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EXIT ou l'ultime secours

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Exit, le droit de mourir, de Fernand Melgar
Prix du meilleur documentaire suisse 2006


Il n’y a qu’un pays au monde où, du fait d’un vide juridique, l’assistance à l'auto-délivrance des incurables est autorisée : la Suisse. Un film en a documenté le rituel impeccable, dont le dernier geste est l’administration d’une « potion ». La scène, filmée en temps réel, et aboutissant à une mort non moins réelle, est à la fois insoutenable et bouleversante, qui réunit une femme dont la vie est devenue un tel enfer de douleur physique qu’elle a décidé de mourir, sa plus proche amie et l’accompagnateur, le docteur Jérôme Sobel, médecin lausannois, juif pratiquant et président d’Exit Suisse. Ainsi s’achève Exit, ce film de Fernand Melgar dont la projection initiale au festival Visions du réel, au printemps 2005, a fait grande impression, et qui a été consacré par le Prix du meilleur documentaire suisse aux Journées de Soleure de janvier 2006.
« Je n’ai pas voulu faire un film sur la mort », explique le réalisateur dont la propre existence a été marquée par la fin tragique d’un de ses enfants. « Ce que j’ai voulu montrer touche plutôt à la question de la dignité humaine : j’ai tenté de comprendre, et donc de faire comprendre, jusqu’à quel point la vie était supportable. Je sais que la question du suicide et de l’accompagnement de celui-ci pose d’énormes questions d’ordre éthique, religieux ou social, mais mon film n’est pas un reportage « objectif » qui expose les éléments d’un débat. Ce qui m’est apparu, lorsque j’ai approché les gens d’Exit, c’est que je devais parler surtout des accompagnateurs. Qui sont ces gens qui prennent sur eux d’aider un de leurs semblables à mourir ? Et comment ces bénévoles le vivent-ils ? Voilà ce que j’ai voulu documenter, à l’exclusion de toute propagande en faveur d’Exit. En temps que documentariste, j’essaie de montrer le monde tel qu’il est, sans multiplier les prises ni rien faire « jouer » à ceux que je filme, sans prendre parti non plus».
C’est en effet un film vu « du dedans » qu’ Exit, qui nous fait découvrir un monde insoupçonné, un rien feutré, très Helvétie propre-en-ordre, presque effrayant si l’on ne sentait un immense respect humain chez ceux-là qui pourraient faire figure d’« anges de la mort ». Tout ce qui se passe là, du central téléphonique où est fait le « tri » des cas recevables ou non (comme cette dame qui aimerait qu’on la délivre de son cafard matinal…), aux entretiens préparatoires, des messages de désespoir qui s’accumulent sur le répondeur de l’accompagnatrice aux réunions des bénévoles faisant le bilan de leurs « cas » respectifs – tout est « histoire de vie », où l’on perçoit autant la bonne volonté que l’accablement, dont quelque petits mots d’humour soulageront ici et là le poids. Au milieu du film, deux accompagnatrices se retrouvent dans la nature apaisante, soudain envahie de brume fantomatique (absolument imprévue par le cinéaste, soit dit en passant), et tout est alors poétiquement suggéré de ce qui ne peut s’exprimer par des mots.
Pour obtenir cette « intimité », qui fait oublier complètement la caméra de Fernand Melgar, celui-ci s’est littéralement immergé dans ce petit groupe de gens de bonne volonté, en évitant de filmer les scènes les plus pathétiques.
« J’ai rencontré quantité de gens et découvert autant de situations, mais je ne voulais pas accumuler les anecdotes ni donner dans le voyeurisme ou la sensation. Ce qui m’a le plus frappé, c’est la dignité des uns et des autres, et notamment dans ce rituel presque sacré que les accompagnateurs s’efforcent de recréer. Lorsque le docteur Sobel, après avoir demandé plusieurs fois, avec la plus insistante prévenance, si Micheline était bien décidée à s’en aller, et qu’il lui dit, à la toute fin, « que la lumière vous conduise vers la paix », il me semble qu’il fait ce que ne font plus le pasteur ou le curé… »
Si le film de Fernand Melgar se défend de toute prise de position, il n’en reste pas moins qu’ Exit a soulevé et soulèvera encore de nombreuses questions et débats, tant éthiques et religieux que juridiques.
« J’aimerais que mon film fasse réfléchir à des questions qu’on évacue le plus souvent dans la société actuelle », conclut le réalisateur. « De même que les rites funéraires disparaissent, tout ce qui touche à la mort est escamoté ou esquivé, alors qu’elle fait partie de la vie.»

Melgar22.jpgFernand Melgar. Exit-le droit de mourir, 1h.15. Disponible en DVD

Commentaires

  • "Il n’y a qu’un pays au monde où, du fait d’un vide juridique, l’assistance à l'auto-délivrance des incurables est autorisée : la Suisse."
    S'il y a des personnes exemplaires tel que ce reportage les présente, il y aussi les sordides hôtels pour étrangers désespérés où l'on vous dépose la "potion" contre monnaie sonnante et trébuchante, vous laissant seul ensuite face à votre choix...

    Il y a aussi des pays mitoyens, plus hypocrites, où le sang a coulé pour qu'un quatre août l'humanité avance et où l'on a oublié... où le législateur a été obligé de rédiger de nouvelles lois en 2005, rappelant que ces principes fondamentaux de la République s'appliquaient aussi aux personnes handicapées et aux mourants...
    De tout temps, dans le secret feutré des foyers et des services, des cocktails ont existé et ont été délivrés par humanité, sans toujours se vouloir être létaux, aux moins sédatifs. Où est la dignité? ce n'est qu'au cas par cas qu'elle se défend. L'acte létal, n'est il pas le mythe de la toute puissance médicale alors que la peine de mort a été supprimée... Pour soulager qui. le patient, les proches, les soignants en échec?
    Dans des pays où ces pratiques sont interdites, l'on peut par contre mourir d'avoir perdu son nom et son prénom... la loi dite Léonetti, permet à "deux médecins sans liens hiérarchiques entre eux" de décider de l'arrêt de soins thérapeutiques pour un patient... quid de l'avis de ce dernier? Un exemple parmi d'autres
    Daniel y est mort avant Pacques 2008, en toute légalité parce que deux médecins ont décidé par téléphone, sur dossier et sans le connaitre, que compte tenu de son lourd handicap, ils n'évacueraient pas l'abcès qu'il présentait, se contentant d'antibiotiques, alors que le premier berger sait que pour sauver sa brebis un coup de canif vidant le pus peut la sauver... Mais Daniel n'avait même plus la valeur de la viande... Ce n'était plus qu'un homme dépendant coutant à la société...
    Daniel, même s'il était confiné au lit par un spina bifida était un homme de 50 ans, gai qui n'avait jamais exprimé le souhait de mourir, toujours près à plaisanter... c'était la raison de vivre de sa maman, mais il avait un visage mongoloïde, des jambes Thalidomides, un psoriasis et des calculs dans les reins...

    A l'heure où les urgences sont saturées et où une personne âgée peut y attendre 20 heures sur un brancard, où à 75 ans, on est transfusé dans un couloir faute de lit d'accueil, où la nouvelle tarification des actes médicaux fait refuser les patients non rentables dans les hôpitaux, le problème de ceux qui souhaitent mourir avec une aide ne se posera pas longtemps, même sans légalisation de l'euthanasie!

    Fernand Melgar pourra bientôt avoir son prochain prix en faisant un documentaire transalpin sur ceux qui veulent vivre mais n'ont plus accès aux soins...

  • Merci pour ce témoignage touchant à une question si délicate, aux implications que le film de Melgar est loin de documenter de manière exhaustive, sa focalisation portant essentiellement sur le rôle des accompagnants de l'Association Exit, très rigoureuse dans ses principes et ses règles d'application. Il en dit peu, en revanche, sur ce que vivent les proches des requérants d'euthanasie et trop peu, à mon goût, sur les aspects éthiques, philosophiques ou religieux que cette question soulève - mais tel n'était pas son propos. Le drame que vous évoquez n'est sûrement pas une exception française, et le côté propre-en-ordre d'Exit n'a pas non plus à nous abuser sur une exception helvétique qu'on aurait à nous envier. En ce qui me concerne, j'ai tendance à penser que le "cas par cas" vaut peut être mieux qu'une publicité tapageuse (comme on l'a vu récemment en Italie) ou qu'une législation banacale, mais peut-être ai-je tout faux ?    

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