Révérence à Françoise Sagan. Hommage au lendemain de sa mort.
Françoise Sagan, comme Georges Simenon, connut très tôt une gloire populaire peu compatible avec l'estime des milieux littéraires de l'ancienne société française, mal préparée aux « coups » de la publicité.
Il en a résulté, dès la parution de Bonjour tristesse, marquant une rupture beaucoup plus nette, à l'époque, que la publication de Baise-moi d'une Virginie Despentes, un scandale et un intérêt de scandale qui s'est concrétisé par un succès de vente sans doute disproportionné par rapport aux réelles qualités de l'ouvrage de la jeune fille, âgée alors de 18 ans.
Le talent était certes là, et le point de vue nouveau sur le monde, de cette enfant terrible de bourgeois cossus qui s'émancipait à l'instar de toute une génération. Mais toute une classe établie fut effarouchée au point de faire de ce premier roman un phénomène, qui poussa un François Mauriac à prendre à partie le ciel (le diable n'était-il pas envoyé sur terre en voiture de sport ?) tandis que ses pairs concluaient à la décadence.
D'autres, cependant, et non des moindres, dont un Benard de Fallois, brillant commentateur de Proust, reconnurent en Françoise Sagan un auteur authentique qui, d'un roman à l'autre, allait moduler une musique tout à fait personnelle et inimitable, d'une ligne claire et nette, sauvageonne et sensible, absolument appropriée, un ton en dessous des « destinées sentimentales » d'un Chardonne, à un milieu et à ses mœurs observés et restitués avec une constante justesse, le blues et le charme en plus.
Le personnage parisien de Sagan a sans doute faussé l'image de l'écrivain, dont on peut se demander ce que retiendra la postérité ? Certes au-dessous d'une Colette par la découpe du style, et sans la prodigieuse richesse d'observation d'un Simenon, la romancière n'en a pas moins tissé un univers tissé de pénétration lucide et de désabusement, qui restitue le ton des années de l'après-guerre français, de la bohème existentialiste aux avachissements de la gauche caviar.
Du point de vue du style, en dépit de ses errements personnels, Françoise Sagan reste enfin dans la ligne claire d'un certain classicisme français ton sur ton. Les anges qui l'ont accueillie de l’autre côté du miroir avaient la sèche au bec et le verre à la main.
Sagan par elle même
LA VIE: « On ne m'ôtera jamais de l'idée que c'est uniquement en se colletant avec les extrêmes de soi-même, avec ses contradictions, ses goûts, ses dégoûts et ses fureurs que l'on peut comprendre un tout petit peu, oh je dis bien un tout petit peu, ce que c'est que la vie, en tout cas la mienne. »
LA MORT: « Je me suis habituée peu à peu à l'idée de la mort comme à une idée plate, une solution comme une autre si cette maladie (après son accident en 1957) ne s'arrange pas. (...) Ce serait triste mais nécessaire, je suis incapable de tricher longtemps avec mon corps. Me tuer ... Dieu que l'on peut être seule parfois. »
LA SOLITUDE: « Le voilà lâché, le mot clé: la solitude. Ce petit lièvre mécanique qu'on lâche sur les cynodromes et derrière lequel se précipitent les grands lévriers de nos passions, de nos amitiés, essoufflés et avides, ce petit lièvre qu'ils ne rattrapent jamais mais qu'ils croient toujours accessible, à force. Jusqu'à ce qu'on leur rabatte la porte au nez. »
LA VITESSE: « Elle aplatit les platanes au long des routes, elle allonge et distord les lettres lumineuses des postes à essence, la nuit, elle bâillonne les cris des pneus devenus muets d'attention tout à coup, elle décoiffe aussi les chagrins: on a beau être fou d'amour, en vain, on l'est moins à 200 à l'heure. »
« La vitesse rejoint le bonheur de vivre et, par conséquent, le confus espoir de mourir. »
SON FILS: « Quand on me l'a mis dans mes bras, j'ai eu une impression d'extravagante euphorie. (...) Je sais ce que c'est d'être un arbre avec une nouvelle branche: c'est d'avoir un enfant. »
Nota bene : les romans de Françoise Sagan sont réunis dans un volume de la collection Bouquins. Un téléfilm lui a été consacré récemment, qu'on peut ne pas voir sans la moindre perte.
Commentaires
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Hélas Sagan est désormais très prise par ses affaires angéliques...
Jolies citations en tout cas, en particulier celle sur la solitude ; le lièvre et les lévriers, on voit la fable de La Fontaine !
Je viens de lire "Dans un mois, dans un an", et je n'y ai trouvé aucun intérêt... Par contre, j'ai bien aimé le téléfilm, que j'ai trouvé trés humain!