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Le romancier sentencieux


Les indigestes Festins secrets de Pierre Jourde


Le sentiment que tout est jugé d’avance m’a toujours paru rédhibitoire en matière romanesque, et c’est ce qu’on ressent de plus en plus lourdement à la lecture des Festins secrets de Pierre Jourde, dont tous les personnages observés par Gilles Saurat, le protagoniste (jeune prof qui n’a l’air d’apprécier que sa chère personne civilisée, au milieu des barbaresques), semblent plus odieux les uns que les autres.
Voici par exemple comment ledit Gilles voit ses élèves « sur fond de puanteur visuelle » : « Observe-les mieux, détaille leurs têtes rabougries ou leurs faciès bouffis, leurs regards biaisés, leurs sourires faux révélant des dents déjà pourries, la vieillesse précoce qui les décompose à même l’enfance. Leur esprit est constitué d’un ricanement. Leur chair est modelée par la perversité, cariée jusqu’à l’os, jusqu’à l’âme. Tu refuses encore de croire qu’ils sont perdus. Mais ils le sont, à seize ans. A jamais" .

Vous voyez ça: un gosse perdu à seize ans ? A jamais perdu ?
Dans les chapitres suivants, Gilles évoque les coïts plus ou moins « satisfaisants » qui ont marqué ses relations avec Marielle, en fonction d’un certain « cahier des charges », puis le sinistre dîner chez sa logeuse, où se retrouvent les plus lugubres vampires de la bourgade où se passe le roman.
Or curieusement, la noirceur voulue de celui-ci n’a rien à voir avec la couleur radicale d’un vrai roman noir : on a juste l’impression que l’auteur a chaussé des lunettes souillées. Le protagoniste (et l’auteur sans doute) prétend avoir le  goût du réel, mais la réalité de Festins secrets n’est qu’une exagération scolaire du pire, tout y est trop sciemment vicié pour qu’on perçoive encore de la vie là-dedans, les personnages y sont cloués dans leurs grimaces, sans la beauté des masques d’Ensor ou des superbes gueules des plus grinçants expressionnistes. Je me rappelle ce roman sublime de noirceur qu'est J'étais Dora Suarez, où l'auteur, ce voyou camé de Robin Cook, se gardait pourtant de juger son terrifiant psychopathe. A l'opposé, Festins secrets sent le labeur de  prof, la démonstration appliquée et sans humour, et je me demande si je vais continuer de cheminer en compagnie de son vieil ado sentencieux qui voit partout des pervers et des abominations horrifiques, se dandinant lui-même comme un touriste au enfers...
On se rappelle du procès instruit par Pierre Jourde dans La littérature sans estomac, où il disait des choses parfois justes sur la foire aux vanités des lettres parisiennes. Mais alors, déjà, m’avait frappé la faiblesse de ce que défendait le pamphlétaire, et ses crispations pusillanimes de pion. Tout différent en cela d’un Bloy, aussi génial dans ses vitupérations qu’inspiré dans ses imaginations d’artiste, des nouvelles de Sueurs de sang aux Histoires désobligeantes. Or, la différence est que Léon Bloy aime autant qu’il agonit, tandis que Jourde ne fait pour le moment que piétiner, et encore, avec la tête plus qu’avec les pieds…

Commentaires

  • Piétiner avec la tête en se dandinant comme un touriste au enfers... est un exercice qui doit finir par faire mal au ventre. :-)
    J'avais bien aimé la méchanceté et l'écriture de "littérature sans estomac", il y avait là un vrai talent de polémiste. Les polémistes sont rarement de bons romanciers.

  • Oh ben zut alors, si à 16 ans on est déjà "un gosse perdu" ! Et à 17 ans, c'est encore pire, je suppose... Je suis périmé. Tant pis, je ferai avec. Mais je ne lirai pas ce livre. Manquerait plus que ça. Non mais !

  • LOUDUN (Vienne) (AFP) - Le 14e prix Renaudot des lycéens a été attribué à Pierre Jourde à l'unamité pour "Festins secrets" (éd. L'Esprit des péninsules), a annoncé jeudi le jury, réuni à Loudun (Vienne).

  • je regrette, mais sans avoir encore lu l'auteur, je pense aussi que certains êtres sont déjà foutus à 16 ans, irrécupérables...Il faut croire que cette remarque à trouvé écho chez les lyceens du goncourt.

  • j'ai trouvé ce roman un peu lourd, un peu long mais plutot tres bien écrit. j'ai aussi beaucoup apprécier sa méchanceté qui peut sembler gratuite mais qu'n peut aussi trouver pertinente à l'qune des evenements recents. Bref, à l'opposéE du mièvre, du fade et de l'angelisme de la bonne conscience de gauche ce qui nous change un peu.

    pour info, si l'auteur du texte au dessus avait vraiment lu la littérrature sans estomac il saurait que la seconde partie parlait longuement des auteurs qui trouvaient grâce aux yeux de jourde tels que chevillard etc ....

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