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Au bon jeune temps

Nos meilleures années, c'est tous les jours ...


Une belle chanson récente de Charlebois, C'était une très bonne année, rend le même son de nostalgie radieuse qu'un film qui a fait son chemin de bouche à oreille, sans casting d'enfer ni plus d'effets spéciaux que de pub, intitulé Nos meilleures années (La meglio gioventù) et retraçant la chronique des trois dernières décennies vécues par une famille italienne qu'on pourrait dire bonnement une famille humaine.
Charlebois alignera soixante balais, cette année, dans le grand beau placard de sa vie de « doux sauvage », et sa chanson nous raconte que l'année de ses 20 ans fut bien bonne, mais que celles de ses 30 et de ses 40 ans ne le furent pas moins, et c'est le même sentiment qui se dégage finalement des six heures de bonheur souvent poigné par l'émotion — car rien n'y est omis des douleurs de la vie — que nous fait vivre le film tendre, généreux et plus profond qu'il n'y paraît sous ses dehors de saga télégénique, de Marco Tullio Girardi.
Ce qui y épate surtout, c'est que pas un instant l'esprit « ancien combattant » si répandu dans la génération soixante-huitarde ne sévit dans cette fresque également dénuée de toute idéologie réductrice. Le parti pris « humaniste » de Girardi, qui s'en tient essentiellement aux retombées personnelles des événements de ces trente ans écoulés, en fait-il pour autant un film apolitique ou même « de droite »? Telle n'est pas du tout non  impression, sans qu’on puisse dire pour autant que Nos meilleures années est un film « de gauche ». Mais comment ne pas voir, par ailleurs, que ce film échappe à la fois au cynisme et au désabusement, et que ses positions fondamentales participent d'un esprit critique lucide et généreux ?
L'opinion prévaut toujours, pour certains, qu'une œuvre ne peut être dite « engagée » sans dénoncer ceci ou cela et sans se rapporter à telle ou telle position explicite. Tchekhov fut sans doute, à son époque, l'un des peintres les plus radicaux de la misère russe, mais ses admirateurs « de gauche » ne cessèrent de lui reprocher de ne pas se rallier à tel ou tel parti et de ne pas dénoncer plus clairement le mal. Or le bon toubib répondait simplement qu'un écrivain qui peint des voleurs de chevaux n'a pas besoin de dire, s'il a bien fait son travail, qu'il est mal de voler des chevaux. Et les récits de Tchekhov continuent de nous toucher et de nous « changer », alors que les discours des idéologues restent plus que jamais lettre morte.
Il est cependant un parti pris, dans Nos meilleures années, qui consiste à célébrer la beauté des choses et des gens. Cela ne se répète pas tous les jours dans les journaux et moins encore dans les téléjournaux, et pourtant c'est le dernier mot du film et cela en résume l'orientation et la « lumière ».
Pour autant, et une fois encore, ce film ne dore pas la pilule. De l'horreur vécue dans certains établissements psychiatriques, à la fin des années soixante, à la terreur mafieuse culminant avec l'assassinat du juge Falcone en passant par les Brigades rouges, le chômage, la drogue et la détresse existentielle aboutissant parfois au suicide, il évoque aussi la face sombre de notre condition. Pourtant, c'est essentiellement un film d'amour que Nos meilleures années, dont tous les personnages, issus de quatre générations, inspirent le même attachement et la même confiance. Le « message » qu'on pourrait en dégager, qui n'a rien d'explicitement politique ou religieux (alors même qu'il s'inscrit dans la communauté vivante et questionne le sens et les fins de notre vie), se résume à ce que vous en direz à ceux que vous aimez et aux autres. Allez voir ce film et parlez-en à vos mômes et à vos vieux. Ce sera comme de parler de nos années bonnes qui parfois le furent un peu moins: de notre « meglio gioventù », de notre jeunesse qui fout le camp et reverdit tous les matins…

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