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  • Le Dantec nouveau (2)

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    Lecture intégrale d’  Artefact. Notes.

      9. American Life
    - L’automne se pointe.
    - Ils crèchent dans une espèce de chalet de montagne surplombant un lac.
    - Les Truqueurs lui ont bricolé une identité. James Williamson Skybridge, astronome.
    - Il exige des professeurs de Lucy qu’ils n’évoquent pas son drame.
    - La petite fille est hyperdouée.
    - Et très pieuse.
    - Lui-même a épousé toutes les religions à travers les siècles.
    - Les gens du coin sont très tertiaire libéral à résidences secondaires.
    - Des gens qui travaillent à distance.
    - Ou des ouvriers en retraite. Des bûcherons.
    - Il donne des cours particuliers à la petite.
    - Notamment sur l’évolution humaine.
    - Lui apprend des techniques d’apprentissage.
    - Lui révèle qui il est.
    - Elle s’intéresse à Thérèse d’Avila.
    - Lui apprend que sa mère se passionnait pour les saintes.
    - Il a commencé à collectionner les ouvrages de théologie à la période de la querelle nominaliste…
    - Puis c’est l’été sur les Appalaches.
    - Le directeur de l’école le convoque.
    - Lui apprend que Lucy Skybridge figure parmi les disparus du WTC.
    - Il s’en tire avec habileté.
    - Lucy sait déjà qu’elle va devenir comme lui
    - Digression sur le secret (p.110).
    - Il lui demande si elle veut aller à la commémoration des attentats.
    - Elle décline, malgré la présence de U2…
    - Ils vont se balader sur le lac.
    - Célèbre la beauté de la nature, « comme un don de la grâce divine ».
    - Cite Bérulle.
    - La nature lui apparaît comme une écriture vraie.
    - « Un millénaire comme celui que j’avais vécu est extrêmement formateur sur le plan de la philosophie.
    - Un humour singulier là-dedans, candide et un peu dingue.
    - La petite parle doctement de la Réforme et de ce qu’elle aurait dû être : l’affaire Luther a été mal « gérée »…

      10. L’année du dieu Mars
    - Evoque la guerre engagée
    - Qu’il sait déjà promise à tirer en longueur.
    - Une guerre globale.
    - Dont lui veut se tirer.
    - Se dit prêt à un sacrifice.
    - Il a des rêves prémonitoires.
    - Voit déjà la développement de la guerre en Irak.
    - Selon lui, l’homme aura besoin d’une confrontation mortelle pour connaître « le prix véritable de toute création ».
    - En irak, le problème ce sera « après »…
    - Conversation avec le commandant Cooper.
    - Retour à Clausewitz.
    - Considérations intéressantes sur le temps.
    - Le temps linéaire aristotélicien et l’autre temps.
    - Le Vaisseau-Mère est une conscience quantique.
    - Qu’il s’applique à déjouer la moindre.
    - Il reste libre de ses choix.
    - Il va s’attacher à faire évoluer Lucy en accélérant les choses avec les neurovirus et les transposons.
    - A la rentrée de 2003, Lucy a donc 9 ans et 9 siècles.
    - Elle fait son apprentissage de la précognition. Ses antennes s’affinent. Elle communique avec sa mère.
    - Lui-même reçoit des messages du futur.
    - Lui : « Je note tout, j’écris tout, je prévois tout, je calcule tout ».
    - Se targue de n’être pas calculé, mais…
    - Il y a les SUV noirs.
    - Qui le calculent, pense-t-il.
    - Des types en costumes noirs qui le filent, croit-il.
    - Bref, il est temps de programme la séquence neurovirale de départ.
    - Il faut qu’il « leur » échappe avec Lucy.

      11. Contre la Tour-monde
    - Au début 2004, un signe lui est doné.
    - Il doit partir vers le nord.
    - Il doit échapper à la mémoire de ses poursuivants.
    - Les magouille à distance, sans être sûr d’assurer…
    - La haine entre en lui, jamais éprouvée.
    - Un sentiment animal et glacial à la fois.
    - « La haine est une machine »
    - Sent qu’elle menace de faire de lui un homme.
    - Ils vont fuir vers le nord.
    - Quittent les Appalaches pour le Canada.

      12. Americanada
    - Passent la frontière.
    - Destination Fermont dans le Labrador.
    - «Nous sortons du monde, nous entrons dans le réel ».
    - Ils vont vivre comme des nomades, des résistants, des guérilleros.
    - Il fait tout pour Lucy.
    - Qui doit être télétransportée dans l’autre dimension.
    - « Mon plan est de vaincre la mort ».
    - Tout cela se lit fort bien, sans qu’on sache où ça va...

      13. La carte et le territoire
    - Il entre en clandestinité.
    - Il a signé une alliance secrète avec le monde.
    - Contre ceux qui veulent le détruire.
    - « Ils anéantiront tout. Ils souilleront chaque place sacrée. Ils propageront des abominations encore jamais vues sur cette planète pourtant riche d’enseignements ».
    - Ils remontent de Montréal à Québec.
    - Trouve encore des ressources vitales dans la nature.
    - Qu’il évoque en poète.
    - « La Beauté est ce qui, dans le monde, est susceptible de vous parler, est doté d’une voix, est capable d’énoncer une parole ».
    - Ils arrivent à Tadoussac.
    - Il implose en larmes à la vue de Lucy endormie. Ni des tristesse ni de joie, mais d'un feu liquide.
    - Ils iront jusqu’à Natashquan.
    - Se sent un « spectre qui navigue ».
    - Fuyant « leur globe carcéral ».

      14. Under the northern skies
    - Ils arrivent au Labrador.
    - Belle évocation là encore.
    - L’histoire de deux espèces d’anges, l’un tombé du ciel, l’autre d’une tour…
    - Roule sur la 389.
    - Le 5 juin ils arrivent à Fermont.
    - Le 6 sera l’anniversaire des 10 ans de Lucy.
    - Une aurore boréale les rejoint.
    - Descriptions scientifico-lyrique assez chiadée.

      15. Contact
    - Le jour des 10 ans de Lucy something happens.
    - Road 500.
    - Prend conscience de sa bifurcation vers la poésie, par ce qu’il écrit depuis quelque temps.
    - Le texte de MGD est aussi chargé de lyrisme et tissé d’incantation rythmées.
    - Il use des tems verbaux de façon singulière, aussi.
    - Lucy l’interroge sur la présence des terroristes dans son monde à lui où ils vont.
    - Il la rassure.
    - Mais leurs poursuivants les ont rejoints entretemps.

      16. Sous le projecteur des films noirs.
    - Il se demande encore qui ils sont.
    - Des Contrôleurs envoyés par le Vaisseau-Mère ?
    - Il en doute.
    - Ce dont il est sûr est que Lucy est menacée, et qu’il doit tout faire pour l’aider à passer de l’autre coté…

      17. Zone d’impact
    - Il va pour rejoindre le Vaisseau-Mère.
    - Mais ce sont EUX qui les rejoignent.
    - Son plan a fonctionné.
    - Comme s’il avait-lui-même tendu le piège.
    - « Tout ce qui va suivre, je le sais. Je l’ai vu. D’une certaine manière, je l’ai écrit ».

      18. Toutes les lumières du Ciel et de la Terre
    - « Ils sont venus. Nombreux. Ils sont là. Armés ».
    - Mais lui aussi est armé.
    - Lucy s’inquiète, alors qu’il a déjà préparé son transfert.
    - Elle y est prête.
    - Et l’attaque se déclenche au moment où il la pousse à fuir vers le contact avec la sonde.
    - Etrange récit de SF et tout autre chose en même temps.
    - ILS sont la loi. Mais lui représente la loi à venir.
    - Deux lois qui s’affrontent violemment.
    - Il se défend, mais finit par être touché et abattu.
    - On comprend que de mourir il va naître.
    - Et plus que jamais on se demande où tout ça mène.
    - Mais on y va…

  • Le Dantec nouveau (3)

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    Lecture itégrale d'Artefact. Notes. 

    19. Le monde en blanc et blanc

    - Il se retrouve chez lui (croit-il).
    - Dans le Vaisseau-Mère (croit-il).
    - Où tout est blanc.
    - Mais pourquoi l’agent de réception lui parle-t-il en langage terrien ?
    - That’s the very question.
    - Pourquoi l’appelle-t-il Docteur ?
    - Pourquoi tous ces hommes en blanc ?
    - On lui apprend qu’il s’appelle James Curtis Williamson
    - Et depuis toujours.
    - On lui présente ses poursuivants.
    - Dont un détective.
    - Le Dr Bloomber, neuropsychiatre, s’occupe de lui.
    - Lui apprend qu’il est l’un des physico-chimistes les plus éminents de la Côte Est.
    - Qu’il a eu un accident de la circulation, en 1997.
    - Où il a perdu sa femme et sa fille.
    - Bloomberg vient le trouver chaque jour.
    - On lui parle d’un certain objet qu’il a laissé dans sa fuite, après son « kidnapping ».
    - On lui reproche des « crimes fédéraux », comme usages de faux, etc.
    - On lui montre des photos de son labo, aux murs couvertes de formules.
    - On le soupçonne d’expériences illégales sur Lucy.

    - 20 Epilogue : Ground Zero
    - En fait il se trouve dans une clinique de Newark.
    - No loin du Ground Zero.
    - Où il a l’autorisation de se rendre.
    - Tout y a été nettoyé, comme si le WTC n’avait jamais existé.
    - Il est conscient du gouffre qui le sépare d’EUX.
    - EUX qui ne savent rien.
    - ILS ne pourront jamais rattraper Lucy.
    - Il y a 3 ans qu’il est là.
    - Il reprend son autobiographie…
    -
    - Deuxième Partie : Artefact

    - Premier jour : l’éveil

    - Exergue de Boby Dylan : « Don’t think twice, it’s allright ».
    - Quelqu’un se réveille sans savoir où, quand on est, ni qui il est.
    - Son passé est « une totale absence ».
    - Il se trouve sans rien, dans une maison de style toscan
    - Se demande ce qu’il fait là et où il va.
    - Aucun repère.
    - Sauf la mer, un port, une ville.
    - La maison.
    - Il a le sentiment d’être manipulé.
    - Là pour une expérience.
    - Il découvre un objet : une valise.
    - Et dans la valise : une machine à écrire Remington.
    - Avec une rame de papier.
    - Et sur la page de titre : Artefact.

    - Deuxième jour : la machine et son double
    - L’écriture de MGD est devenue claire et limpide, lumineuse, poétique et sereine.
    - Durant la nuit un événement s’est produit.
    - Des pages ont été écrites.
    - Se demande s’il l’a fait en état de somnambulisme.
    - Ce qui a été écrit tient en une demi-douzaine de pages.
    - Sa journée est écrite.
    - Réfléchit à la nature de l’écriture.
    - Puis il découvre la ville.
    - Une station balnéaire, en Italie, le 13 juin 2000.
    - Jour de la naissance de MGD me semble-t-il.

    - Troisième jour : la Plage.
    - Viareggio.
    - Avec des bagni et une Passeggiata.
    - Un lieu de l’apothéose du faux.
    - S’arrête au bagno Oceano.
    - Très belle évocation, très picturale, entre land art et body art.
    - Evoque les deux temps de l’écriture, de l’absorption à la résorption.
    - L’écriture le fait exister.
    - Retour à la case réel.
    - Il devient un existant, bientôt un individu.


    - Quatrième jour : l’infini au cube
    - Décline les modalités de son je.
    - Le je du jour, le je de la nuit, le je de la Plage, le je de la Chambre.
    - Il commence à redevenir lui-même.
    - Son futur se construit à travers cette présence de l’écriture et de la machine à écrire.
    - Un espèce de saisie phénoménologique de la présence et de la genèse de la création de soi et du texte.
    - « J’écris dans un monde qui semble plus réel que celui dans lequel je vis en toute conscience ».
    - Se sent dédoublé.
    - Perçoit l’Autre en lui.
    - Le monde fait son entrée dans son univers alors qu’il entre dans le bagno du monde.
    - Une relation nouvelle. Etrange.
    - Le sujet se pointe, le sujet à venir.

    - Cinquième jour : La Nuit Blanche.
    - Expérimente le principe d’incertitude appliqué à son existence.
    - Découvre un hangar rempli de masques.
    - Se rappelle que masque se dit persona.
    - A la Nuit Banche succède le Journoir.

    - Sixième jour : le Journoir.
    - Continue à s’interroger sur la nature du réel.
    - Qu’est-ce qui est réel ?
    - S’interroge sur sa relation avec la machine et sur la fonction de celle-ci.
    - Une sorte de prolongation organique de son corps.
    - Il va se rejoindre pourtant en écrivant : c’est bien moi.
    - La machine est comme le corps de son âme ou l’interface de son être.
    - Evoque le temps dédoublé de l’écriture. A la fois dédoublé et décentré.
    - Je suis celui qui suit ce qui suis-je, ou quelque chose comme ça.
    - Septième jour : Infinity Unlimited
    - Il dit avoir été un homme séparé de lui-même, un alien.
    - Constate qu’il y a un infini en chacun de nous. »Votre cerveau est le secret de votre cerveau votre cerveau est le mystère du cerveau d’Après.
    - Comme un Big Bang de symphonie virtuelle.
    - Qui reste à l’état de dénombrement et de dénomination du réel.
    - A la fois abstraite, l’opération, et tout à fait intelligible pourtant.

    - Huitième jour : l’invention de l’éctiture.
    - Il se réveille dans la chambre de la maison.
    - La machine absorbe tout.
    - Tout s’inscrit.
    - Il devient lecteur/écrivain total.
    - L’écriture, miroir de l’être, est reflet de l’inconnaissable.
    - Dit avoir procédé à une dévolution.
    - Un espèce de représentation abstraite/concrète de la théologie.
    - Millième jour : Homo Sapiens Sapiens
    - Il dit avoir marché des siècles dans le désert.
    - « J’ai rompu le piège du monde-simulacre ».
    - « L’écriture est en train de s’incarner en moi et désormais la présence est réelle, elle est partout, elle est le réel ».
    - Et le texte lui-même l’exprime par son ressassement.
    - « C’est le moment où je vais parler. Ce sera le moment où, enfin, je pourrai rencontrer l’autre qui est en moi ».
    - « Cette zone noire c’est la bouche du monde ».
    - « Ce qui est connu, ce qui est véritablement connaissable est caché ».
    - Très Blanchot tout ça.

    - Le Jour Dernier : que la Lumière soit.
    - La langage prend forme. Le langage prend sa forme.
    - « Et c’est ce langage qui m’informe, c’est ce langage qui me reforme à l’image de la vérité.
    - Il dit être l’expérience.
    - Il vit la naissance du verbe.
    - Décrit un phénomène relevant à la fois de la physique et de la métaphysique.
    - « Je m’éveille dans la Chambre, il fit un temps magnifique. »
    - Tout cela s’est peut-être passé en un quart de seconde ou en dix siècles
    - Il se reconnaît comme artefact.
    - Il est le « je » qui s’efface pour faire jaillir le Verbe.
    - Suivent des considérations plus précisément théologiques, sur le caractère trinitaire du cerveau (hum) et la présence d’un authentique secret dans le « trou noir » du code génétique.
    - « Son intuition première n’est pas que Dieu est inconnaissable mais qu’il est absolument illimité ».
    - Introduit la théologie négative selon de Grégoire de Nysse.
    - Affirme son expérience unique en tant qu’expérience de la personne.
    - « Es-tu une personne ? » (p.314)
    - C’est là comme une méditation poétique sur la genèse du sujet et de l’écriture. Il y manque un peu de chair et d’objets à mon goût, mais c’est néanmoins une sorte de repérage physique et métaphysique lumineux des conditions d’émergence du Sujet, Récit et de la Fiction. (A suivre)

    Ci-dessus: machine à écrire de Patricia Highsmith. Sur laquelle a été écrite la phrase: "Seul ce qui est imaginaire est réel".

  • Le Dantec nouveau (4)

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    Lecture intégrale d’Artefact. Notes

    - Troisième Partie : Le Monde de ce Prince
    - Exergue de Saint Jean. « Bien plus, l’heure vient où quiconque vous tuera pensera rendre un culte à Dieu ».
    - Initier
    - Suit une série de communiqués, envoyés aux gouvernants et aux médias, et diffusés sur internet.
    - Celui qui les écrit dit qu’il est devenu ce qu’il est parce qu’il ne cesse de devenir.
    - S’adresse carrément aux flics canadiens.
    - Taxe le monde d’im-monde.
    - S’exclame que c’est une Fête.
    - Tout à fait sur le ton de Muray.
    - On est dans la Cité-Hype Montréal.
    - Dans laquelle il vient de déclencher une série d’incendies.
    - Considérations sur le Diable : Le Mal absolu et le Fils de Pute.
    - Raille les pauvres gardiens du désordre, pauvres révolutionnaires tranquilles, pauvres journalistes de tinettes.
    - Se dit une sorte de médecin, mais jouant le sicaire du Diable, actuellement en vacances.
    - Se dit le maître incontesté de l’euthanasie.
    - Il a son site web, sur lequel sa webcam capte les incendies.
    - Le Diable aime le « bruit voluptueux » des incendies.
    - Son site est www.welcometohell.world.

      2. Chiffrer
    - Raille les cités à festivals perpétuels...
    - Le Diable est sur la Plage.
    - Au bagno Oceano peut-être ?
    - Il lui a confié l’intérim.
    - « Je suis – c’est vrai – une pure déviance, à ce titre ».
    - « Le Diable est le toxique de tous les toxiques ».
    - Pour sa part, il a kidnappé un journaliste islamisant.
    - Auquel il va faire subir un traitement de choc.
    - « Tes amis coupent les têtes, ils le séparent des corps vivants avec les moyens abjects qu’on a vus sur tant de vidéos », lui dit-il en lui promettant de lui faire le sort inverses. Il ne va pas le couper mais le coudre.
    - Et de fait, il le coud de haut en bas, lui coud les orifices et finit parle broyer.

      3. Ecrire
    - Il dit être en train d’inventer quelque chose.
    - En tant qu’agent intérimaire du Diable, il va devenir artiste en snuff-movies.
    - Mais est-ce une invention ?
    - Tout ça est moins convaincant que ce qui pécède.
    - Ce substitut du Diable, qui n’est autre qu’un certain écrivain français exilé au Canada, ne me semble pas une invention romanesque à la hauteur du propos.
    - Cette incarnation du mal relève jusque-là du standard de polar, mais voyons la suite…

    4. Rassembler
    - Il dit que son nom est Mépris.
    - Et qu’il est un esthète.
    - Cette fois il a capturé une femme juge dans son Hummer 4x4.
    - Il se targue d’avoir tué 246 personnes pour exécuter sa justice invertie.
    - C’est un technicien. Un maître de la mécanique générale.
    - Il punit la juge d’avoir trempé dans le lynchage judiciaire d’une femme opposée à une secte. Episode fameux au Canada à ce qu’il semble.
    - Moyennement explicite pour le lecteur…

      5. Concentrer
    - Le Diable-bis se défend de se venger.
    - Se veut froid comme la dague.
    - Défend la non proportion du châtiment par rapport au crime.
    - Développe un vaste aperçu sur les plans du Diable (p.361) en matière de politique de masse, les grandes machines broyeuses de personnes.
    - Détaille les « poisons mentaux » inventés par son frère le Diable.
    - Ensuite on se retrouve dans un souterrain où il a séquestré deux hommes : un suprématiste nazi canadien et un Afro-Canadien négationniste.
    - Le premier hait les Blancs.
    - L’autre hait les Noirs.
    - Ils ont divers moyens de sortir du souterrain.
    - Dont une Bible et un couteau suisse.
    - Cela tourne à la parodie de jeu virtuel, avec une visée édifiante qui pèse un peu beaucoup quand il nous explique que la Bible aurait pu les sauver...
    - Frère Dantec prêche…
     
     6. Choisir

    - Le communiqué suivant du vice-Diable insiste sur le sang-froid des actes qu’il commet.
    - Et voici dame Olga qu’il suit depuis des jours.
    - Qu’il va tuer.
    - Son crime est d’avoir servi de rabatteuse à son mari amateur de très jeunes filles.
    - Une horrible histoire advenue dans la banlieue de Toronto, genre Dutroux en pire. Treize victimes, violées et torturées. Et Olga est ressortie de prison après six ans.
    - Ce qui lui vaut l’attention du Diable bis.
    - Qui lui a préparé une machine à tuer très spéciale, rappelant les punitions imaginées par Dante dans la Divine Comédie, où les damnés sont torturés par cela même qui constituait la nature de leur vice particulier. (p.410-412)
    - En l’occurrence, c’est sa liberté qui va tuer Olga dans la machine a cramer. Se non è vero e ben trovato, Sior Dantec (A suivre)

  • Le Dantec nouveau (5)

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    Lecture intégrale d'Artefact. Notes finales.
    - 7. Enclore/Eclairer
    - Répète qu’il n’y a aucune logique dans ses crimes.
    - Note qu’Auschwitz fut au contraire le triomphe de la logique diabolique.
    - Répète que le Diable est le maître de la mécanique générale.
    - « Plus nous avancerons dans nos opérations, moins les victimes seront « coupables ».
    - Va s’en prendre aux « guignols qui vendent de la festivité ».
    - Répète qu’il est un pédagogue.
    - Ce qu’on avait, hélas, compris.
    - Annonce une respiration humaine sur écran noir.
    - Suivi d’un hurlement de terreur.
    - Un homme qu’il a enterré dans le Manitoba oriental.
    - Enterré vivant. Dans un cercueil transparent.
    - Pourvu d’un système vidéo d’auto-contemplation.
    - Le sujet est un acteur, Tomi Vasry.
    - Un « vaniteux saltimbanque.
    - Un tartuffe médiatique.
    - Un créateur raté compulsant son ressentiment.
    - La machine va assurer à Tomi une survie mortelle.
    - Le vice-diable use d’une technologie sophistiquée.
    - Est-ce bien la peine ?
    - L’auteur a l’air de se régaler de ces détails.
    - Et les « amis lecteurs » ? Hum.
    - « Bienvenue dans la monde où la lumière obscurcit et où les ténèbres illuminent ».
    - Tomi va devoir se bouger pour vivre.
    - La description de l’appareillage de torture devient fastidieuse.
    - Le système aboutit à une sorte de téléréalité de la mort.
    - Les innocents/coupables sont traités par la justice/injustice.
    - Et le lecteur se fait un peu tartir.
    - Digresse sur la progression destructrice du nazisme à l’écologie…
    - Les écolos pires que des nazis.
    - On revient à l’homme au pédalier.
    - Nouveaux détails de son supplice.
    - Machinerie de plus en plus chiante.
    - L’écriture de Dantec tombe à plat et tourne à vide.
    - Heureusement, on annonce la suspension des émissions…

      8. Voyager
    - Le vice-Diable se félicite de son invention de « mécanicien des singularités », après avoir négligé la phase finale du supplice.
    - Il est question alors d’un homme courant dans un tunnel.
    - Avec une torche qui le dirige et attire en même temps de méchants chiens.,
    - L’homme est coupable d’avoir laissé son pitbull défigurer une petite fille.
    - Donc à pitbull, pitbull et demi.
    - Retour à l’état de nature.
    - Le vice-Diable va s’occuper ensuite des masses.
    - Il est poursuivi par toutes les forces de police nord-américaines.
    - Annonce alors un stratagème.
    - « Comptez sur moi pour faire réapparaître le réel dans vos vies ».
    - Hélas tout ça est purement mental, rhétorique et désincarné.
    - Annonce la semaison d’une mauvaise graine.
    - Gagne une petite ville de Virginie.
    - Où il y va y avoir un massacre à l’école.
    - Entend prendre le contrôle de notre cerveau.
    - Se dit un réseau. Une arme biologique.
    - Evoque les « crime clusters », phénomène mimétique.
    - « Le crime est toujours plus grand que l’homme qui le commet. L’innocence est toujours plus fragile que le plus humain des coupables ». Truisme ou sophisme ?
    - « Nous savons très exactement ce que nous faisons ». Pas sûr.
    - Sur quoi nous annonce qu’il va nous délester de notre innocence.
    - A la bonne heure !

     9. Jouer
    - Il a beaucoup voyagé dans la foulée.
    - Se retrouve à Berlin.
    - Pour la Love Parade.
    - « Ici l’amour est partout, donc nulle part », etc.
    - Des généralités sur l’hyperfestif, « rien que le mouvement processif de leurs organismes interconnectés par le centre de contrôle du vide idéologique, c'est-à-dire nous ».
    - Se veut le « patient » des intoxications bactériologiques qui vont aboutir au bad trip.
    - Annonce à son public que sa destination finale est dans chacun.
    - La littérature va lui servir de vecteur.
    - Mantra de la servitude absolue : Vous damner c’est être sauvés par vous-même ».
    - Okay, on a compris le prône.
    - Qui devient décidément lourdingue.
    - Mais ça continue. Intox mondiale oblige.
    - C’est Hannibal Global Fight.
    - Lassant.
    - On se retrouve en croisière sur le Lady D of the Seas.

       10. Aimer
    - Poursuit son voyage around the World.
    - Jusqu’à New York.
    - Où il rencontre un enfant.
    - Qui n’est autre que lui-même.
    - Lui annonce le nouvel Armageddon. Yes sir.
    - Variation sur le thème « vous êtes des génies », préludant à l’hiver nucléaire.
    - Rappelle une fois de plus qui est l’Adversaire.
    - Celui qui ne peut connaître la vie incarnée.
    - « Bienvenue dans la Machine Humanité ».
    - L’enfant devient le moteur du retournement final.
    - A la trinité finale de l’enfant, du petit et du grand Frère.
    - « La vérité se trouve dans le regard lumineux de cet enfant ».

      11. Etre/ne pas être
    - L’âme du meneur de jeu erre encore la moindre.
    - Le débat se poursuit avec l’enfant et le Grand frère, le Bien et le Mal en d’autres termes.
    - De la démonologie virtuelle et du passage à l’acte.
    - Se demande pourquoi il ouvert le Livre du mal.
    - L’enfant lui révèle pourquoi il est mort virtuelleemnt, avec le massacre de sa famille.
    - Retour au thème traumatique de la première partie.
    - De l’origine du ressentiment.
    - Comment il a pris sur lui le crime du monde, Christ inversé.
    - Conclusion sur la Grâce.
    - « Ici le nom de la Grâce est : Pardon. ».
    - Et le discours s’achève.
    - Car cette partie, et c’est sa faiblesse, est essentiellement un discours.
    - Un apologue univoque, qui communique certes avec les deux premières parties mais en constitue la partie la plus faible, la plus lourdement démonstrative.
    - Plus rien là-dedans des inventions romanesques géniales de Cosmos incorporated où le signifiant et le signifié se fondaient en incandescence.
    - En l’occurrence, la faiblesse de Grande Jonction, tenant à ses parties prêchées, devient plus visible encore.
    - Les deux premières parties tiennent à mes yeux du point de vue de la création romanesque autant que par son contenu, la troisième est très riche des notations intéressantes mais le roman cède le pas au sermon édifiant. Amen.

  • Du côté de chez Proust

    b8985d672b71935c4af4b81549844064.jpg par Bruno Pellegrino

    On imagine sans trop de peine l’insomniaque qui, levé au beau milieu de la nuit, renonce à chercher le sommeil, prend la plume et devient écrivain, c’est-à-dire créateur d’un monde et d’un temps bien à lui, où évoluent des personnages qui, comme dans la vie, se métamorphosent lentement.
    « La vérité d’un être est presque impossible à établir, on ne peut l’approcher qu’en additionnant plusieurs images successives de lui : ce sera l’une des leçons de la Recherche du temps perdu », écrit Thierry Laget au sujet d’Un amour de Swann, fragment du grand roman de Marcel Proust. Un roman que l’on pourrait dire des illusions perdues, car ses milliers de pages sont baignées d’un temps où les personnages avancent et qui les dépouille de leurs si séduisantes carapaces. La « vérité d’un être », sa substance, ne s’obtient – et encore, uniquement en partie –, que si l’on parvient à connaître de cet être les différents aspects.
    Nous verrons ici en quoi il est si difficile de connaître réellement quelqu’un, et ceci du début à la fin de la Recherche. Nous nous pencherons ensuite sur le moyen d’y parvenir – autant que faire se peut.

    Le personnage dont on peut affirmer sans crainte de se tromper qu’il est le personnage principal de la Recherche (en dehors du Narrateur) est Charles Swann – il est également le protagoniste d’ Un amour de Swann, auquel se réfère l’énoncé. Tombé amoureux de la demi-mondaine Odette de Crécy, Swann, simultanément, « tombe » en jalousie. Il soupçonne Odette de lui être infidèle, ne connaît pas grand-chose de son existence, ne parvient pas, en un mot, à étreindre sa vérité particulière. Elle lui échappe, elle qu’il n’a d’abord pas trouvée à son goût, qu’il a ensuite comparée à une œuvre d’art, elle qui lui disait au début de leur relation : « Je suis toujours libre, je le serai toujours pour vous » (Du côté de chez Swann, Paris, Gallimard, 1987 ; p.196), puis qui refusera de le recevoir. La jalousie de Swann le conduit à entreprendre une véritable quête intellectuelle de la vérité ; il analyse Odette, décrypte son comportement, ne parvenant au final qu’à bâtir une illusion, à rendre plus floue la vérité. Son imagination d’artiste raté fausse la réalité, et Swann échoue dans sa recherche de la véritable identité d’Odette.
    Il en va de même, mais des années plus tard, pour le Narrateur, amoureux d’Albertine, lui aussi jaloux et perdu face à ces « Albertines » successives, de la pétillante jeune fille en fleurs rencontrée au bord de la mer, à Balbec, à la disparue – la jeune femme enfuie, puis morte –, en passant par la prisonnière qu’il enferme chez lui à Paris, sans pour autant que rien ne se dévoile de son mystère. Au sujet de la femme que l’on aime, le Narrateur écrit : « Unique, croyons-nous, elle est innombrable » (Albertine disparue, p.85). Au sujet d’Albertine décédée : « Pour me consoler, ce n’est pas une, c’est d’innombrables Albertine que j’aurais dû oublier » (ibidem, p. 60).
    Ainsi, il est non seulement « presque impossible » de connaître quelqu’un, mais ceci a fortiori lorsque cette personne se trouve être l’objet aimé, tant il est vrai que l’on vit « dans l’ignorance parfaite de ce qu’on aime » (Le Côté de Guermantes, p. 392). Car pour Proust, l’amour ne va pas sans jalousie, qui elle-même n’est rien d’autre que l’une des « formes de l’imagination » (ibidem, p. 338), et ceux qu’on aime ne sont que « des fantômes, des êtres dont la réalité pour une bonne part [est] dans [notre] imagination », Swann et le Narrateur étant tout deux des « amateur[s] de fantômes » (Sodome et Gomorrhe, p. 401).

    d5dfad929c1dc2b03a2efb87ee1dfbec.jpgÀ la recherche du temps perdu, malgré son manque d’intrigue longtemps critiqué, n’en est pas moins un roman en mouvement, traversé d’un souffle qui ne s’épuise jamais, même passé les dernières lignes. Ce souffle, cette incroyable énergie, portée par les phrases si célèbres pour leur longueur, cette cohésion de toute l’œuvre est donnée par ce Temps qui, du titre au tout dernier mot du roman, soutient l’ensemble du texte, en constitue le socle. Face à ce temps, les personnages de la Recherche semblent ne rien pouvoir, sinon se laisser emporter. À plusieurs reprises, le Narrateur montre ces métamorphoses : « Les êtres ne cessent pas de changer de place par rapport à nous » (ibidem, p. 409), « Changement de perspective pour regarder les êtres (…) » (ibidem, p. 258), « Coup de barre et changement de direction dans les caractères » (À l’ombre des jeunes filles en fleurs). Le Narrateur expérimente ceci lorsqu’il s’apprête, pour la deuxième fois, à embrasser Albertine : « (…) comme si, en accélérant prodigieusement la rapidité des changements de perspective et des changements de coloration que nous offre une personne (…), j’avais voulu les faire tenir toutes en quelques secondes pour recréer expérimentalement le phénomène qui diversifie l’individualité d’un être (…) » (Le Côté de Guermantes, p. 354). Un début de réponse à la question : « comment connaître quelqu’un ? » s’offre au Narrateur : il faut avoir connu cette personne à différents moments de sa vie, et pouvoir se souvenir de ses personnalités successives.
    En somme, le Temps agit à la fois comme un modificateur des êtres, en ceci qu’il les transforme physiquement et mentalement, et comme un révélateur progressif, qui étale sur la durée la vérité d’un être et qu’il faudrait savoir lire – mais comment ?

    Prenons, pour illustrer l’effet du temps sur les personnages, l’exemple du Baron de Charlus. Lui aussi présent dans tout le roman de Proust, il passe successivement de l’état supposé (et qui s’avérera faux par la suite) d’amant d’Odette, dans Combray, à celui de mondain viril que les efféminés irritent dans À l’ombre des jeunes filles en fleurs et Le Côté de Guermantes, pour qu’enfin soit dévoilé au lecteur, dans Sodome et Gomorrhe, son statut d’inverti, c’est-à-dire d’homosexuel. Les derniers volumes de la Recherche nous montrent sa déchéance, lui le tout-puissant, renvoyé du salon Verdurin ; lui l’homme fier et autoritaire, surpris par le Narrateur en pleine séance de sado-masochisme – enchaîné, humilié, déchu. Quelle est la vérité de cet homme ? Une juxtaposition de tous ceux qu’il aura été durant sa vie. Et ce qui permet de saisir l’ensemble de son être, c’est ce que découvre le Narrateur dans Le Temps retrouvé : la littérature.
    Le temps, on l’a vu, révèle, puis détruit. Du Swann de Combray, dont la présence certains soirs désespère le Narrateur enfant car elle annule le rituel vital du baiser maternel, du Swann amoureux, malade puis guéri, du Swann artiste raté, mais auquel s’identifie le Narrateur, trouvant qu’il est un « être si extraordinaire » (Du Côté de chez Swann, p. 406) car il est le père de Gilberte, du Swann, enfin, à la santé déclinante, que le Narrateur revoit alors que lui-même est devenu un habitué des salons mondains, de tous ces Swann, le Temps n’aura fait qu’une bouchée, le déposant, une fois mort, en équilibre précaire tout au bord du grand gouffre de l’oubli. La seule chose qui le retient d’y basculer, « c’est (…) que celui qu’[il devait] considérer comme un petit imbécile a fait de [lui] le héros d’un de ses romans » (La Prisonnière, p. 189). C’est un fait : si la littérature ne peut pas tout et n’est pas immortelle, elle dure cependant plus que les hommes. Proust nous apprend en outre qu’elle est capable de nouer les extrémités temporelles d’une personne, de ramasser, condenser les êtres pour en tirer leur substance. C’est le travail de l’écrivain, qui « pour chaque caractère en ferait apparaître les faces opposées pour montrer son volume » (Le Temps retrouvé, p. 337).
    Si Swann a échoué dans sa quête intellectuelle de la vérité d’Odette, et si, en tant qu’artiste, il n’a pas réussi à pousser son art assez loin pour en tirer quelque chose, c’est malgré tout par ce biais qu’il démasque Odette : par la musique de Vinteuil, cette sonate qui, s’il l’avait mieux écoutée plus tôt, lui aurait permis de comprendre, avant d’avoir à le subir, qu’aimer Odette lui causerait des souffrances intolérables.
    Le Narrateur dépasse le modèle de ce Swann qu’il a si longtemps admiré, et devient lui-même créateur – comme l’insomniaque qui, fatigué de passer sa nuit à lire les livres des autres, se met à son tour à la rédaction de son œuvre. Et l’être que la littérature lui permet de connaître au plus proche, c’est lui-même. À travers les années, ses « moi » se succèdent, et il les observe un par un. Il comprend cependant qu’ « à n’importe quel moment que nous la considérions, notre âme totale n’a qu’une valeur presque fictive (…) » (Sodome et Gomorrhe, p. 153), et que son être réel, ce qu’il est, n’apparaît « que quand, par une de ces identités entre le présent et le passé, il pouvait se trouver dans le seul milieu où il pût vivre, jouir de l’essence des choses, c’est-à-dire en dehors du temps » (Le Temps retrouvé, p. 178). Ainsi, malgré les « intermittences du cœur » – ces sursauts de l’être en métamorphose constante –, les différentes couches qui s’empilent pour former une personne laissent une trace dans sa mémoire, et il est possible de se retrouver, lors d’un de ces sursauts, projeté en arrière dans le temps, dans la peau de cet autre soi que nous étions alors, et d’ainsi se connaître.

    a670ec624bf9d1ef93bf8b714e18fadf.jpgSi Proust, avant d’écrire la Recherche, a longuement hésité sur la forme à adopter, son projet est sans contexte profondément littéraire. Quoi de plus romanesque que ce roman sur la naissance d’un roman ? Cette œuvre titanesque foisonne de thèmes, de lieux, fait passer son lecteur par toutes sortes d’états (enthousiasme initial, perplexité, découragement, fébrilité, exultation…), mais a ses priorités, énoncées tout à la fin du texte (et de cette façon mises en évidence) : les êtres. « Aussi (…) ne manquerais-je pas d’abord d’y décrire les hommes, cela dût-il les faire ressembler à des êtres monstrueux, comme occupant une place si considérable, à côté de celle si restreinte qui leur est réservée dans l’espace (…) » (Le Temps retrouvé, p. 353).
    L’homme est soumis à sa condition, courbé sous la force du Temps. La littérature est là pour le redresser, lui rendre sa dignité et sa grandeur – même si, pour que cela se fasse, il faut décrire tous ses aspects, des plus nobles aux plus triviaux. Là où la vie vécue échoue à rendre possible la connaissance des autres et de soi-même, la littérature y parvient, condensant dans ses mots, immortalisant et fixant, comme sur une pellicule photographique, les êtres dans leur essence – les êtres que nous sommes tous, constitués de rien d’autre, finalement, que de quelques couches de temps qu’effacera l’oubli post-mortem.

    Ce texte constitue la dissertation de bac de Bruno Pellegrino, 18 ans, collaborateur remarqué du Passe-Muraille. Bruno a obtenu le Prix Latourette pour cette composition et son texte sera publié dans le quotidien 24Heures le samedi 7 juillet, avec un portrait-rencontre signé Joëlle Fabre.

  • Encore une journée divine !

    25925a165d12c31abddbc4cab617fcf4.jpgA La Désirade, ce jeudi 6 juillet 2007. - Il est cinq heures du matin en ce fuseau de l’Hémisphère nord  et noir est l’encrier du monde dans lequel se prépare la chronique du profond Aujourd’hui. Tout à l’heure je secouerai Winnie qui va se pointer en grommelant et prononcera au premier rai de jour la phrase rituelle : « Encore une journée divine ».

    Il a fallu que je me sente avec L. les mains d’une mère, une aube pareille de l’automne 1982, il a fallu que je me prenne pour Gaïa accouchant  d'une mortelle et que celle-ci soit prénommée Sophie pour que, mec sans imagination jusque-là, je découvre la beauté de la vie et notre sort de mort à tous. Ensuite il a fallu que le scénario se répète et que cette fois la vie se prénomme Julie, pour que le miracle se vérifie: nous vivons nom de Dieu.

    Je savais certes déjà la beauté de la vie mais je n’avais pas eu la révélation de la mort en dépit de tous les morts que j’avais de mes yeux vus, et soudain un enfant m’avait enfanté en seconde naissance, et voilà que je découvrais ce lieu commun de toute éternité: que nous sommes mortels et que c’est tous les jours, peut-être tout à l’heure, et voici la divine journée.
    Moi l’un me dit que nous allons vers la catastrophe, cependant que Moi l’autre sourit au jour qui vient. Moi l’un qui reste une espèce d’adolescent teigneux, voit l’Ange exterminateur se démantibuler au-dessus des pylônes en flammes, tandis que Moi l’autre, enfant et vieux sage à la fois, lui rétorque qu’il se fait du cinéma. Moi l’un le fils est en colère, comme tous les matins du monde les fils, tandis que Moi l’autre, le père du monde qui en a vu d’autres, s’apprête à entonner le Psaume du 6 juin 2007 qui commencera par un solide café et les biscuits pour la route au chien Fellow.
    Au programme de mes lectures ce sera Dantec et Shakespeare ou Proust par manière de contrepoison. Ce sera l’humour de la vie contre les visions hallucinées, ce sera la prairie d’à côté à faucher contre l’idée que la prairie sera vitrifiée l’an prochain, ce sera le regard doux du chien Fellow et la tendre chair de Winnie contre les vitupérations du prophète. Oh le beau jour qui vient sur la mule du vieux Sam…

    JLK: Vue de La Désirade, huile sur toile, 2003.

  • On s’occupe d’Amélie


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    Ni d’Eve ni d’Adam, le dernier Nothomb
    Il est plaisant, en pleine lecture d’Artefact, le nouveau Dantec, de glisser la paire d’heures que nécessite celle de Ni d’Eve ni d’Adam, le dernier récit d’Amélie Nothomb qu’on pourrait dire la face claire de Stupeur et tremblements. De fait, il y est question, à la même époque où la jeune personne revint au Japon de son enfance pour s’y casser les dents sur l’Entreprise japonaise, d’une idylle qu’elle vécut avec un jeune Rinri auquel elle entreprit d’enseigner notre langue. « Le moyen le plus efficace d’apprendre le japonais me parut d’enseigner le français » est d’ailleurs l’incipit de cet assez épatant récit autobiographique promis, n’en doutons pas, à un succès plus phénoménal encore que Stupeur et tremblements. Le ton en est en effet d’une vivacité décuplée, les observations sur le Japon et les Japonais sont à la fois pertinentes et souvent irrésistibles, et puis cette histoire d’amour entre deux jeunes gens et deux cultures est d’une tonifiante fraîcheur et cocasse, tendre et vaguement sardonique sous la plume de cette chère Amélie qui aime volontiers mais sans se laisser prendre au piège de l'éventuel mariage ni même à celui du sentimentalisme peu japonais (croit-on) du jeune Rinri pleurant depuis ses cinq ans de se mal adapter à la compétition militaire du pays natal et même fatal de ses parents et aïeux. A propos de ceux-ci, nous découvrons une paire de vieillards intéressants, dont l'intempestive exubérance semble caractéristique du retour du défoulé chez les tout vieux Nippons.
    Tout cela pourrait n’être qu’un sémillant jabotage, et c’est peut-être en ces termes que les lettrés graves jugeront le récit de cette Huronne belge au pays de son cher Mishima, dont son amoureux lui fait la lecture frémissante dans son bunker de luxe, mais Amélie est une fois de plus, à mes yeux en tout cas, bien plus fine mouche qu'on ne se le figure. On pourrait ainsi croire qu’on est aux Antipodes du janséniste Dantec à antennes théologiques directionnelles, mais ce n’est pas si sûr: tous deux se retrouvent aussi bien dans la ligne claire de notre langue, et Stendhal y va d’un clin d’œil, en répétant après l’apôtre qu’il est maintes et maintes niches fort variées de style et de coiffure dans la Demeure du Père. Après tout flûte n'est-ce pas: la dive Narration souffle où elle veut. 
    Et voilà donc pour Amélie prise en sandwich entre deux tranches d’Artefact tandis qu’une embellie radieuse se découvre à l’huis de notre modeste maison de papier…
    Amélie Nothomb. Ni d’Eve ni d’Adam. Albin Michel, 244p. En librairie le 23 août.

  • Les voiles de la pluie

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    Trois Révélations seulement seront à l’Ordre du Jour, indispensables cependant à l’entretien du moral des multitudes se mirant maussadement dans les flaques.
    Or voici le premier voile à lever, sur les Allègres Volières. Que ne voit-on et n’entend-on, dans l’amer crachin et l’humeur chagrine, le petit peuple des Allègres Volières. Voyez et vous encouragez donc au ramage des Allègres Volières. La ville a beau crouler sous les cordes et les seilles, là-bas les perruches en grappes vertes et bleues n’en finissent pas de jaboter joyeusement, tandis que les serins vous serinent que la vie est top…
    La deuxième révélation n’est pas moins roborative, qui montre que des seilles on peu s’accommoder. Ainsi le voile suivant se lève-t-il, derrière trois rideaux de sombres trombes, sur la clairière aux Vasques à Savonnettes, dans lesquelles toute une juvénile jeunesse féminine ondule sous l’eau mousseuse. Les messieurs gravent laisseront là leur gravité guerrière de gagneurs, et là, toi qui passes, tu positives un max…
    Le troisième voile qui se lève ce matin dans les pans superposés de pluies aigres, voire acides, sera le plus à même, enfin, de réjouir les âmes désolées, puisqu’il découvre l’Embellie Gracieuse, à savoir ce ciel derrière le ciel qui ouvre de loin en loin ses lucarnes et ses échappées dans la lavasse et la baille de souille, autant dire le super bonus…

  • La danse des vifs

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    Le sourire de Cézanne de Raymond Alcovère
    « L’art, c’est un certain rapport à la vérité et un rapport certain à l’essentiel », lit-on dans le petit roman de formation dense et lumineux que vient de publier Raymond Alcovère. Le sourire de Cézanne se lit d’une traite, comme une belle histoire d’amour restant en somme inachevée, « ouverte », pleine de «blancs» que la vie remplira ou non, comme ceux des dernières toiles de Cézanne, mais le récit de cet amour singulier d’un tout jeune homme et d’une femme de vingt ans son aînée, qui trouve en lui la « sensation pure » alors que son corps à elle procure au garçon le sentiment d’atteindre « un peu d’éternité », ce récit ne s’épuise pas en une seule lecture, qui incite à la reprise tant sa substance est riche sans cesser d’être incarnée.
    L’étudiant Gaétan, vingt ans et des poussières, revient d’un séjour de trois semaines à Istanbul lorsque, au seuil de la cabine du bateau qui le ramène à Marseille, telle femme éplorée et défaite tombe littéralement à ses pieds, qu’il recueille pour une nuit avant de faire plus ample connaissance, et jusqu’au sens biblique de l’expression.
    Léonore est une femme intéressante, sensible et sensuelle, intelligente et cultivée, qui trouve aussitôt un écho en Gaétan. En congé sabbatique, elle a l’esprit tout occupé par le projet d’un livre sur Cézanne, ou plus exactement sur ce que les grands peintres ont à nous dire chacun à sa façon, qu’il s’agisse du Greco ou de Rembrandt, de Piero della Francesca ou de Klee, de Cézanne et de Poussin. Dans la vie de Gaétan, Léonore prend vite toute la place, mais un récent désamour (un certain Daniel l’a « jetée» avant son départ d’Istanbul) lui pèse et, lucide, elle pressent les difficultés d’une liaison du fait de leur différence d’âge autant qu’en raison de leur besoin commun de liberté ; on vit donc à la fois ensemble et à distance, mais dans une croissante symbiose qui doit autant au partage des goûts et des idées qu’au plaisir de la chair.
    Evoquant le livre qu’elle va écrire, Léonore se dit, à un moment donné qu’il va falloir y travailler comme à une composition musicale ou à un tableau, et c’est de la même façon que Raymond Alcovère semble avancer dans Le sourire de Cézanne, à fines touches et dans le mouvement baroque de la vie. Si deux ou trois pages se trouvent un peu « freinées » par certaines considérations sur la peinture (d’ailleurs très pertinentes), l’essentiel du roman épate en revanche par la fusion du récit et des observations sur la vie ou sur l’art. Par exemple: « Chez Poussin et Cézanne, même sens de la couleur, pizzicato, touches de nuit posées sur le clavier des jours, clarté et volume captant l’espace, échappée vers un horizon placide.» Ou ceci: « Les grands peintres apportent toujours un supplément d’âme, un regard inédit. Un jour nouveau nous est donné, une possibilité de vivre ».
    «Je joins les mains errantes da la nature », écrivait Cézanne, dont le besoin d’harmonie et d’unité se retrouve dans la vision de l’art modulée par l’auteur : «L’art est curiosité, tendresse, charité, extase ». Ainsi y a-t-il de l’amour, aussi, dans sa façon d’évoquer sa ville de Montpellier ou les lieux de Sète ou d’Aix-en-Provence. A l’enseigne de cette même fusion, on relèvera les glissements de points de vue de l’auteur à Léonore ou de celle-ci à Gaétan, lequel cite finalement Bataille à propos : « La beauté seule, en effet, rend tolérable un besoin de désordre, de violence et d’indignité qui est la racine de l’amour ».
    Amour-passion, est-il besoin alors de le préciser, car c’est bien de cela qu’il s’agit entre Léonore et Gaétan, qu’on voit mal s’installer dans un ménage conventionnel, encore que… Gaétan relève aussi bien qu’ »un équilibre nous unit où on ne l’attendait pas», et qui pourrait exclure une entente durable entre ces deux-là ? Mais peu importe à vrai dire, puisque tout se passe ici comme en dansant (« La peinture c’est de la danse », disait à peu près Cézanne à propos de Véronèse), dans un feu de passion qui rappelle celui des blocs incandescents de la Sainte-Victoire…
    medium_Alcovere5.jpgRaymond Alcovère. Le sourire de Cézanne. N & B, 103p

    Paul Cézanne, La moderne Olympia.

    Cet article, légèrement émincé, a paru dans l'édition de 24Heures du mardi 3 juillet 2007.

  • Misanthropie à part

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    Pourquoi j’aime J’aime pas les autres de Jacques A. Bertrand
    Voilà : c’est le genre de phrases que j’avais envie de voir ce soir écrite : J’aime pas les autres. Cela me rappelle la première règle de nombreux clubs de garçons rebelles: autrui est un con. Le geste est crâne et tout de suite on se sent mieux : tout de suite on sent que la vie va filer doux.
    C’est ce dont avait d’ailleurs besoin Jacques A. Bertrand: que la vie se tienne à carreau. Il avait commencé, raconte-t-il d’écrire J’aime pas les autres, puis il apprit, à l’automne 2006, qu’il aurait un autre combat à mener, contre lui-même, ou plus exactement contre un certain nombre de ses cellules en voie de prolifération inconsidérée. Or le combat contre lui-même n’est pas le fort du nonchalant auteur de L’Infini et des poussières et de La course du chevau-léger, plutôt du genre à se la jouer trois hommes dans un bateau, à l’anglaise mais en périssoire solitaire, avec un mot de Lao Tseu en guise de sourire, disant que « la gravité est la racine de la légèreté ». Et de se remettre alors à J'aime pas les autres par manière de thérapie radieuse...

    Se dire qu’on n’aime pas les autres revient, pour moi, à sourire un peu mieux aux rares qu’on aime parce qu’ils ne nous rasent pas. Cela met en outre à l’aise par rapport à l’auteur d’une telle phrase, dont on sait qu’on n’aura pas à l’aimer autrement que sur le papier. Or sur le papier, Jacques A. Bertrand m’apparaît comme le plus aimable des interlocuteurs, malgré ou à cause de l’aveu de ses soixante ans, qui me fais le plaindre aussitôt puisqu’il est hors de question que, moi, je me l’avoue. Il a beau dire que « c’est l’âge bête » et de préciser que « c’est l’âge où vous êtes tenté de vous prendre pour quelqu’un », cela ne me concerne pas. D’ailleurs on vient de me le dire : tu ne les fais pas. Mes artères me le scient du matin au soir alors que mon âme est plus claire qu’à vingt ans, mais j’aime néanmoins lire cette phrase de ce traître de Jacques A. Bertrand : « Je me sentirai plus léger à soixante et un. Je ne sais pas pourquoi, mais il me semble ». Et d’enchaîner avec quelque chose que j’aime encore plus lire, même sous la plume d’un autre, tant je me sens cette fois concerné, comme on dit : « N’empêche qu’après tout ça j’ai vécu près de trente ans de bonheur. Oui. Ca ne se raconte pas, le bonheur. Il faudrait avoir énormément de talent pour raconter le bonheur. J’essaierai peut-être, à quatre-vingt-dix ans. On a plus de recul. Je dis : trente ans. C’est trente secondes. Ca file très vite, le bonheur ».
    Et la phrase de Jacques A. Bertrand file vite aussi, à la vitesse du bonheur. Il raconte ici l’histoire d’un Anatole Berthaud, qui lui ressemble probablement comme Poil de carotte ressemble à Jules Renard. Cette histoire a autant d’intérêt que toutes celles des autres, sauf que les autres on n’aime pas. Là tout de même on aime Kit Carson et les réglettes volées puis rendues à l'épicière à tête de vache, on aime les dialogues entre parenthèses de Castor et de son Sartre, on aime les premiers émois du garçon déplorant que ces foutus autres le trouvent si gentil, on aime ces premiers flirts et on aime que cette vie qu’ont connue tant d’autres se dise de cette façon si singulière et sur ce ton si familier, mêlé déjà de nostalgie future, on aime le père instituteur et Georgia qui forcément fera plusieurs mariages avant de rencontrer le Suisse allemand de ses rêves - on aime cette chronique douce acide à la Calet mais avec sa calorie et ses mots à elle, on aime bien cet autre qui nous avoue à la toute fin qu’il a fini par trouver l’Autre en lançant du même coup, vu que ça ne regarde pas les autres, que « ce n’est pas du tout le sujet »…
    Jacques A. Bertrand. J’aime pas les autres. Julliard, 123p.