Un Architruc dopé aux rythmes africains
Farce douce-acide à la fois mordante et subtile dans sa mise en abyme du jeu des personnages, où Robert Pinget « détourne » le cliché de la critique d’un pouvoir ubuesque en y introduisant les éléments « trop humains » de l’amitié et de la mélancolie existentielle, Architruc est une pièce délicate dont les ressources du texte exigent beaucoup de ses interprètes, que ceux-ci privilégient son verbe ciselé ou qu’il choisissent de l’aborder de façon plus physique et clownesque, comme on le voit ces jours à La Passerelle dans la version d’Ahmed Madani, créé à l’enseigne du Centre dramatique de l’océan indien et de la compagnie Teat la Kour, où la musique (signée Lego) et la danse « africaines » ont une belle part.
Dans une très jolie scénographie (style castelet à transformations) de Raymond Sarti, le jeu des trois protagonistes oscille entre la bouffonnerie et la tendresse, où les mimiques impayables du tyranneau Architruc (Miselaine Soobraydoo), la gestuelle gracieusement désarticulée de son ministre Baga (Erik Isana) et les belles interventions musicales (notamment) de leur cuisinier (Roméo Andriamandresy Hasivelo, dit Lego), font l’originalité du spectacle, tout en couleurs et en verve endiablée, sans que la « sauce » ne prenne pourtant, tout au moins lors de la première représentation.
Cela tient-il au décalage entre un texte trop raffiné et un jeu si expansif, ou, plus trivialement, aux conditions de la représentation qu’on imaginerait plus volontiers à ciel ouvert, au milieu d’une foule festivalière ou villageoise ? Le fait est qu’on éprouvait un pincement au cœur, mercredi soir, devant l’accueil plutôt froid réservé à une si généreuse équipe…
Lausanne, Théâtre de Vidy, La Passerelle, jusqu’au 25 février. Me-je-sa à 20h.30. Ve à 19h. Di à 18h. Relâche lundi. Durée : 1 heure. Loc. : 021 / 619 45 45.