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  • Par les prés et les villes

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    (Pour L. la nuit venue)
     
    Le silence n'a pas duré:
    nous nous parlons la nuit:
    dès que je me suis endormi,
    elle est là dans le pré
    le grand pré d'herbe sous la lune
    où nous restons pieds nus
    seulement à nous écouter...
     
    La nuit, l'autre vie continue,
    l'air a fraîchi la-bas,
    tous deux revenant sur nos pas
    embrassés comme au souvenir,
    nous sourions à la lumière
    de la ville endormie
    de l'autre coté des rivières
    où des gens vivants vont mourir...
     
    Peinture: Félix Vallotton

  • Frères et sœurs

     
    (Chronique des tribus)
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    5. Journal du cardiopathe, IV. Avant le troisième coup de cœur, affects amoureux non compris, qui vous a valu ce dernier séjour de sept jours à l’hôpital, vous luttiez, comme à un autre mal, contre le tic de langage exaspérant consistant à dire à tout moment « du coup », soudain remplacé, dans le mouvement précipité des événements, par la locution « ça marche », lancée initialement par les ambulanciers vous interrogeant longuement et vous examinant une première fois pour conclure, du coup, qu’il fallait vous emmener d’urgences aux Urgences et vous confier aux urgentistes, lesquels ont continué de vous interroger et de vous examiner selon les normes administratives jusqu’au soir où, le bloc opératoire étant non opératoire par mesure administrative, il a été jugé approprié, du coup, de vous envoyer par hélico à l’hôpital de catégorie supérieure aux opérateurs habilité à opérer à deux heures du matin, et la voix claire du pilote, s’exclamant résolument « ça marche », relayée ensuite par la voix du jeune chirurgien Victor, aura résumé ce transit joyeux dont, à votre retour en ville bien portante, vous rendiez compte ce matin à votre cardiologue traitant au prénom vaillant de John-John, bonnement éberlué et bientôt fâché de n’avoir été informé de rien, rapport au suivi de votre dossier, par les services administratifs de l’Hôpital Régional selon lui devenu gouffre à millions par la seule incurie des bureaucrates, au dam des soignants et des patients, et du coup, vous qui avez débonnairement rengainé toute critique de tout ce qui vous semblait un peu clocher dans le fonctionnement de l’institution en question (manque d’information réelle et surinformation virtuelle, détérioration de la relation médecin-patient, multiplication des procédures formelles et pesantes lenteurs, etc.), vous avez entendu le plus sévère réquisitoire du praticien d’expérience soucieux du sort des patients et des soignants plus que des classements selon les normes ISO et autres évaluations à n’en plus finir - constat bientôt étendu à l’ensemble des sociétés actuelles saturées d’administratifs et de bureaucrates de plus en plus autocrates - du coup vous vous êtes entendus, lascars en foire, pour nuancer le « ça marche » en matière de médias et de politique nationale et internationale, enfin vous en avez conclu, vous le patient obsédé par les faits de langage, qu’il était plus que jamais important de renoncer aux locutions automatiques à la ChatGPT genre « du coup », et du coup votre impatient et bouillant cardiologue vous a répondu : « ça marche »…
    (Avec toute la reconnaissance du chroniqueur aux soignant.e.s de l’hôpital régional de Rennaz)

  • Donne et maldonne

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    J’ai fait hier soir dans mon Salon
    défiler mes Démons,
    mes préférés en pyjamas
    de la marque Cobra,
    et mes anges aux yeux en losanges
    souriaient de concert…
     
    Je revenions de l’hôpital
    sans avoir trop souffert.
    Les démons avisés le savent:
    c’est aux méchants que va le mal:
    possiblement au pauvre enfant,
    et en toute innocence,
    aux yeux fermés de la Maldonne,
    à qui ne vaut que Dieu pardonne
    en sa divine cécité,
    et les anges aux pansements…
     
    Le monde où tout va mal demeure
    où nous resplendissons
    au milieu des enfants qui meurent
    et revivent à l’avenant
    dans le sourire des démons
    et l’infime chant des mésanges…
     
     
    Peinture: Michael Sowa.

  • Intercession

     
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    Le côté soleil du trottoir
    t’attend au bout du noir,
    te dit la vieille aïeule assise
    dont l’espoir est de mise…
     
    Elle a vu passer tous les trains
    remplis de beaux garçons
    aux chansons si pleines d’entrain,
    bénissant les canons,
    et revenant vides le soir -
    elle ignore le désespoir…
     
    Les mains de nos mères sont des livres
    ouverts au fond de nous,
    nous délivrant de tout l’amer
    de nos combats de fous…
     
    Dessin: Joseph Czapski.

  • Frères et sœurs

     
    (Chronique des tribus)
    43. Reliefs de nos amours, après la St Valentin...
    Pour affrioler ses sœurs et autres amies qui se royaument de par le monde, veuves joyeuses ou autres jouvencelles éternelles se rappelant, au jour de la Saint Valentin, leurs béguins de quinze ans, leurs premiers baisers ou la première fois où elles ont senti (ou pressenti, ou carrément ressenti sur leur giron ou sous son blanc caleçon) s'ériger le Piquet légendaire du Garçon, le frère plumassier (plumitif et carnassier) leur a envoyé hier en fin de soirée, de son escale solitaire au restau, une image vengeresse typique de son esprit sardonique, des restes de son demi-poulet-frites en leur avouant qu’il s’est montré bien imprudent, au soir du Grand Menu réservé aux protégés du saint fameux, de commander quoi que ce soit d’autre qui puisse distraire l’attention exclusive des cuisiniers, mais va-t-on, leur demande-t-il alors, se contenter des restes de nos amours passées ? Que non pas que non pas, et partout les anciennes amoureuses, les reléguées du fleuretages, les désossées de la fête du Bienheureux galopin se prennent sans regrets ni remords à se rappeler alors les mille bonheurs passés de la Saint Valentin où la roue gèle avant le moulin, où le Seigneur fait le sang net soir et matin, où la saignée du jour garde des fièvres en tout l’an - il n’y a dans la vie que l’amour qui compte, s’accordent à penser de concert les sœurs aînées et puînées, autant que leurs amies, et leurs progénitures juvéniles alors les pressent de se lâcher : allez raconte ! Ainsi les vieilles toupies se mettent-elles à ronfler et ronronner en rafrâichissant leurs cerceaux à l’évocation des kyrielles de Valerios et de Marios, de Pedros et d’autant d’hidalgos qu’il en faut pour rivaliser avec Roméo…

  • Frères et sœurs

     
    (Chronique des tribus)
    43. Reliefs de nos amours, après la St Valentin...
    Pour affrioler ses sœurs et autres amies qui se royaument de par le monde, veuves joyeuses ou autres jouvencelles éternelles se rappelant, au jour de la Saint Valentin, leurs béguins de quinze ans, leurs premiers baisers ou la première fois où elles ont senti (ou pressenti, ou carrément ressenti sur leur giron ou sous son blanc caleçon) s'ériger le Piquet légendaire du Garçon, le frère plumassier (plumitif et carnassier) leur a envoyé hier en fin de soirée, de son escale solitaire au restau, une image vengeresse typique de son esprit sardonique, des restes de son demi-poulet-frites en leur avouant qu’il s’est montré bien imprudent, au soir du Grand Menu réservé aux protégés du saint fameux, de commander quoi que ce soit d’autre qui puisse distraire l’attention exclusive des cuisiniers, mais va-t-on, leur demande-t-il alors, se contenter des restes de nos amours passées ? Que non pas que non pas, et partout les anciennes amoureuses, les reléguées du fleuretages, les désossées de la fête du Bienheureux galopin se prennent sans regrets ni remords à se rappeler alors les mille bonheurs passés de la Saint Valentin où la roue gèle avant le moulin, où le Seigneur fait le sang net soir et matin, où la saignée du jour garde des fièvres en tout l’an - il n’y a dans la vie que l’amour qui compte, s’accordent à penser de concert les sœurs aînées et puînées, autant que leurs amies, et leurs progénitures juvéniles alors les pressent de se lâcher : allez raconte ! Ainsi les vieilles toupies se mettent-elles à ronfler et ronronner en rafrâichissant leurs cerceaux à l’évocation des kyrielles de Valerios et de Marios, de Pedros et d’autant d’hidalgos qu’il en faut pour rivaliser avec Roméo…

  • Frères et sœurs

     
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    (Chronique des tribus)
    47. Journal du cardiopathe, III.
    Dans le dédale de l’usine à soins régionale aux longues plages de patience, entre examens périphériques ou plus invasifs, tu avoues une fois de plus l’heure de ta venue au monde , par le train de 8h 47 que tu sais le titre d’un vaudeville, un 14 juin, le même jour que le révolutionnaire rouge Ernesto Che Guevara vénéré par le camarade Ziegler qui a postfacé ton vingt-troisième livre et le même aussi que le réactionnaire orangé Donald Trump en train de stresser un peu tout le monde, et pour éviter les fake news tu te diras juste en processus de troisième infarctus dans un box des Soins Intensifs, donc juste un seuil avant les Soins Critiques, répétant à la Belle Docteure à petite tortue tatouée sous le coude ce que tu as déjà détaillé, rapport à tes premières fibrillations, à l’ambulancier Sancho qui a eu la délicatesse d’emporter le coussin à fleurs bleues sur lequel Lady L a rendu son dernier soupir, et te dédoublant tu te dis qu’un natif des Gemeaux est l’incarnation même de la dualité et même plus au delà de Castor et Pollux ou d’Anima et Animus: le multivers sensible propice à l’observation phénoménologique nuancée, et la Professorella confirmera, qui en sait un bout sur notre putain de belle vie, sur quoi l’on te dit que ton coeur est visiblement « en souffrance », comme à dix-huit et vingt-huit ans, mais qu’il faudra une radio de plus pour confirmer, ce qui signifie trois heures de rab à patienter, donc je résume : type caucasien de 77 balais, 2 prothèses dentaires pour l’inventaire, bon pour la coronarographie à l’Hosto Principal au bloc disponible vers 2 heures GMT donc baptême de l’air en vue, plus tard il racontera à ses petits-fils Tony et Tim les sauvetages par hélico auxquels il a assisté telle année au pied du Col de l’Aigle et telle autre à l’envers des Aiguilles à la redescente du Requin, et voilà qu’il se rappelle le pavillon de traumatologie d’un autre épisode à pleurer (cinq ou six motards de vingt ans comme lui qui ne marcheraient plus jamais), et c’était 15 ans avant la maladie qu’on a appelée LA Maladie, 30 ans avant son propre crabe aux pinces désormais ficelées, l’infirmière Prévert repassera pour le dernier inventaire mais là nous allons vous reprendre un peu de sang - en espérant qu’il en reste…
     
    Image JLK: le coussin aux papillons bleus sur lequel Lady L. a rendu l’âme, emporté par l'ambulancier Sancho bien inspiré...

  • Frères et sœurs

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    (Chronique des tribus)
     
    46. Journal du cardiopathe, II
     
    Quand le sang se met à te galoper dedans comme un fou, tu te dis que c’est ton cœur et qu’il est seul à foncer dans le tunnel de l’Artère, mais l’image de la cavale unique à tagadam de sabots, pour te saisir d’une première panique, ne tarde à diffuser du chaud-froid de la douleur conscient et des tripes, et là tu te dis que t’es seul et que ça va faire mal si ça fait mal et qu’il faudrait faire un call au 144, mais le parler ne parle plus et les sabots ont été remplacés par des griffes au torse et aux épaules jusqu’au fond d’un bras, et c’est alors que le cardiopathe alerte ses filles aînée et puînée d’un HELP réflexe via What’app et le quart d’heure et demi plus tard la cavalerie ambulancière débarque, quatre centaures tout de noir sanglés et deux accortes amazones ont surgi autour du lit défait , et que je te déploie le premier attirail de monitoring à cadrans et manettes, et que je te sangle et te branche ici et là tandis que le questionnaire à questions se met en branle – il y en aura de toutes les sortes de listes et relances avant les deux heures du matin suivant le départ de l’hélico pour l’autre Hosto Principal pas prévu du tout pour le moment - pour le moment on a ligoté le patient médiqué à la morphine en camisole de nuit sur la civière qu’on trimbale en désescalade dans le colimaçon centenaire, et c’est parti dans la stridence des sirène destination l’Hosto Régional où dans l’urgence on se jouera d’interminables parties de Patience…

  • Frères et sœurs

     
     
    (Chronique des tribus)
    45. Journal d'un cardiopathe, I.
     
    Une fois de plus il lui sera demandé d’évaluer , sur une échelle de dix, le niveau chiffré de sa douleur après avoir annoncé la date précise de sa venue au monde, et là il aura la faiblesse cabotine d’annoncer le 14 juin qu’avec lui se partagent Ernesto Che Guevara et Donald Trump... Il s’était pourtant promis de ne pas se montrer trop disert ou facétieux dans le sanctuaire des soins , les ambulanciers garçons et filles avaient bel et bien souri à la première pique du vieux piqué mais ce n’est que plus tard que son vice taquin l’avait repris, après le trajet jusqu’à l’hosto, toutes sirènes hurlantes à travers la ville et les étendues; puis il avait sidéré, l’espace de trois secondes, la Belle Docteur lui demandant au terme d’un questionnaire quasi inquisitorial, s’il était une question qu’elle ne lui avait pas posée, alors lui: « Vous ne m’avez pas demandé si je crois au Diable, et elle: « Eh bien ?» , et lui: « Eh bien non, mais il n’empêche que Brad Pitt, en sa blondeur démoniaque, va se faire vieux un jour comme aujourd’hui », et elle: « Vous avez toujours été aussi mordant? », et lui: « Dès l’âge de sept ans mes oncles théologiens me voyaient un avenir déplorable" , sur quoi la soignante et le soigné avaient évoqué les livres préférés de leurs enfances où les merveilles d’Alice et les menteries de Pinocchio s’étaient retrouvées en situation commune de première pharmacopée…

  • Frères et sœurs

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    (Chronique des tribus)
    44. Eva
    Qu’il lui ait été offert un « cadeau de la nuit », lui rappelant alors le titre du récit posthume de celui qu’il appelait l’ami secret, quête de soi de son alter ego de quelque années qu’il se chargea de publier après avoir pleuré devant son corps que la vie quittait – que ce songe lui était ainsi offert par il ne savait quelle désignation particulière de l’universelle Administration des Rêves, il ne se l’explique pas, pas plus qu’il ne cherchera à en dire plus, à ses sœurs dont il n’a pas la moindre idée de la vie onirique, se bornant juste à leur suggérer l’idée que la séparation d’avec les défunts n'est peut-être qu’un illusion, et que bien des vivants qui nous entourent nous sont moins présents que tant de nos disparus; ainsi de cette Eva dont le prénom ne lui apparut qu’après son éveil et la disparition de sa vieille interlocutrice comme surgie de l’obscurité, d’abord de la voix, aux inflexions nettes et au parler d’une implacable précision juste pondérée par le nuancé de chaque propos – révérence absolue à la réalité des faits rapportés de personne en personne à fiabilité avérée – tant dans le domaine de la botanique (tout y avait passé jusqu’au Cattleya labiata dit aussi Cattleya cramoisi ou à lèvres de rubis) que dans celui de l’Histoire falsifiée (elle était sans pitié pour les narcotrafiquants de l’idéologie), mais sans dériver jamais dans la politique récente des brigands russo-américains, et l’on insisterait sur ce qu’il y avait d’intensément présent dans les réponses de l’ancienne doreuse à la feuille au rêveur insistant taxé de coupeur de cheveux par son frère aîné décédé, puis il y avait des silences éloquents que respectait la petite foule attirée par la conversation, il faudrait bien faire ressentir l’impression que, loin d’être à bout d’arguments ou d’exemples concrets à détailler, et juste avant que le rêveur s’était dit qu’il leur faudrait échanger les coordonnées de leurs bureaux, Eva paraissait être arrivée à la limite de ce qui se dit même dans un rêve, et c’est alors qu’on vit surgir et grandir dans l’ombre générale l’ombre particulière du piano dans laquelle la sienne fut bientôt confondue à jouer la sonate dite Entre chien et loup, comme il l’intitula après coup en identifiant rétrospectivement sa préférée, de Franz Schubert, traitant elle aussi des passages secrets qui relient les mondes, au chiffre de D 960 et dont il recommanderait particulièrement, à ses deux sœurs jamais dédaigneuses de derniers renseignements, l’Andante sostenuto…
     
    « Qui sait, dit Euripide, il se peut que la vie soit la mort et que la mort soit la vie »…

  • Frères et sœurs

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    (Chronique des tribus)
    43. Dindo
    Lorsqu’il a appris l’autre soir que son ami Dindo était passé de l’autre côté du miroir, il ne s’est pas autrement étonné de ne pas ressentir de trop vive émotion, remarquant cependant que le cher homme avait juste l’âge de sa sœur aînée et le même que son autre compère Roland Jaccard à la veille de sa mort, lequel avait pourtant choisi d’ingérer son fameux sirop mexicain – et voilà s’est-il dit, ils étaient là en apparence même sans se voir trop souvent et ils n’y sont plus, ma frangine reste sur son rivage et Dindo est « au jardin », comme le disait la veuve de Marcel Aymé le lendemain de son départ à lui, la dernière fois que j’ai vu Richard c’était dans un rêve où je lui racontais ma rencontre de Jean Genet rue de Rome, l’année où je recopiais le manuscrit du Journal intime d’Amiel dans une mansarde des Batignolles à l’enseigne de la Félicité, Dindo féru d’Amiel s’était montré très intéressé par mon dialogue avec le terrible Genet dont j’avais lu tous les livres mais évitais d’en parler en me faisant passer pour un jardinier juif argentin (que le rêve ne permet-il pas, n’est-ce pas), mais avant ce rêve il y avait des années que nous ne nous étions plus vus Richard et moi, ses dernières nouvelles l’évoquant en train de préparer un film sur James Agee l’auteur de Louons les grands hommes, je lui avais dit que je reconnaissais parfaitement en cela le familier du poète japonais Bashô, oui tout se tenait et je me disais que, rencontrant mes sœurs aînée et puînée, Dindo se fût montré rugueusement délicat à sa manière de Rital un peu rogue sous sa tendresse de coureur de jupes (ou tendre son son air mâlement mal luné) et ce soir à la Désirade je conclus que Dindo était en somme, comme l’Hidalgo de ma soeur aînée ou comme Genet l’amateur de mauvais garçons, comme Bashô composant ses haïkus d’un monastère à l’autre, ou comme Kafka dont il pratiquait le journal depuis ses quinze ans, l’un de ces personnages sans âge que Georges Haldas, après Baudelaire, disait de la « société des êtres », loin de celle des titres et des fonctions, dont mon autre ami de 7 ou 700 ans au prénom de Charles-Albert écrivait ceci, dans Le Canal exutoire : « L’homme-humain doit vivre seul et dans le froid : n’avoir qu’un lit – petit et de fer obscurci au vernis triste. – une chaise d’à côté, un tout petit pot à eau. Mais déjà ce domicile est attrayant : il doit le fuir. À peine rentré, il peut s’asseoir sur son lit, mais, tout de suite, repartir. L’univers, de grands mâts, des démolitions à perte de vue, des usines et des villes qui n’existent pas puisqu’on s’en va, tout cela est à lui pour qu’il en fasse quelque chose dans l’œuvre qu’il ne doit jamais oublier de sa récupération. », et tel m’apparaissait aussi bien Dindo, une nuit dans un rêve ou une première fin de matinée à la Bodega espanola du Niederdorf de Zurich, dans sa parka noire et sa chemise passée de deux modes - un « être » mais je ne vais pas, frangines, vous parler trop pompeusement de l’ « être » de ce type se méfiant des grands mots pour mieux partager les vrais sentiments, ainsi le final cut ne peut-il être confié qu’au poète vélocipédiste Charles-Albert Cingria q'un jour Dindo m’avoua ne pas connaitre, mais qu’importe puisque décidément tout se tient par-dessus et dessous: «Contre la « société » qui est une viscosité et une fiction il y a surtout cela : l’être : rien de commun, absolument, entre ceci qui, par une séparation d’angle insondable, définit une origine d’être, une qualité d’être, une individualité, et cela, qui est appelé un simple citoyen ou un passant. Devant l’être – l’être vraiment conscient de son autre origine que l’origine terrestre – il n’y a, vous m’entendez, pas de loi ni d’égalité proclamée qui ne soit une provocation à tout faire sauter. L’être qui se reconnaît – c’est un temps ou deux de stupeur insondable dans la vie n’a point de seuil qui soit un vrai seuil, point de départ qui soit un vrai départ : cette certitude étant strictement connexe à cette notion d’individualité que je dis, ne pouvant pas ne pas être éternelle, qui rend dès lors absurdes les lois et abominable la société »...
     

  • Mêli-mélo

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    Au miroir de Shakespeare (15)


    La nuit des rois

    On peut lire (ou relire) une œuvre géniale sans s'exalter à jet continu; il n'est pas exclu de s'y trouver parfois un peu perdu ou de voir son intérêt se relâcher, pas plus qu’il n’est interdit de le dire. Pour ne prendre qu'un exemple, la lecture de Proust connaît ainsi des tunnels dans la continuité des éblouissements. D'une façon analogue, j'ai senti mon intérêt fléchir un peu, ou s'éparpiller, en regardant la version de La nuit des rois réalisée par Jack Corrie a l'enseigne de la BBC, mais la réalisation me semble moins en cause que la pièce , même si la mise en scène et l'interprétation restent assez conventionnelles, dans le genre téléfilm haut de gamme servi par d'excellents comédiens.

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    Or le "problème " me semble ailleurs: dans la structure un peu chaotique, sinon tirée par les cheveux, de cette pièce oscillant, voire titubant, entre l'analyse discursive et le burlesque rabelaisien, le charme pur d'une mélodie claire et le tohu-bohu , sans la fusion magique qu'on trouvera dans Le Songe d'une nuit d'été ou La Tempête.


    De quoi s'agit-il plus précisément ? D'amour et de folie. Des caprices de l'amour qui font que, contre toute raison apparente, la très belle et très riche Olivia, ne cède pas à l'amour fou du très puissant et magnifique duc Orsino, mais ne tarde à s'éprendre du très charmant envoyé de celui-ci ayant pour mission de la faire fléchir, et qui, sous les traits du bel et jeune Cesario, est une jeune et belle Viola tombant elle-même amoureuse du duc qui l'envoie... Et côté folie, au propre et au figuré: d’une suite de variations sur le thème du fou, assez lourdement incarné en l’occurence.


    René Girard a beau exulter à l'évocation de La nuit des rois, où il trouve un concentré de mimétisme illustrant à merveille sa fameuse théorie: la multiplication des doubles et des reflets, dans la pièce, et les situations abracadabrantes à la base de ces triangulations amoureuses, restent tout de même “téléphonées”.
    C'est entendu: La ravissante Viola déguisée, en charmant Cesario, allie l'intelligence malicieuse a une perception pénétrante des sentiments, et l'on s'amuse à voir le "garçon" décrire la psychologie féminine en connaissance de cause (!) devant Orsino, qui se met à en pincer pour "lui" malgré la "nature"...

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    De la même façon , l'on se réjouit de voir l'intendant cauteleux d'Olivia , ce cuistre puritain de Malvolio, se faire piéger de la plus cruelle façon par une drôlesse et trois saoulards, et pourtant...
    Pourtant, si jouée qu'elle reste, et malgré sa "valeur ajoutée" en matière de mimétisme girardien ou de comique, shakespearien, La nuit des rois ne me semble pas entrer dans le Top Twenty des pièces du Barde...

  • Les masques transparents

     

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    Comme il vous plaira

    Shakespeare a-t-il péché contre le Bon Goût littéraire en déclarant au grand public de son temps et du nôtre : Comme il vous plaira !? Ne se l'est-il pas joué Love Story avant la lettre en faufilant cette pastorale où deux fois deux couples, avec travesti bisexué pour corser la mise, s'en vont fleureter dans une forêt où se sont déjà retiré un Duc en exil et ses compagnons restés fidèles, fort contents au demeurant de respirer les parfums sylvestres loin des cours corrompues ? Et comment croire que l'auteur de Hamlet et du Roi Lear soit le même que celui de cette apparente bluette finissant en happy end aussi suave que dans les romans à la tisane rose de Barbara Cartland ?

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    À vrai dire, se poser ces questions, comme l'ont fait des générations de cuistres graves, revient à avouer qu'on n'a rien vu ni rien entendu de cette délicieuse parodie (qui n'en est pas vraiment une) d'un genre à peine détourné mais qui sert de prétexte a une suite de variations plus ou moins persifleuses, mais également imprégnées de tendresse, sur les thèmes de l'amour et de l'amitié, du pouvoir abusif et de la jalousie, du simple bonheur d'être au monde et de la mélancolie à l'épreuve de ce qu'il est si souvent.

    L'intrigue amoureuse principale de la pièce (l'amour évident, idéal et longtemps empêché de se déclarer au grand jour, de l'adorable Rosalinde et du non moins craquant Orlando) pourrait être fadement convenu, et pourtant il n'en est rien. Lorsque Rosalinde, déguisée en Ganymède, lance à Orlando son fameux "fais-moi l'amour !", l'humour fou de la situation va bien plus loin que l'ambiguïté pointée par d'aucuns, la provocation transgessive ou la perversion dénoncée par les puritains: c'est un jeu de masque transparent sublimé par la prodigieuse fantaisie verbale de la fille-garçon, tellement plus déliée et inventive dans son improvisation narquoise que le pauvre Orlando super-sentimental en ses vers appliqués.

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    L'être humain qui aime d'amour ou d'amitié est plus naturellement aimable que le jaloux ou le méchant, et le bonhomme public aime qu'on le lui rappelle même s'il sait qu'on est au théâtre, et Comme il vous plaira ne se dédouble pas en discours sur le théâtre pour rien (la première envolée de Jacques le mélancolique), alors que chacun joue son rôle en clignant de l’oeil, qu'il soit d'un berger philosophant sans malice ou d'un bouffon jonglant avec les paradoxes, d'un amoureux transi (le très candide Silvius) ou d'un esprit fort (Jacques le faux cynique) préférant sa solitude aux ronds-de-jambes, d’une paysanne un peu peste ou d’une fille de Duc plus stylée.

    S'il vous plaît que la vie vous plaise: comme il vous plaira, et qui reprocherait à la pièce d'embellir la donne, ou à Shakespeare son amour de la vie ?

     

  • Le fiasco de Falstaff

     

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    Les joyeuses commères de Windsor

     Après les tragédies et la comédie plutôt noire de Shylock, loin de la Rome antique et des sanglantes intrigues de palais, cette comédie écrite par Shakespeare en moins de deux semaines (dit la légende) à la demande de la reine Elisabeth (autre donnée controversée) impatiente de voir réapparaître la bedaine de Falstaff, combine deux ou trois intrigues amoureuses assez « téléphonées » qui sont surtout l’occasion de rire d’un peu tout le monde dans le genre de la comédie d’humeurs à vives saillies satiriques et grand renfort de personnages hauts en couleurs, à commencer par le vaniteux et truculent John Falstaff.

    Celui-ci, nobliau déchu et fauché sur le retour d’âge, court deux femmes mariées à la fois, qui se jouent de lui de façon à la fois hilarante et impitoyable, alors que la fille de l’une d’elle, la belle Anne Page, convoitée par divers prétendants, faufile sa propre Love story à l’insu de tous ou presque.

    Dans une ronde un peu folle, basculant finalement dans une féerie nocturne dont la magie tient du simulacre grinçant, la comédie vaut par le relief de ses personnages et par les jeux à n’en plus finir sur le langage oscillant entre parodie à gros traits et douce folie.

    Cependant une note plus mélancolique s’y fait aussi sentir, comme en sourdine, liée à la déconfiture de Falstaff le faraud défait que ces dames, à la toute fin, n’auront pas le cœur de ne pas convier aux agapes du happy end…  


    Sources: Les 37 pièces de Shakespeare(1564-1616) adaptées par la BBC entre 1978 et 1985. Le premier coffret du Volume I des Tragédies contient 6 DVD consacrés respectivement à Titus Andronicus, Roméo et Juliette, Jules César, Hamlet, Troïlus et Cressida et Othello. Le deuxième coffret rassemble Timon d'Athènes, Le Roi Lear, Antoine et Cléopâtre, Macbeth et Coriolan. Le premier coffret des Comédies contient Le marchand de Venise, Les joyeuses commères de Windsor, Beaucoup de bruit pour rien, Comme il vous plaira et La nuit des rois. Editions Montparnasse.

  • Symétries de la haine

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    Au miroir de Shakespeare 

    Comédies (12)


    Le marchand de Venise


    On pourrait dire, en bon chrétien charitable, que cette comédie illustre la cupidité congénitale du Juif et sa cruauté monstrueuse (à l'instar du peuple déicide) qui lui fait réclamer une livre de chair, taillée à vif donc mortelle, au riche marchand vénitien auquel il a prêté 3000 ducats et que la ruine soudaine empêche de payer sa dette.

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    C'est sans doute comme ça que nombre de bons chrétiens charitables, non moins qu'antisémites par tradition, ont entendu Le marchand de Venise au siècle de Shakespeare et jusqu’aujourd'hui, ainsi qu’ils ont vu l'affreux Shylock et sont retournés à leurs affaires en toute bonne conscience.
    Or c'est ne pas entendre ce que Shakespeare fait dire à Shylock, qui a toujours été traité de chien galeux par le richissime et très catholique Antonio, au motif apparent qu'il pratique l'usure. Dans une apostrophe légitime, Shylock demande à ces messieurs les Vénitiens, eux-même exploiteurs à leur façon policée, en quoi il est moins humain qu'eux, moins bon envers ceux qu'il aime, moins respectueux de Dieu qu'ils prétendent l'être eux-mêmes, et s'ils ne réagiraient pas comme lui, criant justice, s'ils étaient injuriés comme lui et sa "tribu" ne cessent de l'être.
    Dès lors, la première interprétation de la pièce, concluant à la monstruosité du Juif, n'est-elle pas balayé par cette seconde lecture qui fait de Shylock une victime ?
    On pourrait le penser si Shylock n'était pas littéralement possédé par la haine, qui fait aussi de lui un bourreau prêt à passer à l’acte. De plus, c’est un père despotique et un rapiat, vraiment pas sympa !

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    Mais peut-on croire Antonio quand il se pose en bouc émissaire, alors même que tous les Vénitiens s'acharnent sur le Juif ? Et qu'en est-il du jugement final dépouillant l'usurier et le contraignant à se faire chrétien au terme d’un procès relevant de l’entourloupe ? Et les motivations amoureuses de Bassanio, le soupirant de la riche Portia, endetté jusqu’au cou et “sauvé” par Antonio, sont-elles dénuées de cupidité ?
    Enfin bref: qui jettera la pierre à quelle partie ? Telle est la question - entre beaucoup d’autres - que pose cette comédie à la fois sombre et profondément ironique, qui prend acte à la fois de l'état des choses à un moment de l'histoire de la chrétienté et en un lieu fondateur du capitalisme européen, jouant sur de multiples effets de miroirs et de troublantes symétries sans mériter la qualification d'équivoque.

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    Une fois de plus, le génie pacificateur de Shakespeare ne fait pas l'économie des oppositions de toute espèce, qu'il s'agisse de l'antagonisme profond opposant les trois religions du Livre ou les conflits entre classes, le choc des cultures et des âges. Bien entendu, il a été taxé d’antisémitisme larvé, et d’aucuns continuent de considérer cette pièce comme éminemment condamnable selon nos critères actuels. Ils ont tort: Shakespeare est non seulement notre contemporain mais il anticipe, à de multiples égards et bien au-delà du politiquement correct, une perception élargie de la complexité humaine dont la clémence est le leitmotiv.

  • Vaine fureur

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    Au miroir de Shakespeare


    7.Timon d'Athènes


    Si la tradition classe cette noire satire au nombre des tragédies de Shakespeare, l'on peut légitimement se demander en quoi les tribulations de Timon, - riche Athénien prodiguant ses largesses à une cour de flatteurs puants, se retrouvant soudain endetté et aussitôt abandonné par ses parasites, et se réfugiant alors dans une grotte pour maudire le genre humain et la vie même - relève du tragique ?
    Tout ce qui lui arrive ne procède -t-il pas en effet de sa vanité et de la niaiserie naïve qui lui fait croire que l'amitié s'achète, et n'aggrave-t-il pas lui-même son cas en crachant sur les seuls amis sincères qui lui restent, à savoir le noble Alcibiade et son intendant Flavius ?
    Quoi de tragique là-dedans, sinon l'aveuglement d'un fils à papa se la jouant Schopenhauer avant la lettre ?

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    Le caractère composite de la pièce, notoirement attribuée à au moins deux auteurs, et d'un équilibre dramatique un peu chancelant, n'empêche pas la pérennité percutante de sa partie satirique, et le discours de Timon sur la corruption et la décadence reste d'actualité en notre époque de prédateurs voyous. Pas étonnant que les contempteurs de la société bourgeoise, de Marx à Peter Brook, y aient vu un manifeste à relancer.
    Au demeurant, ce n'est pas par la voix de Timon que Shakespeare nous touche le plus, mais par celle de ses vrais amis, le général Alcibiade et l'intendant Flavius.
    Comme le Philinte de Molière, dans Le Misanthrope, l'intendant de Timon, qui n'a cessé de le mettre en garde contre le gaspillage, est le seul à pleurer sincèrement la déchéance de son maître, qui reconnaît en lui un parfait honnête homme avant de l'envoyer au diable avec la même ingratitude inconséquente qu'il montre à son ami Alcibiade.

    Or c’est par celui-ci, injustement exilé par les sénateurs pourris alors qu’il défendait l’un des siens injustement condamné à mort, et revenu en force leur damer le pion, que la paix sera rétablie à Athènes, palliant la tragique imbécilité des postures extrêmes par le moins pire des arrangements.

  • Coeurs durs et âmes pures

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    Au miroir de Shakespeare


    8. Le roi Lear
    Des plus noires et poignantes tragédies de Shakepeare, avec Hamlet, Othello et Macbeth, l’histoire du vieux monarque répudiant la seule de ses trois filles qui l’aime sincèrement, pour lui préférer les deux autres, flatteuses et impatientes de l’humilier, est également la plus simple en apparence et la plus intéressante, la plus troublante aussi par sa façon de combiner les composantes les plus intimes de l’amour-haine filial, tissé de tendres sentiments et d’obscures rivalités, et les embrouilles politiques procédant des mêmes antinomies.

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    Avec une précipitation dramatique saisissante, tout se joue dès la première scène où le vieux patriarche, décidé à diviser son royaume entre ses trois filles (Goneril l’aînée, Régane et Cordelia), exige de celles-ci qu’elles montrent leur reconnaissance en rivalisant d’éloges. Ce que font les deux premières en usant de la même rhétorique ampoulée et creuse, mais qui satisfait la vanité de leur paternel, alors que Cordelia refuse d’entrer dans cette vaine surenchère, se contentant de mots simples et sincères et provoquant alors l’explosion de rage de Lear, qui la cède sans dot au roi de France et bannit du même coup le loyal comte de Kent qui tentait de lui faire reconnaître la probité de Cordelia.
    À partir de cet acte d’imbécile vanité, tout va se déglinguer autour du roi Lear alors qu’un autre vieux seigneur du royaume, en la personne du comte de Gloucester, est poussé par son fils illégitime Edmond, plein de ressentiment, à rejeter son fils Edgar sur la base d’un faux témoignage.

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    Ces deux lignes dramatiques, dans un crescendo exacerbé par les rivalités et l’esprit de trahison (le machiavélisme d’Edmond rappelant celui du Iago d’Othello), ne cesseront de s’entrecroiser tout au long de la pièce, où la folie, réelle ou feinte, de Lear et d’Edgar, joue un rôle aussi important que dans Hamlet, avec un jeu de miroirs et des dédoublements de personnages vertigineux.


    La noirceur absolue des deux sœurs aînées contraste avec la bonté foncière de Cordelia, dont le sublime monologue, au chevet de son père retrouvé, fait écho à la scène bouleversante d’Edgar décrivant le paysage à son père aveugle (Régane ayant fait crever les yeux de Gloucester à l’instigation d’Edmond le félon), au bord de la falaise de Douvres aux allures de finis terrae cosmique.

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    Des résonances métaphysiques du Roi Lear, la réalisation très épurée de Jonathan Miller, jouant à la fois sur les cadres serrés et le clair-obscur, ressaisit l’essentiel, avec des comédiens formidablement présents, à commencer par Michael Hordern dans le rôle-titre. De la scène finale de déploration, après que Lear a recueilli le corps de Cordelia, victime expiatoire, émane une tendresse toute shakespearienne également incarnée par Kent et le vieux fermier fidèle de Gloucester. Mélange de lucidité cinglante et de poésie, de violence et de quête d’équilibre, Le Roi Lear touche enfin par ce qu’il nous dit, sur fond d’intrigues et de trahisons, de l’amour et de la loyauté.

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    Sources. Les 37 pièces de Shakespeare(1564-1616) adaptées par la BBC entre 1978 et 1985. Le premier coffret du Volume I des Tragédies contient 6 DVD consacrés respectivement à Titus Andronicus, Roméo et Juliette, Jules César, Hamlet, Troïlus et Cressida et Othello. Le deuxième coffret rassemble Timon d'Athènes, Le Roi Lear, Antoine et Cléopâtre, Macbeth et Coriolan. Editions Montparnasse.
    Ma lecture fera souvent référence à l’essai magistral de René Girard consacré à Shakespeare, sous le titre Les feux de l’envie (Grasset, 1990) et au grandiose William Shakespeare de Victor Hugo. Quant à l’essai de Jan Kott, Shakespeare notre contenporain, il a été repris dans la Petite Bibliothèque Payot en 2006. Vient en outre de paraître: Dictionnaire amoureux de Shakespeare, par François Laroque, chez Plon, 2016.

  • Le sang contaminé

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    Au miroir de Shakespeare

    10. Macbeth


    Des tragédies de Shakespeare, Macbeth est à la fois la plus noire et le plus stupéfiant aperçu du mal pur, qu'on pourrait dire diabolique s'il n'était l'expression même de l'humain en sa face sombre, qui se juge a l'instant même de fomenter son crime, avec l'ardeur glaciale caractérisant ce que la tradition chrétienne appelle le péché contre l'esprit.
    Il y a quelque chose des possédés à la Dostoïevski dans les figures de Macbeth et de sa démoniaque Lady, qui sont tous deux jouets de leur latente volonté de puissance soudain éveillée puis exacerbée par les prédictions magiques des sorcières.

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    Parler de Macbeth comme d'un monstre, sur le ton des tabloïds, et ne voir en Lady Macbeth qu'une pousse-au-crime machiavélique, reviendrait à ne pas voir dans quel tourment ils ont hésité (Macbeth) et argumenté (Lady Macbeth) avant de verser le sang et d'en découvrir la loi (le sang appelant le sang) puis de se retrouver inassouvis et confrontés à leur néant. Lady Macbeth fuira en se donnant la mort, et Macbeth en tirera la conclusion nihiliste fameuse, mais dont on se gardera de faire une profession de foi de Shakespeare lui-même : "La vie n'est qu'une ombre en marche, un pauvre acteur, / Qui se pavane et se démène une heure durant sur la scène, / Et puis qu'on entend plus. C'est un récit / Conté par un idiot, plein de bruit et de fureur, / Et qui ne signifie rien"...

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    Or Tout Shakespeare n'est pas dans Macbeth, et la pièce signifie autant par Malcolm, le fils du Roi assassiné qui se peint lui-même en proie du démon dans une extraordinaire scène de mentir-vrai destinée à éprouver la sincérité de Macduff dont l'usurpateur à massacré les enfants, ou par Banquo l'ami trahi, que par Macbeth et sa Lady baisant le cul du Diable - pour parler comme au Moyen Âge. Le temps historique de Macbeth est en effet celui de la peste et des sorcières pourchassées à travers l'Europe, qui dans la pièce font figures de Parques et d'oraculaires "larves de la nuit".
    Autant que les autres réalisations produites par la BBC, cette version signée Jack Gold exclut toute grandiloquence et tout pathos au profit d'une interprétation vibrante d'interiorité, avec une Lady Macbeth (Jane Lapotaire ) impressionnante par ses oscillations entre douceur suave et détermination criminelle, ruse et désarroi.

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    Sommet de la perception tragique et de l'amère lucidité face au monde du pouvoir, Macbeth ne propose aucune solution rassurante, en matière politique, quand bien même la sagesse du poète y filtrerait comme dans Le Roi Lear et les autres tragédies. Parler de la modernité de Shakespeare pourrait relever du poncif à force d'être ressassé, et pourtant comment ne pas saisir l’actualité de cet incomparable poème dramatique dans notre monde où la fausse parole trouve plus de relais que jamais - où le crime maquillé en bonne action n'en finit pas de relancer le conseil de Lady Macbeth à son conjoint trop peu sûr de lui: "Pour tromper le monde, faites comme le monde (...), ayez l'air de la fleur innocente / Mais soyez le serpent qu'elle dissimule" ?

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    Sources: Les 37 pièces de Shakespeare(1564-1616) adaptées par la BBC entre 1978 et 1985. Le premier coffret du Volume I des Tragédies contient 6 DVD consacrés respectivement à Titus Andronicus, Roméo et Juliette, Jules César, Hamlet, Troïlus et Cressida et Othello. Le deuxième coffret rassemble Timon d'Athènes, Le Roi Lear, Antoine et Cléopâtre, Macbeth et Coriolan. Editions Montparnasse.
    Ma lecture fera souvent référence à l’essai magistral de René Girard consacré à Shakespeare, sous le titre Les feux de l’envie (Grasset, 1990) et au grandiose William Shakespeare de Victor Hugo. Quant à l’essai de Jan Kott, Shakespeare notre contenporain, il a été repris dans la Petite Bibliothèque Payot en 2006. Vient en outre de paraître: Dictionnaire amoureux de Shakespeare, par François Laroque, chez Plon, 2016. Enfin: référence bilingue incontournable: les Tragédies de Shakespeare réunies en deux volumes dans la Bibliothèque de la Pléiade, sous la direction de Jean-Michel Déprats.

  • De si nobles larmes

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    Au miroir de Shakespeare


    9. Antoine et Cléopâtre


    On peut avoir un goût mitigé pour le genre péplum, ou craindre le côté nid à poussière du drame historique, et nul doute qu'une représentation académique d'Antoine et Cléopâtre doit pouvoir susciter un ennui mortel si le lecteur ou le metteur en scène n'en perçoit pas les bouleversants échos de tendresse et d'émotion, qui rappellent ceux de Roméo et Juliette avec plus de rigueur tragique et d'intime résonance, à la fois paradoxale, s'agissant d'enjeux impériaux, et tellement humaine pour ce qui nous touche.


    act501_grande.jpegC'est la tragédie, sans échappatoire possible, de l'incompatibilité des raisons du cœur et de la Raison d'Etat, frappant des être de chair ardente et non moins nobles par leurs sentiments. De fait, et malgré la sévérité puritaine du jeune César, autant que les reproches qu'Antoine se fait à lui-même pour sa sensualité, l'amour de celui-ci pour Cléopâtre s'élève bien au-dessus de la débauche ordinaire, et le personnage de la reine égyptienne est bien plus qu'une enjôleuse démoniaque.


    Or il est passionnant, et plus encore: émouvant, de voir comment Shakespeare figure, bel et bien, les composantes de ce qu'on appelle la guerre des sexes, et les dépasse, comme il dépasse les données historiques reprises parfois textuellement à Plutarque, pour démêler à sa façon les conflits de rivalité du triumvir Romain et d'Antoine le conquérant.


    Pas un scélérat dans Antoine et Cléopâtre - pas un personnage comparable au Iago d'Othello ou au fils illégitime de Gloucester dans Le Roi Lear, même si le vieux compagnon de route d'Antoine, le trop lucide Enobarbus, lâche son ami - et s'en veut d'ailleurs littéralement à mort.

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    Et que de larmes sincères, de la base au sommet de la pyramide hiérarchique : larmes d'Eros sur le désespoir d'Antoine qui le supplie de le tuer et se tue lui-même pour n'avoir pas à frapper son maître. Larmes d'Antoine après la mort feinte de Cléopâtre. Larmes non feintes de Cléopâtre sur Antoine agonisant. Larmes de Cesar devant le cadavre d'Antoine qu'il appelle son "frère ".


    Sentimentalité larmoyante que tout ça ? Tout le contraire: noblesse du chagrin tout humain, qui traverse les races et les classes sous le regard du poète.

    Quant à la réalisation présente, produite et dirigée par Jonathan Miller, elle vaut par la façon quasi intimiste de recadrer l’action et les protagonistes, dans une proximité rompant avec toute pompe et toute emphase déclamatoire malgré les coups des gueule d’Antoine et les éclats non moins vifs de Cléopâtre. Au premier plan, le brave Enobarbus fait figure de sage Cicerone, modulant un équilibre précaire entre les parties. Dans le rôle de Cléopâtre, Jane Lapotaire saisit par l’extrême sensibilité de son jeu, à variations fulgurantes sur fond de douceur et de sensualité fine. Pourtant il y a du masculin en elle, comme il y a du féminin dans le personnage d’Antoine campé par Colin Blakely, mélange de bretteur carré et de prince tourmenté, honteux de sacrifier son devoir à son plaisir. Pour ce qui est du jeune Octave, incarné par Ian Charleson, il en impose par son calme inflexible et sa présence à la fois douce et rigide. Sans effets inutiles, dans une scénographie aussi sobre qu’est pénombreux l’éclairage, c’est du Shakespeare “de chambre”, pourrait-on dire comme on le dit de la musique, où les sentiments sont ressaisis à fleur de mots.

    Sources. Les 37 pièces de Shakespeare(1564-1616) adaptées par la BBC entre 1978 et 1985. Le premier coffret du Volume I des Tragédies contient 6 DVD consacrés respectivement à Titus Andronicus, Roméo et Juliette, Jules César, Hamlet, Troïlus et Cressida et Othello. Le deuxième coffret rassemble Timon d'Athènes, Le Roi Lear, Antoine et Cléopâtre, Macbeth et Coriolan. Editions Montparnasse.
    Ma lecture fera souvent référence à l’essai magistral de René Girard consacré à Shakespeare, sous le titre Les feux de l’envie (Grasset, 1990) et au grandiose William Shakespeare de Victor Hugo. Quant à l’essai de Jan Kott, Shakespeare notre contenporain, il a été repris dans la Petite Bibliothèque Payot en 2006. Vient en outre de paraître: Dictionnaire amoureux de Shakespeare, par François Laroque, chez Plon, 2016. Enfin: référence bilingue incontournable: les Tragédies de Shakespeare réunies en deux volumes dans la Bibliothèque de la Pléiade, sous la direction de Jean-Michel Déprats.

  • La double erreur du héros

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    Au miroir de Shakespeare


    11. Coriolan


    Le plus fol orgueil et l'engagement le plus absolu au service de sa patrie caractérisent le chef de guerre Caius Martius, dont la conquête héroïque de la ville de Corioles, après dix-sept batailles victorieuses, lui a valu le surnom de Coriolan.


    La légitimité de ce surnom, cristallisant la jalousie des démagogues romains autant que des ennemis de la République en ses débuts (l'action se passe au Ve siècle avant notre ère), Coriolan ne la doit qu'à lui seul, qui a combattu comme personne, et c'est en orgueilleux farouche qu'il brigue le titre de consul en méprisant à la fois la plèbe, les tribuns qui la manipulent et ses propres amis dont il raille les éloges.


    On a vu, parfois, en cet intraitable personnage, altier et plein de morgue arrogante, un prototype de héros "fasciste" dont les diatribes ont enflammé l'extrême-droite française lors d'une représentation mythique de 1934 qui provoqua la fureur symétrique des partisans du front populaire.
    Pièce à thèse réactionnaire que Coriolan ? Ce serait juger selon nos critères binaires étriqués que de le conclure. D'abord parce que le dernier mot de cette tragédie va bien au delà de la fureur, d'ailleurs légitime à bien des égards, que manifeste Coriolan à l'égard des démagogues forts en gueule prétendant représenter le peuple alors qu'ils ne pensent qu'à leurs intérêts.

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    Ensuite, l'orgueil de Coriolan n'est pas exalté par la pièce, au contraire: celle-ci en illustre la faiblesse. En outre, comme dans les autres tragédies politiques de Shakespeare, ce n'est pas dans la force et l'injustice que le bon gouvernement - ici, la première esquisse de démocratie - s'exercera, mais dans la recherche d'une conciliation pacifique viable entre les acteurs sociaux. Les acteurs ! Car c'est bien de théâtre qu'il s'agit, et pas de catéchisme idéologique partisan.

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    Or il faut relever, dans la réalisation de la BBC signée Elija Moshinsky, à côté du Coriolan d'Alan Howard,d'abord psychorigide et s'humanisant en fin de partie, la bouleversante présence de la mère terrible, première à avoir voulu un fils inflexible, que la grande comédienne Irene Worth incarne sans pathos mais avec une déchirante intensité dans la scène-clef de la supplique des siens à un Coriolan prêt à mettre Rome à feu et à sang.
    Un autre pic émotionnel est atteint, dans cette tragédie que le poète T.S. Eliot plaçait au top, dans la scène ou Coriolan, chassé de Rome, vient proposer à son plus cher ami-ennemi Tullus Aufidius, qu'il a combattu autant qu'il l'a aimé, de marcher ensemble sur Rome pour consommer leur double vengeance.

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    La confusion des sentiments et des intérêts politiques de chacun se trouve amorcée dans une embrassade bonnement amoureuse ou Aufidius compare l'ami retrouvé à sa bien-aimée. Coriolan lui offrait sa gorge à trancher en cas de désaccord, et voici qu'on l'embrasse très tendrement; or plus atroce sera la fin de cette amoureuse rivalité dans la scène de la mort de Coriolan ou l'on ne sait plus qui Hurle "tue-le" tandis que l'un tue l'autre en le pleurant...

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    En notre époque de démagogie mondialisée et de populisme hagard filtré sous nos yeux par la jactance chaotique des réseaux sociaux - l'hydre à millions de tête de Facebook, etc. - la dernière des tragédies du Barde devrait figurer en première ligne de nos études buissonnières, tandis qu'on tue et bombarde les peuples au nom de la démocratie et des droits de l'homme...

  • Ceux qu'inspire la Nébuleuse

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    À mes amis Jean-Daniel Dupuy et Bona Mangangu, arpenteurs certifiés de la Nébuleuse.

     

    Celui qui pilote le dirigeable des enfants / Celle qui ne s'attend qu'à l'inattendu /Ceux pour qui la vie est un songe et inversement / Celui qui élève le somnambulisme au rang d'art premier / Celle qui rappelle à ses élèves que la nature a inventé l'arbre mais pas l'armoire à balais / Ceux qui scutent sans oeillères la réalité latérale / Celui qui affirme que dans les syndolies du bélophéronte il n'y a qu'oeufs au plats et logique ballante / Celle qui estime qu'au regard de la mort et du cours du Nasdaq le réel et l'irréel s'entrebâillent /  Ceux qui postulent que le postulat postule l'Homme avec ou sans cravate à pois / Celui qui compte sur le lundi pour ressusciter / Celle qu'indigne la glose naturaliste selon laquelle tout a toujours existé et même avant / Ceux qui postulent que leschoses de la vie doivent être traduites de l'autre côté de la vie et par exemple dans un atelier bien chauffé d'au moins 20 m2 / Celui qui n'écrit que pour cas désespérés / Celle qui se fait un point d'honneur de s'impliquer sans s'expliquer jamais / Ceux qui vomissent d'avance les phrases prétendues sensées des gens prétendues sensées / Celui qui estime posément qu'il faut se dérober à la logique apparente sans se perdre dans l'illisible / Celle qui sait qu'il y a quelque part un village saint mais dire où ça elle sait pas Natacha / Ceux qui sourient à la lecture de la poésie voulue fatale / Celui qui songe à une anthologie de l'impossible avéré /Celle qui reconnaît le vrai réaliste à cela qu'il décrit le monde tel qu'il n'est pas / Ceux qui considèrent qu'un monde sans horizon n'est pas un horizon / Celui qui met de l'ordre dans le chaos sans écouter les bonnets noirs /Celle qui récuse la pseudo-réalité de la poésie qui dorlote / Ceux qui ne trouvent de validité poétque qu'à lamain qui les prend à la gorge /Celui qui détient le stéthoscope lui permettant d'identifier les battements de coeur de la vraie nébuleuse cosmicomique /Celle qui rapelle à l'épicière qu'au rayon des denrées coloniales tous les genres littéraires seront admis et le piment fusillant autant que le sucre candi / Ceux qui entendent pallier la terrible perte du Repère par l'usage de la Boussole Sensible Multifonctions / Celui dont la bonté signe la perte salutaire / Celle qui met dans ses romans toute la complicité du monde / Ceux qui font en sorte que chacun atteigne le secret qu'ilpourra/ Celui se spécialise dans l'interprétation ondulatoire et corpusculaire des heures nouvelles / Celle qui voit passer un vol d'infirmières dansle ciel gris propre à lui rendre un peu d'espoir en l'humanité zélée des soignantes ailées / Ceux qui se rappellent le petit bruit de trousseau de clefs et de menue monnaie de l'Apparition angélique à blouse de doctoresse  / Celui qui voit le tramway nommé Désir traverser la marée humaine sans grincer / Celle qui remplit son cercueil de terre pour y planter un peu de blé / Ceux qui se retrouvent piégés dans la boutique de la modiste volubile / Celui qui a constaté que la mode ne tolérait le retour du ruban que tous les sept ans / Celle qui se lave la face dans le bain de lumière et les fesses dans le bain de boue / Ceux qui morts le seront plus que leurs jouets / Celui qui sait qu'un vampire hante la garde-robe de la galaxie / Celle qui rêvant de luxe rêve qu'elle se fait prendre sur le canapé du taxi / Ceux qui dépriment l'humanité en l'éloignant des bancs publics, etc.

     

    Image: Rubato, 2012. Fecit Bona Mangangu. Chute de nébuleuse sur papier de sac de meunier. Technique mixte, 2mx1m. PP. JLK

  • Féerie fiction

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    Je me dédouble volontiers,
    tu souris sous le masque
    sans la moindre duplicité:
    votre fidélité
    ressortit au mystère des dieux
    nés des jours et des nuits
    où tout ce qui parait s'enfuit...
     
    Il ne faut pas se regarder,
    mais accueille l'image
    de cet autre toi qui se tait
    quand tu vas pour te délivrer
    d'un semblant de secret;
    combien alors tu te rassembles
    quant au garçon la fille
    se disait du pareil ensemble
    dans la vive Cité...
     
    Au théâtre des ambigus,
    c'est aux beautés cachées,
    aux bontés qu'on ne savait plus
    déceler au chaos,
    que là-bas vous en appelez
    en tendres ingénus -
    voici donc la fertile alliance,
    d'enfantine venue,
    des inconnus et de la danse...
     
    (Ce 6 février de la saint Amand, patron des vinaigriers et moutardiers,
    en lisant La Cité aux murs incertains d'Haruki Murakami)

  • Féerie fiction

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    Je me dédouble volontiers,
    tu souris sous le masque
    sans la moindre duplicité:
    votre fidélité
    ressortit au mystère des dieux
    nés des jours et des nuits
    où tout ce qui parait s'enfuit...
     
    Il ne faut pas se regarder,
    mais accueille l'image
    de cet autre toi qui se tait
    quand tu vas pour te délivrer
    d'un semblant de secret;
    combien alors tu te rassembles
    quant au garçon la fille
    se disait du pareil ensemble
    dans la vive Cité...
     
    Au théâtre des ambigus,
    c'est aux beautés cachées,
    aux bontés qu'on ne savait plus
    déceler au chaos,
    que là-bas vous en appelez
    en tendres ingénus -
    voici donc la fertile alliance,
    d'enfantine venue,
    des inconnus et de la danse...
     
    (Ce 6 février de la saint Amand, patron des vinaigriers et moutardiers,
    en lisant La Cité aux murs incertains d'Haruki Murakami)

  • Féerie fiction

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    Je me dédouble volontiers,
    tu souris sous le masque
    sans la moindre duplicité:
    votre fidélité
    ressortit au mystère des dieux
    nés des jours et des nuits
    où tout ce qui parait s'enfuit...
     
    Il ne faut pas se regarder,
    mais accueille l'image
    de cet autre toi qui se tait
    quand tu vas pour te délivrer
    d'un semblant de secret;
    combien alors tu te rassembles
    quant au garçon la fille
    se disait du pareil ensemble
    dans la vive Cité...
     
    Au théâtre des ambigus,
    c'est aux beautés cachées,
    aux bontés qu'on ne savait plus
    déceler au chaos,
    que là-bas vous en appelez
    en tendres ingénus -
    voici donc la fertile alliance,
    d'enfantine venue,
    des inconnus et de la danse...
     
    (Ce 6 février de la saint Amand, patron des vinaigriers et moutardiers,
    en lisant La Cité aux murs incertains d'Haruki Murakami)

  • Féerie fiction

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    Je me dédouble volontiers,
    tu souris sous le masque
    sans la moindre duplicité:
    votre fidélité
    ressortit au mystère des dieux
    nés des jours et des nuits
    où tout ce qui parait s'enfuit...
     
    Il ne faut pas se regarder,
    mais accueille l'image
    de cet autre toi qui se tait
    quand tu vas pour te délivrer
    d'un semblant de secret;
    combien alors tu te rassembles
    quant au garçon la fille
    se disait du pareil ensemble
    dans la vive Cité...
     
    Au théâtre des ambigus,
    c'est aux beautés cachées,
    aux bontés qu'on ne savait plus
    déceler au chaos,
    que là-bas vous en appelez
    en tendres ingénus -
    voici donc la fertile alliance,
    d'enfantine venue,
    des inconnus et de la danse...
     
    (Ce 6 février de la saint Amand, patron des vinaigriers et moutardiers,
    en lisant La Cité aux murs incertains d'Haruki Murakami)

  • Féerie fiction

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    Je me dédouble volontiers,
    tu souris sous le masque
    sans la moindre duplicité:
    votre fidélité
    ressortit au mystère des dieux
    nés des jours et des nuits
    où tout ce qui parait s'enfuit...
     
    Il ne faut pas se regarder,
    mais accueille l'image
    de cet autre toi qui se tait
    quand tu vas pour te délivrer
    d'un semblant de secret;
    combien alors tu te rassembles
    quant au garçon la fille
    se disait du pareil ensemble
    dans la vive Cité...
     
    Au théâtre des ambigus,
    c'est aux beautés cachées,
    aux bontés qu'on ne savait plus
    déceler au chaos,
    que là-bas vous en appelez
    en tendres ingénus -
    voici donc la fertile alliance,
    d'enfantine venue,
    des inconnus et de la danse...
     
    (Ce 6 février de la saint Amand, patron des vinaigriers et moutardiers,
    en lisant La Cité aux murs incertains d'Haruki Murakami)

  • Féerie fiction

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    Je me dédouble volontiers,
    tu souris sous le masque
    sans la moindre duplicité:
    votre fidélité
    ressortit au mystère des dieux
    nés des jours et des nuits
    où tout ce qui parait s'enfuit...
     
    Il ne faut pas se regarder,
    mais accueille l'image
    de cet autre toi qui se tait
    quand tu vas pour te délivrer
    d'un semblant de secret;
    combien alors tu te rassembles
    quant au garçon la fille
    se disait du pareil ensemble
    dans la vive Cité...
     
    Au théâtre des ambigus,
    c'est aux beautés cachées,
    aux bontés qu'on ne savait plus
    déceler au chaos,
    que là-bas vous en appelez
    en tendres ingénus -
    voici donc la fertile alliance,
    d'enfantine venue,
    des inconnus et de la danse...
     
    (Ce 6 février de la saint Amand, patron des vinaigriers et moutardiers,
    en lisant La Cité aux murs incertains d'Haruki Murakami)

  • Éloge du tendre

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    Quant aux vives douleurs de vivre
    dont jamais ne se lassent
    les amants aux passions tenaces,
    que nous en délivre la grâce
    de plus tendres desseins…
     
    Les extrêmes sont énervants
    qui des reins de si peu
    voudraient tirer des dieux,
    et la bave d’excitation
    est funeste aux nations;
    aussi d’Epicure le très sage
    soyons les bons amis,
    discrets et quelque peu volages...
     
    Aux caprices de tout désir
    à jamais incertains,
    la vague sera vagabonde,
    entêtée de plaisir,
    criseuse en vaines guerres,
    et tantôt ressaisie
    sous de neuves et vives lumières,
    épurée par les amitiés
    des ardents de tous âges
    aux chemins sereins du grand jour...
     

  • Quand Snoopy rime avec Bovary

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    (Le Temps accordé, Lectures du monde 2024)
     
    À La Désirade, ce vendredi 8 mars.- Cinq heures du matin. Dernier jour de mon frère le chien. Je m’efforce de n’y pas penser. Nous allons le délivrer de sa vie qui n’en est plus une, et la seule conclusion sera celle-ci: c’est la vie...
    Pour ma part je continue à tenir le journal de bord de l’humanité en ma modeste part, lisant et annotant Madame Bovary et La vie dans l’univers du physicien rebelle Freeman Dyson. Mon ami Bona met la dernière main au formatage de ma trilogie poétique, qui sera bientôt disponible, via le Nuage, à l’enseigne des Éditions de La Désirade, sous le titre de La Maison dans l’arbre, incluant La Chambre de l’enfant et Le Chemin sur la mer.
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    La première édition de La Maison dans l’arbre, parue hors commerce en 2018 au Cadratin, pour les 70 ans de ma bonne amie, était en somme une préoriginale, alors que la réédition augmentée de cette année, qui ne sera pas distribuée en librairie par les réseaux ordinaires, mais obtenue sur commande par le diffuseurs mondiaux associés à la firme américaine où tout se manigance, constituera pour moi, avec l’aide de mon cher Bona, le début d’une expérience qui pourrait ne pas s’en tenir à un titre puisque je dispose, actuellement, d’au moins six autres livres publiables demain, à savoir : un roman (Les Tours d’illusion, suite du Viol de l’ange), deux nouveaux volumes de mes Lectures du monde (Mémoire vive et Le Temps accordé), une suite poético-polémique de délires extralucides (Les Horizons Barbecue), un recueil de chroniques (choix tiré des quelque 260 chroniques de BPLT, intitulé Le Rêveur solidaire), une suite de proses voyageuses (Le Tour du jardin), et je passe sur un autre recueil de mes listes ou mes essais critiques sur la Commedia de Dante et les 37 pièces de Shakespeare…
     
    DE L’IMPENSABLE . - Aurais-je encore le goût de vivre si j’étais aveugle ? Je me le suis demandé à l’époque où Czapski a commencé de perdre la vue, alors même que nous possédons ses Mimosas peints au moment où il ne voyait quasi plus rien, j’y ai repensé quand Haldas a abouti lui aussi à la cécité complète, et je me dis aujoud’hui que ce que je croyais hier encore une sorte de mort est « vue » tout autrement par celui qui la vit, la capacité d’adaptation de l’animal humain excédant ce qu’on imagine le plus souvent – enfin je n’en sais rien…
     
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    BOVARY. C’est peu dire que revenir à Madame Bovary m’intéresse: je m’en régale et m’en délecte, soixante ans ( !) après ma première lecture, au même âge à peu près que celui de mon petit-neveu Adrien qui, à la veille de son bac, en a tiré une dissertation intéressante (sur la notion particulière de «bovarysme »), et avant deux ou trois retours dans les décennies suivantes, en marge de L’Éducation sentimentale et de Bouvard et Pécuchet, mon préféré jusque-là.
    Or je me rends compte, aujourd’hui, que mon plaisir de (re)découvrir ce prodigieux tableau de la vie provinciale paru à l’époque de la naissance de Rimbaud, et suscitant le même délire punitif qu’a subi Baudelaire, apprécier avec mes yeux de vieille peau la vitalité critique du jeune Flaubert et sa faconde, son humour entre les lignes, sa tendresse sous les vacheries, la sensualité de sa poésie – autant de poésie chez lui que chez Balzac, mais différente, aussi différente que la poésie en prose de Proust) et son intelligence pénétrante en matière de sentiments et de psychologie différenciée – sa façon de silhouetter Charles « de l’intérieur » avant les Homais, l’adorable Léon et Rodolphe ensuite et tous les ploucs du bourg d’alentour -, les intermittences affectives et sensuelles d’Emma et son donquichottisme poético-érotique, les paysages sous la loupe ou en panoramique, et son écriture avant toute chose avec sa musique et ses irrésistibles formules – bref tout cela m'enchante et je me réjouis, demain, d’en parler avec mon compère Quentin dont je me souviens qu’il avait été passionné, lui aussi, par ce sacré bouc de bouquin « revisité », comme on dit aujourd’hui, grâce au jeune Adrien auquel je dois une bonne lettre de remerciement et d’incitation à y regarder d’encore plus près …

  • L'amour au véronal

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    Au miroir de Shakespeare (2)


    2.Roméo et Juliette

    Après le carnage à la romaine de Titus Andronicus, on change de costumes et de décor avec Roméo et Juliette, qui peut d'ailleurs se jouer aujourd'hui encore sans être forcément actualisée: au contraire, son côté comédie romantique et ses beaux jeunes gens ferraillant ou flirtant dans les nobles murs d'une ville italienne semblent faits pour le cinéma en alternant scènes d'action et duos d'amour, mélo juvénile et tragédie.

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    Mais où est le tragique dans Roméo et Juliette, au sens grec qui exclut toute échappatoire, ou au sens racinien ?
    Du temps de Shakespeare, déjà, certains puristes ont trouvé à la pièce un caractère composite où l'élément tragique figuré par le dénouement mélodramatique, relève du coup de théâtre plus que du fatum, avec quelque chose qui paraît téléphoné malgré la beauté de la chose aiguisée par un humour noir very british.


    En fait, la réponse à cette question du tragique essentiel, ou inessentiel, de cette tragi-comédie ouverte à de multiples interprétations, dépend du point de vue dominant, qu'il soit social et psychologique (la haine opposant les Montaigu et les Capulet, qui rappelle celle des Gibelins et des Guelfes du temps de Dante, dans la Commedia duquel on trouve d'ailleurs les deux jeunes amants, mais à Crémone et pas à Vérone), ou plus radicalement "métaphysique".
    Grand Corps Malade ne pousse pas trop l'analyse , mais son Roméo kiffe Juliette privilégie le conflit social, comme le fait Léonard Bernstein dans son sensationnel opéra-rock West Side Story, alors que les Montaigu et les Capulet ne se trouvent ni en conflit de classes ni d'ethnies; et la même approche à dominante sociale marque un très beau film de 1942 co-signé par Hans Trommer et Valerian Schmidely - l'un des chefs-d'œuvre du cinéma suisse, selon Freddy Buache,- et constituant l'adaptation d'une des plus belles nouvelles de Gottfried Keller intitulée Roméo et Juliette au village .
    Or la partie secrète, chuchotée dans la nuit ou modulée en vers merveilleux (Roméo kiffe aussi le sonnet) dit autre chose que l'obstacle obstiné des familles: bien sûr elle capte la haine, mais elle parle aussi d'amour fou comme l'a célébré le romantisme et le surréalisme, la passion enivrante et mortelle, d'autant plus funeste qu'elle est à la fois glamour et brutale, cernée de jeunes épées et trop impatiente pour écouter aucun conseil de sagesse.

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    Pour un René Girard, le caractère tragique de Roméo et Juliette tient surtout au drame de jeunesse exacerbé par la précipitation. On sait la défiance de Girard envers les gesticulations romantiques, et c'est vrai que cette belle jeunesse se fait tout un cinéma, ce qui explique d’ailleurs le goût de la télé et du cinéma pour la story, du téléfilm déclamatoire à la française style Claude Barma aux superproductions italo-américaines d'un Zeffirelli ou d'un Baz Luhrmann, après George Cukor, entre autres.

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    Par delà ces éléments antagonistes "physiques" de jeune chair enflammée et de verrous familiaux, ou de morale chrétienne et de transgression passionnelle, Shakespeare nous dit aussi autre chose, là-dedans, qui va par delà le "physique" et qu'on dira donc "métaphysique " , où l'autre opposition d'Éros et Thanatos se perpétue sous le ciel étoilé auquel s'adresse Juliette :


    "Viens, douce nuit, viens amoureuse nuit au front noir,
    Donne-moi mon Roméo, et quand je mourrai,
    Enlève-le et découpe-le en petites étoiles,
    Et il rendra si beau le visage des cieux
    Que le monde entier s’éprendra de la nuit
    Et n’adorera plus le soleil éclatant”.


    On pourrait sourire du fait qu'une Lolita ritale (Juliette à moins de quinze ans) tienne un si sublime discours, comme lorsqu'elle prononce ces autres paroles si pénétrantes:


    “Mon unique amour né de mon unique haine
    Inconnu vu trop tôt et reconnu trop tard,
    Pour moi l’amour est né comme un enfant bâtard
    Qui me pousse à aimer la source de ma haine”.


    Mais la Béatrice de Dante ou la Laure de Pétrarque étaient plus jeunes encore que Juliette, et il ne serait guère plus étonnant non plus que les vers de Roméo aient été inspirés, au vrai Shakespeare des fameux Sonnets, sur lequel on n'a d'ailleurs aucune certitude, par un joli brin de garçon...

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    Sur cette même pente allègrement déviante, et pour rassurer telle enseignante anglaise qui s'indignait que Roméo et Juliette fût une pièce si exclusivement hétéro, l'on peut signaler qu'un film en a tiré l'argument d'une adaptation homophile. Plus précisément, le réalisateur américain Alan Brown, dans Private Romeo (2011), a imaginé qu'après avoir lu la pièce de Shakespeare dans le cadre d'un collège militaire américain, deux boys s'éprennent l'un de l'autre en provoquant la scission du dortoir en deux clans opposés, etc.


    Ma lecture fera souvent référence à l’essai magistral de René Girard consacré à Shakespeare, sous le titre Les feux de l’envie (Grasset, 1990) et au grandiose Shakespeare de Victor Hugo. Quant à l’essai de Jan Kott, Shakespeare notre contenporain, il a été repris dans la Petite Bibliothèque Payot en 2006. Vient enfin de paraître: Dictionnaire amoureux de Shakespeare, par François Laroque, 918p. Plon, 2016.