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Une possibilité d'île à l'horizon

 

Et si le dernier Houellebecq
était un livre intéressant ?



Il est moche, il traîne une méchante déprime, il dit parfois n’importe quoi à l’oral et son style n’est guère plus académique à l’écrit, mais des centaines de milliers de lecteurs, et surtout dans les étranges pays étrangers, estiment que Michel Houellebecq est l’écrivain français le plus intéressant du moment. Et si c’était vrai ?
Ce qui est sûr, c’est qu’on ne pourra le confirmer que mercredi, à la parution locale et mondiale de La possibilité d’une île, chef-d’œuvre annoncé que (presque) personne n’a lu jusque-là et dont tout le monde connaît déjà le contenu, du fait d’une campagne de publicité relançant, après Harry Potter, la pratique de la rumeur-carotte et de l’embargo-bâton.
Du multipack (le magazine + le DVD) ultra-complaisant des Inrockuptibles à la bande-annonce hyper-consentante de Philippe Sollers défiant l’Académie Goncourt dans le Journal du dimanche de louper le coche, en passant par les petites phrases-hameçon lancées ici et là, les entretiens accordés au compte-goutte et les bonnes feuilles alléchantes, la piste a été damée pour le champion virtuel.
Dans cette avant-vague tsunamique, on notera que même les coups de gueule et autres manœuvres de dénigrement ont valeur promotionnelle. Deux pages saintement indignées, dans l’hebdo Marianne, ou tel pamphlet plutôt mal fagoté d’Eric Naulleau (sous le titre d’Au secours Houellebecq revient !), contribueront aussi bien à l’emballement médiatique programmé par la squadra de l’éditeur.
Il faut dire que la nouvelle écurie de Michel Houellebecq, la maison Fayard (où courent déjà les internationaux Soljenitsyne et Kadaré) et son coach haut de gamme (l’agent François Samuelson, qui « gère » Alexandre Jardin et Philippe Djian) ont du blé semé à récolter après avoir négocié le transfert du poulain teigneux, déjà passé du confidentiel et hyper-littéraire Nadeau au plus commercial Flammarion, à hauteur d’un million et demi d’euros pour le chouette package (le livre + le film).
Tout cela mérite-t-il la qualification de « scandale » gravement assenée en couverture par Marianne, incriminant du même coup « le capitalisme contre la littérature » ? Bernard Grasset, entre deux guerres mondiales, ne lança-t-il pas son poney Radiguet comme un savon Cadum de l’époque, et le premier éditeur de la série des Maigret de Georges Simenon eut-il moins de scrupule à convoquer le tout-Paris à un sensationnel Bal anthropométrique ? On s’effarouche, comme lorsque l’agent du romancier quebecois Michel Tremblay loua un avion auquel il accrocha une banderole à la gloire du dernier livre de son auteur, mais la qualité de celui-là, ou le talent de l’écrivain en question en ont-ils pâti pour autant ? Et Marianne eût-elle autant chipoté si son chroniqueur avait reçu, par coursier personnel, le bouquin fameux ? Et réserverons-nous un mauvais sort à celui-ci sous prétexte que notre confrère de la NZZ am Sonntag l’a reçu avant nous ?
La littérature est-elle soluble dans le capitalisme : telle est en somme la question. Aux dernières nouvelles, le prix Nobel sud-africain J.M. Coetzee aurait droit au même type de marketing appliqué à Michel Potter et Harry Houellebecq, à base de rétention et de lancement synchrone. Est-ce à dire que ce grand écrivain avéré ait vendu son âme au diable et que ses livres s’en trouveront altérés ?
Une fois encore, attendons d’avoir réellement lu les 490 pages de La possibilité d’une île avant d’émettre le moindre jugement. Il ne sera pas facile, sans doute, de lire ce livre comme il en irait de n’importe quel autre, mais tel est le défi après la première surprise, mémorable, que fut, en 1994, la découverte d’ Extension du domaine de la lutte.
L’amer Michel a-t-il vraiment signé, comme on le chuchote, son meilleur livre avec La possibilité d’une île ?
Et si c’était vrai ?

Commentaires

  • En effet, les librairies de Bâle exposent déjà en vitrine "Die Möglichkeit einer Insel". Mais quand on entre dans le magasin et que l'on demande l'édition française, on nous dit qu'elle n'est pas encore sortie...
    Je ne comprends rien au marketing (et d'ailleurs je ne cherche pas plus que ça à comprendre), mais pourquoi faire sortir la traduction avant le texte original?
    Décidément, tout cela me dépasse. Tant pis. J'achèterai le livre quand il se décidera à sortir. De toute façon, je ne suis pas pressé. Toute cette campagne, si elle a tout d'abord excité ma curiosité, a fini par m'écoeurer un peu...

  • Das verstehe ich doch. Auch kann mann ein wenig träumen, indem sie hie und da ohne immer so rasch laufen. Schon hab ich zwar diese Insel auf meinem Tisch, aber surfing hab ich auch gerne, und was ? Sind wir Schäfe oder ? Wo studierst du heute Abend Bruno ? Kennst du die Bodega espanola ? Oder wirst du beim Satan's Hölle dir etwas lehren lassen ?

  • bonjour,
    j'ai deux questions à vous poser ; elles arriveront un peu comme un cheveux dans la soupe -j'ose esperer ne pas patauger- et du goût vous en ôter. Veuillez également excuser mon orthographe, douteuse, pour la personne qui en use à cet instant. Passée ces considérations je puis une distance brisée..
    Le cheveux, c'est le rapport -qui n'existe pas- avec la nature de mon commentaire ; la soupe, c'est la littérature, que dans mon cas je peux qualifier de populaire. Enfin, bref ;
    La première de mes questions, savez-vous comment protéger par Copyright un texte produit sur internet ?
    La seconde, connaissez-vous un ecrivain qui ai fait ses armes dans un péage parmi ses nombreux petits boulots ?
    J'aurai bien d'autres questions ; je m'efforce chaque jour d'y trouver des réponses donc je les reporte au lendemain. Je ne termine jamais ce que je commence ; je continue de douter..
    Par avance, soyez-en remercier.
    debout dans l'air

  • Pas de souci Gaby: le copyright, je n'en sais rien mais vous pouvez le demander à Elisabeth Flory, c'est la cheftaine du rayon. Quant à l'écrivain péager, il me semble bien que Philippe Djian a commencé comme ça, mais c'est à vérifier dans sa bio.

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