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Et la beauté légère...

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Proses inédites de Marc Tiefenauer


Cinquante
Dans le stéréoscope de bakélite j’aperçois Grace Kelly
tellement belle puis monégasque et d’une pression de
l’index défilent des hauts-de-forme et des marins
endimanchés des officiers un peu glamour puis plus du
tout comme ce trou dans l’océan Bikini Test et l’atoll
est foutu les îles Marshall c’est pas Monaco on oublie la
bombe H mais pas Marilyn si blonde en épousant
Miller communiste peut-être quand la Granma accoste
à Cuba à bord Castro et Guevara ils en ont marre
comme Ambedkar et trois cent mille Mahars néobouddhistes
nés intouchables ça en jetait en cinquantesix
mais toi t’es là bien plus qu’Elvis que Mendès
France et les souverains de bakélite.

Coupe du monde
Tout le monde attend. Presque tous. Ce soir ce sera le
ballon la boule à faire tourner le monde tout le monde
dans l’extase de la sphère. Comme un devoir de ne pas
manquer ce rond dans ce rectangle-là. Maillots drapeaux
calicots et masses humaines pressées au bord de l’herbe
des téléviseurs. La messe cathodique ce soir le culte
profane des forces populaires. Ce soir vous allez voir ils
peuvent courir la Terre tourne en rond et rien ne roule
en ville les rues seront vides. Les chaînes télévisées nous
enfermeront impossible d’y échapper. Enfer ce soir
pour qui sort la tête la coupe du monde est annoncée.

Au sol aimé
Au sol aimé les pieds des femmes flattent la rue la
malmènent des talons promenés cliquetants. Au bal des
dactylos les jambes se croisent les yeux touchent les
cuisses du bout de la langue. Les seins balancent entre
les hommes ballants contemplant le rythme des corps.
Gravité tout de même. Impassibles les hommes fascinés
assistent à leurs rêves projetés par-devant eux. L’ombre
est complice quand elle complique l’entr’acte des murs
entre deux salves de chairs. Vivement l’hiver. Après
tout non le supplice est gourmand et la beauté légère
qui cadence les sèves à fleur de goudron.

Au sol mariné
Au sol mariné le pollen fond de teint voile puis dévoile
les pas. Du lac le vent lève une brume qui suit la rue
blonde sur ses rives où l’asphalte est ridé. Au bord de
l’arrêt le goudron se plisse le bus s’en approche ballotte
le long du quai granitique. La nuit reflue. Les jambes
embarquent les mains s’accrochent à l’inox tango des
corps cahotés ondulant sur l’essieu. Les vitres vibrent le
bus crache le flux s’ouvre et la caravane dépasse l’îlot
arrêté parmi les phares. Mais le convoi s’échoue
baleinier au carrefour sous les feux pollinisés.


Marc Tiefenauer est né à Lausanne en 1973. Licencié en lettres indiennes et orientales. Rédacteur publicitaire. Auteur de poèmes, récits fantastiques, textes sur Internet, et traduit des nouvelles anglophones. Anime le site http//:www. rimeur.net.
Ces proses inédites ont paru dans la dernière livraison du Passe-Muraille, No 72, Mai 2007. Commandes: Le passe-Muraille, Cas Postale 1164, 1001 Lausanne.

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