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La Russie passe par la Suisse

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SALON DU LIVRE La grande nation restaurée présente sa production à Palexpo-Geneva, du 2 au 6 mai, reflétant une réalité en mutation, et quelques-uns de ses auteurs. Dont Mikhaïl Chichkine, auteur de La Suisse russe, passionnante chronique à la mémoire de nos chers hôtes villégiateurs, révolutionnaires ou exilés…
Deux tombes majestueuses voisinent au cimetière de Clarens, où reposent Vera et Vladimir Nabokov, l’un des écrivains les plus géniaux du XXe siècle, et, d’autre part, le grand peintre Oskar Kokoschka. A un coup d’aile de pigeon de là : le château de Chillon fut le lieu de pèlerinage de moult Russes cultivés, où Gogol grava son nom. Dans un parc de Montreux, la statue pensive de Stravinsky rappelle sa collaboration avec Ramuz pour L’Histoire du soldat, dont il écrivit la musique à Lausanne. Or c’est à Lausanne, aussi, où séjournèrent le compositeur Scriabine, le philosophe Léon Chestov et le chorégraphe Diaghilev, entre autres, que parurent deux livres majeurs de l’époque soviétique : Vie et destin de Vassili Grossman, chef-d’œuvre échappé aux pattes du KGB et publié à L’Age d’Homme, comme Les Hauteurs béantes d’Alexandre Zinoviev, retourné en Russie où il est mort l’an dernier.
medium_Chichkine2.jpg« Les rives des lacs alpins fourmillent d’ombre russes », écrit Mikhaïl Chichkine dans l’introduction de La Suisse russe, formidable ouvrage qui vient de paraître en traduction, évoquant, avec autant de chaleur érudite que de piquant, plus d’un siècle de relations vives (de pâmoisons devant la nature en bâillements d’ennui) entre les Russes et notre pays.
Des voyageurs romantiques de la fin du XIXe siècle à l’exil médiatisé de Soljenitsyne, en passant par le transit des révolutionnaires (le terroriste Netchaïev, le prince anarchiste Bakounine et Vladimir Illitch Oulianov, dit Lénine), la Suisse a vu passer – même s’ils restaient souvent en cercles fermés – les plus illustres auteurs russes, de Dostoïevski, claquant l’argent de son pauvre ménage au casino de Saxon-les-Bains, au jeune Tolstoï ou au théosophe Andrèi Biély, entre cent autres qui ne virent pas tous, comme un Nabokov, la copie du profil de Pouchkine dans le nez du Matterhorn…
Mikhaïl Chichkine, qui se définit comme « un écrivain russe résidant à l’étranger », établi à Zurich depuis 1995 mais également reconnu dans son pays (lauréat du Booker russe, notamment), fait partie de la délégation d’une quinzaine d’auteurs présents au Salon du livre, aux côtés de quelques écrivains déjà connus des lecteurs francophones, tels Andréi Guélassimov, auteur de La soif et de L’année du mensonge, publiés chez Actes-Sud, Olga Slavnitkova, présente chez Gallimard avec L’homme immortel, ou encore Valéri Popov dont l’attachant Troisième souffle a paru chez Fayard en 2005.
Si les récits de voyageurs russes en Suisse réduisent souvent notre pays à des clichés éculés, l’inverse est avéré, ainsi que le remarquait récemment, dans un entretien avec RIA Novosti, la romancière Olga Stolnikova, déplorant que « toute information véridique sur la Russie ne puisse être que négative». Cela étant, nous pourrions objecter que la vérité de la littérature ne consiste pas forcément à « positiver » et que les meilleures preuves en sont données par deux ouvrages récents, toniques en dépit des dures réalités qu’ils reflètent : les extraordinaires Carnets de guerre de Vassili Grossman, et, passionnante satire de science-fiction politico-historique dont les outrances « pornographiques » lui ont valu un procès et l’opprobre des jeunesses poutinienne : Le Lard bleu de Vladimir Sorokine, enfant terrible de la nouvelle littérature russe dont la réflexion grinçante qu’il propose sur l’utilisation des écrivains par le Pouvoir est aussi à l’honneur de la littérature russe…

medium_Chichkine.JPGMikhaïl Chichkine. La Suisse russe. Traduit du russe par Marilyne Fellous. Fayard, 516p.
Vassili Grossman. Carnets de guerre ; de Moscou à Berlin, 1941-1945. Calmann-Lévy, 390p.
Vladimir Sorokine. Le lard bleu. Traduit du russe par Bernard Kreise. L’Olivier, 417p.
Cet article a parudans l’édition de 24 Heures du 1er mai 2007

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