A La Désirade, ce lundi 15 août
Il a fait tout gris tout le jour, ou plus exactement il a fait noir et blanc, dans les tonalités de Jules et Jim que je suis en train de regarder d’un œil tout en classant mes livres et en prenant ces quelques notes.
Je croyais avoir vu plusieurs fois déjà Jules et Jim, mais ce n’est qu’aujourd’hui, dans le noir et blanc de ce jour pluvieux, me rappelant avec mélancolie la mort de mon ami Reynald, il y aura juste vingt ans de ça dans trois jours, que je vois vraiment ce film si doux et si dur à la fois, si lancinant et si léger, si merveilleusement rapide aussi, si français, si net dans ses plans et si délié, si juste, si naturel dans le passage d’un plan à l’autre.
C’est Alain Cavalier qui me disait, un jour, que le problème essentiel du cinéma était le passage d’un plan à un autre, et Jules et Jim l’illustre à merveille, sans trace de maniérisme et sans bavardage non plus, ou peu s’en faut. Ce qui est dit là, dans ce récit en noir et blanc, ne peut être dit comme ça qu’au cinéma, avec ces acteurs et avec ces voix, cette pureté tendre et cruelle à la fois. Il y a dans ce conte amoureux quelque chose de Cocteau ou de Morand, mais le charme inquiet des années 60 en plus, avec une sorte de regard à travers le temps, d’un après-guerre à l’autre, qui donne leur profondeur et leur relief aux tableaux de cette jeunesse qui se prolonge…