Dans ma fonction de critique, et c’est vrai pour le théâtre plus encore que pour les livres, je me sens essentiellement un médiateur ou plus exactement : un passeur. A la prétention des uns de fonder une critique scientifique, qui me paraît surtout révéler le besoin de soumettre toute observation et tout jugement à l’idéologie, dans une optique aussi réductrice à mes yeux qu’est dépassée la bonne et belle parole de Monsieur le Critique académique, je voudrais opposer le libre exercice d’un franc-tireur également attentif à ce qu’il y a de permanent et de réellement revivifié, dans l’écriture théâtrale ou dans les nouvelles formes d’expression. Autant qu’en art, dont les resucées avant-gardistes ne font plus guère illusion, je tiens à résister aux nouvelles conventions de la pseudo-nouveauté, quitte à passer pour un attardé…
Ce n’est pas tant ceux qui nous reprochent nos débordements, en matière de critique, que ceux qui nous en félicitent, qui nous en détournent. Ceux-là qui, même d’un jugement nuancé, ne retiennent que les aspects négatifs et nous tapent dans le dos en nous lançant avec quelle douteuse satisfaction: “Ah ça, comme tu l’as descendu...”
Le critique, croqué par Friedrich Dürrenmatt