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Le vieux sage et les collégiens

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A la veille de son 90e anniversaire, le 21 décembre 2006, Maurice Chappaz est revenu à Saint-Maurice où il a fait ses classes
«Vive Chappaz!» pouvait-on lire, il y a quelques années, en grandes lettres blanches peintes sur la falaise dominant le Collège de Saint-Maurice. Tel fut le signe de soutien manifesté par les collégiens à l’écrivain vilipendé, dans son pays, par les bien-pensants qu’offusqua son pamphlet écolo-politique Les maquereaux des cimes blanches. Si cette trace de complicité est aujourd’hui presque effacée, la relation de l’écrivain avec «son» collège ne s’est jamais distendue pour autant, relancée à l’occasion d’une magnifique rencontre.
Dans un premier temps, le professeur et critique français Christophe Carraud, auteur de la première monographie consacrée en France à Maurice Chappaz (parue chez Seghers, en 2005), a présenté l’œuvre en soulignant sa «puissance de vie» et, aussi sa «qualité de pensée» en consonance avec les grands problèmes d’un siècle marqué par les camps de la mort et Hiroshima, où l’humanité est devenue «tuable». De fait, si Chappaz n’a jamais été le porte-voix de grandes idées, ni un écrivain engagé au sens marxisant, sa démarche de poète autant que son œuvre n’ont cessé d’affirmer une position critique fondamentale, à la fois contre le développement inconsidéré de la technique et contre toute forme de déshumanisation. «Continuateur médiéval» de la grande tradition augustinienne, a relevé Christophe Carraud, Maurice Chappaz est un guide pour la jeunesse actuelle, qui adresse «un oui pur et simple au bonheur et au malheur d’être né»…
La meilleure preuve du bel exemple qu’incarne le poète nonagénaire a été, dans la foulée, sa rencontre avec les collégiens de Saint-Maurice, préparés par la lecture du Garçon qui croyait au paradis.
En préambule, Maurice Chappaz a rappelé aux jeunes gens que ses maîtres, quand il entra au collège de Saint-Maurice, en 1927, lui firent valoir que ses études ne seraient en rien utilitaires, ne servant qu’à répondre à telle interrogation essentielle: qui suis-je? A la question, posée ensuite par un collégien, de savoir s’il se considérait comme un intellectuel, Chappaz répond: «C’est l’animal qui écrit! Pas le psychologue ni le professeur… mais l’animal humain se distingue par l’intelligence, c’est vrai!». Puis à la grande question du bonheur, tel qu’il l’aura vécu lui-même: merveilleuse réponse du vieil homme, évoquant la carrière d’un Malraux, soumis aux effrayantes tragédies personnelles qui l’endeuillèrent et faisant face à sa façon. «Je serai très prudent en la matière, très prudent…», conclut le poète à ce propos, immédiatement compris par les jeunes gens.
Or, à l’un d’eux l’interrogeant plus prosaïquement sur l’utilité de la dissertation, Chappaz répond sans hésiter: «C’est la base de tout». Et de rappeler la leçon d’un de ses maîtres, qui flanqua un zéro à toute la classe après un premier exercice de composition, sous le seul prétexte qu’aucun des collégiens n’avait exprimé son sentiment spontané…
Une heure de partage vibrant et ces mots en guise de leçon non académique: «Plus vos études seront inutiles, plus elles vous serviront. Aimer est inutile, comme le bonheur, la beauté, la musique, la poésie, notre présence à l’instant – tout cela est inutile, mais c’est cela même qui compte le plus dans notre vie, autant que ce verre d’eau»…

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