Une belle rencontre occulte aux Petites Fugues ; à propos de Quelle nuit sommes-nous ? de Hafid Aggoune.
A La Désirade, ce dimanche 20 novembre. – Il a fait un froid de loup, ces derniers jours par les hautes terres de Franche-Comté, où les rencontres chaleureuses se sont pourtant multipliées pour les dix-sept écrivains français et suisses invités à ces Rencontres littéraires itinérantes, de Montbéliard à Audincourt en passant par Poligny, Belfort, Dole et Les Fourgs, Arbois ou Champagnole, entre autres, où les uns et les autres ont fait escale dans telle bibliothèque ou tel centre culturel locaux. Ainsi suis-je allé, pour ma part, parler vendredi après-midi d’un de mes livres (Le maître des couleurs) au collège Pergaud de Pierrefontaine-les-Varans, devant une classe plus à l’écoute qu’en veine de discussion, en dépit de l’attentive préparation de Marie-Agnès Pinault , et le soir, dans la froidure des Fourgs, évoquer les lectures de mes Passions partagées, à l’invite de la bibliothécaire Blandine Duquet, avant de participer, samedi après-midi à Besançon, à un débat sur la lecture (avec Agnès Desarthe, Emmanuel Adely et Mona Thomas) animé par Dominique Bondu, directeur de la manifestation, préludant à une assez éberluante performance de François Bon disant, de la voix et de tout le corps, accompagné par le violoniste Dominique Pifarely, des extraits de Pantagruel et du Quart Livre avec une intelligence physique du texte et des commentaire de la meilleure sauce.
La vraie rencontre pourtant, en ce qui me concerne ou plutôt les vraies rencontres ont été celles de Christophe Fourvel, qui m’a piloté de lieu en lieu et en qui j’ai découvert un lecteur complice (il a fait le voyage de Montevideo sur les traces d'Henri Calet) et un auteur (je reviendrai sur son dernier livre, où il évoque ses grandes émotions cinématographiques) et, cette nuit même, à mon réveil à cinq heures, dans notre chambre d’hôtel de Besançon aux matelas spartiates, celle, occulte, de Hafid Aggoune, par le truchement de son deuxième livre, Quelle nuit sommes-nous ?, commencé à fleur de sommeil et lu ensuite à haute voix (c’est ma moitié qui conduit toujours) sur la route du retour, enfin achevé dans la lumière retrouvée du lac.
Livre de lumière arrachée à la nuit, livre à la gloire du livre dont le protagoniste dit qu’il est le seul objet «plus grand que le monde », livre de révolte et d’amour, de fugue absolue et de vraie relation: nul autre ne pouvait m’arriver à meilleure heure, comme toutes ces rencontres inattendues et d’autant plus miraculeuses qui nous adviennent.
Seul regret alors: de ne l’avoir pas lu hier déjà, pour dire au public du Musée du Temps devant lequel nous évoquions nos passions de lecteurs, que ce livre d’un garçon de trente-trois ans méritait d'être lu toute affaire cessante, exprimant dans une langue extraordinairement limpide et musicale toute la colère pure devant l'aliénation et tout l’amour, toute la ferveur et tout le désespoir d’un jeune homme devant « cette longue nuit d’humanité » dans laquelle nous sommes tous à nous débattre avec, au cœur, comme une flamme dans la tempête, cette « petite phrase bouleversante au cœur d’un être » dont parle Max Dorra, autre rencontre pour moi décisive de ces derniers temps. Mais je reviendrai, au cœur de la nuit prochaine, à la sombre et non moins étincelante merveille que représente à mes yeux le livre de Hafid Aggoune…
Commentaires
pour revenir encore un peu sur hafid aggoune, y'a un entretien sympa sur Le Livrophile à propos de son dernier roman. à voir : http://www.lelivrophile.com/index.php?option=com_content&task=view&id=32&Itemid=1
bisous
Bonjour JLK,
Je suis hors-sujet désolé, mais je vous ai vu hier, à la librairie de l'Âge d'Homme, rue Ferou, au coin de Saint-Sulpice (église dont Huysmans moque la ressemblance avec une gare dans "Là-bas", et dans l'une des deux tours de laquelle il fait imaginairement loger Bloy avec qui il s'est réellement brouilé) : vous étiez tapi dans le dossier H "Léon Bloy", non loin d'ailleurs de quelques sentences de Nabe qui m'a déjà mené à vous une fois... "Bouche d'or et langue de bois", beau titre! J'ai feuilleté un peu, ai bien aimé les premières lignes rapprochant le mystique du poète dans la commune nostalgie d'un langage antique...
35 euros le dossier H qu'ils l'avaient mis les cochons!!! Et dire que je l'ai offert il y a dix ans, acheté en solde pour 5 fois moins cher! Je vais essayer de retrouver mon ami puis mon cadeau pour lire votre texte, à moins que vous ne lui donniez une seconde vie en ligne...
Un autre nom que je n'ai pas cessé de croiser lors de ma tournée des solderies et qu'il me semble avoir déjà croisé ici : Haldas. Je crois à ces signes, je vais donc creuser.
Bien à vous JLK
Comme c'est intéressant: vous m'avez vu à la librairie de la rue Férou`alors que je nourrissais mon écureuil américain à La Désirade, au milieu des neiges. Charlie parvient maintenant à ouvrir tout seul la boîte de graines des mésanges huppées. Il me considére de son oeil vif avec un mélange de fureur et d'expectation curieuse. La vie est décidément attrayante. Pour ce qui est de Georges Haldas, je vais y revenir sous peu dans ce blog pour en évoquer nos multiples rencontres...