UA-71569690-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Devos l’émerveillé


medium_Devos.jpg
Hommage à l'ami public No1

La gloire céleste vient de happer Raymond Devos pour sa dernière envolée. Tous ceux qui l’ont applaudi se rappellent la considérable et légère baudruche qu’il mimait, filant dans les nébuleuses, à la fois clown singeant les vanités humaines et bonhomme à cœur d’ange s’exerçant à la chute ascensionnelle, léger et mouvant comme une grosse bulle qu’une piqûre d’humour ramenait sur notre vieille Terre en imaginant, plus grinçant à sa douce façon, que la télévision avait enregistré son dernier soupir…
On avait beau l’avoir vu et revu, dans un récital qui ne variait que par fines bribes d’une année à l’autre sans se répéter pour autant : Raymond Devos ragaillardissait chaque fois son ami public avec la même truculence, le même souffle de mammouth au cœur d’enfant, la même verve de jongleur du langage jouant avec les mots pour en éclairer les facettes et s’en étonner, ou nous confronter à l’étrangeté, à l’absurde, à la cocasserie surréaliste de tant d’expressions toutes faites, au fil de trouvailles à n’en plus finir qui faisaient de son feu d’artifice une féerie. « Si ma femme doit être veuve, j’aimerais mieux que ce soit de mon vivant », lançait-il ainsi. Ou bien : « Qui prête à rire n’est jamais sûr d’être remboursé »…
Il y avait du clown de Fellini chez Devos, qui mettait une salle dans sa poche avec des clins d’yeux gros comme ça mais sans démagogie ni vulgarité. Avec trois fois rien, il créait une atmosphère, et c’était un monde. Un vibraphone, des bulles irisées, un trombone à surprises, un violon minuscule sortant de sa mère majuscule, un raton-laveur surgi de l’inventaire de Prévert et la magie agissait, qui relevait d’une poésie rare aujourd’hui chez les humoristes. Des plus médiatiques de ceux-ci, il se distinguait en n’abordant jamais deux thèmes de leur fond de commerce : la politique et le sexe. D’aucuns, à ce propos, trouvaient Devos trop gentil, par opposition au percutant Bedos. Or Raymond Devos n’était pas gentil : il était bon. Et de quel parti est donc la bonté ? La question paraissait incongrue dans le cas de Devos, qui n’avait rien pour autant de sucré ou de flatteur. Optimiste, il n’en accusait pas moins, dans les grosses valises qu’il avait sous les yeux, des traces de larmes versées sur le monde comme il va ou plutôt ne va pas. Mais ce pachyderme était un délicat, qui s’avançait sur un fil, avec un sens de l’équilibre qui signalait également un immense métier. De fait, son art de la suggestion était l’aboutissement d’une longue pratique où, à côté du travail sur le texte, le mime, la chanson, la manipulation d’instruments ou d’accessoires les plus variés contribuaient à l’aspect « polyphonique » de ses spectacles
Il est important alors de rappeler que Raymond Devos, touilleur rabelaisien de la langue française, était Belge d’origine et, à ce titre, marqué par le surréalisme ambiant du plat pays de Brel. « J’aime à être pris en flagrant délire », déclarait-il comme aurait pu le faire un Michaux, génie belge d’une autre dimension mais qui partageait sa légèreté de Plume…

Cet hommage a paru dans le quotidien 24Heures du 16 juin.

Commentaires

  • Bel hommage que celui-là à l'humaniste lettré et au clown littéraire qu'est et que restera, même décédé, ce voyageur céleste et surréaliste de Raymond Devos. Adieu l’enfant-artiste.
    http://dorianepurple.hautetfort.com/

  • Thanks a lot little prince of Nowhere. Et ravi de retrouver le texte de l'ouïe de l'oie sur ton papyrus virtuel. Allez-y voir, vous autres... On y trouve aussi les aliens de Giger et l'histoire des Vaudois. Doriane a trois yeux pour voir. Panoptical rocker...

  • Merci pour ce discours plein de panache.
    Bienvenue dans le panégyrique de mon pandémonium intérieur et le panorama pantelant de mes pantalonnades aux faims pantagruéliques.

    Au prochain passage, I'll be back!
    Pour l'instant, je retourne chez mon oculiste récupérer mon troisième oeil...

Les commentaires sont fermés.