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Le cauchemar de l’homme fini

 

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Retour sur Les Bienveillantes, cinq ans après...


Pour Bruno, qui a 18 ans, et pour Alban qui en a 20, et pour Quentin qui en a 22.

Je suis sorti de la lecture des Bienveillantes avec un sentiment d’insondable et froide tristesse qui m’a rappelé le muet effroi que j’ai éprouvé, à vingt ans, en découvrant Auschwitz. Pour la première fois de ma vie, à Auschwitz, m’est apparu quelque chose de réel que je ne pouvais concevoir dans mon irréalité de jeune idéaliste des années 60. Quelque chose d’immense et d’écrasant. Pas du tout les baraquements minables que j’imaginais : d’énormes constructions en dur, de type industriel. L’usine à tuer : voilà ce que j’ai pensé ; et je remarquai que dans la cour de l’usine à tuer désaffectée se débitaient des saucisses chaudes. Surtout : quelque chose d’impalpable, d’invisible et de non moins réel. Quelque chose d’impensable et d’indicible mais de réel.
J’avais vu, déjà, les images terribles de Nuit et brouillard, je savais par les livres ce qui s’était passé en ces lieux, dont je découvrirais plus tard d’autres témoignages, tels ceux du film Shoah. Mais ce que j’ai ressenti de réel à Auschwitz, comme je l’ai ressenti en lisant Les Bienveillantes, tient non pas aux pires visions mais à ce quelque chose d’impalpable et d’indicible, plus quelques pauvres détails : ces tas de cheveux, ces tas de dentiers ou de prothèses, ces tas d’objets personnels. Ces saucisses aussi. Et dans Les Bienveillantes : ce pull-over que le protagoniste a oublié quand il se rend, en Ukraine, sur les lieux d’un massacre de masse où il risque d’avoir un peu froid, pense-t-il soudain…
Or songeant à l’instant à la façon la plus juste d’exprimer le sentiment personnel que laisse en moi la lecture des Bienveillantes, je repense à ces mots notés par mon ami Thierry Vernet dans ses carnets : « D’ailleurs c’est bien simple : ou bien les hommes sont ouverts, autrement dit infinis, ou biens ils sont fermés, finis, et dans ce cas on peut les empiler. Ou en faire n’importe quoi ».
Au moment où il commence son récit, Max Aue, le narrateur et protagoniste des Bienveillantes, est un homme fini qui a contribué à empiler les hommes et à en faire n’importe quoi. Celui qui nous interpelle d’emblée en tant que « frères humains », affirme qu’il a vu « plus de souffrance que la plupart » et qu’il est une « usine à souvenirs », mais ce n’est pas pour témoigner ou pour se disculper qu’il se met à parler à un interlocuteur imaginaire. C’est plutôt pour passer le temps, pour mettre un peu d’ordre dans le chaos de ses pensées que cet ancien SS de haut vol, médaillé à Stalingrad et chargé à Auschwitz d’enquêter sur la rentabilité des détenus aptes au travail, miraculeusement réchappé des bombardements de Berlin en 1945, revenu en France sous l’uniforme d’un déporté du STO (assassiné par son meilleur ami qu’il a dû liquider lui-même pour sauver sa peau) et désormais directeur d’une fabrique de dentelles en Alsace, entreprend de raconter sa monstrueuse saga, qu’il banalise aussitôt en affirmant que ce qu’il a fait, tout homme ordinaire l’aurait fait. Et de se replier, jouant le nihiliste glacial (on verra quels abîmes cela cache), derrière la parole attribuée à Sophocle et reprise par Schopenhauer : « Ce que tu dois préférer à tout, c’est de ne pas être né ».
Max Aue est-il jamais né à lui-même ? Un seul épisode amoureux avec sa sœur jumelle Una, à l’adolescence, a cristallisé une passion absolue qu’il tentera vainement de revivre. Sodomisé à l’internat où sa mère et son beau-père, qu’il hait également, l’ont casé pour le punir de son inconduite incestueuse, l’homme jouira par le cul, c’est le mot cru et vrai, sans aimer quiconque, jusqu’à la rencontre d’Hélène, à la toute fin de la guerre, à l’amour de laquelle il ne parviendra pas à répondre après être mort à lui-même sans être né. Sa fantasmagorie infantile culminera dans l’Air d’avant la Gigue finale, où Max se retrouve seul dans la maison vide de sa sœur, en Poméranie, en proie à un délire onaniste autodestructeur.
Il y a de l’impubère ressentimental et du voyeur impatient de vivre toutes les expériences-limites, chez Max Aue, comme chez le Stavroguine des Démons de Dostoïevski. Ce chaos intérieur de l’avorton affectif, fils oedipien d’un grand absent dont on lui révélera les propres crimes de guerre, n’a pas empêché Max Aue d’accomplir de bonnes études de droit (en Allemagne, d’où il est originaire par son père), suivies d’une carrière dans la SS qui le conduit du front de l’Est aux plus hautes sphères de l’Etat, où il finira dans l’entourage immédiat du Reichsführer Himmler et autres Eichmann ou Speer. Vu par ses pairs, Max Aue fait figure d’élément compétent, du genre « intellectuel compliqué », juste un peu froid et rigide, et décidément lent à se marier. Mais rien chez lui du fanatique obtus ou du sadique. Lors des premières « actions » auxquelles il assiste, Max est de ceux qui vivent mal les massacres. S’il y participe, c’est par devoir et soumission à la visée civilisatrice du national-socialisme, au nom du Volk sacro-saint. Pourtant on perçoit à tout moment la fragilité idéologique de cet esthète plus attaché à la philosophie (il lit Tertullien), à la musique (Bach et Couperin) et à la littérature (Stendhal, Blanchot et Flaubert) qu’aux dogmes racistes du régime. Tout au long de la guerre, sa spécialité consiste à rédiger des rapports : sur la loyauté de la France (un premier séjour à Paris le fait rencontrer les collabos Brasillach et Rebatet), la nécessité ou non de liquider les Juifs du Caucase, le moral des troupes dans le « chaudron » de Stalingrad ou l’utilisation des déportés dans la guerre totale. Une scène inoubliable exprime la dualité schizophrénique du personnage : lorsque tel vieux savant juif tchétchène, avec lequel il s’entretient en grec ancien, le conduit sur une colline où un songe lui a révélé l’endroit de sa mort, qu’il tue sans comprendre la parfaite sérénité du saint homme.
D’aucuns ont reproché à Jonathan Littell le choix de ce narrateur, dont la complexion personnelle risque de « distraire » le lecteur du grand récit des Bienveillantes consacré à l’entreprise de destruction et d’extermination des nazis. Quoi de commun entre le matricide de Max Aue et l’extermination des Juifs d’Europe ? A cette question centrale, Georges Nivat a commencé de répondre dans l’article magistral qu’il a consacré aux Bienveillantes (cf. Le Temps du 11.11.2006), en affirmant que «Littell nous dérange monstrueusement parce qu'il a retourné l'histoire de la violence du XXe siècle comme on retourne un lapin écorché, et qu'il a jumelé sa réponse au viol de l'humain par les totalitarismes à une autre réponse, déjà donnée par Freud quand il évoque la levée des censures du surmoi, et cette réponse est le sadisme psychique, la récession sexuelle, l'inceste, auquel déjà deux grands romans avaient attribué le secret du devenir: L'Homme sans qualités de Musil, et Ada de Nabokov. Mais ici inceste et holocauste se nourrissent l'un l’autre ». Et d’ajouter : «Le lapin retourné et écorché, c'est nous, c'est notre rempart rompu contre l'éboulis de tout ce qui constituait l'humain dans la civilisation européenne, c'est notre classement au rayon du crime imprescriptible (et donc oubliable) de la fabrique d'inhumain, de la monstruosité du camp, le docteur Mengele, les bourreaux de la Kolyma d'Evguénia Guinzbourg ».
La lecture des Bienveillantes est une épreuve difficile et décisive, pour moi centrale, réductible à aucune autre lecture contemporaine. On a comparé ce roman à Vie est destin de Vassili Grossman, et sans doute y a-t-il maints rapprochements à faire entre ces deux livres, mais Jonathan Littell, d’une monumentale masse documentaire, a tiré tout autre chose qu’un roman historique « de plus », un témoignage de plus sur la Shoah : au vrai, le cauchemar des Bienveillantes se poursuit tous les jours sous nos yeux dans le monde de l’homme fini qu’on empile et dont on fait n’importe quoi.
Jonathan Littell. Les Bienveillantes. Gallimard, 903p. Réédité en Poche Folio en décembre 2007. No 4685. 1401p.

Commentaires

  • Pendant que les belles âmes médiatiques portent aux nues le dénonciateur ambigü de crimes mille fois dénoncés, les avorteurs avortent, les embryons surnuméraires servent de "matériel" d'exploitation scientifique ou on les jette.
    Vous avez cinquante ans de retard. Ce sont les crimes qui se commettent aujourd'hui qu'il faut dénoncer et empêcher. Mais cela, cela demande du courage. Qui est l'antithèse du narcissisme du critique littéraire.

  • Chère Vie,
    Votre commentaire pue la sclérose.
    Cher jean-Louis,
    Merci de cette analyse.
    S.

  • C'est vous qui avez un livre de retard, puisque le livre de Littell, loin de se borner à la dénonciation des crimes du nazisme, scrute le monde fermé et fini que vous évoquez en termes vagues et sans le courage de signer votre message.

  • Super critique, la première qui me donne vraiment envie de lire ce livre. Merci bien, c'était intéressant.

  • Chère Vie,
    Votre critique sent le formol.
    Cher JL,
    Merci de votre éclairage.
    S.

  • Chère Vie,
    Votre critique sent le formol.
    Cher J-L,
    Merci de votre éclairage.
    S.

  • Je crois qu'une telle "critique" se passe de commentaire. J'ai encore, bien heureusement, énormément à apprendre. Merci pour la première ligne...

  • La force de Litell est que, pour ancrer son personnage dans la banalité humaine, et nous faire accéder au ressort premier de la littérature, à savoir l'identification, il utilise, parfois en le disant, parfois sans le dire, une multiplicité de thèmes, de mythes, de souvenirs littéraires, une "culture" que nous, chacun de ses lecteurs, partageons peu ou prou avec son "héros" (puisqu'il faut bien l'appeler comme cela).

    Le destin familal du héros relève donc d'un de ces mythes fondateurs de l'humanité, comme Oedipe. il s'agit ici de l'Oreste, l'homme qui tua Egisthe et sa propre mère, Clytemnestre, le couple ayant d'abord tué Agamemnon. Dans la version de Giraudoux, Oreste a effectivement une relation incestueuse avec sa soeur Electre.

    Dans le mythe et la tragédie de Racine, Oreste a UN meilleur ami, Pylade, comme le héros des bienveillantes a UN ami qu'il retrouve à chaque détour de sa carrière.

    La liberté de Littell a été de faire assassiner Oreste par Pylade; ce qui lui a semblé "plus logique", m'a-t-il dit.

    Ce mythe d'Oreste, qui traverse tout le livre, est accompagné, comme les ruisseaux alimentent les rivières, d'une foisonnante série de références, de souvenirs de lectures, etc. L'érudition de l'auteur est ici à souligner fortement. Son héros en est lui aussi imprégné.

    Cependant, des points restent à vérifier. On a bien compris que le livre, démonstratif, ne relate pas la vie vraie d'un nazi, qui aurait été bien incapable d'êre présent, comme le héros le fait, à l'ensemble des épisodes particulièrement sombres du nazisme : à la fois à Stalingrad et Austwich, par exemple. Mais parfois l'auteur n'a pas vérifié systématiquement ses sources. AZinsi, il associe Superville aux écrivains français émargeant à "Je suis Partout", ce qui reste à démontrer.

    Il n'en reste pas moins que ce livre remarquable démontre la thèse d'Harendt au procès d'Eichmann. Ceux qui, se bouchant le nez et détournant la tête, disent que Littell fait des assimilations grossières entre nazisme et stalinisme, s'est fait aider ou encore a un style qui n'est pas littéraire, sans compter l'accusation de complaisance vis-à-vis des massacres, tortures et vices qu'il décrit si précisément, essaient de le renvoyer à l'Eichmann que nous portons tous en nous, peut-être, alors qu'il est, de toute évidence, du côté des Harendt.

    Il n'en reste pas moins, une fois dit tout ceci, que le dessein du romancier m'est personnellement resté mystérieux. Que cette époque de l'histoire humaine doive être décrite, analysée, gravée dans les mémoires, bien enendu. Qu'on le fasse sous une forme romanesque qui, contrairement au héros, ne "fait pas dans la dentelle", voilà qui est plus incompréhensible. Mais l'oeuvre, et ses motivations, appartiennent t à son auteur, complètement. Nous, ses lecteurs, en faisons à jamais "autre chose". Le problème de Littell est sans doute là, dans cette posture de l'apprenti-sorcier qui voit son balai et son seau se multiplier, lui désobéir, grandir sans lui !

    En tout cas, merci à Emmanuelle Pagano de m'avoir indiqué vos critiques des Bienveillantes, tant ce livre me paraît mériter que l'on médite un peu dessus !

    Clopine Trouillefou

  • Pardonnez ces involontaires redites méta-informatiques...
    S.

  • personnellement, je pense qu'au contraire par le roman et via un roman remarquable littel de fait fait entrer la shoah pour l'eternité dans la culture humaine. Car un roman peut se transmettre pour des siécles (regardez la guerre de troie et l'oeuvre d'homére) bien plus que l'histoire qui elle risque toujours de s'effacer surtout si elle dérange.

    Dans le grand public, on connait plus l'histoire antique par les oeuvres philosophique et romanesque que par l'histoire. Regardez l'impact des 3 mousquetaires dans la connaissance du XVIIIéme.

  • Oui tous les jours des bourreaux sévissent, prennent des corps, en disposent et les empilent sur des tombereaux ouverts de zombies ... La proie du pervers, la proie du pédophile, la proie du prédateur ... Toutes les quelques secondes ou minutes, un nouveau sur la pile. Nous en rencontrons tous tous les jours des ombres désarticulées qui avancent sur les tapis roulants à nos côtés avec un regard altéré, vide, effacé ... Pour beaucoup les camps c'est au présent : dépouillés de toute dignité, droit humains ... juste le droit de se laisser empiler.

    Votre article est d'une grande justesse, d'une grande sensibilité. A vous lire.

  • on y arrive petit a petit.

    "les bienveillantes" etait un succes d'edition,
    sujet de polemiques aussi , mais a ce titre, ni "la shoah c'est moi" , ni "les camps c'est aussi moi" n'ont tenu la route (et cela ne vaut meme pas la peine de rappeler "le bocal de formol").

    littel = sophocle (c'est aussi aller vite en besogne)
    disons que pour sophocle 50 pages suffisent la ou il en faut 900 pour Littel. (en cuisine, on parlerait de faire reduire)

    avec un feu plus vif on pourrait arriver aux aphorismes
    (comme quoi tout est affaire de temperature du bruleur).

    la comparaison avec Vassili Grosmann etait, a mon avis injustifiee.
    c'est vrai que cela m'a valu de relire VG. Mais, la ou stalingrad est decrit comme un acte de defense heroique (il fallait bien sacrifier aux commanditaires) le livre "pour une juste cause" reste une oeuvre "historique". Il faut attendre "vie et destin" paru presque 40 ans apres pour que les errrements du stalinisme soient efi denonces.
    la comparaison entre les deux points de vue (VG et JL) sur stalingrad est d'ailleurs interessante.
    (et je ne parle pas de l'episode de l'evasion, pur moment d'onirisme ), mais il fallait bien trouver un moyen (a la ponson du terrail) pour continuer l'action.

    en resume, et un peu pour provoquer
    Littel = Sophocle ou Ponson du Terrail (avec un cote freudien que je ne nie pas)

  • Vers la fin de l'article, vous faites un rapprochement entre Les Bienveillantes et Vie Et Destin. Vous ne croyez pas si bien dire! Voyez chez Grossman -- p.362 - 372, entretien entre Liss et Mostovskoi, et comparez ca avec l'entretien Aue et le politrouk, durant le passage sur Stalingrad. Parlont-en des rapprochements!

  • Une correction: voir chez Grossman p. 370-372
    Chez Litter, p.362-363

  • Que voulez-vous dire ? Que Littell plagie Grossman ? Ce serait un peu simple. Evidemment que Littell cite Grossman en contrechamp, mais c'est un hommage et non du tout une copie servile. Ce que j'y vois pour ma part, c'est une espèce de double mise en abyme, Littell reprenant une séquence presque analogue avec les variations liées à la fois aux regards resoectifs de Grossman et d'Aue, et à la version soviétique/allemande puis allemande/soviétique des événements dans le même trou à rats. Cela me fait le même effet, quant à moi, que les deux récits de la bataille d'Iwo Jima modulés par les deux films de Clint Eastwood...

  • Les Bienveillantes reste un long roman à lire.

    Mathieu Dufain
    http://mathieudufain.hautetfort.com/archive/2008/01/26/les-bienveillantes.html

  • J'ai lu le livre en 3 semaines en septembre 2006. J'ai eu le grand plaisir d'avoir une dédicace de J. Littell alors que j'en étais à la page 300. C'est restera un grand souvenir. Sinon rien que pour le chapitre d'ouverture, le livre vaut la peine d'être lu. Chapeau J Littell et merci à vous, JL d'avoir consacré autant de billets aux Bienveillantes qui le valent bien. J'ai fait un mini billet le 10 janvier 2007 après la création de mon blog sur J Littell et les Bienveillantes.

  • VOIR DANS L'ENCRE

    Sans échelle pas de vision
    L'empirisme du fragmentaire
    Des interprétations sans fondement
    Un miroir pour la peur
    Et les transferts de couleurs
    L'échelle et sa palette monochrome
    Apprennent au peintre de l'oreille
    La neutralité des mouvements
    Et les projections de graffitis
    Qui teintent l'opaline du couchant

  • Ce sera de fait, cher GMC, le seul devenir non voulu de l'orchidée vers l'oiseau et de l'oiseau vers Mozart et de Mozart vers l'orchidée-oiseau, le dos tourné à l'intention, tout au balbutiement de chaque matin où se renoue le fil d'encre, dans cette autre langue que nous parlons dans celle que nous avons reçue, non dans l'avenir majoritaire mais dans le devenir involontaire et personnel d'on ne sait bien qui - je ne sais pas où je vais mais j'y vais...

  • A L'AIR LIBRE

    Le vent va
    Lui seul
    Mais rien ne bouge
    Dans les mouvements
    De l'intangible

    Le vent va et revient
    Dans sa forme de boomerang
    Qui ponctue un point d'un sourire
    Et la mer d'une virgule
    Sous les feux abrasifs

    Le vent ne vient jamais
    Il fait flotter
    La tapisserie du regard
    Dans les fluorescences
    De l'iridium incendiaire

  • Merci de parler des "Bienveillantes" qui restera pour une vingtaine d'années au moins le livre de référence . Le seul apte à répondre à cette question "Comment peut-on en arriver là ?" Question qui faudrait mieux se poser chaque jour devant la barbarie renaissante

  • Juste deux petites choses.

    1. Je viens de conseiller la lecture de ton blog a des amis.
    Ici :
    http://walterlewino.unblog.fr/2008/06/25/si-tu-prends-femme/#580
    Pour faire d'une pierre deux coups, je te consielle de suivre de près le blog de Walter Lewino et de participer aussi à ses jeux d'esprit et d'humour intelligent.

    2. Sachant qu'un ami prof d'anglais est en train de lire ce livre, je viens de lui envoyer la référence de ce billet... J'espère qu'il appréciéra.

    3. Enfin. en lisant tous ces commentaires, l'envie me prend de m'acheter le bouquinot ... pour le lire cet été.

    Mes félicitations.
    À bientôt ici même
    Sani

  • Merci, cher Sani aux moutons noirs avenants comme le loup blanc, pour cette amicale mise en pistes. Je t'offre ce matin, et à Walter, cette petite évocation d'un jeu proche du bilboquet chinois...

  • J'avoue que je n'arriverai pas à lire le livre de Littel. Au-dessus de mes forces, pas le courage. Peut-être parce que résonne encore dans ma tête un autre grand livre que je ne peux que conseiller à tous ceux qui ne l'aurait pas encore lu: "Le cheval rouge" de Corti. Un roman immense! Une force d'évocation du quotidien comme j'en ai rarement vue. Une traversée de l'enfer pénétrée de lumière (comme par exemple cette scène où la famille fait des sorbets alors que la seconde guerre mondiale tonne au loin).
    Pour en savoir plus: http://www.biblisem.net/littera/cortchev.htm

    Et bien entendu, "Vie et destin" de Grossman. Quelques notes à lire sur ce blog si je me souviens bien.

  • Ah ça c'est un peu fort Frédéric: figurez-vous que je suis justement en train de lire et d'annoter Le Cheval rouge. Ce matin passé la page 300, après la mort de Stefano dans l'atroce poche de Meskov et la blessure d'Ambrogio, jusetr au moment où Michel et le capitaine russe se découvrent une passion commune pour la poésie française. L'évocation de la déroute de l'armée italienne, la détresse absolue de ces troufions (étrangers au fascisme pour beaucoup), cette descente aux enfers du froid et de la guerre sont en effet sans beaucoup d'égaux. Plus fort qu'Orages d'acier de Jünger. Beaucoup plus émouvant que Littell parce qu'on est avec les gens d'en bas tout le temps. Plus intimement prenant que Vie et destin sans rien ôter à la grandeur de ce livre. J'y reviendrai sous peu car j'en note tout. Incroyable qu'on ait passé, et moi donc nul que je suis, à côté de cet immense bouquin...

  • Oui, alors ça c'est même très fort!

    Plus intime... oui, certainement tout est là.

    Ce livre m’a touché par la proximité avec les personnages. Ambrogio et Michele : deux figures qui m'ont donné à penser à hauteur de ma vie.


    Une scène me revient. Au retour de la guerre, Ambrogio voit sa mère prier... "Demandez et...". Et il dit: "Oui, c'est pour ça...". Pour ça qu'il a pu traverser à travers l'enfer, en revenir. Et reprendre sa vie quotidienne (on se demande comment il est possible de reprendre une vie normale après ça).

    Ce livre m'a aussi épuisé... physiquement parlant: la taille des pages dans l'édition française de l'Age d'homme, ces pages immenses que l'on traverse comme les plaines de Russie (vous dites vous-même avoir "passé la page 300"). Epuisé par l'horreur des camps que découvre Michele, horrifié par le tortionnaire que vous allez rencontrer plus loin dans le livre.

    Enfin, encore un de ces livres qu’on termine en se demandant: mais que va-t-on bien pouvoir lire d'aussi grand après ça? Et voici que quelques mois plus tard vous tombe entre les mains une autre merveille!


    Bonne lecture !

  • Je n'ai pu m'empêcher!...
    Lorsque j'ai vu Les bienveillantes, j'ai craqué: j'ai encore lu votre articles, puis vos articles, puis les commentaires, puis... Ca tourne à l'addiction.
    Comme l'a été la lecture du livre de Litell. Cette drogue je ne m'en suis pas remis: la désintoxication risque d'être laborieuse car mes yeux seront désormais constamment ouverts.
    C'est douloureux mais tellement enrichissant.
    L'esprit critique et le passage à l'âge adulte est à ce prix: un éclairage parfois éblouissant sur les choses de la vie.

    A très bientôt ici ou ailleurs.

  • Continue, p'tit larron marron. Tu leur feras la pige. A demain ici et partout. Et pas besoin de désintox: c'est eux qui sont camés......

  • Et oui, camarade, à aujourd'hui car je n'ose pas trop m'éloigner de mon dealer de peur qu'il parte pour je ne sais trop quel paradis helvétique sans me prévenir.
    Je feuillette, je fouine, j'inaugure quelques pages de ce blog plein de cache mystérieuse et de secrets, heureusement, bien mal gardés...

    A bientôt ici ou ailleurs.

  • Ce sera plutôt ailleurs mon pigeon. Près de Carrare, dans un immense parc rempli d'animaux déglingués. La cour des miracles des bestioles réchappées aux ravages de la route ou de la cruauté humaine. Nous y serons samedi. On y trouve des hérons manchots, des flamants roses mazoutés, des bonobos mutilés et des éléphanteaux rachitiques, des crocodiles arthritiques et des perroquets apoplectiques. Et là au milieu se promène un Paon. LE paon. Je l'ai baptisé Philippe Sollers. J'espère que tu auras le temps de faire un saut, sinon ce sera bien ici...

  • Cet ailleurs me convient. Tout comme cet ici.
    Cet ailleurs est un peu loin. Cet ici semble si inaccessible.
    Mais ils m'apprennent tous deux que l'homme parfois peut retrouver un peu de son humanité perdue.

    A bientôt ici certainement, ailleurs peut-être.

  • Jonathan Littel, à mon avis répond concrètement à la simple question "Pourquoi des centaines de milliers d'êtres humains ont soutenus activement ou passivement les pires abominations ?" Ce n'est certainement pas parce que c'étaient "des avortons affectifs", ça en ferait beaucoup trop. C'est tout simplement parce que nous avons tous une part "faible" en nous, et que cette part, si elle est encouragée peut devenir monstrueuse. Je précise être parfaitement athée, et ne pas me référer à je ne sais quelle culpabilité. Il est intéressant de lire les expériences sociologiques de Stanley Milgram à ce sujet: un individu parfaitement sain d'esprit peut être amené à faire ce qu'habituellement, dans des conditions où "il est lui-même", il ne ferait jamais. Il est parfaitement important de comprendre que ce sont des gens comme nous qui ont commis l'irréparable, parce qu'autrement plus personne n'est responsable de ses actes. L'auteur des "Bienveillantes" a démontré avec brio que l'on ne pouvait plus considérer que je ne sais quelle folie avait frappé les allemands, cela est beaucoup trop bête, beaucoup trop commode. Ce qu'ils ont fait, chacun d'entre nous peut le faire, et c'est bien en cela, que la responsabilité persiste et que la dignité humaine demeure

  • Quel billet passionnant et les commentaires le sont tout autant. Je remercie R. Dindo qui, sans le savoir, m'a fait vous découvrir.
    Je n'ai pas lu Les Bienveillantes, les pavés m'ont toujours fait reculer, je suis une lectrice si lente mais ce billet me donne bien envie de m'y mettre. Cependant, vous lire c'est déjà être moins ignorante.

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