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Le noir lyrisme de James Lee Burke

A propos de Purple Cane Road

C’est notre ami le savant linguiste, l’autre soir, tandis que les fusées et autres feux d’artifices éclairaient le ciel du 1er août, fête nationale des Helvètes, qui m’a donné l’envie féroce de retrouver James Lee Burke, dont il a commencé à nous raconter le dernier roman traduit, Purple Cane Road, que je me suis procuré dare-dare pas plus tard qu’hier et dont j’ai lu déjà les trente premières pages.

Retrouver le flic alcoolo Dave Robicheaux, beau gosse au grand cœur des bords du lac Pontchartrain, en Louisiane pourrie, est toujours un vieux bonheur, et surtout que cette fois il est touché personnellement du fait qu’un malfrat lui balance comme ça, au passage, que sa mère a été assassinée dans telle circonstance odieuse, il y a des années de ça, sa mère qui n’était pas plus du genre sainte que la mère de James Ellroy, à laquelle on pense évidemment dans cet équivalent romanesque du superbe Ma part d’ombre.

Mais pourquoi diable James Lee Burke nous manque-t-il de loin en loin ? Parce que son dépotoir est beau. Parce que la nature sauvage de sa Louisiane est belle. Parce que ses personnages ont de la gueule. Parce que sa phrase, parce que ses mots, même traduits, ont du chien. Bref et surtout: parce que ce qu'il raconte est intéressant.
Un jour Michel Butor, après la parution de ses mémorables lectures en quatre volumes de Balzac, interrogé par Bernard Pivot sur la raison de cet engouement, lui répondit simplement : parce que Balzac est intéressant. Voilà : Balzac est intéressant. De même que le Philip Roth de Pastorale américaine est intéressant. Christine Angot n’est absolument pas intéressante, ni Frédéric Beigbeder non plus, ni moins encore ce néant imprimé que figure Marc Lévy, tandis que Simenon est intéressant, et Michael Connelly dans L’envol des anges, et Ryu Murakami dans Thanatos, et James Lee Burke dans Purple Cane Road.
Notre ami le savant linguiste, l’autre soir, nous a raconté son étude de l’usage des temps dans le roman policier contemporain, qui lui a fait découvrir la complexité de la narration de Simenon, par opposition aux mécanismes répétitifs et conventionnels d’un Jean-Patrick Manchette, dont je me suis toujours demandé pourquoi il m’ennuyait plus souvent qu’à son tour. N’est-ce pas intéressant ? Ce qui est sûr est que j’aime retrouver, physiquement autant qu’affectivement, la Louisiane de James Lee Burke. Il y a chez cet auteur un mélange de force et de sensibilité, de lucidité désespérée et de bonté, de rage épique et de lyrisme qui l’apparentent à un Faulkner, avec tout ce qui distingue le talent du génie, qui pourrait marquer aussi le saut qualitatif entre un Simenon et un Bernanos…

James Lee Burke. Purple Cane Road. Rivages, 330p.

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