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Acide sulfurique non sulfureux

A La Désirade, ce 25 août (soir)

Il n’y a finalement rien, mais vraiment rien de répréhensible, ni rien même de provocateur dans le dernier livre d’Amélie Nothomb, que je viens d’achever ce soir avec la conviction que c’est, malgré sa brièveté et sa façon de ne toucher à des choses graves qu’en passant et comme avec désinvolture, l’un de ses livres les plus intéressants et les plus stimulants pour la réflexion critique, s’agissant d’une perversion majeure de l’époque annoncée par la première phrase : « Vint le moment où la souffrance des autres de leur suffit plus : il leur en fallut le spectacle ».
Imaginer qu’un camp de concentration puisse être organisé à des fins de divertissement grand public, dont les détenus seraient effectivement envoyés à la mort pour corser le jeu, n’est qu’une façon de pousser à bout la logique du voyeurisme et du vampirisme existentiel qui fonde les trouvailles de plus en plus carabinées de la télé-poubelle, sans même aller jusqu’aux exécutions à fins de jouissance sexuelle qui se filment clandestinement dans les snuff-movies.
Amélie Nothomb ne peut être accusée de manquer de respect aux victimes réelles des camps : elle faufile une réflexion sur le thème de l’abjection absolue en animant des personnages qui ne sont ni des idées désincarnées ni des marionnettes donneuses de leçons, mais des sortes de figures théâtrales, un peu comme chez Anouilh, des masques mais aux traits imitant la vie à s’y méprendre, et dont le dialogue pousse à la discussion.
En abordant, sans peser, le thème du dégoût lié à la mise en spectacle de la pseudo-intimité, comme on l’a vu dans le Loft, ou les jeux de vile rivalité, plus encore ici la souffrance infligée sous l’œil des caméras, la romancière montre à la fois l’ambiguïté, voire l’hypocrisie de nos réactions, et notamment dans les médias commentant gravement la bassesse de ces entreprises en ne cessant de s’en repaître très moralement, comme ceux qui s’exclament au point culminant du livre où la protagoniste pure et belle va se trouver sacrifiée par le vote même des téléspectateurs la désignant à l’exécution : « Quand je vois ça, je suis content de ne pas avoir la télévision ! »
Il y a de la moraliste, mais pas vraiment du genre lénifiant, chez cette observatrice assez retorse de la fausse vertu et de toutes les formes de mauvaise foi, qui n’est pas du tout cynique pour autant. Chère Amélie qui écrit cette suite de phrases au moment où son héroïne croit vivre ses derniers instants : « Elle décida de se rappeler ce qu’elle avait aimé dans la vie. Elle se repassa les musiques qu’elle préférait, l’odeur délicate des œillets, le goût du poivre gris, le champagne, le pain frais, les beaux moments avec les êtres chers, l’air après la pluie, sa robe bleue, les meilleurs livres (…) Elle pensa aussi qu’elle avait tant aimé les matins »…
J’aime vraiment beaucoup cette phrase : « Elle pensa aussi qu’elle avant tant aimé les matins ». Et ce drôle de livre irradie d’ailleurs une espèce de beauté nette et de confiance en la dignité humaine, malgré les horreurs qu'il évoque...

Commentaires

  • Je suis d'accord. Il n'y a dans ce livre ni provocation, ni manque de respect envers les camps. Comme nombre de romans de la demoiselle, on y retrouve cet oeil qui traque nos moindres faits et gestes. Amélie Nothomb sait décrire nos comportements, notre société avec beaucoup de talent.. Le sujet abordé, la télévision, et plus particulièrement la télé-poubelle et autres real-tv, est très actuel, ce qui m'a un peu marqué, car un sujet pareil n'est pas dans les "habitudes" de l'auteure. Mais il faut bien que ça change un peu !! ^^

  • Voilà, ce matin, ce livre est enfin arrivé entre mes mains! Depuis le temps qu'elles l'attendaient! Je n'ai pas été déçu. Ou alors en bien...
    Pour tout dire, je commençais à m'attendre à un monumental navet - des personnages transparents, une intrigue trop simplette, des raccourcis paresseux, les thèmes abordés avec trop de légèreté, en somme un livre calibré pour les grosses ventes, écrit de manière à ce que le plus crétin des crétins puisse le lire. Jusqu'à maintenant, excepté les deux articles de ce blog, je n'ai lu presque que de mauvaises critiques sur ce livre - et on sait que lorsqu'il s'agit d'un texte de l'auteur belge, les critiques sont toujours très (très) méchantes, ou alors se confondent en louanges. Il n'y a pratiquement pas d'entre deux.
    Bref, je partais un peu hésitant, et finalement je n'ai trouvé aucun fondement à toutes ces critiques négatives : les personnages ne sont pas "transparents", l'intrigue absolument pas "simplette", et la "légèreté", sinon par les notes d'humour, ne m'a pas semblé si légère, au contraire. C'est peut-être le plus grave de tous les livres de l'auteur - le sujet imposait un peu ce ton -, tout en gardant bien sûr cette malice, cette ironie, cet humour qui font d'Amélie Nothomb ce qu'elle est aujourd'hui : l'un des écrivains les plus lus et les plus (très justement, à mon goût) appréciés de notre époque.

  • Merci Bruno, de formuler cet avis clair et net. Venant d'un lecteur de dix-sept ans (je trahis ton secret) c'est intéressant. Amélie Nothomb, on l'a vu hier soir à Campus, est capable à la fois de faire la bécasse médiatique et de répondre très sérieusement à de très sérieuses questions. C'est qu'elle est bien élevée. Lorsque je l'ai rencontrée pour la première fois, à l'époque d'Hygiène de l'assassin, elle m'a dit qu'elle avait 25 romans prêts à la publication. Elle bluffait évidemment. Je la soupçonne d'etre beacuoup plus délicate, fine et profonde, peu sûre d'elle et sérieuse, que le personnage qu'elle joue pour se protéger. Ses chapeaux en disent long...

  • bonjour mr je suis intrece de acide sulfurique

  • je veux etre ami

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