Que le mec avait un problème, ça je l’ai repéré dès qu’il m’a matée devant le Paradou, avec le métier c’est le genre de trucs que tu flaires.
C’était le style conseiller de paroisse marié. Tu les vois se couler le long des murs et passer trois fois devant toi comme s’ils cherchaient le confessionnal le plus proche, ensuite de quoi neuf fois sur dix ils te font le coup du grand sensible et te sortent la photo de Maman pour se donner du cran, mais celui-là c’était pire.
Quand je lui ai demandé ce qu’il me voulait, il m’a répondu qu’il était Polonais. Je n’y voyais pas de quoi faire un plat, et nous sommes montés, mais tout de suite ça s’est aggravé quand il a vu la photo de Jean Polski au milieu de mes peluches, et qu’il m’a demandé de la retirer de là pendant le rapport.
Je n’invente rien, c’était son expression: le rapport.
Lequel rapport n’a d’ailleurs rien donné. Je sentais bien que la présence du pape, les bras grands ouverts, lui posait un vrai problème, mais je n’allais quand même pas changer ma déco pour un client, même Polonais.
Juste avant de me quitter, il m’a fait la peur de ma vie avec ce coupe-papier qu’il m’a braqué sur la gorge en m’appelant tentatrice, mais là encore il a flanché au point que j’ai dû le prendre dans mes bras tandis qu’il se reprochait de salir la Pologne.
(Extrait de La Fée Valse)
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Élégie cosmique
Nous ne nous quittons pas vraiment:ce n’est que du semblant;nous nous pleurons dans le giletpour ne pas oublierce que fut notre bonne vieau fil de tant d’années,mais à l’instant dans les étoilesnos voiles confonduestrès doucement dériventen partance vers les issues...Si je m’en vais te laissant là,prends bien soin des oiseaux,et si tu partais avant moije m’occupe des chats;le piano ne bougera pas:la mélodie demeureentre nous par delà les heures...Nous nous somme bien entendus,nos enfants nous ressemblent;ce sera beaucoup de chagrinde n’être plus ensemble -en apparence seulement...Car nous ne nous quitterons pas,mais pour nous allégernous semblerons nous faire la belle,et la ronde des sphèressera notre doux carrouselde l’ombre à la lumière...(Peinture: Vassily Kandinsky)