Une femme:
- Comment cela s'appelle-t-il quand le jour s'élève dans le froid, que tout paraît gâché, saccagé mais que pourtant l'air se respire?
Electre:
- Demande-le au mendiant, il le sait.
Le mendiant:
- Cela porte un très beau nom, femme, cela s'appelle l'aurore.
(Jean Giraudoux, dans Electre)
Il doit y avoir du mendiant en soi pour accueillir l'aurore.
(Pierre Marguerat, pasteur à Saint-Jean)
Commentaires
C'est très beau, nous sommes tous des mendiants !
Oh on a un peu oublié Giraudoux trop vite, il serait temps de le redécouvrir.
La dernière phrase me rappelle l'incontournable phrase de Nietzsche: il faut porter du chaos en soi pour pouvoir donner naissance à une étoile dansante... est-ce voulu?
Très belle cette note, dépouillée mais riche un beggar's banquet en quelque sorte.
Et Winnie d'y aller de son: encore une journée divine !
NOVEDAD EN EL ALCAZAR
L'aurore est un damasquin andalou
Qui apparait radieux
Quand la rouille embrumée
Commence à se dissiper
Les lames de Tolède
S'aiguisent sur les remparts
Où flanent des aigles
Dont les déjeuners ordinaires
Se composent de chrysalides
Au fumet décomposé
Cela s'appelle l'aurore, un très beau livre d'Emmanuel Roblès. Ou du moins un livre qui m'a paru très beau à l'adolescence.
Toujours accueillir l'aurore avec reconnaissance : un jour de plus...
Et comment faire pour que l'aurore ait le mot de la fin ? Au moment où le rideau va tomber, il y a la mort, l'incendie qui gagne. Le monde est décidément plein de mecs qui gâtent tout. Qu'y peuvent les mots ? Peut-être juste rappeler que l'essentiel ne nous appartient pas.
Ce mot "aurore", à qui est-il ? À la femme Narsès qui s'interroge, qui ressent la situation mais qui ne trouve pas les mots pour la dire ? À Electre ? Elle vient de répéter qu'elle avait tout, comme si elle se trouvait désormais au-delà des mots. Elle préfère laisser au mendiant la responsabilité de le proférer, le mot.
Le mendiant est figure de l'écrivain. Il n'est ni en deçà ni au-delà des mots. Sur la ligne de crête, à guetter leurs trajectoires pour qu'ils passent par lui, s'ils le veulent. Et qu'est-ce pour lui que mendier ses mots ? Traquer les fulgurances dans les travaux des autres ? Presser son insomnie jusqu'à ce qu'elle délivre un premier cri juste ? Faire équipe avec un autre (Giraudoux disait écrire en laissant parler en lui la troupe de Jouvet) ?
Au milieu d'un monde qui se joue la tragi-comédie, l'écrivain qui se sent responsable de l'aurore, ne vit que de ce qui importe, se libère de ses effets, pour laisser apercevoir toute l'horreur, toute la beauté.
merci pour ce "responsable de l'aurore"
ECLAT D'ETINCELLE
Un éclat de rire salue
Les responsables de l'aurore
Comme un sourire glissant sur le fil
Des saisons comme des lames
L'insouciance est le lot des témoins
Qui tiennent compagnie au vent
Dans leurs yeux la foudre scintille
Comme un ruisseau vénitien
Des vautours au creux des mains
Ils attendent paisiblement
Une guerre une femme
Ou une glace à la vanille
aurore cela est un poème à soi tout seul , on y trouve toute l'histoire humaine du seuil au crépuscule , du métal précieux de l'aube à l'articulation de ce qui vient dans le son , du double au simple , jusqu'au bout du souffle qui s'expire... jusqu'au rythme qui inspire ... aurore