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L’enfance de l’art

Butor et les clichés (3)
Un poète qui se prenait au sérieux, au début du XXe siècle, décida de tordre le cou à la rhétorique. Cela partait sûrement d’un bon sentiment et ne manqua pas, non plus, de faire le lit d’un nouvelle convention langagière . Ainsi en a-t-il été de la chasse aux clichés.
A la fin du même XXe siècle, rares furent les poètes qui osaient encore célébrer la bluette printanière ou le joyeux sentier, et telle ou tel qui se fussent permis d’intituler leur poème Vers l’été pour l’amorcer avec ces vers :
« Les nuages se séparent
avec regrets
Les plaques de neige se fendillent
pour laisser perler un torrent »,
eussent  été montrés du doigt comme de probables ringards. Non, décidément, un poète ne pouvait pas écrire cela à la fin du XXe siècle :
«Une à une
dans les stations de ski
les remontées mécaniques
se taisent
«Les cascades
par contre
font éclater leurs fanfares »…
Michel Butor ose écrire « par contre » dans un poème. Il est un peu gonflé, Michel Butor, qui ose écrire dans Vers l’été :
« Le sentier a décidé
De nous faire une surprise
Non seulement l’échappée
Sur des cimes encore neigeuses
Mais le faufilement d’une couleuvre »…

N’est-ce pas la niaiserie même ? Non ce ne l’est pas : ce lait fleure l’enfance de l’art. Cela fleure l’aigre petit lait d’une enfance à l’époque du Front populaire.

Le troisième (1936) du recueil de Seize lustres renvoie en effet aux cours de récréation de l’écolier de dix ans et telle image en découle malicieusement :
« Le grand-père ingénieux
installe un petit moulin
à aubes
dans une rigole »
Moulin à paroles…

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