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  • Retour à soi

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    Avec Alexandre Jollien et Maurice Chappaz 

    A La Désirade, ce mercredi 20 décembre, 5h. du matin – Comment vivre le bonheur, comment accepter les largesses de la vie quand on a été forcé, dès son enfance et sans discontinuer ensuite, de se battre contre l’adversité, et que cette bagarre est devenue le sens même de sa vie ? C’est la question que s’est posée Alexandre Jollien dans un moment de grand désarroi, notamment marqué par la naissance d’un premier enfant dont il s’est demandé s’il en méritait la source de joie, ce à quoi il répond dans La construction de soi, son nouveau livre qu’on s’arrache déjà en librairie.
    Or je me le demande à l’instant, songeant à notre rencontre de cet après-midi : à quoi tient le succès de Jollien auprès du public ? Est-ce l’effet de l’admiration-compassion que suscite la performance de l’handicapé diplômé ès philo ? Est-ce la mode actuelle du prêt-à-porter philosophique qui cherche des solutions toutes faites au développement personnel ?
    medium_Jollien2.2.jpgPeut-être y a-t-il de cela, même s’il n’y a rien, justement, de précuit, dans les livres de Jollien, et moins encore dans le nouveau qui rompt avec le « témoignage » pour entrer dans la vif de la parole et du dialogue puisque La construction de soi est un recueil de lettres adressées par l’auteur à Dame Philosophie et à quelques individus peu académiques tels Boèce et Etty Hillesum, sous le ciel d’Epicure et de Spinoza, notamment. Mais il y a là, surtout, une voix, une inquiétude individuelle et sincère, un homme perdu et qui cherche - tout cela qui permet à chacun de s'identifier.
    Deux choses m’ont immédiatement touché, pour ma part, dans La construction de soi, et c’est d’abord le rappel du premier émoi qu’adolescent on peut éprouver en abordant l’univers des Grandes Questions. Je me le rappelle très bien : j’avais dans les quatorze ans, un rayon de la Bibliothèque des Quartiers de l’Est, à Lausanne, anciennement Bibliothèque de la Maison du peuple, m’attirait de plus en plus où s’alignaient les vieux rossignols parlant de libre pensée et de pacifisme, et voici que ce seul mot de philosophie s’imposait à côté de ceux de voyages ou de poésie, et c’est ainsi qu’un titre, Le sens de la vie, de je ne sais quel auteur, a cristallisé soudain les questions que je me posais à cet âge encore tendre.
    Autre chose et qui va de pair avec la passion du Grand Pourquoi (c’est à quatorze ans qu’on met partout des majuscules, et cette puérilité me reste…), dont parle Alexandre Jollien, et c’est le retour à soi. Pas au petit moi narcissique réclamant son biscuit comme le caniche énervé, mais le foyer de soi, sa vérité insaisissable, sa qualité particulière, sa nullité à « retourner » chaque jour, enfin cette terre personnelle à travailler tous les jours…


    medium_Chappaz.3.jpgCette terre de Virgile, nous l’avons foutue en l’air, et c’est pourtant à la ressusciter que je travaille ce matin en relisant la préface aux Géorgiques de Maurice Chappaz, dont la belle traduction vient de reparaître, Maurice Chappaz qui fête aujourd’hui même ses 90 ans, Maurice Chappaz dont Etiemble disait que, né en France, il serait aujourd’hui aussi fameux qu’un Paul Eluard.
    « L’Adam de Mantoue, écrit donc Chappaz à propos de Virgile, de toutes les maisons tranquilles entre les arbres fruitiers meurt. Aujourd’hui les hommes sont-ils plus que des machines de bonne volonté ? Le frémissement formidable des villes envahit l’individu et réduit en poussières tous ceux qui n’émergent pas du flot des producteurs-destructeurs ».
    Tel est le retour à soi, ce matin de lisière d’hiver encore nocturne, en pensant aussi à ces amis, elle et lui, la mère, le père, qui revivent pour la sixième année ce dernier jour de leur premier enfant.

    « Virgile a eu le génie de son enfance, écrit encore Maurice Chappaz. Or l’enfance du monde a quasi disparu. Le travail agricole est aussi lointain que la mythologie. Ces fumées bleues, ces cris, ces gestes que nous relancent le Géorgiques, les fleuves toumentés et sensibles comme les nuages, les sources imprévues, les fruits à la fois spontanés et cultivés, où sont-ils ? les climats, les vents, les aurores qui s’émeuvent… les dieux comme les pommes disparaissenr. Comme s’effacent les anciennes saveurs, le goût de la nuit et de l’eau qui coulent ensemble et où nageaient les étoiles »…

    Alexandre Jollien. La construction de soi. Editions du Seuil.

    Virgile. orgiques. Version française de Maurice Chappaz et Eric Genevay. Dessins de Palézieux. Slatkine.

  • Amoureuse solitude

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    Isabelle Guisan décline une chronique douce-acide de la liberté au féminin.
    Le titre du roman récemment paru d'Isabelle Guisan pourrait faire croire à un palmarès des conquêtes de la protagoniste. Or il n’en est rien: Le tour du corps en quarante-quatre amants n’a rien de triomphaliste: bien plutôt, ce récit à fines touches inventorie la mémoire du corps de Laure, de ses premières sensations de petite fille, au côté du dieu-papa figé dans son rôle (et déjà pris…) à la découverte d’une sensualité diffuse, puis de la sexualité aussitôt associée à certaine brutalité.
    Avec une franchise propre à la génération soixante-huitarde, qu’elle se garde de magnifier, Laure détaille les occasions manquées de ses débuts et sa première déconvenue plus cuisante, sous les assauts égoïstes d’un macho dont le plaisir est de déflorer les vierges avant de les jeter. Si Laure oscille entre le désir d’un accomplissement de femme libre (elle fera dans le reportage de mode) et l’attente d’un prince charmant brun de cheveu si possible prénommé Michel (qui ne fera que passer), l’essentiel de son récit, et son intérêt, porte sur les nuances et détails d’une vie plutôt solitaire, ponctuée de rencontres qui relèvent, à l’exception d’une passion violente, de l’amitié ou de l’amour passager. D’entrée de jeu, la narratrice remarque qu’on «vit son corps en deça des mots, en deça même de toute pensée», mais c’est bel et bien par les mots et la remémoration songeuse que ce kaléidoscope sensible acquiert sa vibration, son épaisseur et son authenticité. Le lecteur aimerait parfois en savoir un peu plus (notamment sur l’épisode du fameux Michel…), mais c’est aussi le charme de ce roman de suggérer sans peser plus qu’il ne raconte…
    medium_Guisan.JPGIsabelle Guisan. Le tour du corps en quarante-quatre amants. L’Aire, 158p.

  • Les Bienveillantes de A à Z (2)

     medium_stalingrad.2.jpgCourante

    - Max Aue part donc pour Stalingrad.
    - Dont les communiqués occultent la situation, catastrophique.
    - Il craint d’entrer vivant dans cette prison à ciel ouvert.
    - Pense à la mort.
    - Se rappelle le petit jeu d’Hérodote (p.317)
    - Etonnante évocation des mouvements de troupes, comme des flux hagards.
    - Retrouve Hohenegg à la première étape, d’où un vol de nuit va les déposer en plein braoum (p.323)
    - Découvre, fantomatiques, les campements épars, les ruines, les cadavres gelés.
    - Rejoint le commandant de la place.
    - Qui lui dit qu’il est le seul officier du SD à Stalingrad.
    - Attend de lui des rapports.
    - Et voici qu’il retrouve Thomas.
    - Le côté roman populaire, ou picaresque, de ces réapparitions…
    - Thomas lui reproche de ne pas apporter de victuailles de l’extérieur.
    - Discussion sur le darwinisme social à quoi se réduit, pour Thomas, le national-socialisme. Loi de la jungle. Survie du plus fort ou du plus rusé. (p.330)
    - On lui donne un guide, un Ivan.
    - Etat général du Kessel. Gross Kata.
    - Lourdes pertes de la Luftwaffe.
    - Ravitaillement désastreux.
    - Max se décide à étudier le moral des troupes.
    - Se fait conduire au front à travers ruines et bunkers.
    - Très puissante évocation du Kessel (325-340). Plus on avance, plus le souffle épico-visionnaire de Littell s’amplifie. L’approche est beaucoup plus physique que celle de Vassili Grossman, mais aussi forte en ces pages.
    - Episode du jeune soldat russe mourant qui appelle sa « mama ».
    - Replongeant aussitôt Max dans une rumination sur sa mère, qu’il hait.
    - Plus on avance, et plus la symbiose du chaos mental de Max et du chaos de la situation extérieure s’accentue.
    - Max en revient à la disparition énigmatique de son père.
    - Dont il rend sa mère responsable.
    - Déteste le Français Moreau, avec lequel sa mère a refait sa vie.
    - Se rappelle ses vengeances fantasmatiques contre le couple, auxquelles il a associé ses partenaires sexuels. Genre Miss Vinteuil. (p.345)
    - Il écrit un rapport sur le moral des troupes.
    - Puis enquête sur l’état du ravitaillement.
    - Un cas de cannibalisme est signalé.
    - Pris sous un tir d’obus, il « étudie les entrailles » d’une jeune soldat éventré avant de trouver la « farce pénible ».
    - Retrouve Hohenegg.
    - Le médecin amer : « Le Kessel, en fait, est un laboratoire, un véritable paradis pour un chercheur ».
    - Se réfugient dans un bunker.
    - Les Allemands se demandent d’où les Russes tirent « toutes leurs armes »…
    - Max va inspecter les caves. Un vrai rat des caves...
    - Nouvelle suite de pages déployant une sorte de fureur expressionniste (p.359 et suivantes) à la Otto Dix.
    - On arrive à la fin de 1942 (p.362).
    - Max rencontre un commissaire politique soviétique.
    - Nouvelle grande confrontation, rappelant celles de Vie et destin ou du Temps du mal de Dobrica Cosic. Littell doit connaître celui-ci.
    - Longue discussion, très vivante, sur ce qui rapproche et distingue les deux systèmes communiste et national-socialiste.
    - Le nazisme borné au seul Volk allemand. Pas universel.
    - Tandis que le communisme prétend à l’universalité.
    - Le Russe lui prédit que Stalingrad sera le symbole de la défaite allemande.
    - Max : « Le communisme est un masque sur le visage inchangé de la Russie.
    - La conversation, de haute tenue, débouche sur des visions prémonitoires de Max sur la Russie (p.368-369).
    - Le Russe au nazi au moment de se quitter : « Permettez-moi de ne pas vous serrer la main ».
    - Ce chapitre, après les lentes avancées d’Allemandes, est d’une densité dramatique accrue, où la puissance d’évocation de Littell se déploie dans les grandes largeurs.
    - Visite au théâtre en ruines. Qui fait Max replonger dans la souvenance de la maison de Moreau et des jeux innocents-pervers avec Una.
    - On glisse peu à peu d’une sorte d’hyperréalité vers une fantasmagorie fuligineuse.
    - Se rappelle avoir joué Electre adolescent.
    - Les mots de Sophocle lui reviennent, « et la boucherie dans le palais des Atrides était le sang dans ma propre maison ».
    - Première allusion aux Bienveillantes…
    - Lors d’une sortie dans une rue, avec Ivan et Thomas, il est soudain touché. Une balle lui a traversé la tête.
    - Et tout ce qui suit, on le comprend, constitue le délire du blessé au fil de pages admirables, rappelant les visions tragi-grotesques d’un Boulgakov.
    - Par ailleurs, cette dramaturgie donne un nouveau relief, quasi mythique, à ses fantasmes infantiles autant qu’à ses tourments plus récents.
    - La conclusion de ce chapitre est indéniablement d’un auteur hors pair, habité par un véritable « génie nocturne ».


    Sarabande

    - Max Aue se retrouve dans le blanc.
    - Avec la sensation d’être un corps démembré.
    - Emerge lentement du chaos.
    - Insulte volontiers ceux qui l’approchent, médecins et infirmières.
    - Cela se passe à l’hôpital de Hohenlychen, au nord de Berlin.
    - Himmler en personne vient l’y décorer. Croix de fer. (p.402)
    - On l’emmène ensuite en Poméranie.
    - Il est devenu « héros » sans le vouloir, juste en se faisant imprudemment trouer…
    - Thomas lui raconte ce qui s’est passé à Stalingrad (p.406-407)
    - Il prend ensuite un mois de congé à Berlin.
    - Se sent tout fragile malgré ses décorations.
    - Passe une soirée avec une secrétaire d’Hitler.
    - On est en mars 1943.
    - Il est appelé auprès du Dr Mandelbrod et de son associé Leland, lesquels ont travaillé avec son père, qu’ils qualifient de bon national-socialiste.
    - Mandelbrod a déjà épaulé Max dans sa carrière.
    - C’est un poussah richissime, industriel et idéologue de haut vol, proche du Führer et zélateur de la Solution finale.
    - Max aimerait retourner en France.
    - Mandelbrod ne voit pas ça d’un bon œil. On sent qu’il le prépare pour autre chose.
    - Lui montre des photos de son grand-père.
    - Nouvelle discussion étonnante, où Mandelbrod établit un lien entre sionisme et nazisme (p.420)
    - Mandelbrod : « les Juifs sont les premiers nationaux-socialistes, depuis près de 6000 ans déjà, depuis que Moïse leur a donné une Loi pour les séparer des autres peuples.
    - En déduit l’opposition radicale entre Juifs et Nazis, frères mortellement ennemis.
    - Justifie l’extermination absolue.
    - On comprend que Mandelbrod est un conseiller occulte du Führer (p.422)
    - Max rapporte cette conversation à Thomas.
    - Qui se rit de ce fanatisme idéologique. Voit les choses en pragmatique, qui réduit le problème juif à une question de « gestion » des populations.
    - Thomas a désapprouvé la Kristallnacht des S.A.
    - Ensuite Max Aue rencontre un statisticien, qui l’interroge sur les pratiques de comptage des Grandes Actions.
    - Le 21 mars, Hitler prononce un discours.
    - Durant lequel Max hallucine : il lui semble que le Führer est revêtu d’un châle rituel de rabbin. (p.431)
    - Se demande si c’est sa blessure qui a provoqué cette vision.
    - Ensuite recueille les commentaires du populo.
    - Très étonnant effet de chœur, « les voix de la rue »…
    - Rencontre Best, haut dignitaire nazi et idéologue du Nouvel Ordre Européen.
    - Parlent des incohérences de la politique völkisch.
    - Le soir, se rend à l’opéra avec Thomas.
    - Le jeune Karajan dirige Idoménée.
    - Max est fasciné par la beauté des danseuses et des danseurs.
    - Quand il rentre à l’hôtel, on lui signale un appel de sa sœur.
    - Il se rappelle leurs derniers jeux érotiques.
    - Puis la retrouve à Potsdam (p.443-445)
    - Ils parlent de la guerre. Elle le fait parler des massacres.
    - Mais Max ne pense qu’à eux deux.
    - Elle lui dit que « le passé est fini ».
    - Ce qui le révolte.
    - Una lui reproche d’être resté un petit garçon.
    - Max se rappelle d’autres retrouvailles en Suisse, dix ans plus tôt.
    - Tout au long du roman, Jonathan Littell fait alterner les temps de la remémoration avec autant d’habileté que de justesse. On est vraiment dans le courant d’une conscience arrachant tout sur son passage et réordonnant tous les éléments spatio-temporels au fur et à mesure du récit.
    - Le souvenir de Max, en l’occurrence, n’est peut-être qu’une fabrication ultérieure, se dit-il pourtant…
    - Il est convié à la table des Üxküll. Beau portrait du musicien, antisémite à l’ancienne et qu’on sent peu complaisant à l’égard du nazisme.
    - Le lendemain, Max prend le train pour Paris.
    - Evocation du Paris de 1943, un an après la parution des Décombres de Lucien Rebatet, pamphlet antisémite au succès monstrueux.
    - Max achète un recueil d’essais de Maurice Blanchot.
    - Fasciné par cette « pensée lourde et patiente ».
    - Titre d’une expo au Grand Palais : « Pourquoi le Juif a-t-il voulu la guerre ? »
    - Le soir, Max lève un prostitué à Pigalle.
    - Se retrouve, baisé, « comme un gosse anéanti de bonheur ».
    - Le lendemain à la rédaction de Je suis partout, le journal de Rebatet.
    - Se rappelle ses premières rencontres avec Brasillach, quîl a dragué, et Rebatet.
    - Sa première rencontre aussi avec Destouches, alias Céline.
    - Retrouve alors Rebatet.
    - Qui le traite cordialement de « salope de Boche ».
    - Parlent de Stalingrad.
    - Rebatet est snobé.
    - Il a juré de couler avec le navire, mais dit son admiration pour Staline.
    - Sans Hitler, il eût été coco.
    - Exactement ce que Rebatet m’a dit en 1972.
    - Parlent musique. Et d’Üxküll, que Rebatet admire.
    - La conversation entre Max Aue et Lucien Rebatet sonne très juste (p.467-469).
    - Se retrouvent le soir avec Cousteau, autre collabo.
    - Max, très lucidement, voit en Rebatet un idéologue qui se la joue alors qu’il a peur de son ombre.
    - La forfanterie des deux journalistes lui semble du flan.
    - Bref, il est déçu par Paris.
    - Pense alors à la Suisse, où sa sœur séjourne.
    - Mais les SD sont rarissimes en Suisse…
    - Il se rend au Louvre où il s’attarde longuement devant L’indifférent de Philippe de Champaigne. (p.473)
    - Cela réveille en lui « ce cri d’angoisse infini de l’enfant à tout jamais prisonnier du corps atroce d’un adulte maladroit et incapable, même en tuant, de se venger du fait de vivre".
    - Ce passage est crucial pour la compréhension du personnage en sa régression fondamentale.
    - Lève ensuite un nouveau prostitué.
    - Et devant lui, se voyant soudain dans le miroir de l’armoire à glace de la chambre d’hôtel, fracasse celui-ci.
    - Pense à sa mère comme à une nouvelle lady Macbeth, « chienne odieuse ».
    - Le lendemain, prend le train pour Marseille.
    - D’où il gagne Antibes et la villa de Moreau.
    - Stupéfait par son arrivée, en uniforme de SS.
    - Sa mère l’accueille fraîchement.
    - Il y a là deux petits enfants jumeaux.
    - Conversation avec Moreau le pétainiste.
    - Un Franchouille qui s’est bien arrangé, au dam de son associé juif.
    - La mère de Max. « Tu es venu dans cet uniforme pour me dire combien tu me hais ».
    - Max va dans le grenier de la maison, en quête de souvenirs
    - Retrouve des lettres de sa sœur.
    - « Je sentais croître en moi une terreur animale. »
    - Sa mère le surprend ensuite dans la chambre d’Una.
    - Il l’interroge sur l’identité des jumeaux.
    - La mère ne répond pas. Le questionne sur ce que les SS font aux Juifs et aux enfants.
    - « Vous prenez aussi les enfants, non ? »
    - Max va couper du bois.
    - Pense au meurtre. Se rappelle Moreau le traquant pour ses « cochonneries ». Pense que Moreau et sa mère ont assassiné son père.
    - Puis se rend en ville où il prend un verre.
    - Rentre se coucher. Dort.
    - Lorsqu’il se réveille, les jumeaux le regardent fixement et détalent.
    - N’a aucun souvenir de ce qui s’est passé la veille.
    - Se lève, erre dans la villa où il découvre le corps de Moreau presque décapité, puis celui de sa mère étranglée.
    - Toute la scène est à la fois très réaliste et improbable (p.487-489)
    - Pas un instant Max ne pense qu’il a à voir quoi que ce soit dans ce carnage.
    - Il imagine des bandits ou une vengeance.
    - Et il s’en va sans autre…
    - De retour à Berlin, il appelle sa sœur en Suisse.
    - A laquelle il explique ce qui s’est passé.
    - Elle s’inquiète alors des jumeaux.
    - Ce qui lui fait lui demander qui ils sont.
    - Elle ne répond pas.
    - Il explose alors et raccroche.
    - Tout cela absolument invraisemblable « en réalité », absolument juste dans le roman.
    - Le lendemain, Max Aue demande à être reçu par Mandelbrod.
    - Voudrait être affecté dans la Waffen SS.
    - Ce que sa blessure exclut, lui objecte son mentor.
    - Qui a d’autres projets pour lui.
    - Du côté de l’administration des camps… (p.492).

  • Les Bienveillantes de A à Z (3)

    medium_himmler.3.JPGMenuet (en rondeaux)

    - Max Aue est affecté à l’Etat-major personnel de Himmler.
    - Il est chargé d’étudier les moyens de maximiser la capacité productive des déportés.
    - Rencontre Himmler (p.497).
    - Celui-ci le félicite, puis s’inquiète de le savoir encore non marié.
    - Vitupère les Anglais qui bombardent les civils ( !)
    - « Après la victoire, nous devrons organiser des procès pour crimes de guerre ».
    - Lui recommande d’éviter toute sentimentalité.
    - Le côté pète-sec pion chafouin très bien rendu.
    - Max S’installe chez une dame Gutknecht.
    - Brandt, son nouveau supérieur, lui apprend qu’il est devenu « porteur de secrets ».
    - Prend connaissance des chiffres du statisticien Korherr qui l’a interrogé plus haut.
    - Apprend qu’environ 2 millions de Juifs ont été déplacés au tournant de 1942.
    - La rumeur sur les déportations et les massacres commence à se répandre.
    - Max reçoit une lettre de sa sœur.
    - Qui lui raconte l’enterrement de leurs parents.
    - Puis il retrouve Eichmann à Berlin.
    - Eichmann se plaint de ne pouvoir monter en grade. Puis lui montre les « résultats » des déportations.
    - Himmler voudrait en avoir fini cette année encore avec « ça ».
    - Ensuite rencontre Oswald Pohl, éminence grise du Führer en matière économique.
    - Le soir il est reçu dans la « charmante famille » d’Eichmann.
    - Il fait des plaisanteries démagos. Eichmann rit, ah-ah.
    - Eichmann lit Kant.
    - Cherche à justifier la suspension de l’impératif kantien dans certains cas (521).
    - Ensuite lui montre un album de photos sur la liquidation du ghetto de Varsovie. Content du bon travail accompli.
    - Content aussi que tous les survivants aient fini à Treblinka.
    - Eichmann est décrit comme « un bureaucrate de grand talent, compétent dans ses fonctions » mais en revanche limité dès qu’il sort de son cadre strict.
    - Ne montre pas d’animosité personnelle contre les Juifs, sauf que c’est son rayon, sa spécialité de les « traiter ».
    - On sent que Max ne l’admire guère.
    - Max qui se sent flotter depuis la mort de sa mère.
    - Se sent plein d’une « vaste indifférence ».
    - Se rend à Cracovie, dont le Général-gouverneur Frank prononce un discours qui évoque la destruction des Juifs sans précautions rhétoriques (p.526).
    - Cela déplaît à Max.
    - Qui retrouve Bierkamp, l’officier qui l’a envoyé à Stalingrad.
    - Evoque l’origine spécifique de l’antisémitisme polonais, plus social que religieux. Cf. Ladislas Reymont.
    - Portrait de Piontek le chauffeur.
    - Va trouver Globocnik le soudard croate.
    - Une brute qui se réjouit de l’élimination totale des Juifs.
    - On découvre, progressivement, l’immense organisation que représente la déportation, la gestion des prisonniers et l’élimination des improductifs.
    - Visite le camp de Belzec.
    - Remarque pour la première fois une « odeur douceâtre et nauséabonde ».
    - Recueille les confidences du lieutenant Döll, qui lui dit avoir gazé des blessés allemands par souci d’économie. (p.542)
    - Max sur le thème de l’inhumanité. « Mais l’inhumain, excusez-moi, cela n’existe pas. Il n’y a que de l’humain et encore de l’humain.
    - Döll à propos de Sobibor : « C’est comme tout, on s’y habitue ».
    - Döll encore : Des petits hommes et des petites femmes c’est tout pareil. C’est comme marcher sur un cafard ».
    - Max : « Döll tuait ou faisait tuer des gens, c’est donc le Mal. Mais en soi, c’était un homme bon envers ses proches, indifférent envers les autres, et qui plus est respectueux des lois ».
    - Au lieu de participer aux beuveries orgiaques de la Deutsches Haus de Lublin, il lit Blanchot dans son coin.
    - On en vient à la question de la corruption dans les camps.
    - Max enquête sur les normes alimentaires prévues pour les détenus.
    - On parle de Koch et de sa femme, les sadiques de Buchenwald.
    - Très édifiante conversation avec le juge Morgen (pp.549-551).
    - La déportation génère des sommes colossales en or, en devises et en objets.
    - Scène des agapes dans l’hôtel, suivies d’une baignade, pendant qu’on fusille deux Juifs.
    - Max retrouve Morgen.
    - Qui lui raconte avoir intercepté trois paquets d’or dentaire représentant plus de 100.000 corps « traités ». (p.555)
    - Se rend ensuite à Auschwitz.
    - Où le reçoit le commandant Höss.
    - Max assiste à l’arrivée d’un convoi de France.
    - Sur 1000 arrivants, 55% sont « gardés ».
    - « Avec les convois de l’Ouest, on obtient de bonnes moyennes ».
    - Tandis que les derniers convois arrivés de Grèce sont défectueux.
    - L’extermination pose de sérieux problèmes techniques.
    - Le Dr Mengele lui est présenté.
    - Qui précise que le gaz fait son effet après dix minutes, quinze par temps humide.
    - Max retrouve l’odeur de Belzec.
    - Puis il fait son rapport.
    - Höss lui explique le système de recyclage industriel des vêtements.
    - Lui-même a habillé ses enfants (notera Max plus tard) avec des jolis vêtements de petits Juifs riches.
    - Madame Höss a réquisitionné un lot de lingerie fine.
    - Visite ensuite la grande usine IG Farben.
    - Note que le rendement des ouvriers juifs y est faible.
    - Pense qu’on pourrait l’améliorer en améliorant leur état.
    - La nuit, Max est assailli par des cauchemars.
    - Rêve d’un camp idéal de la Vie Parfaite.
    - Scène digressive de la colonne de fourmis observée par Max avec les enfants Höss, disparue le soir même. (p.575)
    - Dîne chez les Höss.
    - En dînant, pense au con de Mme Höss « niché dans la culotte d’une jeune et jolie Juive gazée par son mari ».
    - Rêve morbido-érotique où il se voit aspergé par le sperme de Höss et d’un autre officier.
    - Ensuite revient à Berlin.
    - Evoque le camouflage des termes liés à la Solution finale (pp.580-581).
    - Tout tend à désigner des « actes sans acteurs ».
    - Les bombardements reprennent sur Berlin.
    - Max est reçu par Himmler.
    - Son rapport a été apprécié, quoique jugé « trop direct ».
    - Himmler le charge d’une nouvelle mission portant sur le ravitaillement.
    - On comprend que l’augmentation de la production fait problème.
    - Liquider les Juifs doit sembler la priorité.
    - Max, naïf, insiste pourtant sur la suite de sa première enquête.
    - Ensuite organise son nouveau bureau.
    - Etablit que la corruption prive les détenus de 20-30% de leurs rations.
    - Enquête sur le minimum vital nécessaire à un « travailleur ».
    - Retrouve le docteur Hohenegg. Qui est secoué par les récits de Max sur la liquidation des Juifs (pp.599-601)
    - Max confie son rapport à Eichmann, qui le reçoit à peine, « encore du papier »…
    - Le souci d’Eichmann n’est pas de faire travailler les Juifs mais de faire « du chiffre ».
    - C’est son job. Jawohl.
    - Max assiste à un discours d’Albert Speer, ministre de l’armement pour lequel la relance de l’effort de guerre est vitale et nécessite une abondante main-d’œuvre.
    - Max est présenté à Speer par Mandelbrod.
    - Il y a du Docteur No chez l’énorme Mandelbrod monté sur plateforme roulante. Gros tas raciste et machiavélique. Pouah, se dit le lecteur candide. Figure d’Otto Dix là encore.
    - Le contact de Max et Speer est plutôt bon.
    - Mandelbrod prône le rapprochement de Speer et de la SS.
    - Discours de Himmler au château de Posen, le 6 octobre 1943.
    - Devant les Gauleiter et les Reichsleiter, Himmler parle de la destruction des Juifs sans précautions oratoires.
    - Max en est choqué (p.612), ainsi que nombre d’auditeurs.
    - Hitler l’a sans doute voulu : les cadres comprennent qu’on est en train de les « mouiller » grave.
    - La BBC commence une campagne d’info sur les camps.
    - Max imagine le futur : la logique de purification devrait aboutir à la liquidation, après celle des Juifs, de 30-50 millions de Russes et d’un solide pourcentage de Polonais.
    - Dans la foulée, cite une opération de gazage de 35.000 tuberculeux polonais.
    - Long développement de Max sur les antécédents historiques en matière d’épuration ethnique, depuis les Grecs. Intéressant mais étiré.
    - Puis revient au 6 octobre, en plan plus serré.
    - L’assemblée au château réunit les huiles, Göbbels, Bormann, Speer, etc.
    - Les femmes qui entourent Mandelbrod ont approché Max à plusieurs reprises. On cherche l’étalon aryen…
    - Himmler à la tribune (pp.622-623)-
    - « Beaucoup vont pleurer, mais cela ne fait rien… »
    - Max se demande si Speer sait déjà « tout ».
    - Il estime a posteriori que Speer a prolongé la guerre de 2 ans.
    - Gagne ensuite Cracovie dans le train de Himmler baptisé Heinrich. Hübsch.
    - Grande réception le soir, où le Gouverneur Frank (qui ne gouverne rien) va présenter au Reichsführer sa maquette de parc zoologique humain des espèces dégénérées (pp.628-629) à vocation pédagogique.
    - Max retrouve l’ingénieur Osnabrugge, qui évoque le sabotage des ponts en Russie, et donc la retraite.
    - Retour à Berlin. Le nouveau rapport de Max suscite l’étonnement de son supérieur. Pourquoi 10% seulement des Juifs travaillent-ils ? Que font les autres ?
    - Il lui ordonne d’enquêter sur les travailleurs « étrangers ».
    - Max fête ses 30 ans avec Thomas.
    - De retour chez lui, un peu gris, il tombe sur une collection de discours du Führer conservés par sa logeuse. Se demande si le Führer ne se décrit pas lui-même dans le flot d’injures qu’il déverse sur les Juifs ? (p.636)
    - Ce thème de la haine de soi, Max la vit à sa façon, non sans lucidité constante.
    - Se trouve reconvoqué par Himmler. Qui le met en garde contre le risque de révolte des Juifs mis au travail.
    - On sent que la rivalité Himmler-Speer est en cause.
    - L’effet des démarches de Max aboutit à ordonner la diminution de la mortalité dans les camps, sans que rien ne soit fait pour que ce soit fait. Pure mécanique bureaucratique.
    - Max est invité à une partie de chasse de hauts dignitaires nazis.
    - Où il se rapproche de Speer.
    - Lequel s’étonne qu’il n’aime pas la chasse.
    - « Je n’aime pas tuer », dit Max.
    - Admet qu’il a tué par devoir, jamais par choix. A-t-il choisi de tuer sa mère ? Nein, antwortet Sigmund.
    - Speer l’interroge sur le sort des femmes et des enfants juifs.
    - Max invoque le secret.
    - Conversation pendant la chasse (pp.646-648) sur la nécessité de dégager une nouvelle main-d’œuvre pour gagner la guerre, souci premier de Speer.
    - On perçoit de mieux en mieux les luttes de pouvoir au plus haut niveau.
    - Max se demande pourquoi Mandelbrod l’a rapproché de Speer.
    - Servira-t-il de « fusible » au cas où ?
    - La ressaisie des personnages réels (Himmler, Speer, Bormann, Höss, Blobel, Frank, etc.) ou fictifs (Thomas, Mandelbrod, Moreau, Hélène, etc.) est d’un romancier en cela que Littell en suggère la présence physique avec des moyens qui ne se bornent pas aux traits connus. Speer dégage une certaine sympathie, Himmler irradie la mesquinerie pincée, Höss est froid comme une cravache, Moreau veule, Hélène lumineuse, etc. Mais tout ça est rendu sans adjectifs, de manière diffuse.
    - A Berlin, les bombardements redoublent de violence. (pp.654-655)
    - Le bureau de Speer est anéanti.
    - Speer s’inquiète de la chute de la production des roulements à billes. Pas de roulements à billes = plus de guerre.
    - Les terribles raids aériens se poursuivent (pp.660-663).
    - A la piscine, Max a remarqué une femme intéressante, qui l’observait.
    - Se revoient plusieurs fois de suite.
    - Hélène Anders se fait connaître.
    - Le zoo est salement touché.
    - Thomas reproche aux Juifs de n’être ni de bons gaspilleurs ni de bons tueurs.
    - Se réjouit de la révolte de Sobibor : enfin des Juifs qui tuent.
    - « Je trouve ça très beau ».
    - « On a enfin un ennemi digne de nous ».
    - Nouveau raid sur Berlin. 4000 morts. 400.000 sinistrés. On sent la fin.
    - Une « pensée nouvelle » visite Max, à propos d’Hélène.
    - Un amour possible, dans une autre vie ?
    - En lui résonne le tocsin : trop tard, sans qu’il dise rien.
    - Surgissent alors deux flics de la criminelle, les commissaires Clemens et Weser, enquêtant sur l’affaire d’Antibes.
    - D’emblée ils le serrent de près, quoique se bornant à le dire témoin. (pp.674-677).
    - Les prend de haut.
    - Trouve « injuste » qu’on vienne l’embêter à ce propos.
    - Avec Albert Speer, Max va visiter les installations souterraines de Mittelbau, où travaillent des milliers de déportés (non Juifs) dans des conditions atroces. (p.679)
    - Speer est furieux et exige qu’on remédie à cette Schweinerei. Mais le commandant n’en a pas les moyens…
    - De retour à Berlin, Max se sent soutenu dans son projet d’amélioration des conditions de vie des détenus à fins utiles.
    - Himmler se braque.
    - On conseille à Max d’être plus amène avec Himmler, et par exemple de lui amener un traité médiéval sur la médecine des plantes.
    - Tout le roman est parsemé de notes relevant de ce genre d’humour plus ou moins grinçant ou carrément noir.
    - Surtout, Himmler s’impatiente de la voir se marier.
    - Max revoit Hélène. Très beau personnage féminin.
    - Passe Noël 1943 avec des amis.
    - Thomas trouve Hélène « très bien ».
    - Et v’là que les flics refont surface. Que Max compare à Laurel et Hardy. Ou Dupond Dupont à l’allemande…
    - A Nouvel-An Hélène l’embrasse. Max en est tout secoué.
    - En janvier 1945, Speer lui demande d’intervenir auprès de ses chefs pour épargner des Juifs hollandais qui pourraient lui être utiles dans le commerce des métaux.
    - Eichmann n’en a rien à battre. Surtout pas donner le mauvais exemple. On sent de plus en plus la lutte des pouvoirs.
    - La police SS demande à Himmler l’autorisation d’enquêter sur Max Aue.
    - Himmler le convoque et décide de le couvrir.
    - Les flics réapparaissent et raillent « l’intouchable ».
    - La situation générale ne cesse de se dégrader. Les rats cherchent la sortie.
    - Max, lui, fait de la planification dans le vide.
    - Il se sent décalé, inutile, étranger aux intrigues qu’il observe. La planification raciale l’appelle cependant en Hongrie. (p.701)
    - Max défend toujours le recours aux travailleurs juifs pour l’industrie de guerre.
    - Eichmann rétorque : « Est-ce que vous voudriez que la victoire de l’Allemagne soit due aux Juifs ? »
    - Invectives d’Eichmann contre l’esprit « capitaliste » de Max (pp.705-706).
    - Müller prône la Solution finale à la question sociale. Après les Juifs, les vagabonds et tous les parasites…
    - Préparation de l’Action en Hongrie.
    - Le convoi gagne Budapest.
    - Où les Juifs espèrent encore que les Allemands seront moins cruels que les Hongrois…
    - Discours d’Eichmann (p.714) à propos de son expérience de l’extermination, qui lui a appris que « l’élimination des 100.000 premiers Juifs est bien plus facile que celle des 5000 derniers »…
    - Hitler autorise l’utilisation des Juifs comme travailleurs sur le territoire du Reich.
    - Mais l’intendance ne suit pas. Le « matériel » humain n’arrive pas en bon état au lieu d’utilisation. C’est la pagaille partout.
    - Le récit de Max devient de plus en plus désabusé.
    - Il observe un point de recrutement des Juifs hongrois, qui rappelle celui de Kertesz au début d’ Etre sans destin.
    - Ensuite retourne à Auschwitz. Où la situation est devenue effroyable.
    - Il rédige un « rapport virulent » sur les carences d’alimentation alors que les fours tournent à plein régime.
    - En juin 1944, Eichmann et ses sbires ont évacué 400.000 Juifs de Hongrie, dont 50.000 seront retenus pour le travail.
    - La radio U.S. commence de chiffrer le génocide.
    - Et v’là que Clemens et Weser réapparaissent.
    - A Berlin, Max, scrutant le visage sans traits de son père, Max sombre dans une crise délirante qui prélude à un effondrement physique total.
    - Son chauffeur le retrouve à moitié mort.
    - Thomas et Hélène vont s’occuper de lui.
    - Il injurie Hélène dont la compassion le déstabilise.
    - Il se sent emporté dans un fleuve de bacilles et de morts et d’immondices dont il se dit le pire.
    - Sur quoi survient la tentative de coup d’Etat contre Hitler.
    - Max repique et se réfugie dans les livres pour adolescents de E.R. Burroughs.
    - Il en conçoit une utopie raciale qu’il soumet à Himmler.
    - Lequel en est ravi. (p.756)
    - De vrais enfants déments.
    - Mais professionnellement, Max est out.
    - Speer a renoncé à ses services.
    - Fin octobre, Himmler ordonne la fin des gazages et le démantèlement des camps.
    - Fin décembre, Himmler l’envoi inspecter l’évacuation d’Auschwitz.
    - En janvier 1945, on lui apprend que « son » affaire a été classée.
    - Fin de partie : Max assiste à l’évacuation en catastrophe des déportés.
    - Pagaille atroce. « Personne ne doit tomber vivant aux mains des bolchéviques ».
    - Il rédige toujours des rapports…
    - Revenu à Berlin, entend le discours d’Hitler célébrant le 12e anniversaire de la prise du Pouvoir. Constate que ses pairs y font à peine attention.
    - Début février, il échappe de justesse à un nouveau bombardement.
    - Puis il se fait conduire par Piontek, via Stettin, dans un village de Poméranie où il se réfugie dans un beau manoir appartenant à son beau-frère Üxküll.
    - Le lecteur a trouvé ce Menuet bien éprouvant…

    Photo ci-dessus: Heinrich Himmler au jet du boulet , prototype de l'athlète aryen.

  • Les Bienveillantes de A à Z (4)

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    Air

    - La maison est fermée.
    - Nulle trace dans la neige.
    - Max se fait connaître de la gardienne Käthe et remettre les clefs.
    - S’installe.
    - Hésite à raconter ce qui suit, qu’il a déjà consigné une fois
    - L’effet de distanciation rappelle une fois de plus que Max est en position d’interprétation subjective des faits. Tout le livre balance ainsi entre faits et fictions, voire conjectures.
    - Dans son premier récit, sa sœur et Berndt devaient être présents…
    - Il aurait parlé d’Hélène à Una.
    - Qui se serait étonnée de son hésitation à se marier…
    - Mais il va reprendre autrement.
    - Käthe lui apporte des victuailles.
    - Il découvre une cave bien garnie.
    - Imagine maintenant qu’il parle avec Berndt von Üxküll.
    - Evoque l’attentat de juillet.
    - Son beau-frère a connu les conjurés. Pense qu’il faut maintenant boire le calice jusqu’à la lie.
    - Même position chez Jünger.
    - Ils parlent de l’élimination des Juifs.
    - Una pense que les Allemands s’en sont pris à un reflet d’eux-mêmes, les qualités majeures des Juifs étant en somme proches de celles des Allemands…
    - « En tuant les Juifs nous avons voulu nous tuer nous-mêmes ».
    - La discussion (virtuelle) se dilue dans l’excès d’alcool… (pp.801-802).
    - Max se retrouve seul.
    - Rêve d’une belle jeune femme chiant la merde.
    - Dans la bibliothèque, trouve L’éducation sentimentale en français.
    - Commence de lire.
    - Puis s’en va dans la forêt. Arrive au bord d’un lac. Lui revient le souvenir de la légende de Vineta, la ville engloutie, sœur de la ville d’Ys ou de Kitèje.
    - La légende évoque le conflit entre l’inassouvissement féminin et l’ordre de la cité.
    - Una pense que le plaisir de la femme est incomparable avec celui de l’homme.
    - Max ensuite se sent vidé.
    - Revient au manoir.
    - Dans le miroir, voir un visage « gonflé de ressentiment. »
    - Tourmenté par la pensée-sensation du sexe féminin.
    - Fouille dans les affaires d’Una.
    - Découvre une lettre où Una raconte que son mari a connu leur père, une véritable bête sauvage qui faisait crucifier les femmes violées en Courlande…
    - Cela le perturbe violemment.
    - Fouille ensuite dans les affaires de Berndt von Üxküll.
    - Boit et bande.
    - Médite sur la signification de cela qui l’agite: le sexe (p.810).
    - Pense à Hélène. Et se dit : « L’amour est mort. Le seul amour est mort. »
    - Les hommes du village l’interrogent sur les mesures à prendre alors que les Russes s’approchent.
    - Il leur offre un chariot et un cheval.
    - Mais lui reste.
    - Un soir, s’imagine vivant en autarcie coprophagique avec Una. Bouffent des étrons.
    - Des pensées de plus en plus chaotiques et obscènes le taraudent.
    - Il déraille ainsi des jours durant.
    - Puis Käthe vient lui annoncer qu’elle quitte les lieux.
    - Et qui v’là : Clemens et Weser !
    - Qu’il a juste le temps d’esquiver en filant dans la forêt.
    - Ensuite, revenu au manoir, découvre une photo des jumeaux. Se demande toujours qui est le père. L’idée qu’il pourrait l’être ne vient qu’au lecteur…
    - Continue de glisser sur le « grand trottoir roulant » de la prose de Flaubert.
    - Et le soir, se coule un énorme bain.
    - Se rappelle la conception mythologique de Rhésos. (p.819)
    - Imagine Una se faisant baiser dans son bain par des tas d’hommes.
    - L’imagine se vautrant dans son corps comme lui-même s'y vautre.
    - Délire érotico-linguistique étonnant (pp.821-822)
    - Ses fantasmes et ses menées onanistes se corsent à l’observation d’une mouche menacée par une araignée.
    - En somme, il baise la maison d’Una.
    - Comme il se fait baiser par les arbres de la forêt.
    - S’enfonce dans le mystère du corps.
    - S’épile et se branle à mort, faute de s’écorcher vif.
    - Revit la scène première avec Una adolescente.
    - Son délire l’amène à l’auto-strangulation, qui lui rappelle soudain la pendaison de le jeune femme de Kharkov.
    - « Si l’on pouvait faire ça, pendre une jeune fille comme ça, alors on pouvait tout faire. » Echo explicite à Dostoïevski.
    - Max touche le fond (p.836).
    - Quand il se réveille, lui reviennent quelques vers de Guillaume d’Aquitaine.
    - Et ça continue...

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     Gigue
    - Thomas vient le récupérer.
    - Sa défection a fait du vilain.
    - Max le suit en emportant son Flaubert.
    - Les Russes sont tout proches.
    - La voiture conduite par Piontek pile devant un char.
    - Ils y échappent de justesse.
    - Les chars russes écrabouillent tout sur leur passage (p.844).
    - Le trio s’échappe à pied dans les campagnes.
    - Pagaille générale.
    - Toutes ces pages sont d’une puissance d’évocation formidable. On se rappelle la fuite de Nord, chez Céline.
    - Tombent sur des Français de la division Charlemagne.
    - Traversent une rivière.
    - L’éducation sentimentale en est toute trempée…
    - Traversent des villages dévastés plein de cadavres.
    - Max se laisse guider par Thomas.
    - Scène terrible de l’église.
    - Un vieillard en uniforme de Junker joue L’art de la fugue.
    - « Ils peuvent tout détruire, mais pas ça », dit-il.
    - Quand il en a fini. Max, fou de rage d’entendre ici la musique qu’il préfère, lui tire une balle dans la tête. (p.855)
    - Thomas n’y comprend rien.
    - Après une nuit à dormir dehors, se font réveiller par une horde d’enfants en armes.
    - Piontek les engueule.
    - Ils le massacrent.
    - Traitent Thomas et Max de déserteurs. Se sont constitués en armée. Des orphelins Volksdeutschen.
    - Thomas leur explique qu’il va appeler Hitler.
    - Ils lui donnent un téléphone.
    - Thomas les berne. Ils s’apaisent.
    - Ensuite la horde attaque des Russes (p.862). De vrais sauvages.
    - On passe l’Oder dans des conditions épiques.
    - Puis on se retrouve à Berlin.
    - Où la vie reprend.
    - Fuite en avant dans les fêtes. Max se fait draguer par un Roumain louche.
    - Qu’il assassine un peu plus tard dans les chiottes de l’hôtel.
    - « Des loups frappés de rage s’entre-dévorent ».
    - L’étau se resserre sur Berlin.
    - Les rats quittent le navire; Thomas évacue ses parents en Autriche.
    - Terribles bombardements.
    - Max est convoqué avec Thomas dans le bunker du Führer pour y être décoré.
    - Dédale souterrain à moitié inondé.
    - Se retrouvent dans une salle où Hitler paraît.
    - Tremblotant et hagard.
    - La séance commence.
    - Max voit le Führer approcher.
    - De près, lui remarque un nez difforme qu’il n’imaginait pas, « large et mal proportionné ».
    - « C’était clairement un nez slave ou bohémien, presque mongolo-ostique »…
    - Quand Hitler est devant lui, d’un geste fou, Max pince le nez du Führer.
    - Scandale et confusion.
    - On le bat et l’emmène. Au cachot avec un certain Fegelein, qui n’est autre que le beau-frère d’Eva Braun, promis à l’exécution pour trahison.
    - Le lendemain, à la faveur de son transfert en voiture, il profite d’une explosion pour s’échapper.
    - S’enfonce dans une bouche de métro. Suit les voies inondées et qui v’là qui l’attendent : Clemens et Weser !
    - Scène grandiose (pp.886-888) où les flics lui racontent par le menu ce qui s’est passé à Antibes. Mais au moment où ils vont rendre justice, les Russes attaquent.
    - Max s’échappe une nouvelle fois.
    - Parvient à gagner le bureau de Mandelbrod et Leland, qui ont liquidé toutes leurs femmes et s’apprêtent à gagner Moscou ou Staline va continuer la « guerre ontologique ».
    - Max les traite de fou et se casse.
    - Se retrouve au zoo, où il tombe sur un gorille trucidé à la baïonnette. « Ses yeux ouverts, ses énormes mains me parurent effroyablement humains ».
    - Mais v’là que Clemens le rattrape. Qui cette fois va vraiment rendre justice.
    - Mais Thomas surgit à son tour et liquide le flic.
    - « Une fois encore, il était moins une »…
    - Entre Céline et Tintin ou James Bond…
    - Thomas découvre, dans les poches de Clemens, une fortune en billet de banque.
    - Or Max, ingrat mais prévoyant, fracasse la tête de son ami et s’empare de ses papiers d’identité et de son costume volés à un ouvrier français du STO.
    - C’est ainsi qu’il gagnera la France…
    - Les Russes ont disparu entretemps.
    - Passent un petit éléphant, trois chimpanzés et un ocelot.
    - « J’étais triste, mais sans trop savoir pourquoi. Je ressentais d’un coup tout le poids du passé, de la douleur de la vie et de la mémoire inaltérable, je restais seul avec l’hippopotame agonisant, quelques autruches et les cadavres, seul avec le temps et la tristesse et la peine du souvenir, la cruauté de mon existence et de ma mort encore à venir. Les Bienveillantes avaient retrouvé ma trace.
    - Fin des Bienveillantes de Jonathan Littell. Très grand roman cathartique sans égal dans la littérature mondiale des nouvelles générations. Rien lu d’aussi fort depuis Vie et destin de Vassili Grossman, Le Temps du Mal de Dobrica Cosic ou les romans d’Aleksandar Tisma. Un livre inspiré, dérangeant, parfois saturé, insoutenable, immonde, mais envoûtant de part en part et d’une saisissante cohérence.

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