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  • A la Grâce de Dieu


    L’auteur démasqué (15)

    Ce texte est tiré de La belle lurette, roman autobiographique d'Henri Calet. La seule désignation du nom de celui-ci est considérée comme suffisante, ce soir de pluie, par le jury unanime du jeu papou.  

    « Défense de laisser les enfants jouer dans les cours. Défense de mettre des oiseaux et des fleurs aux fenêtres. Défense de laisser circuler les chiens librement. Défense de laver le linge aux fontaines. Sous peine de congé immédiat. »
    Chaque bâtiment de la Cour de la Grâce de Dieu – je trouve l’appellation amusante – avait son panneau mural. Maman habitait une chambre du sixième étage, le dernier. Escalier K.
    Nous étions là des centaines entassés, grands et petits, dans nos puanteurs et sans fleurs, avec nos tares et sans oiseaux.
    Dans les couloirs mi-obscurs la senteur lourde de la merde était partout, et celle – plus insinuante – aigrelette de l’urine. Le dégoût s’étalait sur les murs… Merde… Merde… en grandes lettres ou en arabesques, et surtout aux chiottes, écrit du bout du doigt… Merde… Merde…
    C’est vrai, on en était pleins jusqu’à la gorge. Un enlisement et un étouffement lents.
    L’entrée de la cour était barrée par le regard oblique et raide du concierge : un vieillard assis qui avait une voix couverte, étrange, lointaine. Dans ce concierge, c’était un va-et-vient glaireux et il n’avait qu’à secouer son ventre replié sur ses cuisses pour qu’aussitôt les glaviots lui montassent aux lèvres. Il les mâchonnait longtemps avant de les cracher par le vasistas ».

  • Là-bas en enfance



    L’auteur démasqué (14)

    L'auteur de cet extrait d'Enfance est Nathalie Sarraute, que notre ami Bona a identifié sans peine.

    « Je suis assise près de maman dans une voiture fermée tirée par un cheval, nous cahotons sur une route poussiéreuse. Je tiens le plus près possible de la fenêtre un livre de la bibliothèque rose, j’essaie de lire malgré les secousses, malgré les objurgations de maman : « Arrête-toi maintenant, ça suffit, tu t’abîmes les yeux… »
    La Ville où nous nous rendons porte le nom de Kamenetz-Podolsk. Nous y passerons l’été chez mon oncle Gricha Chatounovski, celui des frères de maman qui est avocat.
    Ce vers quoi nous allons, ce qui m’attend là-bas, possède toutes les qualités qui font « les beaux souvenirs d’enfance »…

  • L’herbe de Whitman



    L’auteur démasqué (13)

    Cet extrait de poème est tiré de la deuxième séquence d'Au tombeau d'Apollinaire, du poète américain Allen Ginsberg (1926-1997). Je l'ai tiré de l'excellente monographie consacrée au grand poète beatnik par Jacques Darras, dans la collection Poésie de Jean-Michel Place. Personne n'a découvert l'identité de cet auteur naguère "culte". Sic transit gloria mundi & Shame on you...


    « Ici à Paris je suis ton invité chère ombre amicale
    La main absente de Max Jacob
    Le jeune Picasso m’apportant un tube de Méditerranée
    Moi-même assistant au banquet rouge et vieux de Rousseau
    J’ai mangé son violon
    Merveilleuses fêtes au Bateau-Lavoir qui n’ont jamais été mentionnées
    Dans les livres scolaires d’Algérie
    Tzara au bois de Boulogne expliquant l’alchimie des couscous
    mitrailleurs
    Il pleure en me traduisant en suédois
    Elégant cravate mauve et pantalon noir
    Une douce et tendre barbe émerge de son visage comme la
    Mousse tapissant les murs de l’Anarchie
    Il parlait interminablement de ses querelles avec André Breton
    Un jour il l’aida à retailler sa moustache dorée
    Le vieux Blaise Cendrars m’a reçu dans son cabinet de travail
    Et à voix basse me parle de l’immense Sibérie
    Jacques Vaché me pria d’examiner sa terrible collection de pistolets
    Pauvre Cocteau attristé parle du merveilleux Radiguet d’antan
    A sa dernière pensée je me suis évanoui
    Rigaut avec une lettre d’introduction à la Mort
    Et Gide vanta le téléphone et d’autres remarquables inventions
    E principe nous étions d’accord bien qu’il baratinât sur
    Le linge de corps mauve
    Malgré cela il but au goulot de l’herbe de Whitman intrigué
    Par les amants qui se nomment Colorado
    Princes d’Amérique arrivant les bras chargés de shrapnels et
    De base-ball
    Oh Guillaume le monde si facile à combattre semblait si facile
    Savais-tu que les grands classiques politiques envahiraient
    Montparnasse
    Sans un seul brin de laurier prophétique pour verdir leurs
    fronts
    aucune pulsation verte dans leurs oreillers aucune feuille ne
    reste de leurs guerres – Maïakovski est arrivé et s’est révolté… »

    Ginsberg as youngster

  • Les instants grappillés

     

    Dans le TGV, ce jeudi soir 11 mai. – A l’instant nous traversons la Saône. Mais non : à l’instant nous filons déjà à travers le jaune acide des champs de colza cisaillés de vert tendre. Ou bien à l’instant, le front contre la vitre du train à grande vitesse, je me retrouve à la fois ce midi place Saint-Sulpice, en compagne d’Alina Reyes toute souriante dans le soleil éclaboussé d’eau de fontaine, puis sur la terrasse du Mazarin avec Florian mon compère photographe qui me rejoint plus tard dans un salon de l’Institut de France pour y passer un moment, vite avant le train, à écouter François Cheng en veine d’improvisation bien préparée sur le miracle de chaque Instant.


    A l’instant nous arrivons à Dole, et du coup j’en aurais pour des pages à célébrer mon (occulte) ami Marcel Aymé côté Vouivre et forêts, entre Brûlebois et Le moulin de la sourdine, mais du coup la Vouivre me rappelle la taille hyperfine d’Alina Reyes traversant la terrasse du Café de la Mairie, et une heure avant les transes dans lesquelles, à l’hôtel Louisiane, j’ai rendu hommage à Alexandre Zinoviev dont ma bonne amie venait de m’apprendre la mort au téléphone – Zinoviev que je revoyais dans sa cuisine munichoise, incapable même de nous faire un œuf au plat et m’emmenant à travers les rues de la ville, jusqu’à certaine brasserie de sinistre mémoire dans laquelle Hitler éructa ses premiers discours… Et voici qu’ayant bouclé et envoyé mon papier je tombe sur le vieil Albert Cossery plus déplumé et plus dandy que jamais, sans doute sur le point de gagner sa mangeoire de l’Emporio Armani où quelque mécène lui offre sa spaghettata quotidienne… Puis voilà que mon portable grelotte une fois encore, sur lequel un éditeur de nouveau compagnonnage m’annonce la mort, la nuit passée, de son père…
    Un instant et nous apparaissons et disparaissons presque en même temps, un instant et me revient le sourire méfiant-songeur-mutin d’Alina que j’imaginais moins menue ou plus sûre d’elle, et dont me ravissent les gestes élégants et le rire frais, un instant après nous nous sommes quittés sur un bec et nous nous retrouvons, avec mon compère Florian, à la terrasse du Mazarin où mon portable nous félicite tous deux, par la voix de René Gonzalez, de notre pleine page de ce matin sur Godard, plus généreuse à ce qu’il me dit que le maigre jus un peu méprisant de Libé, un instant et nous voilà remontant vers le Jura virant au mauve tandis que ma voisine relève les yeux de Monsieur Ripley qu’elle tient au-dessus d’un ventre rond gainé de soie bleue, annonçant un proche événement…
    Tant d’intersections chaque jour, comme le collage du dernier Godard, tant d’histoires simultanées que nous vivons dans l’instant, et le train remonte à travers les forêts d’où il redescendra en lent vol plané jusqu’au lac cher au vieux mandarin pour qui la beauté ne saurait être sans bonté - à l’instant le soleil n’est plus qu’une rougeoyante boule de feu dans l’indigo du couchant, à l’instant on est comme au bord du ciel et des horizons se perdant en lointains bleutés…

  • Le contempteur déchiré

    Hommage à Alexandre Zinoviev

     

    L’auteur de L’Avenir radieux et des Hauteurs béantes est mort à Moscou. Ses livres avaient paru à Lausanne.
    C’est une figure à la fois éminente et paradoxale de l’opposition au communisme qui vient de disparaître en la personne d’Alexandre Zinovie, décédé mercredi soir à Moscou d’un cancer au cerveau, à l’âge de 83 ans. Zinoviev avait été, avec Les hauteurs béantes, l’un des satiristes les plus virulents et les plus originaux, de point de vue du gorillage de la langue de bois et de la pensée unique soviétiques, sans se rallier pour autant aux dissidents. Ainsi ne cessa-t-il de railler les positions d’un Soljenitsyne, qu’il avait surnommé le Père-le-Justice. Par la suite, loin de se réjouir de la perestroïka, il critiqua un Gorbatchev puis un Eltsine avec la même véhémence.  

    Pur produit de la société communiste, Alexandre Alexandrovitch Zinoviev était né en 1922 dans une famille d’ouvriers, avait accompli des études de philosophie et acquit, en tant que  logicien, une réputation mondiale. Sa science du discours et de ses distorsions, et son mépris-fascination pour l’idéologie  marquèrent profondément ses « romans » mimant, par leurs discours labyrinthiques, les tours et les détours de la dialectique kafkaïenne propre à Ivanbourg, sa ville-pays mythique. 

    Révélé en Occident par la parution aux éditions L’Age d’Homme, du dévastateur pamphlet-chronique intitulé Les hauteurs béantes, Alexandre Zinoviev fut déchu de sa nationalité en 1978 et s’exila, avec sa femme et sa fille, à Munich où il reprit son enseignement. Très lié à Vladimir Dimitrijevic, qui le défendit avec vaillance, Zinoviev publia encore L’Avenir radieux, peut-être son plus beau livre, moins touffu et plus accessible et humainement attachant que le précédent, et une quantité d’autres ouvrages prolongeant sa critique et l’étendant à l’Occident, auquel il ne s’adapta jamais. Pertinent et décapant dans sa « lecture » de la société et de la paranoïa soviétiques, dont il démontait les mécanismes de pensée et de comportement avec une lucidité aiguisant notre propre regard sur les faux semblants du monde occidental, Alexandre Zinoviev semble avoir été dérouté par l’effondrement du système qu’il fustigeait, auquel il prédisait une survie de mille ans…

    Revenu en Russie en 1999, il se rallia paradoxalement à la mouvance communiste contre les arrivistes du nouveau régime. La poignante et révélatrice autobiographie intitulée Les confession d’un homme en trop (reprise en poche Folio) éclaire bien la trajectoire de ce contempteur déchiré, à jamais fidèle aux gens simples dont il était le rejeton, à jamais hostile aux cyniques de tous bords, à jamais guéri de parier pour un avenir radieux, quitte à sombrer parfois dans un délire égocentrique ou une vision catastrophiste du monde. Eveilleur décisif à un moment d’aveuglement collectif, Zinoviev n’en laisse pas moins une trace forte dans la littérature contre-utopique de la fin du XXe siècle.


  • Godard fait son cinéma

    Rétrospective-exposition au Centre Pompidou

    L’hommage, à Paris, du Centre Pompidou au génial cinéaste est à la mesure de son œuvre inventive et explosive: avec une rétrospective intégrale de 140 films, l’avant-première du passionnant Vrai Faux passeport, une exposition « carte blanche » marquée par un clash retentissant,  et une avalanche de publications, livres et DVD confondus.

    Aujourd’hui s’ouvre à Beaubourg, institution parisienne de consécration s’il en est, une exposition qui aurait pu signifier l’entrée au musée de Jean-Luc Godard. Mais pas du tout : d’ailleurs Godard n’y sera pas. Point de dossier de presse pour en faciliter la présentation aux médias. Nulle interview possible en dépit de vagues promesses. Juste ce texte explicatif sur un panneau dérobé : « Le Centre Pompidou a décidé de ne pas réaliser le projet d’exposition intitulé Collage(s) de France, archéologie du cinéma d’après JLG, en raison de difficultés artistiques, techniques et financières qu’il présentait et de le remplacer par un autre projet antérieurement envisagé intitulé  Voyage(s) en utopie. JLG, 1946-2006. A la recherche d’un théorème perdu… »
    Or l’exposition, retirée des mains de son premier commissaire hautement qualifié, Dominique Païni, pour être confiée à Godard au titre de « carte blanche », fait-elle figure de manifestation « par défaut » ? La question, posée à la direction du Centre Pompidou, reste sans réponse. L’intéressé lui-même, on nous l’a dit et répété, ne désire pas non plus argumenter et ne répond pas plus que le Manitoba. Est-ce à dire que Jean-Luc Godard ne joue pas le jeu ? Mais quel jeu ?
    Telle est la question que pose, précisément, toute son œuvre de créateur en rupture avec les conventions et les certitudes. Plus précisément, son dernier film, Vrai faux passeport,  magnifique poème-bilan revisitant à la fois ses thèmes d’interrogation (les dieux, l’histoire, la torture, la liberté, l’enfance, la politique, l’éros, la défaite, etc.), présenté par lui à l’ouverture de la rétrospective à Beaubourg (le 24 avril dernier) et relancé en boucle dans son exposition, dit tout et bien plus que ce qu’il exprimera jamais en conférence de presse.
    Les éclats du réel
    Qu’est-ce qui nous touche vraiment ? Claire Chazal au TJ est-elle un meilleur « passeport pour le réel » que  Charlot en dictateur ? Que nous dit le cinéma de l’érotisme réel et de la mort ? De l’enfance confrontée aux ruines ? De la pauvreté ? Du miracle ? De la beauté ? De la torture ? Dans un collage d’une saisissante densité, jouant avec ironie sur l’obsession actuelle des jugements «bonus » ou « malus », Jean-Luc Godard revisite les scènes « immortelles » du cinéma, de Fritz Lang à Bresson ou du western à l’Italie de Scorsese, pour dire la réalité particulière du cinéma. On le croit provocateur gratuit : il est au contraire poète délicat, moraliste aimant la beauté, pamphlétaire par haine de la haine. Sous ses airs de plasticien déjanté ou d’écrivain en images, Godard n’a rien des complaisances de l’art branché. Son affaire essentielle est le cinéma et c’est ce qu’il fait à tous les sens du terme.
    Maisons et jardins
    Il ya  une folie suisse de Godard, comme de Zouc, de Zorn ou de Ziegler, qui oscille entre la petite histoire et la détresse du monde, la partie et le tout, le bon sens jardinier et la gestion de fortune des tyrans. Dans Notre musique, Godard évoquait une rivière qui est une image de paradis, genre la Venoge vers le lac. Mais cette image est aussitôt cisaillée  par des visions de guerre. Et tout Godard est là : dans le contrepoint perpétuel de ce qu’on pourrait dire l’horreur du monde et sa splendeur, l’innocence de la nature et les constructions de la culture. Godard le Candide (parodique) cultivateur rollois de géraniums, a stocké dans ses archives les pires images de la guerre d’Espagne et de la Résistance, de l’Algérie et du   Vietnam, de Palestine, de Sarajevo et de Grozny. Et comment jouer alors la star médiatique ?
    A l’exposition de Beaubourg, la Maison du monde occidental selon JLG intègre les films de guerre dans la chambre à coucher et les films X dans la salle à manger. Dans les plantes vertes guignent les téléviseurs. Des chaises-longues d’enfants s’embêtent devant les écrans. C’est le chaos du monde actuel. Jean-Luc Godard y trace pourtant une voie garante d’humanité…


    Jean-Luc Godard omniprésent
    MULTIPACK Du film au DVD en passant par le livre, l’hommage est pléthorique
    Malgré ses aspects peu académiques, l’hommage rendu par la France à Jean-Luc Godard est impressionant, qui va de l’ensemble des manifestations mises sur pied au Centre Pompidou à une quantité de publications. Le premier « monument » à signaler, aux éditions Gallimard, est le volume très abondamment illustré de ses Histoire(s) du cinéma qui fixe, par l’écrit et l’image, la lecture de « toutes les histoires » du cinéma se résumant à vrai dire à « une histoire seule », dans l’espace du monde actuel et les temps lointains et proches. Poème et discours, collage de mots et d’images, ce livre relève de la mise en scène unique, qui renvoie à la pensée en actes de Godard, cinéaste, poète, écrivain et plasticien.
    Autre somme mais documentaire : le référentiel Jean-Luc Godard/Documents, publié par le Centre Pompidou et constituant un recueil d’essais et de témoignages de valeur sur l’œuvre et ses multiples incidences actuelles. Cet indispensable document, à lui seul, suffit à réduire à du pipi de minet le « litige » lié à l’exposition.
    Aux éditions Gallimard également : signalons le tout récent volume de la collection Découvertes consacré à Jean-Luc Godard, signé François Nemer.
    A consulter aussi : le numéro d’avril des Cahiers du cinéma, consacré au thème Cinéma au musée et qui titre plus précisément : Godard occupe Beaubourg. Entre autres… 

    A l’affiche
    Paris. Centre Pompidou. Rétrospective intégrale : 140 films. 75 documents. Cinéma 1, Cinéma 2. Exposition : Voyage(s) en utopie. JLG , 1946-2006, A la recherche d’un théorème perdu. Jusqu’au 14 août. galerie sud. L’exposition est ouverte au public tous les jours de 11h à 21 h sauf le mardi.
    Renseignements. 00331/ 44 78 12 33. Www.centrepompidou.fr

    « Un homme/ rien qu’un homme/ et qui n’en vaut aucun /mais qu’aucuns ne valent »
    (Jean-Luc Godard)
     
       
     

  • Terre des livres


    L’auteur démasqué (12)

    L'auteur de ce poème, tiré de Récitatif, réédité avec Amen et La tourne dans la collection Poésie/Gallimard, est évidemment Jacques Réda, qui vient de publier un nouveau recueil de proses chez Gallimard, sous le titre de Ponts flottants. Stéphane M. est le douzième lauréat du jeu papou. L'innombrable tribu l'applaudit à tout rompre.

    Longtemps après l’arrachement des dernières fusées,
    Dans les coins abrités des ruines de nos maisons
    Pour veiller les milliards de morts les livres resteront
    Tout seuls sur la planète.
    Mais les yeux des milliards de mots qui lisaient dans les
    nôtres,
    Cherchant à voir encore,
    Feront-ils de leurs cils un souffle de forêt
    Sur la terre à nouveau muette ?
    Autant demander si la mer se souviendra du battement
    de nos jambes ; le vent,
    D’Ulysse entrant nu dans le cercle des jeunes filles.
    Ô belle au bois dormant,
    La lumière aura fui comme s’abaisse une paupière.
    Et le soleil ôtant son casque
    Verra choir une larme entre ses pieds qui ne bougent plus.
    Nul n’entendra le bâton aveugle du poète
    Toucher le rebord de la pierre au seuil déserté,
    Lui qui dans l’imparfait déjà heurte et nous a précédés
    Quand nous étions encore à jouer sous vos yeux,
    Incrédules étoiles ».