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Les idiots utiles

medium_mao1.jpgMaos de Morgan Sportès

« Ceux qui ont tout cru pensent tout croyable », écrivait Guy Debord dans Cette mauvaise réputation, et le premier mérite de ce roman de Morgan Sportès tient au rappel, citations « incroyables » à l’appui, en tête de chaque chapitre, de l’extraordinaire jobardise manifestée par divers pontes de l’intelligentsia occidentale à l’égard du maoïsme, de Philippe Sollers à Pierre Guyotat en passant par Roland Barthes, Serge July ou André Glucksmann. Or le sinistre souvenir de la Révolution culturelle chinoise, dont la dénonciation des crimes valut à un Simon Leys d’être traîné dans la boue avant qu’on reconnaisse sa lucidité, a été largement documenté depuis lors, aussi ne reprochera-t-on pas trop à l’auteur de cette satire grinçante de mettre les rieurs de son côté. Campant avec brio un ancien « mao » bien installé dans le fromage de l’édition parisienne, qui a choisi de dire « oui » à la nouvelle société autant qu’à sa compagne Sylvie, et que rattrape soudain un ancien camarade le chargeant d’une mission « de guerre », Morgan Sportès compose, à (très) gros traits mais avec pas mal de verve et de drôlerie, une espèce de bande dessinée romanesque qui se corse formellement à la faveur d’une sorte de mise en abyme de la narration. Reste que le sujet est traité très en surface, qui laisse finalement à penser que l’auteur n’est pas moins « léger » que ceux qu’il brocarde…

medium_Maos.JPGMorgan Sportès. Maos. Grasset, 406p.

 

 

 

 

 

 

Florilège de la jobardise

Roland Barthes : « Les calligraphies de Mao, reproduites à toutes les échelles, signent l’espace chinois (un hall d’usine, un arc, un pont) d’un grand jeté lyrique, élégant, herbeux : art admirable présent partout ».
(Le Monde, 25 mai 1974)

Philippe Sollers : « Depuis 1968 la répression bourgeoise n’a pas cessé de frapper pratiquement en toute impunité, c’est-à-dire avec le soutien complice des révisionnistes ».
(Peinture, Cahiers théoriques, no 6/7, 1973.)

Pierre Guyotat : « Tout militant (communiste se doit d’exiger que cesse dans sa presse les calomnies contre la révolution culturelle chinoise, fait historique sans précédent, renouvellement radical du communisme ».
(Littérature interdite, 1972)

André Glucksmann : « Le nouveau fascisme, c’est aux salves de la Révolution culturelle prolétarienne chinoise qu’il répond »
(Les Temps modernes, 1972)

Nota Bene: A ces propos exquis doit s'ajouter le rappel du paragraphe des Samouraïs, roman de dame Julia Kristeva qui raconte une visite de la Grand Muraille par un quarteron d'intellectuels parisiens de haute volée, Sollers et Barthes en tête. A un moment donné, alors qu'un des promeneurs se demande avec ingénuité pourquoi Mao les a conviés aussi gentiment, Philippe Sollers émet cette sentence historique: comme quoi Mao se devait, pour toucher le monde entier et ses environs, de faire passer le message par le truchement des instances de consécration de l'avant-garde révolutionnaire parisienne, universellement prescriptives comme chacun n'est pas censé l'ignorer.

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