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Harold Pinter le résistant


Le Prix Nobel de littérature 2005 avait consacré le plus grand dramaturge anglais vivant, dont le théâtre est marqué par uPinter.jpgn rire panique. Pinter vient de nous tirer sa dernière révérence.

C’est un écrivain de théâtre et un personnage public unanimement respecté, en dépit de ses légendaires coups de gueule, qui fut consacré par l’Académie de Stockholm en la personne du dramaturge anglais Harold Pinter. Après le choix controversé de l’Autrichienne Elfriede Jelinek qui avait provoqué la démission bruyante d’un des leurs, les académiciens suédois ont soigné leur crédibilité en consacrant une œuvre théâtrale à la fois novatrice et mondialement reconnue, dont l’exigence éthique de l’auteur s’est également manifestée sans relâche sur le devant de la scène publique. Encore marqué par les stigmates d’une chimiothérapie, Sir Harold prit en effet la parole à Hyde Park, en février 2003, lors de la manifestation monstre contre la participation de l’Angleterre à l’intervention en Irak, déclarant par ailleurs dans un entretien : « Je craindrais fort, si je me tenais en face de Tony Blair, de lui cracher dans l’oeil ». Cela pour le style du personnage, qui a exorcisé son cancer en composant des poèmes empreints de la même rage… Mais Pinter, citoyen non aligné qui fut objecteur de conscience à dix-huit ans, et dramaturge aux thèmes explicitement politiques dans les années 80, est également un artiste accompli et l’inventeur d’une sorte d’infra-langage (ce qui se dit sous les mots, derrière les silences ou dans les formules les plus creuses en apparence) caractérisant ses « comédies de menace ».
D’abord comédien sous le nom de David Daron, ce fils de tailleur juif vit sa première pièce montée en 1957, et c’est en 1960 que le succès lui vint avec Le gardien, Suivi par La collection (1961) et Le retour (1965), notamment. Depuis lors, Le gardien a fait le tour du monde. Par ailleurs, les cinéphiles se rappellent les trois films de Joseph Losey dont Pinter composa les scénarios : The Servant, Accident et Le messager. Pour le même Losey, Pinter conçut également une adaptation d’ A la recherche du temps perdu de Marcel Proust, qui ne fut jamais tournée mais que Gallimard a publiée l’an dernier sous le titre Le Scénario Proust, parallèlement à l’édition conjointe de la première (La chambre) et de la dernière (Célébration) de ses pièces, séparées par quatre décennies mais restituant leur époque (la dèche matérielle et morale d’après 45, et le cynisme des yuppies d’aujourd’hui) avec la même acuité, le « vieux » Pinter étant peut-être plus radical que jamais quant à l’économie du langage.
Souvent apparenté au théâtre de l’absurde, Harold Pinter apparaît plutôt, aujourd’hui, comme l’inventeur subtilement réaliste (saisissant aussi bien l’absurde de péripéties réelles) d’une dramaturgie tragi-comique déterminée par les conditions de la vie actuelle, où se trouve accentuée la terrible solitude de l’individu tendant « délibérément à esquiver la communication », selon les propres termes de l’écrivain. Moins porté au lyrisme métaphysique qu’un Samuel Beckett, et moins ouvertement violent qu’un Edward Bond, Pinter fait figure de résistant aussi sensible à la condition humaine qu’il paraît mal embouché. « Je ne cherche certainement pas l’universalité », conclut-il ainsi à sa façon : j’ai assez à faire pour écrire une foutue pièce »…

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