UA-71569690-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • As a welcome

    IMG_0230.jpg
     
    (Le Temps accordé. Lectures du monde VII, 2024)
     
    À La Désirade, ce lundi 20 juillet. – Neuf heures du matin : après deux heures de mise en ordre et de premières notes à l’encre verte dans mon exemplaire des Fulgurances de Georges Haldas, Buddha Ghale se pointe avec son grand sourire himalayen, salut rituel mains jointes et cadeaux, soit quatre drapeaux de prière grand format aux cinq couleurs traditionnelles et un t-shirt au motif Climb Up acheté à la boutique Juju de Katmandou dont la publicité recommande : Wear it with Pride. Mais pas moyen de lui offrir un café de welcome : déjà le voici qui empoigne la débroussailleuse à longue perche et me demande, Mister, par où commencer…453157323_10234605145296690_6874883287038340999_n.jpg
     
    HALDAS. – Il ne cesse de m’énerver, et je ne cesse d’y revenir, comme je reviens en pensée à ma chère mère, née en 1916 une année avant lui, tous deux représentant, et mon père de 15 à la même enseigne, un monde disparu de principes et de pratiques dont je suis issu et que je continue à ma façon, adhérant physiquement à Facebook mais métaphysiquement rétif à Tiktok…
     
    DIACHRONIES. – M’attardant ce matin à relire, dans mes archives numérique, des notes datant de 2023 puis de 20218, je prolonge cette expérience curieuse des rapprochements diachroniques que j’ai souvent vécue en remplissant les pages vides de carnets anciens avec des notes plus récentes, comme le cahier chinois amorcé en 1973, l’année de la parution de mon premier livre, et repris ces derniers mois, en voie d’achèvement ces prochains jours à la page 100, où l’on rencontre le Dimitri quadra mort en 2009 (comme l’évoque un autre cahier) ou celle que j’appelle Merline, exilée au Canada depuis des décennies et dont je ne sais si elle a survécu à son époux indien.
    Paul Léautaud se targuait d’avoir vécu deux vies en comptant celle de son Journal littéraire, mais je serais plutôt du genre Proust aux cent avatars de tous les sexes en ma nature ondoyante mais tenue ensemble par une seule entité personnelle, et peu importe que je n’offre qu’un visage à voir à notre ami Buddha, un autre ou plusieurs à l’AB, d’autres encore dans les mémoires de ceux qui m’ont aimé ou subi, et je pourrais étendre l’observation à mes deux filles de 7 ou 37 ans (comme divers carnets en gardent trace) ou plus exactement à « nos » deux filles puisque ma bonne amie reste à tout moment présente avec ses diverses coupes de cheveux de 18 (coupe à la garçonne) ou 28 ans (style Angela Davis à son époque du Groupe Afrique), blonde en 1989 après avoir été brune auburn à nos retrouvailles de 1982, dix-huit ans après notre classe commune de bac, etc.

  • Entre la prairie et l'étoile

    354432928_10231855326672943_1507668453625118490_n.jpg
    (Le Temps accordé, 2023)
    À La Désirade, ce jeudi 15 juin. – Après sa première journée à faucher les hautes herbes d’alentour, notre ami népalais Buddha m’observait avec perplexité, hier soir, en train de préparer mon semainier de médocs, molécules salvatrices de mes deux, à savoir : 10/40 mg d’Ezetimib-Atorvastatin, 75 mg de Clopidogrel, 2 x 2,5 mg d’Eliquis apixaban, 5 mg de Lisinopril, 2 x 50 mg de Metoprolol et 2 x 50 mg de Panzoprazol, qui font en somme de moi un sponsor notable de la Big Pharma, sur quoi je lui ai filé le code de notre wi-fi pour qu’il puisse raconter sa journée aux siens – il a trois beaux enfants et une épouse active dans un choeur folklorique des abords de Katmandou, et quand je lui ai ouvert la fenêtre sur le lac immense et les monts de Savoie en train de se fondre dans l’obscurité violacée, dans la chambre qui lui est dévolue ces jours, il m’a remercié d’un « thank you sir » aussi respectueux qu’amicalement souriant…
     
    DE LA FOI. – C’est avec une émotion sincère que j’ai assisté, récemment, au baptême de notre petite dernière, Elizabeth de son prénom, ointe d’eau bénite tandis que ses deux petits frères tourniquaient autour du curé vietnamien, lequel accomplit le rite avec beaucoup de sérieux et force explications à l’intention des marraine et parrain, entre autres parents, avant de se déplacer devant la statue de la vierge qu’il y avait en retrait pour s’y livrer à un chant d’invocation dans sa langue – et cela m’a touché autant que d’autres probables mécréants ou piètres semi-croyants rassemblés, avec les petites sœurs de Teresa, dans la grande et belle église catho de Bellevaux dont les hautes fenêtres s’ouvrent sur la forêt voisine.
    Or lisant les pages de Michel Onfray qui évoquent le baptême paradoxal du Christ par Jean le guérisseur, et me rappelant le sort des non-baptisés retenus dans les Limbes de la Commedia de Dante, j’ai souri en me remémorant tout ça : ma propre confirmation non moins sincère de petit huguenot de seize ans, les multiples métamorphoses de ce que je n’ai plus guère appelé « ma foi » depuis l’âge de dix-sept ans - au dam de ma mère qui s’en inquiétait plus ou moins -, mon attirance momentanée pour le catholicisme bientôt refoidie par mon ami l’abbé V., ma révolte contre toutes les hypocrisie sociales ou politiques, l’amour de ma douce et la révélation « métaphysique » de notre sort mortel à la naissance de nos enfants, enfin mon rejet absolu du chantage pascalien au salut, mon refus non moins radical de l’idée de rétribution, enfin tout ce que nous avons vécu de bon et de beau dans l’apparente mécréance de notre amour, etc.
    Unknown-1.jpeg
    ANIMA. – Passer de ce que dit Claudel, à propos de Rimbaud, de l’accointance liant l’Animus et l’Anima, dans ses Réflexions sur la poésie si lumineuses parfois, au récit à la fois très érudit, très appliqué et dûment vulgarisé que fait Michel Onfray de la « construction » du rapport entre le corps et l'âme dans la tradition occidentale, d’abord égyptienne et ensuite pythagoricienne, platono-plotinienne et complétée à foison par les Pères de l’Eglise, c’est passer de ce que Peter Sloterdijk appelle la « théopoésie » à un discours théologique fondant bel et bien notre représentation dualiste « à tous les niveaux », et le mérite, alors, du dernier pavé d’Onfray jeté dans la mare des certitudes ou des indifférences, est de proposer un récit personnel qui stimule le nôtre – du moins est-ce mon cas alors que j’ai, déjà, lu les miliers de pages de tous les auteurs qui ont achoppé à La Question, de La volonté de croire de William James à l’Histoire générale de Dieu de Gérald Messadié, entre tant d’autres, jusqu’à La folie de Dieu de Sloterdijk et au chapitre si touchant du physicien Freeman Dyson en conclusion de La vie dans l’univers, qui montre une fois de plus que la foi n’est pas ce qu’on croit…