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Le livre objet magique


Entretien avec Teresa Cremisi

Après des années passées dans le saint des saints de l’édition littéraire parisienne, au titre de bras droit d’Antoine Gallimard, Teresa Cremisi a crée la surprise, l’an dernier, en reprenant la direction des éditions Flammarion et de la nébuleuse éditoriale attachée à cette enseigne.
- Comment le livre vous semble-t-il se porter aujourd’hui ?
- Ecoutez, la fin du livre est annoncée, autant qu’il m’en souvienne, depuis l’apparition de la radio, puis de la télévision, plus récemment avec l’explosion de l’internet, mais finalement il reste ce qu’il est : un produit quasi parfait. Nomade, de coût modéré, assurant à chacun connaissance ou divertissement, il ne peut être remplacé par tel ou tel moyen lié aux nouvelles technologies. Sa diffusion en ligne, redoutée par d’aucuns, lui ouvre une immense bibliothèque, impliquant seulement un contrôle rigoureux des droits, pour la défense des éditeurs autant que des auteurs. On a parlé de son remplacement par l’e-book ou le livre enregistré, mais là encore ce ne sont que des extensions. Le livre a donc encore une longue vie devant lui.
- Que pensez-vous de la pléthore des publications de la rentrée ? Ne va-t-on pas vers une saturation dommageable pour tous ?
- Le phénomène est typiquement français, initialement lié à la saison des prix littéraires. Pour le moment, le marché n’accuse pas d’effets négatifs de ce phénomène, mais je crois que les éditeurs, progressivement, par réflexe de défense, vont freiner le mouvement. Il est certain que de cette surabondance découle une certaine déperdition, autant pour les premiers romans que pour des auteurs peu médiatisés. Mais c’est également un gage de diversité.
- La « starisation » des écrivains vous semble-t-elle une bonne chose ?
- Ce n’est pas un phénomène nouveau, même s’il est amplifié par la télévision. Mais certains livres s’imposent sans battage, et je n’obligerai jamais un auteur à paraître. S’il préfère rester à l’écart, cela ne m’empêchera pas de le défendre si je crois en son livre.
- Auriez- vous « géré » le lancement du dernier roman de Michel Houellebecq tel qu’il l’a été, si celui-ci n’avait pas quitté Flammarion pour Fayard ?
- Certainement pas ! Non, nous nous serions contenté d’annoncer la parution du livre, sans entretenir ce « cirque » finalement contre-productif pour le roman autant que pour l’auteur.
- Quelle marque personnelle aimeriez-vous imprimer au catalogue de Flammarion ?
- Il y a d’abord une grande tradition à perpétuer, puisque la maison a été celle des Braudel, Duby et autres Furet, fleurons de la science historique. En littérature, nous allons relancer un travail de prospection plus soutenu. Une nouvelle collection me tient aussi à cœur, intitulée Café Voltaire et dans laquelle nous publierons des essais d’écrivains que nous apprécions.
- La lectrice passionnée que vous êtes n’est-elle pas phagocytée par la gestionnaire ?
- L’édition a cela de particulier que vous ne pouvez publier de livres sans vous y intéresser. C’est cela aussi le livre : c’est un bien immatériel qui se transmet sous cette forme toute simple, qu’on ne peut améliorer. Pour tout dire, le livre est un objet magique…
Cet entretien a paru dans l’édition de 24Heures du 28 avril.
Photo de Janine Jousson.

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