Rêve qu’Olivier brusque leur père.

    - Elle a été mariée à Nathan

    - Consigne ses rêves dans un cahier de moleskine pour son psy. Lequel est « obnubilé par le sexe ».

    - Rien de cela dans ses souvenirs du père.

    - Elle travaille dans l’humanitaire.

    - Se rappelle l’Afrique.

    - Elle a un petit garçon prénommé Ulysse.

    - GRÂCE. Genre bourgeoise d’intérieure.

    - Elle a été opérée d’un cancer du sein.

    - En pince pour son chirurgien russe.

    - Toute délicatesse et fragilité forte.

    - JIVAN. Raconte l’arrivée d’Alexia. Une ombre dans son regard.

    - Le questionne sur Noah.

    - Lui dit seulement de la tête : non, non, non.

    - Elle lui dit que Noah lui aurait plombé la vie. Evoque le « mal noir des femmes ».

    - Il cherche les « écorchées de la vie2.

    - MARINA. Note un geste affectueux de son prof de piano aveugle.

    - Qui l’a beaucoup aimée. Et lui sourit 2A quoi sourient les aveugles ? »

    - Elle l’interroge sur Hyacinthe, sa fille taiseuse.

    - Il la dit « un être tendu, magnifique, mais qu’il ne faut pas perdre ».

    - Non pas feu dormant mais comme elle « feu noir ». Et lente à céder…

    - ALEXIA. Retrouve la famille réunie dans la cuisine de la ferme.

    - Avec la vieille Lili.

    - Olivier est absent. Il a voulu que les femmes s’habillent en bleu, la mariée (enceinte) en blanc.

    - Elle dérogera.

    - Jivan parle avec Marina de l’enquête sur la disparition du père en mer.

    - Son corps introuvable après le retour du bateau.

    - Le sourire de Marina dénote « la force souveraine, la puissante impassibilité des Fougeray ».

    - Le fils d’Olivier, Gil, ne sera pas là. Zone à Paris.

    - Le petit Ulysse parle anglais.

    - La TV déverse ses images tragiques qui lui rappellent « la geste sanglante » du monde.

    - Grâce l’interroge sur Nathan.

    - Grâce qui ne peut se lâcher. Coincée.

    - Marie-Doune, fille aînée de Marina, la cuisine sur son job.

    - JIVAN. Il entre dans le bureau du père. Dont il se dit qu’il n’a jamais été pour lui que l’enfant indien de la père, adopté après la perte de Pierrot.

    - OLIVIER. Pense à ses attelages. Cinq pour le mariage. Qui feront l’image « dream ».

    - Un fou de chevaux. Homme à femmes aussi.

    - Lynn est angoissée, mais c’est elle qui le soutient.

    - Désire que l’action soit « ronde ».

    - Le mec qui assure en apparence. Mais qu’on sent fêlé.

    - MARINA. A son tour dans le bureau du père. A la recherche d’une photo de jeune fille. Mihaela, liaison secrète du père.

    - Elle a contacté la jeune femme. Pour l’inviter.

    - Conversation touchante entre les deux femmes.

    - Se rappelle les derniers mots de son père sur le tarmac de Caen.

    - Lui a dit rêver d’une « fin légère ». Elle a 46 ans.

    - JIVAN. Assiste à la colère d’Olivier contre le fils du traiteur.

    - Observe ses trois sœurs de loin.

    - Constate que ce qui les unit est plus fort que ce qui les distingue.

    - Lui n’est pas de leur sang.

    - Le rire à distance d’Alexia le glace.

    - Scène à forte valeur visuelle, proprement cinématographique.

    - Tout se déroulant comme un film intérieur à multiples points de vue alternés.

    - GRÂCE. Se rappelle le prénom de son docteur. Sergueï.

    - Y pense avec bonheur et gêne à la fois.

    - ALEXIA. Lit Ulysse avec Ulysse.

    - Il exige ce livre pour s’endormir.

    - Hyacinthe entre pendant la lecteur.

    - Lui adresse un sourire doux.

    - Le mutisme d’Hyacinthe engage Alexia à lui dire qu’elle la comprend, mais la jeune fille s’esquive.

    - OLIVIER. Il lui faut appeler Lynn. Qui est encore à l’hôtel.

    - Dans sa chambre, avise un trou noir dans le miroir.

    - Lui rappelle ses « crises ».

    - Suit un traitement médical. Violence latente en lui.

    - Lili lui reproche d’en vouloir trop.

    - JIVAN. Alexia lui a parlé de la dernière lettre, « magnifique », du père.

    - Alexia voudrait lui dire ce que le père désirait transmette, mais Jivan n’écoute pas.

    - Il aimerait lui parler d’autre chose.

    - Elle subodore que c’est de Noah. Parle de « saleté d’amour ».

    - Alors lui se braque.

    - GRÂCE. Se rappelle la pesante présence sexuelle de Franz.

    - La seule fois qu’elle pousse un cri, c’est en pensant à Sergueï.

    - Franz le prend pour lui…

    - MARINA. Rejoint Hyacinthe. Se rappelle comme l’enfant a été laissée à Chavy.

    - Une fille hors du commun. Sauvage.

    - Songe au « petit corps d’avant l’autre corps »…

    - ALEXIA. Jivan lui a demandé si elle-même a jamais connu l’amour.

    - JIVAN. Se retrouve seul dans son ancienne chambre. Repense au temps où Alexia l’appelait dans la sienne.

    - OLIVIER. Tout à ses pensées terre à terre d’homme pratique.

    - S’est disputé violemment. S’est déstressé en picolant trop.

    - ULYSSE. Dernière image de cette première partie, du petit garçon courant en rêve et murmurant « catch him, catch him ».

    - Tout cela très beau, très doux, très musical et pictural en même temps. L’espace admirablement « construit » par les voix.

    - LE JOUR

    - OLIVIER. Auprès de la splendide Lynn, Olivier Fougeray sera « le grand maître du dream », yes sir.

    - MARINA. Voit son tour cette image de la famille aux cinq tilburys.

    - GRÂCE. Pense aux absents et aux morts. Toute fière que son couple ait tenu, avec Franz et les jumelles.

    - ALEXIA. Son point de vue est plus narquois sur le « grand film » d’Olivier.

    - JIVAN. Se rappelle, sur son tilbury, l’enterrement de sa mère, et le père alors « seul au monde ».

    - ALEXIA. Réagit aux formules du sacrement religieux. Pensées grinçantes dans la chapelle.

    - JIVAN. Son regard est plus serein. Sent une joie en lui.

    - Se rappelle que cette famille blanche l’a adopté à l’autre bout du monde, à l’orphelinat de Cochin.

    - MARINA. Lutte contre l’ennui de la messe. Se rappelle un voyage en Suisse avec le père. Qui lui a transis divers objets préhistoriques. Comme un legs personnel. Leur secret.

    - GRÂCE. Au moment de l’échange des anneaux, reprend le fil du récit, qui glisse d’un personnage à l’autre, sans aucun accroc.

    - ALEXIA. A présent Jivan rit. On s’est retrouvé sur la route. On prendrait bien la tangente au lieu de rejoindre le vin d’honneur…

    - GRÂCE. Joue son rôle de femme organisée au vin d’honneur.

    - OLIVIER. Ne pense qu’aux images objectivées de la fête. Pensées érotiques au passage, quand le frôle Dolly avec laquelle il a souvent fait Oli-Dolly.

    - L’auteur rend parfaitement tout ce qui se passe en deça des mots, dans le for de chacun. Toutes les sensations, observations, impressions, gestes, échanges de regards, tout enrichit le récit.

    - ALEXIA. Glisse d’un groupe à l’autre. Tout ça rappelle un peu Dolce Agonia de Nancy Huston, en moins chargé existentiellement mais en plus musical.

    - Une voix chaude s’adresse à elle. Un homme en noir en lequel elle reconnaît un beau jeune homme de jadis.

    - MARINA. Un homme lui parle pendant qu’elle observe sa Hyacinthe à une fenêtre.

    - Se dit que sa fille lui a échappé comme son mari, parti pour une plus jeune.

    - JIVAN. Se revoit enfant dans une fête pleine de monde. Comment on l’a arraché à sa honte dans les rires partagés. Comment il « faisait bébé » avec Alexia.

    - ALEXIA. Reconnaît le bel homme à la voix grave. Le fils d’un ouvrier polonais qui venait à la maison.

    - Il se passe quelque chose entre leurs regards.

    - GRÂCE. « Grâce avait l’impression que chacun était à sa place dans la polyphonie du monde ».

    - Tout à fait le sentiment qui se dégage du livre aussi.

    - Elle sent que quelque chose s’est passé en elle.

    - Comme si elle était prête pour l’amour. Elle pense à ses morts et se dit qu’elle ne pourra plus parler qu’é Sergueï.

    - MARINA. Surprend, avec stupéfaction, une conversation entre Jivan et Hyacinthe la muette.

    - Mais sa fille se tait dès que cette intimité est troublée.

    - Elle s’effondre dans un divan.

    - JIVAN. Constate l’effondrement de sa sœur aînée. A qui il confie qu’Hyacinthe perçoit la vente envisagée de la maison comme une sorte de fin du monde. Lui aussi en est très affecté.

    - Jivan est impressionné par Marina qui incarne la « tranquillité souveraine » des Fougeray.

    - MARINA. Dit à Jivan qu’elle a laissé Hyacinthe à Chavy pour la commune sauvagerie de l’enfant et de son grand-père.

    - OLIVIER. Lynn le panse comme un cheval fou.

    - La remarque d’une invité, à propos de l’absence de son fils Gil, l’a piqué au vif.

    - ALEXIA. Observe les convives avec ironie. Des conversations nourries par le « consumérisme ambiant » qui « finiraient par communier au dernier tohu-bohu médiatique, l’époque était d’un conformisme affligeant ».

    - JIVAN. Fait parer sa vieille tante Lucia pour qu’elle lui raconte un peu plus de détails de son adoption.

    - Se demande pourquoi on l’a choisi lui.

    - Aimerait élucider le mystère d’une petite cicatrice en croix à son bas-ventre.

    - Se rappelle son retour adulte à Cochin.

    - La vieille femme qu’il a baisée une nuit et un jour durant.

    - MARINA. Eprouve le besoin de quitter les convives et de se retrouver seule.

    - Se rappelle le tableau de Micha.

    - Se rappelle les jeux de lumière du tableau auxquels son père l’a rendue attentive.

    - Son père qui aimait dire « regarde la vague »…

    - ALEXIA. Regarde l’homme noir la regarder. Loin l’un de l’autre, « chacun comme une image pour l’autre, un rêve ou un rêve de rêve ».

    - MARINA. Retrouve Hyacinthe en rêve.

    - Puis se rend dans sa chambre où elle tombe sur un cahier noir, écrit par son père.

    - Qu’elle commence à lire.

    - Et tout aussitôt le récit se charge d’une nouvelle gravité.

    - Le père évoque son besoin d’écrire (p.94)

    - « Ici, j’écris comme on parle seul, à Dieu peut-être, si ce mot a un sens, et non pas ce Dieu de Gabriela que je n’ai jamais vraiment compris, mais plutôt à cet inconnu de moi, qui demeure sans image, effacement même de l’image, et prend ma main quand je la tends vers l’ombre ».

    - Evoque son père et sa génération de héros.

    - Note que « plus rien ne nous unit que le sentiment de la foule »

    - ALEXIA. Ecoute l’éloge débile d’Olivier par un sien ami.

    - Olivier est quasiment un étranger pour elle.

    - Se dit qu’il doit la trouver « bien roulée » et par trop idéaliste.

    - Remarque que le discours de l’ami a fait l’impasse sur l’existence de Gil.

    - Gil qui erre à Paris entre squats et asiles de nuit.

    - JOURNAL DU PERE. Devient un élément constitutif du récit.

    - Evoque ses relations avec la fidèle Lili. « Lili est la charge infatigable du temps.

    - Evoque ses souvenirs de bonheur « dans le temps ».

    - Très belles séquences.

    - Se rappelle son enfance, Gabriela, ses enfants à travers les années.

    - « Ce sont les fragments de mon archéologie ».

    - Très belle mise en abyme du roman, avec la voix si proche de l’absent. (A suivre)

    A paraître au Seuil le 23 août 2007.

  • De la posture

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    Un signe de la (non) pensée formatée. L'exemple de BHL.
    De quel peintre invisible sommes-nous devenus les modèles ? De quel photographe de mode, les top models ? De quel concepteur d’events les intervenants prenant la pose ?
    Ces graves questions, je les aborde en considérant la notion de posture intellectuelle qui s’est introduite dans le langage courant de ces dernières années.
    Il y a une trentaine d’années de ça, la question qu’on nous posait sur un ton plus ou moins inquisitorial était: d’où parlez-vous ? On ne parlait pas alors de posture mais au plus de position : il fallait préciser sa position. C’était certes moins cool qu’aujourd’hui, mais enfin on était supposé faire corps avec sa position: dire d’où on parlait signifiait qu’on se situait intellectuellement ou politiquement parlant. J’ai toujours refusé, quant à moi, de dire d’où je parlais, mais c’était mon affaire personnelle et vitale, contre ce que je croyais une police de la pensée et de la parole.
    Or nous n’avons plus à dire, désormais, d’où nous parlons. Ce que nous disons ne fait plus corps avec ce que nous pensons ou ce que nous sommes: nous n’avons plus qu’à nous positionner en fonction de l’image que nous souhaitons donner durant notre quart d’heure ou notre quart de siècle de célébrité: nous nous réduisons à des postures.
    Un exemple emblématique peut illustrer ce glissement de la position à la posture: celui de Bernard-Henri Lévy. BHL prenant la défense du Darfour, vingt ans après avoir posé pour Paris-Match aux côtés des enfants affamés du Biafra, ce n’est pas une pensée cohérente reconduite mais le passage d’une position, fût-elle teintée de démagogie, à une posture. BHL pour le Darfour n’est plus le résultat d’une réflexion éthico-politique mais un Personal Aid mondial, au même titre que le Band Aid de Bob Geldof. Cette posture marque le dernier état des images virtuelles produites par la firme BHL & BHL, qui fait du Darfour LE signe extérieur du simulacre compassionnel d'un top model de la pensée médiatique.

  • Au niveau du groupe

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    Scènes de la vie d’un atelier d’écriture

    Il est évident que quelque part, au niveau du groupe, Jehanne a vraiment merdé. C’était à elle de gérer la situation relationnelle de l’atelier, et sans faire intervenir son ego chiant comme ça s’est passé avec le Gitan. Même s’il y a quelque chose d’indomptable chez celui-ci, je suis navrée: les vrais artistes ne sont pas des enfants de choeur, et ça ne fait pas un pli que, dans le groupe, le Roumain était à peu près le seul qui écrive avec ses tripes et son sang et qui ait le sens de la transposition. En plus, que ça se passe dans un travail de groupe dont le thème était l’exclusion, ça c’est vraiment le top, surtout de la part de quelqu’un qui se veut psychologue.

    A ce propos, ce qui était un peu mal barré à la base, c’est que, justement, tout ait commencé dans la psychologie. Je veux bien que ce soit le dada de Jehanne et qu’elle tienne à baliser du point de vue des identités et des carences, comme elle disait, mais je ne suis pas sûre, quant à moi, que ce soit la meilleure formule pour mettre les gens en confiance et les stimuler au niveau créativité. Même que je me suis demandée, les premiers temps, si je ne m’étais pas fourvoyée dans une espèce de secte où se pratiquait la confession dirigée.
    Plus encore: au premier contact j’ai cru que j’hallucinais. C’est que, dans sa longue robe blanche, avec ses cheveux blonds roulés en tresses sur les oreilles comme les cornes des mérinos australiens, Jehanne de Preux avait tout de la barjo New Age et, dès qu’elle a commencé de parler, je me suis dit que je m’étais trompée d’adresse.
    En gros, disons qu’elle s’était mise dans l’idée de nous libérer. A priori, d’après elle, nous étions tous plus ou moins coincés du point de vue de l’expression, surtout les femmes, c’était une affaire de pouvoir, disait-elle, et c’était cela qu’elle voulait travailler. Tout de suite, alors, il a fallu parler de soi, et c’est justement ça, moi, qui m’a bloquée à ce moment-là. Vraiment je ne pouvais pas, je n’avais pas envie de me livrer, j’avais toujours pensé que l’écriture est le contraire de ça, moi je voulais transposer, je n’en avais rien à faire de partager mes bricoles ou de me farcir celles des autres, je n’étais pas là pour me faire assister ou pour servir une fois de plus d’épaule compassionnelle (ma vieille spécialité du temps des communautés), j’avais besoin de m’échapper de la routine et pas de me tripoter l’Oedipe, j’avais envie d’être traversée par des forces et pas réduite à ma débilité, mais c’est là que je me suis rendu compte, aussi, que la prétendue assurance de Jehanne cachait pas mal de fragilité et que la théorie lui servait surtout à colmater ses brèches à elle.
    Ce qui est apparu en tout cas, c’est qu’elle avait sous-estimé nos résistances autant que nos ressources, et cela bien avant que ne se pointe le Gitan.

    Les premiers temps, l’atelier d’écriture, j’y suis restée pour les gens que j’apprenais à découvrir.
    Parfois je me demandais, un peu, à quoi rimait le rôle de Jehanne, qui s’était bien aperçue que nous étions quelques-uns à lui échapper, et qui servait surtout aux autres d’exutoire à problèmes persos, sinon de tuteur socio-culturel.
    Ce que j’attendais, en ce qui me concerne, c’était peut-être juste la confirmation extérieure d’une vraie jouissance que j’avais de me raconter des histoires, qui m’était venue d’abord à la lecture des récits de Tchekhov et des si belles nouvelles de Carver dont j’aimais, encore plus que les autres, celle où il raconte la mort de Tchekhov...
    Je savais que je n’avais pas trop le don, mais quand je voyais ce qu’on portait aux nues je me disais que ça ou ça, style Houellebecq ou Darrieussecq, n’arrivait pas à la cheville de ce que j’aimais et que ce que je ferais moi serait peut-être encore moins nulache.
    Enfin, de toute façon je ne pensais pas même à publier, moi ce que je voulais c’était essayer de mieux piger, en discutant avec des gens - et là vraiment le Gitan m’a beaucoup apporté, surtout avec ses trucs à lui -, pourquoi ce récit fonctionne et pas celui-là, pourquoi t’es tout chose après La dame au petit chien et comme gratté à la pierre ponce après dix pages des Particules élémentaires.
    Les gens je pensais, aussi, que c’était quand même important à la base, pour t’écouter et te dire là tu oublies ou là tu écris quelque chose qui m’atteint. C’était déjà beaucoup de pouvoir trouver ça dans un monde où t’es à peu près qu’une particule élémentaire, c’est le cas de dire, même si tu vaux quand même mieux qu’un personnage de cette pauvre gueule de furet navré du Michel-la-déprime.
    Ensuite il y avait le niveau physique de la relation, moi ça j’y crois à mort. Et c’est peut-être ce qui nous a retenus ensemble, plus que les théories ou nos textes, avant l’arrivée du Gitan.
    C’était la présence, par exemple, de ce tendron de Glaus, que toutes nous avions envie de prendre dans nos bras quand il nous lisait ses étonnants petits morceaux de minimalisme quotidien sublimé, auxquels Jehanne reprochait évidemment ce qui en faisait la valeur à mes yeux, à savoir la transposition.
    Ou c’était l’agitation névrotique d’Antonio, qui décontenançait également Jehanne, mais qui l’attachait au groupe et le faisait s’ouvrir peu à peu dans ses textes plus ou moins obscènes au riche contenu latent (dixit l’experte de Preux).
    Or je sentais Jehanne hésiter en rapport, sans doute, avec l’hésitant abandon que lui montrait le Portugais. J’avais l’impression, pour ma part, que jamais Jehanne n’écrirait elle-même quoi que ce soit de vraiment passable avant qu’elle ne brise son carcan de freudisme. Pourtant, au fur et à mesure des séances, je me suis aperçu qu’il y avait quelque chose de malléable et de poreux en elle et que ce n’était pas tout à fait la despote bornée que j’avais crainte, ensuite de quoi le Gitan a débarqué, qui a modifié d’un jour à l’autre toutes les données comportementales du groupe.

    Jusqu’à l’arrivée de Stanciu, il était encore possible à Jehanne de nous proposer de creuser ses sujets à elle, comme le sentir féminin ou le rendu du toucher, que nous étions plusieurs à éviter de traiter mais que personne ne rejetait explicitement.
    En revanche, la seule intonation de Stan, quand il se penchait sur les propositions thématiques que Jehanne nous distribuait en début de séance, pour les lire à haute voix avec son emphase sarcastique, suffisait à en dégager ce qu’elles avaient en effet de plus ou moins à côté.
    C’est cela, bien entendu, qui a bientôt monté Jehanne contre Stan, en tout cas pour ce qu’on en a vu. Mais tout de suite, aussi, j’avais remarqué que le mâle l’attirait-terrifiait plus qu’un peu, ce qu’elle dissimula tout le temps qu’il jouait encore à reconnaître son ascendant et sa compétence.
    Pour mon compte, j’avais également repéré le vrai Stan du premier coup d’oeil, malgré la peau de mouton qu’il avait jetée sur ses épaules voûtées de gare-au-garou, mais je lui ai fait comprendre illico qui décidait de mes amours même éphémères, et nous nous sommes rencontrés d’entrée de jeu sur un autre terrain que celui de la drague à la con.
    Le premier soir, en me raccompagnant dans le quartier des Oiseaux où il me dit qu’il créchait parfois dans le duplex d’un ami écrivain, il m’a lancé comme ça sans chercher autrement à m’emballer: «Toi tu sens quelque chose, Milena, tu as quelque chose en toi qui cherche la pointe, ça se voit dans le texte que tu as lu ce soir, mais tu dois te mettre toute toi sur la pointe, tu ne dois pas garder d’appuis, tu dois toupiller Milena!»
    On a quelque part un noyau dur et c’est là-dessus qu’il faut écrire, disait à peu près le Gitan. Il faut être implacable. Si tu pisses des larmes, c’est du caillou noir de ton coeur qu’elles doivent sortir, sinon c’est de l’eau de vidure.
    En quelques couplets je lui avais raconté mes épisodes assez persos, mais quand il a pris son ton protecteur je me suis esquivée vite fait tout en lui donnant pleinement raison question noyau dur.
    Je sentais que Stan n’avait pas de mur pour le retenir, et je n’avais pas envie de retomber dans mes vieilles dépendances. Je devinais autant le chaud que le froid dans sa vie de solitaire, et je n’avais pas la moindre envie de rejouer la maman et la putain comme tant d’autres fois. Bien plus que son personnage, ses textes à la fois âpres et très tendres me touchaient presque physiquement. J’aimais ses phrases presque autant que les miennes, et ses mots étaient des objets que je regardais avec reconnaissance, comme un morceau de savon noir sur une planche ou comme un pain de glace dans une boucherie féerie. Et puis son besoin de s’intégrer et de s’affirmer, d’être reconnu et de partager ce qui comptait le plus, pour lui, avec les autres, me touchait. J’avais envie de lui montrer de l’amitié, mais je n’avais rien à cirer de ses élans d’Attila sexuel qui devaient faire flipper en revanche notre chère Jehanne.
    C’est d’ailleurs pour lui avoir résisté, je crois, que nous sommes devenus complices Stan et moi.
    Comme le Gitan le disait à mon propos, il était de ceux qui, dans leur arrière-cour, ont un puits de larmes.
    Cela, bien entendu, une Jehanne de Preux ne pouvait le comprendre que par la tête, car jamais elle n’avait vraiment vécu ou vraiment perdu que dalle.
    Jehanne prétendait faire face: elle avait lu tout Freud et feuilleté Jung pour s’en méfier vite, elle cotisait depuis dix ans à Amnesty International, elle avait réfléchi sur la place de la femme dans la société et, par souci de parallélisme, s’était documentée sur le sentir masculin, mais dès que tu étais devant les faits elle paniquait d’une manière ou de l’autre, et dès qu’elle fut en face du Gitan ce fut la déroute, ou du moins c’est ce qu’il nous a semblé.
    Stan était trop physique. Stan était beaucoup trop réel. Quand il arrivait à l’atelier, Stan prenait aussitôt toute la place. Il avait beau s’excuser pour le retard (il arrivait de son chantier de forestier), on faisait attention à lui, il sortait ses textes en comparaison desquels les nôtres existaient à peine, Jehanne essayait de le remettre à sa place mais nous étions tous à réclamer ses nouvelles pages jetées à la diable, et lui-même s’étalait avec son énergie d’homme des bois: il était là parce qu’il était là, Jehanne n’en pouvait mais, et à ce moment-là personne ne se doutait de ce qui se passait entre eux.

    Les textes de Stan étaient forts. Le personnage était inégalement buvable, mais ses textes étaient beaux et je les aimais comme je pouvais aimer les choses de la vie elle-même, transposées par des mots simples et vrais.
    Je sentais que Jehanne craignait cette vérité et cette simplicité. Je savais qu’elle en percevait la justesse et la force, mais peut-être craignait-elle qu’un pouvoir lui échappe, et c’est ce qui l’a fait dérailler quand elle nous a proposé ce travail collectif sur l’exclusion, auquel elle croyait pouvoir obliger Stan de participer.

    Le Gitan se disait incapable d’écrire sur commande, et personne, je le sentais bien, ne pourrait l’obliger à quoi que ce soit. Chaque fois que Stan est intervenu sur nos textes, c’est pour nous montrer ce qu’ils pouvaient avoir de contraint ou d’artificiel, d’insuffisamment personnel ou d’insuffisamment transposé. Curieusement, ce type qui est tellement centré sur lui-même est également capable de déceler, en un clin d’oeil, ce qui sonne faux chez les autres - tout ça qui ne pouvait échapper à Jehanne et l’inquiéter aussi.
    Que Jehanne n’ait pas compris que ce type ne serait pas taillable à sa façon, et qu’il nous remettait tous en question d’une manière ou de l’autre, c’est ce qui m’échappe à l’instant.
    Ce qui me paraît sûr, en tout cas, c’est que l’atelier ne se remettrait pas d’interdire son accès à qui que ce soit, et que Jehanne en resterait elle-même toute cassée quelque part.
    J’en ai parlé à Stan une nuit durant. Nous avons parlé de ce qui nous fait écrire et de ce que c’est devenu la plupart du temps. Il m’a dit que le besoin de se sentir exister était le mobile de la majorité des gens qui écrivent, mais que beaucoup se contentent de simulacres d’existence que procurent une apparition au petit écran ou une citation dans un journal.
    Il m’a dit que lui-même pourrait très bien cesser d’écrire et qu’il ne désirait pas prouver quoi que ce fût au groupe, bizarrement il a plutôt pris la défense de Jehanne et a laissé entendre que lui-même ne serait pas reparu à l’atelier s’il n’y avait eu pour lui une question d’honneur à défendre. Il n’aimait pas qu’on le jette d’où que ce fût: simplement il n’aimait pas cela, et comme je le comprends !
    Et c’est cela, aujourd’hui, qu’il nous faut gérer au niveau du groupe: c’est le retour de Stan et la déprime de Jehanne consécutive à la rupture de la liaison que nous ignorions entre eux.
    Finalement je pense que ce serait un défi de travailler ce thème de la pointe au niveau du groupe. Faudrait que Stan nous raconte comment il nous vit, et que chacun se raconte et raconte comment il vit Stan et Jehanne, mais que tout soit transposé, et que tous nous nous mettions à toupiller.


    Cette nouvelle est extraite du Maître des couleurs

  • De la cellule psychologique

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    Quand le drame est sous contrôle... 

    Un drame alpin a coûté la vie de six jeunes militaires suisses, la semaine dernière, sur l’arête sommitale de la Jungfrau de laquelle deux cordées se sont abîmées dans la face de quelque mille mètres. Or, dès l’annonce de l’accident à la télévision, la digne présentatrice à l’air catastrophé de circonstance a cru rassurer la multitude en annonçant qu’une cellule psychologique avait aussitôt été mise sur pied pour soutenir le moral des survivants.
    Dieu sait que je ne suis pas insensible aux traumatismes divers et autres chocs subis par mes semblables, mais cette histoire de cellule psychologique me dérange et me fâche de plus en plus. Que cela signifie-t-il ? Pourquoi cette annonce systématique ? Quel simulacre de compassion et d’apaisement, pour évacuer quoi ?
    J’ai vécu moi-même un tel drame : j’ai appris, un splendide matin d’août 1985, que mon meilleur ami s’était fracassé dans une face nord au terme d’une course que nous étions supposés faire ensemble et à laquelle je n’avais pu participer, j’ai vécu la douleur insensée de sa moitié et de ses enfants, et voici vingt ans que j’évalue les conséquences catastrophiques d’un probable infime geste inapproprié (comme on dit aussi dans la novlangue des médias) sur une pente de glace à près de quatre mille mètres, et je m’interroge sur ce qu’aurait représenté, ce matin-là, le concours d’une cellule psychologique…
    On me dira que cette nouvelle institution marque un progrès dans l’assistance aux victimes. Tant mieux. Mais en ce qui me concerne, je n’en reste pas moins sceptique sur l’utilité et l’opportunité du Geste du Spécialiste à ce moment-là, surtout je me demande si cette utilité n’est pas essentiellement de garantir à la Société que le drame est « sous contrôle » du Spécialiste, en d’autres termes : qu’on peut continuer de s’en foutre du moment que la cellule psychologique « assure », comme on dit…