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  • Un certain sourire

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    (Notes d’hosto XII)

    37. Je ne vise personne, je ne tire aucune généralité d’observations limitées à une dizaine de jours et dans un périmètre restreint, je ne crois pas céder non plus à aucune parano de vieille peau inquiète, mais j’ai relevé ce sourire récurrent, ce bon sourire indulgent, ce sourire indiquant la patience professionnelle de la jeune soignante et du soignant de la même génération, mais aussi de la jeune docteure et du médecin frais émoulu de ses études- ce sourire standard adressé au patient fragilisé par l’âge - ce sourire voulu compréhensif, ce sourire aussi protocolaire que la poignée de main systématique de tous ces jeunes gens - ce sourire m’évoquant parfois un masque...

    38. Marie (elles se prénomment toutes Marie) est à genoux à côté de moi comme une hôtesse de l’air en First Class, elle est jolie à ravir, fines attaches et douce dans sa façon de s’exprimer, douce et ferme , et c’est avec fermeté et douceur, quand je lui ai demandé son âge, qu’elle m’a dit non sans fierté visible qu’elle allait sur ses vingt-trois ans et qu’elle se sentait «lancée», que c’était le moment pour nous autres de passer la main (ah la franchise de la jeunesse !) et que , sans doute (ah l’intuition féminine !) je donnais l’impression d’avoir «pris du bon temps» alors même que son sourire engageant me disait plus ou moins «voilà, voilà...» sans réelle considération pour la personne réelle qu’elle avait à veiller cette nuit-là..

    39. D’où ce sourire vient -Il ? D’où me vient l’impression qu’il sert de protection à ces anges blancs peu sexués ? Suis-je injuste en y voyant une sollicitude de commande qui n’a rien de personnel ou peu s’en faut ? Je ne sais pas. Vais-je regretter les vieilles infirmières acariâtres de jadis ou la morgue des patrons de naguère ? Certain jeunisme au sourire de façade va-t-il précipiter mon gâtisme ?

    Que non pas ! Et sourions-en donc plutôt...

    Images: Philip Seelen.

  • Délivrez-nous du blanc...

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    (Notes d’hosto XI)

    34. Le blanc pur est censé symboliser à nos yeux l’état de perfection virginale, alors qu’il est ailleurs signe de deuil, mais l’Hospice occidental où je me trouvé cloîtré depuis quelque temps, inauguré il y a à peine un mois, resplendit d’une blancheur impeccable qui peut, sourdement, inquiéter. J’aurai ressenti cette anxiété hier en me baladant avec mon rollator (nouveau terme paraît-il approprié pour désigner le bon vieux déambulateur de nos aïeux ) du côté des espaces de recueillement, au niveau 0 de l’immense Structure, ou j’ai moins senti la présence de Notre Seigneur irradiant que celle du vide.
    «Je cherche un homme !» s’exclamait je ne sais plus quel philosophe grec à lanterne rôdant de par la cité, et moi je ne trouvais alentour que ce blanc de banquise spirituelle à faire frémir...

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    35. Du moins les Anges, en ce même Labyrinthe des douleurs niées par la décoration extérieure, ont-ils les ailes plus lourdes et souillées qu’ailleurs, poissées de sang ou de sanies, et tout à coup me revient le souvenir puant et poignant de la cour des miracles de l’Hôtel-Dieu parisien, Il y a quelques années, où j'étais arrivé en pissant le sang, et voici que l’hôpital des humains retrouve ici aussi ses couleurs impures et belles et ses gueules cassées sans protocole, ses corps torturés dans le désordre, ses démons bacillaires et ses petite mains angelotes.

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    36. Enfin il y a Claude le brave, qui a remplacé Jean-Paul le taiseux, mon nouveau voisin débarqué en hélico du Pays d’Enhaut au CHUV lausannois après le super Infarctus que lui ont valu ses deux paquets de clopes par jour, opéré là-bas et ramené hier à la place de Jean-Paul pour me prouver qu’i y a encore du lien humain possible en ces lieux; et ce matin Claude le camionneur quinqua me raconte son plus terrifiant accident de la route, une nuit près d'Epinal, son poids lourd arrêté devant un monceau de ferraille monstrueux , des corps partout arrachés d'un transport de jeunes soldats percuté par un routier pas sympa, des cris et des hurlements... sur quoi nous saluons de concert la merveilleuse fluidité du store se relevant électriquement et en silence sur la grande baie de notre chambre commune - hier soir Claude le voyageur me racontait la Route de la Soie qu’il a parcourue avec sa ravissante compagne, et c’est un nouveau jour qui nous est donné - et la Nave va...

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    Images: Philip Seelen