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Retour à Romain Gary

 

Le philosophe et le romancier

Il y avait des nuées noires, ce matin à cinq heures, montant comme des spectres dansants de la cuve argentée du lac, et tandis que je buvais mon café le titre de ce livre en épreuves non corrigées que m’avait envoyé Christian Bourgois m’est soudain apparu : La fin de l’impossible.
Or trois heures plus tard, dans le train longeant les eaux étales sous le ciel bas, j’ai commencé de lire ce nouveau livre à paraître du philosophe Paul Audi qui se donne comme un acte de reconnaissance aux « alliés » occultes que sont pour nous certains écrivains ou certains artistes accordés à « l’étrange acoustique du monde spirituel » dont parle Kierkegaard ; tout de suite j’avais été mis en confiance, ou plutôt en consonance avec la voix de l’auteur et tout aussitôt intrigué, touché, réellement ému par la façon d’emblée d’annoncer le besoin d’une « explication avec la vie » passant non par un système ou une doctrine mais par l’expérience d’un écrivain rompant avec le « Moi-même moi-mêmisant » pour embrasser « le Tout de la vie », à savoir Romain Gary, Romain Gary dont je n’ai à peu près rien lu jusque-là, Romain Gary à côté duquel j’ai passé, Romain Gary dont Nancy Huston me disait elle aussi l’importance, Romain Gary qui écrit « J’attends la fin de l’impossible », Romain Gary l’écrivain que le philosophe Paul Audi, se réclamant de Chestov que j’ai tant fréquenté et aimé, présente comme celui qui l’aide à lutter contre les évidences pour conjurer l’impossible dans nos têtes, l’impossible verrouillé par l’idéologie et la morale, l’impossible verrouillé par les lois de la nature, l’impossible que Chestov le philosophe espérait conjurer avec l’aide de l’écrivain Dostoïevski…
C’était le matin, j’allais à la rédaction, j’entendais cette voix à travers « l’étrange acoustique du monde spirituel », les gens dans le train me semblaient plus beaux et ces mots me parlaient : « Toute la force de l’œuvre de Gary vient de ce qu’il a cherché, sans relâche mais sans non plus se faire d’illusion, à contredire la sagesse de l’Homme manqué. Constamment, derrière les mots, sinon entre les lignes, tous ses romans laissent entendre le cri de l’enfant qui n’est pas encore déçu – ou celui de l’homme mûr qui refuse de comprendre »...
Et du même coup je me retrouvais impatient de découvrir de nouveaux livres, peut-être un nouvel interlocuteur vital, et me voici ce soir commençant de lire L’angoisse du roi Salomon de Romain Gary tandis que la nuit redescend en grandes ombres sur l’espèce de fjord rougeoyant qui se courbe là-bas…



A paraître chez Christian Bourgois, le 14 octobre : Paul Audi, La fin de l’impossible, deux ou trois choses que je sais de Gary.
Paul Audi co-dirige en outre un Cahier de l’Herne en préparation, consacré à Romain Gary.

Commentaires

  • En effet, un auteur rare, ce Romain Gary! Au fait, je pensais avoir lu une bonne partie de son oeuvre, mais je ne me souvenais plus qu'elle était si grande, et du coup je réalise que je n'ai pas tant lu que ça.
    Peu importe.
    Ou tant mieux. Ce qu'il y a de bien avec Gary, c'est qu'il a beaucoup écrit, et donc on ne reste pas sur sa faim. Et puis il y a dans son oeuvre quelques livres sublimes : "La Promesse de l'aube", "La Vie devant soi", "Les Racines du Ciel" (texte dans lequel j'ai mis du temps à entrer, mais qui m'a finalement littéralement emporté!).
    La première chose que j'ai découverte à propos de cet auteur, c'est son suicide, et le petit livre qu'il a écrit avant de l'accomplir ("Vie et mort d'Emile Ajar", une sorte de "lettre au monde" très amusante, malgré les événements qui ont suivi...). C'est d'ailleurs ce qui m'a attiré : cet homme un peu cinglé, très lucide, à la personnalité dédoublée, qui remporte deux fois le Prix Goncourt... Et puis j'ai découvert l'écrivain derrière la "légende", et je n'ai pas été déçu...

  • Romain Gary. Je me demande bien où il était passé celui-là. Voilà 29 ans que je vis et je ne l'avais encore jamais croisé...
    Comment c'est arrivé, d'ailleurs, oui... Ah, Gros Calin, oui, c'est par lui que c'est arrivé. Je ne comprenais pas. Ca me faisait le même effet que Boris Vian, en pas pareil. J'étais chiffonnée et retenue, surtout par le style. J'ai souffert autant que j'ai joui, comme un viol consenti, c'est étrange...
    « Je ne sais quelle forme prendra la fin de l’impossible, mais je vous assure que dans notre état actuel avec ordre des choses, ça manque de caresses.
    Les savants soviétiques croient d’ailleurs que l’humanité existe et qu’elle nous envoie des messages radios à travers le cosmos. », qu'il dit, l'autre... Troublant.

    Ahhhhh, j'ai continué. Depuis je ne lâche plus l'affaire. Je le garde près de moi, en compagnon de résistance. Ensemble, c'est sûr, la vie perçera.

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